vendredi 12 avril 2019

Shining (version longue : 2h24)

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Stanley Kubrick. 1980. U.S.A/Angleterre. 2h00/2h24 (version longue). Avec Jack Nicholson, Shelley Duval, Danny Lloyd, Scatman Crothers, Barry Nelson, Philip Stone, Joe Turkel, Anne Jackson, Tony Burton, Lia Beldam, Billie Gibson.

Sortie salles France: 16 Octobre 1980. U.S: 23 Mai 1980

FILMOGRAPHIEStanley Kubrick est un réalisateur américain, né le 26 Juillet 1928 à New-York, décédé le 7 Mars 1999 à Londres. 1953: Fear and Desire. 1955: Le Baiser du Tueur. 1956: l'Ultime Razzia. 1957: Les Sentiers de la Gloire. 1960: Spartacus. 1962: Lolita. 1964: Dr Folamour. 1968: 2001, l'Odyssée de l'Espace. 1971: Orange Mécanique. 1975: Barry Lindon. 1980: Shining. 1987: Full Metal Jacket. 1999: Eyes Wide Shut.


La vague de terreur qui balaya l'Amérique est là !
En 1980, Stanley Kubrick entend donner sa définition de l'horreur avec Shining d'après le célèbre roman de Stephen King. Bien qu'infidèle au matériau d'origine, cet opéra vertigineux est entré au panthéon des oeuvres emblématiques de l'horreur contemporaine. Le pitch: Durant une saison hivernale, un écrivain séjourne en tant que gardien dans un hôtel parmi son épouse et son fils. Rapidement, son état mental semble perturbé par l'atmosphère diabolique émanant des couloirs de l'hôtel. Son fils, Danny, possédant le don du "Shining", est par ailleurs en proie à d'horrible visions lui présageant un horrible drame... Stanley Kubrick Stephen King Jack Nicholson ! Trois égéries du 7è art délibérés à formater un concerto de l'horreur dans l'antre d'un fastueux hôtel habité par le Mal. Car en affiliant la hantise, le surnaturel, la divination et le psycho-killer en vogue (nous sommes en 1980 !), le réalisateur réactualise un scénario tortueux illustrant la lente déliquescence d'un écrivain dans la démence. Si bien que tout est ici mis en oeuvre pour nous transfigurer un pur trip horrifique naviguant entre terreur flamboyante et malaise anxiogène sous l'emprise maladive de Jack Nicholson littéralement habité par sa force d'expression erratique. Ainsi, on reste ébahi par le brio de Stanley Kubrick exploitant en plan large les diverses chambres et corridors du luxueux hôtel habité par des spectres indiens (métaphore sur le génocide indien lorsque l'on apprend dès le prologue que la demeure fut construite sur un ancien cimetière indien). Et ce afin de nous embrigader comme les protagonistes dans un dédale de peur contrôlé par Jack Torrance en proie à une démence davantage addictive. De par sa maîtrise technique décuplant d'amples mouvements de caméra à la steadycam ou au travelling latéral afin de mieux nous imprégner de l'atmosphère ombrageuse des salles de l'hôtel, Stanley Kubrick instille de prime abord une peur diffuse avant les furieuses explosions de violence.


De manière assidue et posée, une inquiétude trouble et dérangée émane de l'esprit équivoque du père contrarié. Alors que son jeune fils, Danny, en prise avec ces visions télépathiques macabres (deux filles jumelles retrouvées ensanglantées dans un couloir ou encore un ascenseur déversant des flots de sang), commence à suspecter l'état pathologique de celui-ci. Dans une chronologie irréversible, la plongée dans la folie de Jack Torrance nous sera ouvertement dévoilée auprès du témoignage si démuni de son épouse (qu'endosse intensément Shelley Duval à travers son regard hagard au cime de la dépression !) ayant découvert sur le tard ses divagations manuscrites ("trop de travail et pas de plaisir font de Jack un triste sire", traduit dans la VF par : "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras"). Ainsi donc, l'humeur irascible de Jack ira crescendo au fil d'une montée des marches entreprise à reculons par Wendy nantie d'une batte afin de se protéger contre lui ! Quand bien même à l'extérieur, un cuisinier possédant également le don de "shining" partira en direction des routes enneigées afin de tenter de déjouer le carnage auguré. Dans le rôle de l'écrivain poussé à la folie psychotique, Jack Nicholson laisse libre court à une extravagance davantage sardonique (certaines séquences provoquant d'ailleurs une certaine hilarité ou un rire nerveux). Un monomane alcoolo malmené par les forces du Mal au point de l'influencer à y commettre le pire. Son regard gouailleur renforcé d'un rictus diablotin dégageant une posture iconique à inscrire dans les annales du plus fascinant tueur à la hache ! Sa course intrépide afin d'appréhender son épouse empotée et son fils retors nous valant des confrontations rageuses inscrites dans l'affres de la déraison. Autant dire que les séquences anthologiques se comptent par dizaine, notamment grâce à une direction d'acteurs hors-pair que Stanley Kubrick amorce à la perfection. Et rien que pour ces jeux d'acteurs, Shining demeure résolument incontournable !


L'Oeil du Labyrinthe 
Jalonné de séquences grandioses restées dans toutes les mémoires (l'ascenseur évacuant un océan de sang, l'étreinte avec la femme nue subitement putréfiée, la poursuite nocturne dans le jardin, la fameuse montée des marches, l'attaque à la hache dans la salle de bain), Shining se décline en symphonie de la clameur sous l'impulsion d'une partition classique de Berlioz accompagnée d'un concerto de cordes et percussions. Habité par la présence gouailleuse d'un Jack Nicholson plus fringant que jamais (en mode dégénéré), Shining s'instaure en opéra de peur autour d'une crise conjugale en proie au surnaturel le plus couard. Un ballet funèbre, trouble, malsain et dérangé, concocté parmi l'alchimie formelle de sons et lumières afin d'y brimer le spectateur sous l'impulsion décadente de spectres farceurs.


Note sur la version longue de 2h24:. Elle d'avère à mon sens plus étoffée, détaillée et crédible au niveau de la présentation des lieux et surtout de la caractérisation des personnages. Tant auprès du passé alcoolique de Jack et de ses mauvais traitements autrefois infligés sur son fils, de la profondeur de jeu de son épouse plus névralgique (si bien qu'elle même est à 2 doigts de chavirer dans la démence après avoir été témoin de la folie progressive de Jack) que de la pathologie du petit Dany interrogée par une thérapeute et psychologiquement plus fragile à travers son témoignage démuni à tenter d'avertir sa mère. Enfin, on s'attarde également un peu plus sur l'inquiétude et les démarches téléphoniques du cuisinier afro à tenter d'y rejoindre l'hôtel pour secourir ses occupants.

*Bruno
Dédicace à Ludovic Hilde
12.04.19. 10èx
17.05.12. 205 v

"Shining est un film optimiste. C'est une histoire de fantômes. Tout ce qu'il dit c'est qu'il y a une vie après la mort, c'est optimiste". Stanley Kubrick.
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La photo finale (source wikipedia)
La photo qui termine le film est semblable à la fin quelque peu mystérieuse et ambiguë de 2001. Elle a engendré plusieurs interprétations: la première serait que Jack Torrance, absorbé par l'hôtel, y deviendra un revenant de plus; le seconde serait que Jack a fréquenté l'hôtel hanté par les fantômes dans une vie antérieure, en 1921. Kubrick lui même n'a jamais donné une réponse définitive, préférant laisser les spectateurs décider d'eux mêmes.

Certaines personnes pourront penser que ce dernier plan est signe qu'en réalité, à la scène de la 1ère apparition du barman, nous avons quitté le réel et les hallucinations pour rentrer dans le vrai monde fantastique et surnaturel. L'image du film après analyse et avoir vu le dernier plan, change complètement, et on voit un Jack qui fait un pacte avec le diable dans le but d'avoir de l'alcool pour toujours. Il va devoir tuer son fils en particulier, qui dérange le délire de Jack, ou le monde du diable. Finalement, après avoir échoué, Jack se retrouve mort, mais le dernier plan sur la photo témoigne qu'il a réussi à rentrer dans la "soirée", dans ce monde; on notera son visage heureux. Stanley Kubrick quant à sa vision du film nous donne un indice: "Shining est un film optimiste. C'est une histoire de fantômes. Tout ce qu'il dit c'est qu'il y a une vie après la mort, c'est optimiste". Voilà qui veut tout dire.

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