vendredi 17 janvier 2020

Balada Triste. Lion d'Argent, Venise 2010.

Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Alex De La Iglesia. 2010. Espagne/France. 1h47. Avec Antonio de la Torre, Carlos Areces, Carolina Bang, Enrique Villen, Gracia Olayo, Juan Luis Galiardo, Manuel Tallafé, Manuel Téjada, Sancho Gracia, Santiago Segura.

Sortie en salles en France le 22 Juin 2011

FILMOGRAPHIE: Álex de la Iglesia, de son vrai nom Alejandro de la Iglesia Mendoza, est un réalisateur, scénariste et producteur de film espagnol né le 4 Décembre 1965 à Bilbao (Espagne).
1992: Action mutante, 1996: Le Jour de la bête, 1997: Perdita Durango, 1999: Mort de rire, 2000: Mes Chers Voisins, 2002: 800 Balles, 2004: Le Crime Farpait, 2006: La Chambre du Fils (segment), 2008: Crimes à Oxford, 2010: Balada Triste.

                                      

"Habités par la folie, la haine, la colère, la révolte, la démence de ne pouvoir aimer l'être aimé, faute d'une enfance galvaudée."
Deux ans après son thriller convenu Crimes à Oxford, le trublion hispanique Alex De la Iglesia  nous revient plus revigoré que jamais avec son oeuvre la plus dure, la plus âpre et la plus noire de toute sa carrière. Un odieux poème d'amour fou, l'idylle impossible de deux amants épris de passion pour une jeune funambule lors d'un contexte politique fasciste. Le pitch1937, Madrid. En pleine guerre civile espagnole, un clown est enrôlé de force par les soldats républicains, déployés en force en pleine retransmission d'un spectacle pour enfants. Fou de rage et de haine en interne des combats belliqueux, il décime plusieurs ennemis nationalistes. Arrêté et emprisonné, il consigne à son jeune fils Javier de devenir pour sa postérité un clown triste engagé dans la vengeance. Quelques décennies plus tard, Javier est embauché dans un cirque régi par Sergio, un clown alcoolique et violent, fou amoureux de sa dulcinée acrobate, Natalia. A feu et à sang, pourrait-on évoquer à la vue de ce spectacle flamboyant, hystérique, déjanté, barbare, insolent, irritant, frénétique, d'après les ambitions personnelles du diablotin Alex de la Iglesia plus que jamais engagé à hurler sa haine contre la folie belliqueuse engendrant de graves traumas auprès d'une génération destituée de leur innocence. Une fois encore, l'hystérie collective qui lui est si cher, l'esthétisme visuel à la fois funèbre et pictural, sa structure narrative aussi anarchique qu'éclatée et surtout le portrait baroque imparti aux 2 rivaux délurés convergent au règlement de compte cauchemardesque d'une violence cartoonesque. Sorte de Tex Avery nécrosé de déraison jusqu'à la nausée. Si bien qu'en dépeignant leur lente déprise vers la folie meurtrière à se disputer l'enjeu d'une beauté sensuelle, le réalisateur se mue en pourfendeur à travers une période politique despotique.

                                      

Le préambule ouvrant le rideau sur un spectacle de clowns gesticulant des grimaces pour enjailler les bambins va brusquement varier de ton avec l'écho de mortiers résonnant sous la toile du chapiteau. Si bien qu'une guerre civile dépliée dans les rues adjacentes vient d'interrompre le spectacle pour y affoler les enfants et recruter un clown irascible auprès des champs de ruine. La rupture de ton demeure particulièrement brutale et abrupte puisque nous pénétreront au coeur des combats  chaotiques sous un déchaînement de violences incongrues. A l'instar d'un film de guerre dégénéré, les séquences virtuoses spectaculaires impressionnent par leur réalisme cinglant pour y préfigurer le parti-pris stoïque du réalisateur lourdement accablé par la vulgarité guerrière. Ainsi, ce sentiment d'injustice amère d'une guerre intolérable se répercutera quelques décennies plus tard sur les consciences torturées de deux clowns autrefois privés de leur enfance et d'amour parental, faute des horreurs de cette dictature. Ce qui engendrera un lourd préjudice auprès du personnage si fragile et contrarié de Javier, témoin juvénile des massacres perpétrés en 37 durant la guerre civile, auquel son paternel emprisonné lui aura recommandé d'adopter une mine éplorée pour sa carrière de clown afin de ne jamais oublier ses souvenirs d'une guerre avilissante auprès de la condition précaire des enfants. Désespéré à l'idée de conquérir le coeur de Natalia vulgairement molesté, châtiée et violée par son compagnon, Javier finira donc par se tailler une carrure risible d'ange exterminateur lors d'une idéologie vengeresse que son père lui conseilla lors de leurs séparations. Chaotique, dégénéré, sanglant, mais d'une tendresse désespérée, les images apocalyptiques de fureur commune se succèdent sans répit au rythme d'une danse macabre difficilement supportable, émotionnellement parlant.

                               
Les Clowns tueurs venus de Madrid.
De par sa photo désaturée d'une beauté funeste élégiaque et son score échevelé, Balada Triste nous transfigure un conte vitriolé sur la rage d'aimer d'après deux révoltes identitaires finalement similaires entre elles. Leur fuite chaotique vers une insoluble rédemption amoureuse nous entraînant au sein d'un spectacle surréaliste (sons et lumières désincarnés !) où les expressions écorchées vives se combattent l'autorité avec une déchéance primitive dérisoire. Truffé de références aux classiques du Fantastique, de l'ombre de Batman de Burton (le pingouin est un cousin de Javier), de Santa Sangre, en passant par l'Inconnu de Browning, Balada Triste nous laisse KO d'émotion déchue sous couvert d'un (très) sombre pamphlet contre le franquisme. On en sort donc groggy, choqué, blasé, lessivé, pour ne pas dire déprimé d'avoir observé 1h45 durant (et de manière hypnotique quant à l'attrait attachant des comédiens habités par la démence - les yeux écarquillés -) la plus impitoyable des romances d'une beauté lacrymale inconsolable. 

P.S: âmes sensibles, soyez avertis.

*Bruno
17.01.20
17.07.11. 208 v          

Récompenses2010 : Lion d'argent du meilleur réalisateur et Osella d'argent du meilleur scénario à la Mostra de Venise 2010.
2011 : Prix Goya des meilleurs effets spéciaux ;
2011 : Méliès d'or au festival international du film de Catalogne ;
2011 : grand prix long métrage au festival Hallucinations collectives.

HISTOIREFrancisco Franco.
Francisco Paulino Hermenegildo Teódulo Franco y Bahamonde, né le 4 décembre 1892, à El Ferrol (Galice) et mort le 20 Novembre 1975 à Madrid, est un militaire et chef de l'Etat espagnol. De 1939 à 1975 il présida un gouvernement autoritaire et dictatorial avec le titre de Caudillo (guide) : « Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios ».

1 commentaire:

  1. Luke iron17 juillet 2011 à 14:58
    J'ai vraiment très envi de le voir,mais je sais pas pourquoi j'ai l'impression que je dois attendre le bon moment pour l'apprécier pleinement! Très belle critique of course!

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    Tom26 juillet 2011 à 21:52
    Hello!
    Je viens juste de le voir avec ma copine et c'est juste superbe. Il faut quand même se laisser prendre dans le "train fantôme" mais une fois qu'on s'est assis.. C'est de la folie.
    On passe de rires aux larmes,...
    La dernière image/scène m'a vraiment touché!

    A recommander chaudement!

    A+
    Tom

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    Strange Vomit Dolls27 juillet 2011 à 11:23
    Merci de ton commentaire positif Tom ! ^^

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    Tom27 juillet 2011 à 23:07
    Avec Plaisir! :)

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    lirandel20 septembre 2011 à 19:11
    Bon film en effet ...mais pour moi cela à été une vrai purge visuelle.
    filmé avec caméra Sony CineAlta F35 en HDTV, une image des plus dégueulasse qui fait honte au 7 ième art.

    comment à l'heure actuelle peut on choisir un tel format ?
    c'est un mystère.

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    The Evil's World19 novembre 2011 à 18:31
    Chef d'oeuvre!

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