jeudi 26 mai 2022

Abuela. Prix du Jury, Gérardmer, 2022.

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Paco Plaza. 2021. Espagne/France. 1h40. Avec Almudena Amor, Vera Valdez, Karina Kolokolchykova, Alba Bonnin, Chacha Huang, Pablo Guisa Koestinger.

Sortie salles France: 6 avril 2022. Espagne: 22 Octobre 2021

FILMOGRAPHIE: Francisco Plaza Trinidad dit Paco Plaza est un réalisateur et scénariste espagnol, né le 8 février 1973 à Valence (Valence).2002 : OT: la película (documentaire). 2002 : Les Enfants d'Abraham. 2004 : L'Enfer des loups. 2007 : [REC] (co-réalisé avec Jaume Balagueró). 2008 : [REC]² (co-réalisé avec Jaume Balagueró). 2012 : [REC]3 Génesis. 2017 : Verónica. 2019 : Eye for an Eye. 2021 : Abuela. Prochainement: Hermana muerte. 


"À la fin d'une vie, la vieillesse revient en nausées. Tout aboutit à ne plus être écouté."
Proposition horrifique aussi originale qu'universelle à travers sa thématique houleuse de la peur de la vieillesse, Abuela est le nouveau projet de Paco Plaza, réalisateur inégal néanmoins attachant et intègre à travers son amour du genre qu'il voue sans se lasser. Car élevant le style au 1er degré (il s'agit bien d'une horreur adulte, posée, réfléchie et filandreuse), celui-ci soigne son cadre intimiste d'un huis-clos domestique entre une grand-mère sclérosée et sa petite fille s'efforçant de la soigner à la suite d'une hémorragie cérébrale. Superbement éclairé et photographié à travers ses décors domestiques vétustes où rien n'est laissé au hasard, Abuela dégage dans un premier temps une attirante atmosphère d'étrangeté placide lorsque la fille de 25 ans, mannequin de mode, est témoin d'inquiétants phénomènes inexpliqués sous la mainmise de sa grand-mère aussi mutique qu'insidieuse auprès de ses non-dits et de ses postures à la fois rigides et glaçantes. Ainsi, durant une bonne heure de métrage, on reste attentif au saisissant portrait imparti au 3è âge dans un vérisme documenté tantôt touchant, tantôt répulsif et si attentionné. Paco Plaza accordant autant d'attachement à la condition corporelle de cette dame décharnée impotente que la jeune mannequin (saisissant contraste entre beauté et laideur !) s'efforce de préserver en dépit de ses affres grandissantes pour sa folie mentale qu'elle redoute dans le plus grand désarroi (moment de solitude si poignant dans le resto chinois). 


Mais là ou le bas blesse émane qu'au fil de leurs rapports équivoques toujours plus tendus, ambigus et irraisonnés, le cinéaste emprunte certaines ficelles préjudiciables quant aux réactions morales de la jeune fille finissant toujours par céder à l'amour pour sa grand-mère alors que sa vie est sur le point de basculer dans la déprime et la démence. Tant et si bien que si nous étions à sa place, il me semble que nous aurions probablement (pour la plupart d'entre nous) pris la poudre d'escampette d'assister à tel cauchemar irrationnel en la présence de notre grand-mère potentiellement douée de télékinésie et autre sorcellerie. Et Plaza de poursuivre dans les clichés du genre avec 2 gros évènements meurtriers aussi effroyables qu'imbitables face au témoignage davantage démunie de la jeune fille en quête désespérée d'une main secourable. Quand bien même son final autrement plus intelligent, suggestif et terriblement sournois renoue avec les qualités de la première heure de par son art consommé d'une horreur feutrée diffuse aussi malsaine que dérangeante. 


C'est la perspective de la vieillesse qui nous donne l'envie de vivre.
Clairement non conçu à tous les spectateurs, Abuela demeure perfectible, inabouti, dégingandé, mais pour autant angoissant, malaisant, parfois effrayant et toujours troublant. A l'image de cette dame décatie à 2 doigts de trépasser que campe admirablement Vera Valdez (audacieusement mise à nu dans son corps exsangue, elle est habitée par ses fonctions occultes à travers son regard tantôt neutre, tantôt lestement expressif). On peut autant applaudir la force d'expression névralgique de Almudena Amor en mannequin juvénile l'accompagnant jusqu'à la mort en témoignant de sa vieillesse putrescente avec une appréhension (trop) contradictoire et perplexe. Remarquablement interprété donc (le gros point qualitatif du métrage avant sa mise en scène épurée), Abuela ne laisse pas indifférent si bien que l'on peut également répertorier nombre de qualités substantielles à travers sa réflexion sur la peur de la vieillesse et de la mort autant qu'à celle de la laideur corporelle.  

*Bruno Matéï

Récompenses: Festival international du film fantastique de Gérardmer 2022 : Prix du jury (exæquo avec Samhain de Kate Dolan). 
Prix Feroz 2022 : meilleure bande annonce pour Miguel Ángel Trudu

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