"Chair de luxe, violence sous vide".
Produit entre la Suède, le Danemark et les Pays-Bas en 2018, Holiday demeure une œuvre indépendante encore inédite en salles chez nous, tout comme en support physique DVD/Blu-ray, en dépit des récompenses glanées au Danemark (Meilleur Film, Meilleure Actrice pour Vic Carmen Sonne, Meilleur Second Rôle Masculin pour Lai Yde, Meilleure Photographie) et au Texas (Meilleur Film, Meilleure Photo au Fantastic Fest).
Relatant la quotidienneté luxueuse d'une jeune prostituée au service d’un parrain mafieux, Holiday est un objet sulfureux, profondément dérangeant, au malaise persistant. Sa scénographie pailletée joue avec brio du non-dit, du hors-champ - de la suggestion - malgré deux séquences extrêmes, quasi insoutenables. Deux exactions relevant d’une pornographie brute, sans plan serré, et d’une ultra-violence concise, évoquant le réalisme cru d’Irréversible ou les uppercuts glacés du cinéma de Haneke.
Hypnotique et passionnant, Holiday tient en haleine 1h30 durant, à travers cette banalité insouciante magnifiée par une mise en scène stylisée (photo léchée à l’appui), à la fois personnelle et expérimentale. Le film se concentre sur le profil d’une jeune prostituée incarnée par Victoria Carmen Sonne, bouleversante de naturel, de candeur irresponsable et d’ambivalence morale. Une actrice méconnue, fascinante dans sa passivité docile, subissant la domination d’un amant tortionnaire à la masculinité primitive, dénuée de toute vergogne. Or, une rencontre fortuite avec une vieille connaissance (un touriste néerlandais) mettra Sascha face à sa propre moralité, jusque-là refoulée, prête à jaillir au moment le plus imprévisible.
Malsain dans ses sous-entendus, ses jeux de regard viciés et ses complaisances sexuelles, Holiday dépeint une femme réduite à la consommation de chair dans un cocon domestique luxueux, mais nécrosé. Le film distille une aura vénéneuse, ancrée dans une confrontation psychologique (bourreau/victime) où les rôles, peut-être, pourraient s’inverser sous l'effet d’un sursaut rancunier inéquitable.
Jusqu’au-boutiste et sans fard pour nous extraire de notre zone de confort, le film nous confronte à des figures antipathiques, détestables, dont la scénographie trompeusement apaisée, faussement séduisante, exsude une contagion insidieuse. Holiday cultive un climat d’insécurité rampante, délétère pour le spectateur comme pour sa jeune prisonnière, jusqu’à une conclusion glaçante - amorale, sans illusion - dont on ne ressort pas indemne.
Une œuvre-choc, d’une rigueur dramatique implacable, impeccablement interprétée, brillamment réalisée (gratitude pour Isabella Eklöf alors qu'il s'agit de son 1er essai), avec ce tact perfide qui fait chanceler tout repère dans ce jeu de séduction aux doux relents mortifères.
— le cinéphile du cœur noir
Merci !
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