(Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives).
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"Des ruines jaillit l’animal".
Il est des films indépendants, sortis discrètement en salles - et ce, malgré un Prix Un Certain Regard à Cannes - qui s’éveillent en nous sans qu’on perçoive immédiatement leur pouvoir d’attraction. C’est dire si le réalisateur chinois Guan Hu maîtrise son matériau avec une intelligence souterraine, au point de faire voler en éclats les clichés. Tant dans son refus du sentimentalisme et des bons sentiments que dans sa manière imprévisible de narrer cette histoire d’amitié entre un homme et un chien, au cœur d’un contexte urbain aux doux airs de fin du monde.
Le pitch : libéré après dix ans de détention pour meurtre, Lang retrouve son village natal, en lisière du désert de Gobi, au moment même où les habitants tentent de se débarrasser des chiens errants qui hantent les ruines. Mais après une confrontation houleuse avec un chien noir, Lang finit par se lier à lui. Il l’adopte. Contre l’avis de tous.
Aventure intimiste et parcours initiatique, Black Dog suit cet homme et son chien à travers un village en décomposition, aux allures de western figé dans un no man’s land. Le scope magnifie les paysages que Lang traverse en mobylette, comme en errance silencieuse. Le film touche à la rédemption, à l’exclusion, à la loyauté, à l’amitié. Il pose en creux une idéologie existentielle : penser une nouvelle façon de vivre avec l’animal, dans l’apprentissage du respect et d’un langage commun.
Un paradoxe amer, presque insoutenable, lorsqu’on sait qu’en certaines régions de Chine, la viande canine se consomme encore quotidiennement - et que certaines pratiques, notamment celles du festival de Yulin, relèvent de l’innommable.
Prenant son temps, Guan Hu dépeint un monde lentement effondré, peuplé de marginaux en perte d’humanité. Il brode un récit inattendu de tolérance, qui émerge au fil de la mue morale de ce solitaire laconique, adoptant peu à peu un regard neuf sur l’animal, qu’il croyait sauvage. Constamment transcendé par des images naturelles - solaires ou crépusculaires - entre urbanité de pierre et désert de poussière, Black Dog éclaire la faune animale d’un œil doux, presque fureteur, tendu vers l’humain.
Hommage aux exclus, aux laissés-pour-compte d’un monde en ruines, Black Dog fait peu à peu du chien l’égal de l’homme, face à notre regard contemplatif, épris d’une émotion soudaine, incontrôlée. Le film traite la cause animale comme un sujet moral, avec un tact rare, une pudeur bouleversante. Sa mise en scène, rigoureuse et formaliste, ne laisse rien au hasard ; elle respire l’authenticité. Et dans son final onirique, transfiguré par la nappe tranquille de Pink Floyd, c’est une délivrance qui nous arrache les larmes.
Une œuvre sublime d'autant plus salutaire, qui laisse des traces profondes dans la mémoire - et sème en nous un espoir discret, réservé, quant à la tendresse nouvelle que l’homme pourrait enfin accorder au vivant.
— le cinéphile du cœur noir
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