lundi 20 octobre 2025

Dracula de Tod Browning. 1931. U.S.A. 1h14.

                        (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)

"Dracula : la première nuit du fantastique."

Chef-d’œuvre absolu âgé de quatre-vingt-quatorze printemps, Dracula de Tod Browning prouve, à chaque nouvelle vision, que la magie de la première fois se régénère indéfiniment. Le film lui-même, vampirisé par l’entreprise de son auteur et de la présence archétypale de son acteur, accède ainsi à l’immortalité après s’être nourri du roman de Bram Stoker. Cette fraîcheur originelle, gravée sur pellicule monochrome, confère à l’histoire - pourtant mille fois revisitée - une singularité intacte, que Browning cisèle avec un soin formel hallucinatoire.

Tout concourt à cette envoûtante perfection : la nature environnante imprégnée d’un onirisme crépusculaire, les intérieurs du château drapés d’immenses toiles d’araignées, son escalier en colimaçon s’étirant jusqu’au vertige, les extérieurs noyés de brume, ou encore la demeure familiale où les héros cherchent refuge. Et comment oublier les apparitions spectrales et sensuelles du trio de femmes vampires, voilées de soie, déambulant au seuil du désir et de la mort dans les sous-sols décrépis.

Tout, dans Dracula, transpire un gothisme charnel et sépulcral, un sang du rêve, sublimé par un noir et blanc granuleux à damner un saint. Et Bela Lugosi, de sa prestance hiératique, snobée, maléfique, hante chaque plan, agrippe le regard, fige le temps - jusqu’à devenir, à lui seul, la pulsation nocturne du mythe.

Voilà sans doute ici la sève du cinéma fantastique le plus noble et le plus cher : abolir la poussière du temps, ranimer les spectres séculaires pour nous faire croire, l’espace d’une oeuvre, que l’éternité existe.

— le cinéphile du cœur noir
5èx. Vostf

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