mercredi 28 septembre 2011

Faux Semblants / Dead Ringers. Grand Prix, Avoriaz 1989.

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de David Cronenberg. 1988. 1h55. U.S.A/Canada. Avec Jeremy Irons, Geneviève Bujold, Heidi von Palleske, Barbara Gordon, Shirler Douglas, Stephen Lack, Nick Nichols, Lynne Cormack, Damir Andrei, Miriam Newhouse.

Sortie en salles en France le 8 Février 1989. Canada: 23 Septembre 1988.

FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada). 1969 : Stereo, 1970 : Crimes of the Future, 1975 : Frissons, 1977 : Rage,1979 : Fast Company, 1979 : Chromosome 3, 1981 : Scanners, 1982 : Videodrome, 1983 : Dead Zone, 1986 : La Mouche, 1988 : Faux-semblants,1991 : Le Festin nu, 1993 : M. Butterfly, 1996 : Crash, 1999 : eXistenZ, 2002 : Spider, 2005 : A History of Violence, 2007 : Les Promesses de l'ombre, 2011 : A Dangerous Method

Deux ans après son remake de La Mouche — bouleversante métaphore du SIDA, où les FX organiques portaient à incandescence la métamorphose du héros — David Cronenberg signe à mes yeux son plus grand film. Le plus abouti. Le plus trouble. Le plus douloureux aussi. Un drame humain vertigineux sur la gémellité, la dépendance affective, l’impossible séparation. Adapté du roman Twins de Bari Wood et Jack Geasland, Faux Semblants fut ovationné à Avoriaz, remportant le Grand Prix un an après sa sortie.

Le pitch : Beverly et Elliot Mantle sont deux frères jumeaux, inséparables, praticiens en gynécologie dans une clinique huppée. D’apparence identique, ils partagent tout : leur appartement luxueux, leurs succès professionnels, leurs conquêtes féminines, qu’ils se passent comme des habits. Jusqu’au jour où Beverly, l’introverti, tombe éperdument amoureux d’une actrice, Claire Niveau, atteinte d’une malformation utérine rarissime. Dès lors, l’équilibre se fissure : l’un s’attache, l’autre s’agace. Beverly plonge dans la dépendance, dévoré par l’amour et les amphétamines.


Drame psychologique d’une intensité à vif, Faux Semblants nous entraîne dans une lente et implacable descente aux enfers. Cronenberg y distille un malaise rampant, tapissé d’élégance clinique, pour ausculter le lien fusionnel — presque monstrueux — de deux frères incapables de se définir autrement qu’à travers l’autre. Leur déchéance s’ouvre comme une plaie, nourrie par une histoire d’amour avortée, par une toxicomanie vorace, par l’usure d’une dualité trop parfaite. Elliot, le mondain sûr de lui, propose à son frère plus fragile de partager Claire comme ils ont toujours tout partagé. Mais la jeune femme, stérile, triplement utérine, cristallise les angoisses de Beverly, qui sombre.


Dans ce huis clos de la psyché, Cronenberg manipule les organes comme des symboles — viscères de l’âme et cordons ombilicaux impossibles à sectionner. Le rêve halluciné de Beverly, où les deux frères sont siamois, scelle la métaphore. Les instruments chirurgicaux en or, à la fois fétiches et armes, deviennent objets de fascination morbide. Tout vacille. Leur chute est inévitable. Ils sont deux corps dans un seul cri. Deux identités emmêlées qui ne survivront pas à la dislocation.

Jeremy Irons est démentiel : il incarne cette dualité avec une précision glaçante, un éclat schizophrénique d’une rare subtilité. Autoritaire, érudit, cynique pour l’un ; écorché, dépendant, halluciné pour l’autre. Cronenberg déploie de subtils trucages pour les faire coexister dans le même cadre, accentuant leur trouble indifférenciation. Geneviève Bujold, quant à elle, irradie d’un charme blessé. Claire, femme solitaire multipliant les amants d’un soir, trouve en Beverly un fragment d’apaisement, malgré l’impossibilité biologique d’enfanter. Tous trois forment un trio détraqué, flottant aux confins de l’amour, de la souffrance et de l’aberration corporelle.


"Un seul coeur pour deux corps".
Profondément dérangeant, bouleversant, traumatisant, Faux Semblants est une tragédie moderne sur les liens équivoques de la gémellité. Deux âmes jumelles, incapables de se dissocier, incapables de se sauver. Porté par le jeu magistral de Jeremy Irons et la musique funèbre d’Howard Shore, Cronenberg signe un électrochoc émotionnel sur la déréliction affective, l’échec du sentiment amoureux, la malformation de l’identité et l’implosion du corps. Un chef-d’œuvre noir, vénéneux, inclassable.

*Bruno
Dédicace à Isabelle
28.09.11
19.01.24. 5èx. Vostfr

Récompenses:
Grand Prix lors du Festival international du film fantastique d'Avoriaz 1989.
Prix Génie du meilleur film 1989, décerné par l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision.
Prix du meilleur acteur (Jeremy Irons) et nomination au prix du meilleur film, lors du festival Fantasporto 1989.

La critique de Ruuffet Nelly

Un des meilleurs Cronenberg. Ici, ce dernier excelle dans ce qu'il fait de mieux en nous proposant un métrage dont le caractère horrifique repose sur de l'expérimental et du clinique. Cronenberg nous pousse à nous interroger sur la chair et ses dimensions physico-spirituelles. Les deux frères jumeaux font de leur vie une expérience à un tel point qu'ils font se côtoyer la chair et le monstrueux. Jérémy Irons est magistral et nous propose un double jeu extraordinaire. Paradoxalement, au début du métrage, le spectateur peine à différencier les jumeaux tant leurs faciès et leurs attitudes sont similaires, puis la rencontre entre Beverly et Claire fait tout basculer. Même si Eliott (le + insensible et machiavélique des deux) fait tout pour qu'ils restent identiques, la descente aux Enfers de Beverly nous le montre vulnérable et de plus en plus fragile. Mais qui est le + fragile des 2? Peut-être pas celui que l'on pense.

Claire entraîne Beverly malgré elle dans l'univers des drogues dites « légales ». Ce dernier se shoote afin d'aider sa patiente à concevoir un enfant en poussant son corps dans ses derniers retranchements. Beverly, assoiffé de performances, est malheureusement rattrapé par les limites de son corps, qui reprend ses droits. Car même si le mental tente de transcender la chair, la chair reste de la chair et, si on la triture et essaie de la rendre artificielle, elle devient monstrueuse. Telle pourrait être la moralité du film qui, en ce sens, est la même que celle de La mouche. Beverly ne contrôle plus son corps et sombre alors qu'il interprète mal une entrevue entre Claire et un autre homme. Pensant qu'elle l'a trompé, il se réfugie encore plus dans les somnifères et les anxiolytiques.
Son frère jumeau, Eliott, que l'on perçoit tout d'abord comme un monstre insensible au regard glacial, semble plus humain lorsqu'il assiste, impuissant, à la déchéance de son frère jumeau. Là encore, son penchant pour l'expérimentation reprend ses droits mais cette fois-ci cette dernière est au service d'une noble cause. Par esprit de fraternité, Eliott imite son frère et prend le même traitement que Beverly, les mêmes dosages. Le clinique et le fraternel se cotoient et se confondent. Commence alors une descente vers la démence.
En parallèle de l'évolution du frère le plus froid, qui se calque cliniquement sur Beverly, se développe un imaginaire clinique. Eliott cherche à transcender la chair par le mécanique en créant artificiellement la gémellité chimique des deux frères et tente d'imiter le parcours des premiers frères siamois en recréant des instruments capables de les séparer. Entraîné dans la spirale de la folie, il mais pousse le mécanique jusqu'à l'inhumain en testant des instruments qui ne sont pas faits pour être testés sur des humains sur de vraies patientes. Les consultations deviennent des séances de torture et Beverly le lui fait bien remarquer.
Claire, le tiers jadis à l'origine de la descente aux Enfers des deux frères, devient alors la médiatrice entre ces derniers et intervient tout particulièrement auprès d'Eliott en tentant de lui expliquer par tous les moyens possibles que leur gémellité ne fait pas d'eux des personnes complètement identiques. Les jumeaux ne sont pas des siamois et les dépendances chimiques ne sont pas innées. Mais Elliott ne le comprend pas et continue de pousser ses expérimentations jusqu'à adopter au milligramme près les doses qu'ingère son frère. A force de vouloir pousser leur gémellité jusque dans ses derniers retranchements, la chimie les rattrape et ils sont incapables de faire machine arrière.
Leur fraternité devient monstrueuse, Eliott s'en rend compte mais il est déjà trop tard. La folie l'a gagné et il essaie de sauver son frère en se séparant chirurgicalement de lui. L'imaginaire a dépassé la réalité. Mais Eliott ne voit que cette alternative, aveuglé par sa soif d'expérimentations. Le goût pour la science, poussé à l'extrême, mène à la destruction. Au coeur de la scène finale git un frisson empreint de grâce. Cronenberg a réussi à faire se côtoyer la grâce, l'amour et le frisson horrifique dans ce chef-d'oeuvre, un chef-d'oeuvre comme on en fait rarement à l'heure actuelle. Horriblement magnifique.


                                     

lundi 26 septembre 2011

Les Rats Attaquent / Deadly Eyes / Night Eyes / The Rats


de Robert Clouse. 1982. Canada. 1h27. Avec Sam Groom, Sara Botsford, Scatman Crothers, Cec Linder, Lisa Langlois

Sortie en salles au Canada le 23 Octobre 1982

FILMOGRAPHIE: Robert Clouse est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 6 mars 1928, décédé le 4 février 1997 à Ashland (Oregon). 1962: The Cadillac. 1964: The Legend of Jimmy Blue Eyes. 1970: La Loi du Talion, Dreams of Glass. 1973: Opération Dragon. 1974: La Ceinture Noire, les 7 Aiguilles d'Or. 1975: New-York ne répond plus. 1977: The Pack. The Amsterdam Kill. 1978: Le Jeu de la Mort. 1979: The London Connection. 1980: Le Chinois. 1981: Force 5. 1982: Les Rats Attaquent. 1985: Gymkata, le parcours de la mort. 1990: China O'Brien. 1991: China O'Brien 2. 1992: Iron Heart.


Robert Clouse est un modeste artisan de la série B avant tout réputé pour deux films de Kung-fu iconisés par Bruce Lee (Opération Dragon, le Jeu de la Mort) et pour une formidable dystopie post-apo New-York ne répond plus (précurseur de Mad-Max 2) restée dans la mémoire de la génération 80. Mais en 1982, il cède au genre horrifique avec une série B réjouissante influencée par les écrits du britannique James Herbert, 1er tome d'une trilogie des rats. Le pitchA Toronto, des grains de maïs contaminés provoquent une mutation chez des rats déterminés à décimer la démographie New-yorkaise. Un  professeur de sport est une experte médicale se concertent pour déjouer la menace ayant envahi la métropole avant de se réfugier dans un métro en inauguration.


Complètement occulté de nos jours, cette série B efficacement gérée et réalisée créa son p'tit effet de frousse dans les rayons des vidéo-clubs des années 80 grâce à ces agressions animales du plus bel effet horrifiant. En l'occurrence, Les Rats Attaquent parvient toujours autant à divertir de par la présence délétère de ces fameux rats de taille génialement saugrenue. Mais ici, point d'effets numériques factices  ici mais des trucages ingénieux empruntés à la morphologie de mammifères canins car costumés d'une fourrure de poils et d'une fausse queue (quand il ne s'agit pas de marionnettes mécaniques filmées en plan serré) auquel nous n'y voyons que du feu (et j'ai revu le film ce soir sur un écran de 2M15). Le scénario dérisoire est certes le point répréhensible puisque Robert Clouse s'attarde sur une charmante idylle entre un professeur, le Dr Kate Dravis et sa jeune enseignante tête à claque car follement amoureuse de lui. Pourtant, aussi niais soit ce trio sentimental, la manière professionnelle dont le réalisateur structure le récit et surtout le caractère franchement attachant des personnages réussissent miraculeusement à retenir l'attention sans une seconde d'ennui. Quant aux scènes cinglantes d'attaques animales, elles sont disposées à intervalle assez métronome quand bien même la violence qui en résulte accorde parfois une certaine sauvagerie avec moult gerbes de sang sur les plaies déchiquetées pour notre plus grand plaisir sadien.


Mais c'est surtout lors de son dernier acte que Les Rats Attaquent adopte une tournure autrement folingue et jubilatoire à travers l'implication dantesque de deux scènes anthologiques imparties au mode "catastrophe". En effet, nos rats redoutablement voraces et hostiles vont investir la salle d'un cinéma de quartier (alors qu'est diffusé face écran le Jeu de la Mort !) et décimer tous les spectateurs en panique ! C'est ensuite vers la rame d'un métro qu'ils se dirigeront afin de dévorer les hôtes d'une inauguration. D'ailleurs, on pense inévitablement au même schéma alarmiste initié par les Dents de la mer lorsque ces personnages hautains et véreux réfutent à croire que l'improbable menace est sur le point de saborder leur projet industriel. Mais le caractère sympathique de nos acteurs de seconde zone (la géniale "garce" Sara Botsford, inoubliable catin de Class 84, Sam Groom - Jeux Mortels - et une pléthore d'illustres séries TV des années 70 et 80) parviennent à rendre immersives leurs mésaventures cauchemardesques que l'on savoure constamment avec un art consommé de la fascination morbide.


Agréablement troussé donc avec ces FX adroits et modestement campé par des comédiens avenants (je craque à nouveau pour le regard à la fois badin et lubrique de la sémillante Sara Botsford), les Rats Attaquent doit sa petite notoriété à la physionomie monstrueuse de ces rats particulièrement voraces, teigneux et incontrôlables (au passage, un bébé y trépasse lors d'un horrifiant prologue plutôt halluciné, même si suggéré !). L'intrusion finale et spectaculaire de deux séquences chocs de grande envergure achèvent de nous combler auprès de ce savoureux produit d'exploitation dénué de prétention.  Vivement recommandé aux nostalgiques des années 80 si bien qu'à mes yeux il reste l'un des meilleurs spécimens en terme de rats tueurs après d'Origine InconnueSoudain, les Monstres et La Nuit de la Métamorphose

*Bruno
01.06.22. 5èx
26.09.11.    

jeudi 22 septembre 2011

SERIE NOIRE


d'Alain Corneau. 1979. France. 1h55. Avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant, Bernard Blier, Jeanne Herviale, Andreas Katsulas, Charlie Farnel, Samuel Mek, Jack Jourdan, Fernand Coquet.

Sortie en salles en France le 25 Avril 1979. U.S. 25 Juin 1982.

FILMOGRAPHIE: Alain Corneau est un réalisateur français né le 7 aout 1943 à Meung sur Loire (Loiret), décédé dans la nuit du Dimanche 29 au Lundi 30 Aout 2010 à Paris.
1974: France société anonyme, 1976: Police Python 357, 1977: La Menace, 1979: Série Noire, 1981: Le Choix des Armes, 1984: Fort Saganne, 1986: Le Môme, 1989: Nocturne Indien, 1991: Tous les Matins du Monde, 1995: Le Nouveau Monde, 1997: Le Cousin, 2000: Le Prince du Pacifique, 2002: Stupeur et tremblements, 2005: Les Mots Bleus, 2007: Le Deuxième Souffle, 2010: Crime d'Amour.


Après deux mémorables polars, Alain Corneau porte à l'écran en 1979 le roman de l'américain Jim Thompson paru dans la collection "série noire", sous le titre Des Cliques et des Claques. S'il n'a rencontré qu'un demi-succès d'estime (890 578 entrées au compteur), ce chef-d'oeuvre porté par le talent halluciné de Patrick Dewaere va entraîner au fil des années une réputation de classique impérissable. Franck Poupart est un représentant de commerce incapable de boucler ses fins de mois, faute d'un patron sans scrupule. Vivant dans un foyer précaire en compagnie d'une femme délaissée, il rencontre au hasard de sa clientèle une sexagénaire cohabitant avec sa nièce de 16 ans, Mona. Cette jeune fille est une prostituée aigrie contraint de racoler contre l'autorité de sa tante. Ils tombent communément amoureux. Un jour, elle lui dévoile que la mégère camoufle sous son toit les économies d'une grosse somme d'argent. Ensemble, ils décident de comploter un traquenard pour la dérober.


Alain Corneau, plus inspiré que jamais, nous entraîne ici dans une sordide descente aux enfers sur fond de misère sociale. Ce profil d'un quidam paumé et désoeuvré nous éprouve durant près de 2 heures lors d'une implacable série noire à l'atmosphère dépressive difficilement respirable. Car on nous dresse ici le portrait pathétique d'un homme au bord de la crise de nerf, un sociopathe au confins de la folie humaine car rongé par l'amertume, la morosité de son environnement insalubre, le désespoir de perdurer une existence toujours plus nécrosée. Conscient de sa défaite sociale défavorisée par un patron intransigeant, et lucide de son incapacité à redresser sa situation conjugale, Franck est sur le point d'exploser les barrières de sa moralité pour se laisser dériver vers le meurtre crapuleux. Fantasmant une vie plus autonome et harmonieuse en compagnie d'une mineur mutique de 16 ans, ils vont préméditer un double homicide afin de soutirer une grosse somme d'argent à une rombière. Avec la fausse complicité d'un acolyte d'origine étrangère, Franck décide de se servir de son ami inculte pour mieux feindre sa pitoyable combine et ainsi se déculpabiliser de l'achèvement des odieux crimes.


Baignant dans une ambiance glauque et poisseuse, Serie Noire nous imprègne viscéralement de son environnement en décrépitude à proximité d'une banlieue parisienne engluée par la montée du chômage et de la délinquance. Avec ce portrait jusqu'au-boutiste d'un badaud misérable davantage insidieux et lâche, ce polar rugueux parfois caustique (l'humour tacite provoque parfois l'hilarité) transcende l'illustration d'un fait divers crapuleux de par la déshumanisation d'un acteur de génie, Patrick Dewaere. Un monstre sacré proprement habité par son personnage de marginal erratique à la limite de la démence. Toute la narration s'orientant sur sa dimension psychologique tributaire d'une déchéance sociale miséreuse. L'acteur transi de sentiment misanthrope nous dévoilant ouvertement un festival de gestuelle et mimiques engagées sur l'insolence et l'impertinence d'une crise identitaire. Secondé par Marie Trintignant, l'actrice se fond dans la peau d'une potiche à la mine aussi renfrognée que timorée mais peu à peu éprise d'amour. Myriam Boyer se révèle touchante à endosser le rôle d'une épouse mal aimée incapable d'assumer son statut conjugal de bonne à tout faire ! Enfin, en patron véreux exécrable, Bernard Blier exacerbe à merveille son caractère cynique d'exploiter sans modération un ouvrier en perdition.

                                     

Traversé de célèbres tubes pop des années 70, mis en scène avec souci d'authenticité et transcendé par la prestance écorchée vive de Patrick Dewaere, Série Noire s'achemine au chef-d'oeuvre pour nous noyer dans une misère humaine en décrépitude. Le tableau sinistrosé d'un marginal annihilé par le système. L'un des portraits (humains) les plus durs et cruels que nous ait enfanté le cinéma français. 

A Patrick...

22.09.11
Bruno Matéï


mardi 20 septembre 2011

The Thing


de John Carpenter. 1982. U.S.A. 1h49. Avec Kurt Russel, Wilford Brimley, David Clennon, Keith David, T.K Carter, Richard A. Dysart.

Sortie en salles en France le 3 Novembre 1982. U.S: 25 Juin 1982

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward

                                       

Un an après le crépusculaire New York 1997, John Carpenter enrôle à nouveau son acteur fétiche, Kurt Russell, pour orchestrer un remake de La Chose d’un autre monde. Le terme "remake" paraît presque galvaudé tant cette version réactualisée s’avère être la plus fidèle au court récit originel de John W. Campbell (Who Goes There ?). Échec public lors de sa sortie discrète en 1982, The Thing s’est taillé, au fil des décennies, une réputation de chef-d’œuvre du fantastique moderne, à l’égal des Alien, Shining ou Carrie. Œuvre avant-gardiste (son bide commercial en dit long !), elle amorce la trilogie de l’Apocalypse, dont Prince des Ténèbres et L’Antre de la Folie seront les futurs héritiers.

Le Pitch: Antarctique, 1982. Dans une station de recherche habitée par des scientifiques américains, un chien de traîneau surgit, traqué par des Norvégiens hystériques. Après une confrontation mortelle entre les deux équipes, deux membres du camp US explorent la base ennemie abandonnée. Ils y découvrent un cadavre gelé, qu’ils ramènent pour autopsie. Pendant ce temps, le chien, enfermé parmi d’autres bêtes, laisse bientôt échapper une créature informe, qui prend possession des autres corps vivants.

                                  

Sommet de terreur aussi palpable que souterraine, The Thing est un huis clos implacable où un groupe de scientifiques épuisés s’échine à découvrir lequel d’entre eux est désormais l’hôte d’une entité extraterrestre. Dès le préambule — ces vastes étendues enneigées transpercées par des coups de feu venus du néant —, l’inquiétude s’infiltre, rampante, presque organique. Carpenter distille à la goutte un malaise lancinant, nourri de visions de cadavres gelés, tordus par la peur ou la mutation. Le thème d'Ennio Morricone, grave et minimal, accompagne cette montée de tension d’une noirceur suffocante.

La première agression, surgie du corps du chien, sidère. Et ce qui foudroie littéralement le spectateur, c’est l’excellence absolue des effets spéciaux signés Rob Bottin. Pas d’esbroufe ni de carnaval sanglant : ces scènes de métamorphoses, d’une intensité quasi insoutenable, sont tournées en temps réel, avec des trucages mécaniques d’un réalisme stupéfiant. Du jamais vu à l’époque.


D’autres événements achèvent de plonger le groupe dans une descente aux enfers psychotique, où paranoïa, délire de persécution et peur de disparaître rongent les esprits confinés dans ce sanctuaire glacé. La question taraude, viscérale : qui est encore humain ? Qui va être contaminé ? Un test sanguin est mis en place pour trancher. Ce moment fatidique, sous l’œil clinique de Carpenter, devient un sommet de tension à la limite du supportable. Les effets spéciaux, une fois encore, rivalisent d’ingéniosité, mais ne cèdent jamais au grotesque : la créature, changeante et protéiforme, demeure insaisissable, terrifiante dans sa logique organique implacable.

Tous les comédiens, d’une sobriété glaçante, distillent un doute constant. Kurt Russell mène la danse, non comme un héros viril mais comme un survivant hanté, rongé par la culpabilité d’avoir causé la mort d’un des siens. Barbe hirsute, parka givrée, il avance, porté par une angoisse sèche, un flegme de justesse paranoïde, jusqu’à l’ultime confrontation.


Ne faites confiance à personne !
Jeu de massacre viscéral, épreuve de survie insolente infligée à une poignée d’êtres perdus, The Thing érige la paranoïa en art majeur. Ce sommet d’angoisse glaciaire ausculte l’homme, confronté à son pire ennemi : lui-même. Pour parachever cette œuvre de cauchemar, les FX visionnaires de Rob Bottin entrent à jamais dans la légende : visions cauchemardesques, tangibles, hallucinées — le cinéma n’a plus jamais été tout à fait le même après ça.

* Bruno

P.S: Toute personne avide de redécouvrir ce monument se doit de posséder la magnifique édition Blu-ray sortie il y a quelques années chez Universal ! L'image immaculée s'avérant proprement fastueuse ! Une expérience viscérale qui laisse pantois et qui permet de savourer le film comme au premier visionnage !

20.09.11.    4

                                    

lundi 19 septembre 2011

LE GAMIN AU VELO. Grand Prix au Festival de Cannes 2011.


de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne. 2011. France. 1h27. Avec Cécile de France, Thomas Doret, Jérémie Renier, Olivier Gourmet, Fabrizio Rongione, Egon Di Mateo.
Sortie en salles en France 18 Mai 2011

FILMOGRAPHIE: Jean-Pierre et Luc Dardenne sont des frères réalisateurs belges. Jean-Pierre est né le 21 Avril 1951 à Engis et Luc est né le 10 mars 1954 aux Awirs.
1987: Falsch, 1992: Je pense à vous, 1996: La Promesse, 1999: Rosetta, 2002: Le Fils, 2005: l'Enfant, 2008: Le Silence de Lorna, 2011: Le Gamin au Vélo.


12 ans après la Palme d'Or de Rosetta, drame social ayant révélé au grand public la débutante Emilie Dequenne (Prix d'interprétation à Cannes), les frères Dardenne renouent avec la jeunesse galvaudée sur fond de précarité sociale avec le douloureux portrait d'un enfant abdiqué par son père, Le Gamin à Vélo


Dans la lignée du cinéma de Truffaut et des 400 coups, le Gamin au vélo décrit avec un souci d'authenticité le portrait chétif d'un jeune garçon de 12 ans, incapable d'assumer sa nouvelle vie improvisée dans un foyer d'abandon, en l'attente d'une éventuelle famille d'accueil. C'est suite à une démission parentale engagée par son père que l'adolescent en quête de reconnaissance affective s'engage inlassablement à retrouver les traces de celui-ci incapable d'endosser ses responsabilités civiles. Dès lors, l'errance de ce jeune gamin multipliant les évasions et les crises de violence va voir son destin chamboulé lorsqu'il va faire la rencontre impromptue d'une femme prête à l'accepter pour l'héberger chaque week-end. C'est après avoir retrouvé les traces de son père, foncièrement délibéré à ne plus envisager de l'élever, que Cyril va s'apercevoir du lien familial rompu. Avec son vélo, il déambule quotidiennement dans les quartiers de sa nouvelle cité, à proximité de la demeure de Samantha, jusqu'au jour où suite à une altercation avec un jeune lascard, Cyril va faire la connaissance désobligée d'un dealer réputé par son influence perfide.

                                    

Réalisé sans fioriture et entièrement voué à ses personnages tourmentés débordant d'humanité, les frères Dardenne nous retranscrivent ici sans pathos le douloureux profil d'un enfant désuni, lâchement abandonné par sa propre famille. Le cheminement incertain de cet enfant sauvage, à deux doigts de sombrer dans le drame le plus pénal va démontrer comment un gosse livré à lui même peut facilement sombrer dans la délinquance quand l'amour, l'engagement familial et l'éducation parentale ont été exemptés de son équilibre psychologique et affectif. Ou quand la colère, la révolte et la haine alimentés par le sentiment d'injustice nous entraînent instinctivement vers la fréquentation marginale des laissés pour compte. Le jeune Thomas Doret réussit avec un naturel vigoureux à provoquer l'empathie dans son refus de se plier aux règles des autorités après avoir été banni du coeur de son père. Cette quête désespérée de fuir aveuglément les sentiers de la perdition d'une enfance démunie le mènera vers le danger le plus répréhensible. A moins qu'un adulte responsable ne réussisse in extremis à le rappeler à la raison. Lumineuse et pétillante, Cécile de France aura la difficile tâche d'apporter le soutien nécessaire et l'amour salvateur pour prouver à Cyril que sa vie peut néanmoins être un nouveau départ pour sa postérité.

Réalisé avec autorité, vérité prude et refus de mièvrerie, Le Gamin au Vélo est un drame poignant sur l'enfance fustigée d'une démission parentale. Un portrait en demi-teinte d'un jeune ado humilié, implacablement condamné à renouer avec de nouveaux liens pour pouvoir reconstruire un semblant de famille et cristalliser un avenir fructueux. L'interprétation pleine de justesse de nos deux comédiens impliqués dans une relation conflictuelle contribuant pour beaucoup à la puissance dramatique de cette oeuvre aussi fragile que candide.

19.09.11
Bruno Matéï

vendredi 16 septembre 2011

La Guerre des Etoiles (Star wars : episode IV - A New Hope)


de Georges Lucas. 1977. U.S.A. 2h04. Avec Mark Hamill, Harrison Ford, Carrie Fisher, Peter Cushing, Alec Guinness, Anthony Daniels, Kenny Baker, Peter Mayhew.

Sortie en salles en France le 19 Octobre 1977. U.S: 25 Mai 1977

FILMOGRAPHIE: George Walton Lucas, Junior est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 14 Mai 1944 à Modesto, en Californie. 1971: THX 1138. 1973: American Graffiti. 1977: La Guerre des Etoiles. 1999: La menace Fantôme. 2002: L'Attaque des Clones. 2008: La Revanche des Siths


Deux ans après le triomphe des Dents de la mer qui aura terrorisé des millions de spectateurs (et baigneurs masochistes), un second blockbuster hollywoodien va venir bouleverser le paysage cinématographique avec l'entreprise d'une saga érigée juqu'à présent en 6 volets par George Lucas.
Titre légendaire, La Guerre des Etoiles ou plus familièrement Star Wars est un pur divertissement familial apte à séduire les spectateurs de 7 à 77 ans. Cette énorme production ambitieuse est une forme de réactualisation des Chevaliers de la Table Ronde et de la légende d'Oedipe si on soulève les rapports funestes entre Luke Skywalker et Dark Vador. Bénéficiant d'effets-spéciaux révolutionnaires pour l'époque, ce space opéra flamboyant maintes fois copié (mais surpassé par l'Empire contre-attaque !) reste en l'occurrence un fabuleux spectacle enchanteur au pouvoir de fascination aussi persuasif. Il y a bien longtemps, dans une galaxie très lointaine... Une guerre civile éclate entre l'empire galactique et des insurgés téméraires. Capturé par l'armée de Dark Vador, la princesse Leia Organa se voit contraint de divulguer les plans volés de l'Etoile Noire. Réussissant malgré tout à les confier à son droïde R2-D2, elle lui demande de les remettre au Jedi Obi-Wan Kenobi. C'est le jeune Luke Skywalker, après avoir acheté à bon prix le droide et son complice C-3PO, qui va devoir s'unir avec Obi Wan, le trafiquant Han Solo et Chewbacca pour faire communément preuve de courage et d'effort à tenter de libérer la princesse et ainsi annihiler la station de l'empire.


Spectacle visuel à couper le souffle affiliant la féerie poétique, l'action belliqueuse hérité du film de guerre, de l'aventure, du western et du jeu vidéo, La Guerre des Etoiles est une fabuleuse épopée sur le combat sempiternel du Bien et du Mal. En immortalisant une poignée de héros bien spécifiques dans leur physionomie singulière et leur complicité fantaisiste épaulée de deux droïdes et d'un homme singe mutique, l'équipée engagée de Luke Skywalker, Han Solo et Obi Wan peut débuter ! Georges Lucas établit dans un premier temps chronologique la connexion entre ces personnages vaillants voués à combattre un empire maléfique régi par le diabolique et ténébreux Dark Vador. Avec naïveté infantile pleine d'entrain, de cocasserie docile et de charme poétique, c'est de prime abord les droïdes R2-D2 et son acolyte C-3PO qui attisent la sympathie du spectateur facilement amusé. Baignant dans un univers de voie lactée, et par intermittence dans la familiarité d'un globe terrestre, nous sommes particulièrement curieux et distraits de voir évoluer ces robots livrés à eux-mêmes car échoués sur la contrée de Tatooine. C'est ensuite avec le jeune fermier Luke Skywalker que nous allons prendre fugacement connaissance puis enfin de Obi Wan Kenobi, maître à penser du pouvoir mystique de la Force innée en chaque chevalier Jedi. C'est dans l'ambiance insolite et débridée d'un saloon futuriste regroupant des ethnies éclectiques, comme ce bestiaire de mutants extra-terrestres venus de toutes contrées, que nos comparses vont établir un périlleux compromis avec le marginal Han Solo afin d'unir leur force et mieux concrétiser leur divine mission.


C'est après cette cohésion fusionnelle bâtie sur l'union fraternelle que la seconde partie, capitale pour les enjeux factuels du devenir de l'humanité, va pouvoir enfin faire preuve de bravoure et courage à combattre l'antagoniste quand nos aventuriers de l'espace auront réussi à pénétrer en interne de l'empire de Dark Vador. Action chevronnée maniée au sabre et aux armes lasers sont déployés pour riposter face à l'armée engagée de Dark Vader arborant une multitude de figurants costumés en armure des temps modernes d'un blanc clinquant immaculé. Après avoir sauvé la radieuse princesse Leia et évacuer l'enceinte de la station mécréante, le point d'orgue présagé va culminer son apogée dans une impressionnante course poursuite à travers la galaxie. Un combat aérien de vaisseaux spatiaux élancés à travers l'espace sidéral vont s'interposer pour défendre leur cause et combattre farouchement l'antagoniste hostile (la préservation de l'étoile noire pour l'armée de Vador et sa destruction radicale pour les insurgés pugnaces). Les effets-spéciaux prodigieux, lointainement inspirés des fameux combats d'aviation entrepris durant notre historique seconde guerre mondiale, restent encore aujourd'hui bluffants et superbement chorégraphiés.  Outre la bonhomie attachante des comédiens Harrison Ford, Mark Hamill, Carrie Fisher, Alex Guiness, Anthony Daniels (C-3PO), Kenny Baker (R2-D2) et Peter Mayhew (le grand Wookie poilu), la guerre des étoiles accentue sa dimension épique et ombrageuse envers deux illustres interprètes entrés dans la légende. L'immense Peter Cushing, Grand Moff de l'Empire à la trogne famélique, impassible et dictatoriale affilié à Sebastian Shaw incarnant Dark Vador, icône maléfique sombrement camouflé de noir, à l'esprit perfide beaucoup plus hermétique dans les prochains épisodes à venir.


Spectacle foisonnant haut en couleurs scandé par l'inoubliable score de John Williams, film d'aventures intersidéral doté d'une véritable profondeur mystique (la force instinctive de l'âme apte à réfréner ses doutes pour transcender ses affres), La Guerre des Etoiles est un classique intemporel destiné à séduire et émerveiller dans un alliage d'émotions aussi fougueuses qu'exaltantes. Alloué d'un budget de 11 millions de dollars, son épopée fertile en péripéties ne cède jamais à l'artillerie cinglante de la gratuité et retrouve dans sa modernité insolite le souffle épique, romanesque des films d'aventures d'antan.

Dédicace à Luke (Skywlaker) Mars
16.09.11
Bruno 
                                          

DISTINCTIONS:
1977: Saturn AwardsMeilleur film de science-fiction ; Meilleur acteur : Mark Hamill ; Meilleure actrice : Carrie Fisher ; Meilleur acteur dans un second rôle : Alec Guiness ; Meilleure réalisation : George Lucas ex-æquo avec Steven Spielberg pour Rencontres du troisième type; Meilleur scénario : George Lucas ; Meilleurs costumes : John Mollo ; Meilleur maquillage : Stuart Freeborn et Rick Baker ; Meilleurs effets spéciaux : John Dykstra et John Stears ; Meilleure musique : John Williams (récompensé également pour Rencontres du troisième type).

Los Angeles Film Critics Association Awards :
Meilleur film ;
Meilleure musique : John Williams.
1978: Oscars 1978 : Meilleure direction artistique : John Barry, Norman Reynolds, Leslie Dilley et Roger Christian ;Meilleurs costumes : John Mollo ; Meilleur montage : Paul Hirsch, Marcia Lucas et Richard Chew ; Meilleurs effets visuels : John Dykstra, John Stears, Richard Edlund, Grant McCune et Robert Blalack ; Meilleur son : Don MacDougall, Ray West, Bob Minkler et Derek Ball ; Meilleure musique originale : John Williams ; Oscar pour une performance spéciale : Ben Burtt pour les effets sonores (création des voix d'extraterrestres, robots et créatures).
Golden Globe de la meilleure musique de film : John Williams
Golden Screen du meilleur film
Grammy Award du meilleur album de musique de film : John Williams
Hochi Film Award du meilleur film étranger
Prix Hugo du meilleur film dramatique
Film préféré des américains lors des People's Choice Awards
Prix spécial de la part de la Science Fiction and Fantasy Writers of America
1979: BAFTA : Meilleur son : DonMacDougall, Ray West, Bob Minkler, Derek Ball, Sam Shaw, Robert R. Rutledge, Gordon Davidson, Gene Corso, Michael Minkler, Les Fresholtz, Richard Portman et Ben Burtt. Anthony Asquith Award de la meilleure musique de film : John Williams
Evening Standard British Film Awards :
Meilleur film;
Meilleur acteur : Alec Guiness.
Kinema Junpo Award du meilleur film étranger décerné par les lecteurs de la revue.
1989: Le film a été sélectionné par le National Film Preservation Board pour figurer dans le National Film Registry.
1997: Le film a reçu un prix spécial pour son 20e anniversaire de la part de l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur.
                     

jeudi 15 septembre 2011

LE CERCLE DES POETES DISPARUS (Dead Poets Society). César du Meilleur Film Etranger en 1990. Oscar du Meilleur Scénario en 1989.


de Peter Weir. 1989. U.S.A. 2h08. Avec Robin Williams, Robert Sean Leonard, Ethan Hawke, Josh Charles, Gale Hansen, Dylan Kussman, Allelon Ruggiero, James Waterston, Norman Lloyd, Kurtwood Smith.

Sortie en salles en France le 17 Janvier 1990. U.S: 16 Juin 1989

FILMOGRAPHIE: Peter Weir est un réalisateur et producteur australien né le 21 Août 1944 à Sydney en Australie.
1974: Les Voitures qui ont mangé Paris, 1975: Pique-nique à Hanging Rock, 1977: La Dernière Vague, 1981: Gallipoli, 1982: l'Année de tous les Dangers, 1985: Witness, 1986: Mosquito Coast, 1989: Le Cercle des Poètes Disparus, 1990: Green Card, 1993: Etat Second, 1998: The Truman Show, 2003: Master and Commander, 2011: Les Chemins de la Liberté.


C'est dans ses rêves que l'homme trouve la liberté
Gros succès public et critique lors de sa sortie en 1989, Le Cercle des Poètes Disparus aura su toucher des millions de spectateurs par sa puissance émotionnelle et son immuable éthique sur l'autonomie des êtres aptes à se transcender pour savourer l'instant suprême du moment présent.
Par l'entremise d'un scénario remarquable et de comédiens vigoureux pleins de fraicheur et de fragilité, Peter Weir a appliqué une leçon de vie, un classique inoxydable conçu pour réveiller les consciences timorées qui n'osent canaliser et surtout transcender leurs affres de l'angoisse.

En 1959, dans une stricte académie universitaire de renom, de jeunes étudiants vont faire la rencontre singulière de leur nouveau professeur de lettre anglaise, M. Keating. Cet homme anticonformiste, passionné par l'art de l'enseignement va inculquer à ses novices élèves le fluide du bonheur retrouvé,  la liberté d'accomplir ses rêves en admettant que l'instant présent est une offrande d'une richesse universelle ! 


On ne lit pas ni écrit de la poésie parce que c'est joli. On lit et écrit de la poésie car on fait partie de l'humanité.
S'il y a un film capable de réveiller les consciences, de modifier le destin de notre existence et celle des générations à venir, c'est bien ce cercle ouvert des poètes conquérants. Une confrérie estudiantine soudainement éprise de l'envie d'arborer la vie, d'embrasser avec fougue ce miracle de l'existence par l'entremise d'un professeur habité par l'amour de l'initiation. Celle de permettre à ces jeunes débutants de pouvoir s'extérioriser et d'exprimer librement leurs désirs secrets les plus passionnels.
Comme le prouve le tableau représentant d'illustres ancêtres de jeunes étudiants à la physionomie pleine d'aplomb, ces nouveaux élèves vont furtivement se résoudre à se prendre en main, se jouer de la découverte d'un nouvel univers autrement distinct et de quelle manière épurée le monde en ébullition peut devenir autrement plus fantasmatique par la poésie des vers. Une précieuse doctrine transcendant notre aura terrestre ou l'art d'apprendre et s'épanouir en osant affronter son propre destin. Par la fantaisie du rêve et l'audace désinhibée, M. Keating va déclencher auprès de ces étudiants l'étincelle de l'optimisme. Par la ténuité des mots aptes à convertir l'évolution épique de l'épopée humaine, ce capitaine romantique va leur prouver que l'individualité de chaque être renferme un potentiel d'exception.

Mais l'intransigeance égoïste d'un père de famille drastique et conservateur va totalement bouleverser et chambouler la spontanéité de nos poètes offensés quand le fils de celui-ci, passionné par le théâtre et le jeu de la comédie va désespérément se sacrifier afin de bannir une vie professionnelle antinomique qu'il n'envisageait pas. Ce suicide tragique va inévitablement réveiller la suprématie des conformistes bien pensants, leur intolérance de l'écoute de l'autre, le refus de commuter les règles de l'enseignement régi depuis des siècles par une opiniâtre discipline de fer. Dès lors, le professeur le plus équilibré, indulgeant et salutaire subira les conséquences déloyales de cette innocence meurtrie, avant que les poètes prodiges ne lui rendent un ultime hommage en guise de reconnaissance salutaire.


Robin Williams endosse peut-être ici l'un de ses meilleurs rôles, du moins l'un de ces plus sobres et mesurés dans son aisance innée, sa bonhomie instinctive à prodiguer sa philosophie existentielle auprès d'un groupe d'étudiants en pleine crise identitaire. Robert Sean Leonard est sans doute la révélation du film tant il retranscrit à merveille sa passion de s'épanouir et concrétiser son espoir d'exercer la profession artistique de la comédie vers le théâtre. Fustigé par un paternel austère extrêmement rigoureux, son destin mortuaire va cruellement bouleverser la donne. Un père tout aussi flagellé et déchu à jamais par la mort de son fils dans son iniquité de lui avoir obstruer et briser son nouveau destin immolé. Le jeune Ethan Hawke apporte également une poignante dimension humaine, une fragilité chétive dans celui d'un étudiant introverti, trop timide pour affirmer ses idées et ainsi affronter ses adversaires en pleine reconversion identitaire. Il provoque dans le fameux épilogue une digne empathie en osant entreprendre courageusement un dernier hommage à son professeur limogé de ses fonctions, en s'élevant droit devant sur sa table scolaire, comme le feront chacun de ses camarades. 


La vie est un songe, tout n'est que de vaine apparence. C'est un songe qui dure un peu plus qu'une nuit.
Ode à l'apprentissage de sa foi et ses intimes convictions, hymne à la vie et la liberté d'expression, déclaration d'amour à l'incantation de la poésie gracile, réquisitoire contre l'intolérance, les conformités et le conservatisme, Le Cercle des Poètes Disparus est tout cela à la fois et beaucoup plus encore. Un magnifique récit initiatique sur la quête rédemptrice d'accepter sa personnalité intrinsèque et de banir son inhibition au profit d'affronter les richesses extérieures. Celui d'un univers sensoriel où chaque être humain est une denrée atypique et où les mots inhérents restent les maîtres à penser afin de révolutionner ce qui nous entoure.

A Pascal...

15.09.11
Bruno Matéï

Distinctions:
1989: Oscar du Meilleur Scénario Original pour Tom Schulman.
Meilleur film, meilleure musique originale pour Maurice Jarre aux British Academy Awards.
1990: César du Meilleur Film Etranger.
Meilleur Film Etranger, Prix David di Donatello
Meilleur film Etranger au Joseph Plateau Awards
Meilleur Film Etranger au Ruban d'Argent.

                                        

mardi 13 septembre 2011

Opera. Uncut Version (1h47).


de Dario Argento. 1987. Italie. 1h47. Avec Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini, Daria Nicolodi, Coralina Cataldi Tassoni, Antonella Vitale, William McNamara, Barbara Cupisti.

Sortie salles France: 8 Octobre 1989. Italie: 19 Décembre 1987

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.


Deux ans après l'onirisme limpide du splendide Phenomena, Dario Argento renoue en 1987 avec le Neo Giallo depuis Ténèbres pour l'inventivité des meurtres explicites ainsi que la virtuosité d'expérimentations formellement alambiquées. Echec public et critique lors de sa discrète sortie puisque directement passé par la case Dvd chez nous (en dépit d'une discrète projo salles), l'étrange Opera  s'avère d'une flamboyance esthétique à damner à saint. Surtout après l'avoir redécouvert en format HD grâce à l'éditeur Le Chat qui Fume si bien que nous avons affaire ici à un tout autre métrage de par son format scope et sa version intégrale (en privilégiant selon moi le doublage italien avec l'intervention d'Argento en voix-off à 2 reprises vers le final). Le pitchAvant la représentation de Macbeth de Verdi, une diva est incidemment renversée par une voiture. Betty, jeune cantatrice timorée, est appelée à la remplacer pour endosser son rôle majeur. Mais durant le spectacle, un incident technique a lieu au troisième étage de l'amphithéâtre. Quelques instants après la représentation, un homme retrouvé mort est découvert sur les lieux de l'accident. C'est le début d'une série de meurtres sanglants perpétrés par un mystérieux tueur face au témoignage candide de la jeune Betty prise en otage à observer sans relâche ces crimes sauvages. Ainsi donc, Opéra amorce son spectacle épuré dans la demeure circulaire d'un luxueux amphithéâtre auquel une novice cantatrice y interprète le rôle d'une diva dans Macbeth. La réalisation résolument inspirée d'Argento s'appropriant de l'espace de façon aussi bien fluide qu'acrobatique lors de ses amples mouvements de caméra tributaires du plan séquence vertigineux ! Le concert appuyé d'une voix aigue et scandé de la partition classique de Verdi demeure d'une élégance affinée au moment même où un meurtre liminaire aura lieu, avec en toile de fond un décor baroque crépusculaire où planent de véritables corbeaux !


Par conséquent, Argento prouve avec cet épatant prologue qu'il n'a rien perdu de sa rigueur formelle et de son inventivité pour y gérer un univers flamboyant sous le mode liturgique du crime toléré par un monomane. Et pour ajouter une certaine ambiguïté à l'intrigue détonante, ce dernier exploitera à bon escient le témoignage de corbeaux impliqué dans l'action ainsi qu'une curieuse séquence de rêve fantasmé par l'héroïne lors de ses réminiscences. Et donc, à travers ce songe obscur, diverses tortures y sont perpétrées sur une femme soumise (elle est allongée sur un lit) par un individu masqué. Ces exactions sadiques causées sur elle étant établies du point de vue voyeuriste d'une femme complice et d'une fillette outrageusement prise en otage. Passé ce suspicieux cauchemar torturé, le second meurtre sera commis dans un appartement auquel Betty et un amant de passage y sont confinés. Tout le génie créatif de l'art criminel d'Argento explose à nouveau lors de cette séquence anthologique au cours duquel notre protagoniste est contrainte de contempler un crime face à ces yeux écarquillés. Pour cause, par un ingénieux système délétère, le criminel aura apposé deux rangées d'aiguilles sur du ruban adhésif afin de les plaquer sous chaque oeil exorbité de l'héroïne entravée. De manière à ce que ses paupières ne puissent jamais s'obstruer au risque d'écorcher ses pupilles prises en otage par les aiguilles filiformes. Au passage, le second meurtre asséné au couteau sur le compagnon de Betty est sans doute le passage le plus brutal et sanglant du film. Argento utilisant à nouveau toute sa maestria technique pour impressionner avec une cruauté fertile son abominable homicide occasionné par un tueur machiavéliquement pervers (le couteau acéré pénétrant dans la gorge du témoin pour ressortir ensuite par la cavité buccale au travers de sa dentition !). Spectacle morbide assuré en bonne et due forme donc, qui plus est d'une singularité à toute épreuve ! 


Quelques instants plus tard, un autre crime cinglant aura bien lieu lorsqu'une balle de revolver transpercera l'oeil d'une victime cloîtrée sur l'orifice d'une serrure de porte ! Toutes ses séquences mises en scène avec un art consommé du brio technique demeurant ébouriffantes et jamais gratuites au sein d'une intrigue équivoque peu à peu intelligible. Captivant et déroutant d'après l'ambition expérimentale d'Argento tentant de se renouveler à travers un argument sado-maso de psycho-killer redoutable, Opera nous entraine dans un tourbillon de séquences vertigineuses où la misogynie est à nouveau abordée avec un brin d'originalité pour les étroits rapports du tueur et de la victime. Ainsi, de par sa fulgurance formelle omniprésente (superbe photo opaque à l'appui), Opéra trouble, inquiète, magnétise, dérange, séduit de par sa poésie épurée d'images morbides en constante mutabilité. C'est d'ailleurs sans nul doute l'une des oeuvres les plus maîtrisées du maître d'un point de vue technique sachant qu'il demeure ici en roue libre à exploiter sa caméra de toutes les manières alambiquées possibles et inimaginables. La musique hybride alternant le classique occidental de Verdi et la violence hard-rock renforçant l'aspect déroutant de l'entreprise, à l'instar de son onirisme féérique intervenant subitement lors de l'épilogue et faisant écho au splendide Phenomena (en tenant compte notamment de la beauté ténue de l'actrice soudainement candide passés les éclairs cuisants de sauvagerie !). Et ce de manière crédible, en accord avec le dénouement de l'intrigue criminelle. Enfin, l'idée incongrue de plonger l'univers emphatique de l'opéra au sein d'un psycho-killer franc-tireur converge au spectacle vu nulle part ailleurs. Tant et si bien qu'Opera semble aujourd'hui encore plus percutant et fascinant qu'autrefois de par sa densité émotionnelle aussi diaphane qu'attirante que l'actrice principale (décriée à l'époque) renforce à travers son jeu de fragilité virginale. C'est dire si à l'époque il était en avance sur son temps pour proposer à son public fétichiste un spectacle innovant dénué d'artifices grossiers ou éculés et encore moins de prétention auteurisante (même s'il s'agit bien d'un véritable film d'auteur !). Argento, intègre, motivant et passionné, prouvant une ultime fois son amour pour un cinéma d'horreur créatif, réelle expérience d'une beauté morbide sans égale à vivre en communauté de fans.  


Ouvre les Yeux.
Opera est donc peut-être le dernier grand film du maestro à redécouvrir fissa dans sa version HD immaculée tant il semble renaître sous un jour plus neuf, ouvert et radieux. Pour se faire, nous ne remercierons jamais assez la contribution passionnelle du Chat qui fume.
  
*Eric Binford
09.07.21. 5èx
13.09.11.