vendredi 24 mai 2013

Street Trash. Prix Très Spécial Avoriaz,1987.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Kepster.com

de Jim Muro. 1986. U.S.A. 1h41. Avec Mike Lackey, Bill Chepil, Marc Sferrazza, Jane Arakawa, Nicole Potter, Pat Ryan.

Sortie salles France: 24 Juin 1987

FILMOGRAPHIE: Jim Muro est un réalisateur et scénariste américain, né en 1966 à New-York.
1986: Street Trash


Spécialiste de la steadycam sur de grosses productions ricaines, Jim Muro réalisa au préalable un unique long-métrage alors qu'il n'était âgé que de 19 ans ! Reniant aujourd'hui son film depuis qu'il se serait reconverti dans une secte (d'autres sources évoquent notamment certaines pressions mafieuses qu'il aurait pu subir), Street Trash est un sommet de mauvais goût au gore festif, récompensé à juste titre du Prix Très Spécial à Avoriaz. Le scénario quasi inexistant demeurant un prétexte afin de dépeindre une galerie de personnages marginaux par l'entremise de clodos et de vétérans du vietnam vautrés dans la déchéance, la souillure et l'alcoolisme. Du fond de la cave de son échoppe, un commerçant retrouve une vieille caisse d'alcool frelaté et décide de le commercialiser auprès de sa petite clientèle. Cette boisson prénommée "Viper" se révèle un véritable poison mortel pour le consommateur avide d'émotions fortes ! Si bien qu'après l'avoir ingurgité, les corps des victimes se liquéfient ou explosent sous un déluge de chairs et de sang polychromes ! Au même moment, un flic sans vergogne enquête sur le meurtre d'une jeune femme retrouvée nue dans le quartier mal fréquenté des clochards. Gore, violent, insolent et iconoclaste, véritable pied de nez au politiquement correct, Street Trash est un sommet de dérision toujours plus déviant et malotru. Eludé du moindre héros redresseur de tort ou de protagonistes altruistes, Street Trash ne fait que mettre en exergue la faune de laissés-pour-compte co-habitant au sein d'une casse de voiture avec l'accord de son directeur ventripotent. 


Avec sa réalisation inventive bourrée d'idées incongrues et d'effets de caméra vertigineux coordonnés par la steadycam, Jim Muro pallie la maigreur de son scénario par son esthétisme urbain en délabrement et une profusion d'effets gores décomplexés. Les masses corporelles des pauvres clodos infectés se liquéfiant ou explosant sous un déluge de couleurs criardes. A titre d'exemple emblématique, personne ne put omettre le trépas d'un clochard littéralement enseveli du fond de sa cuvette de WC après qu'il eut ingurgité le fameux "Viper". Le pauvre gars tentant en désespoir de cause de se raccrocher à la chasse d'eau. Pourvu d'effets spéciaux étonnamment soignés et spectaculaires, la plupart des mises à mort improbables se révèlent de belles prouesses techniques et ne cessent de véhiculer une réjouissance désinhibée. L'humour noir et l'esprit potache (telle cette improbable partie de foot avec un pénis !) étant les maîtres mots du réalisateur afin de nous compromettre à un spectacle d'improvisation voué à la transgression. Viol, meurtres, pillages et coups bas étant le lot quotidien d'une bande de clodos alcoolos incapables de vivre en communauté car toujours plus contraints de se trahir pour la quête du profit. Alors qu'au même moment, l'investigation d'un flic impassible aux méthodes expéditives est sur le point d'aboutir ! Si le rythme sporadique peut parfois prêter à une certaine défaillance, la manière dont Jim Muro nous immerge dans son univers de corruption ne manque pas de nous fasciner et maintient l'intérêt par son esprit anarchiste d'irrévérence et de provocation. Car outre les meurtres gratuits et les viols crapuleux, le vomi et la pisse sont également de la partie afin d'y discréditer l'ennemi rival.


Affreux, sales et méchants
Potache, débridé, immoral et violemment trivial, Street Trash s'érige en authentique film culte et se révèle étonnamment moderne de par son esthétisme criard (très) proche d'une production Troma  déployant à outrance des effets gores jamais vu au préalable ! Une expérience glauque filmée à l'arrache d'un semblant de documentaire mais canalisée d'une verve ironique proche du cartoon. Une expérience unique toujours aussi géniale et insensée. 

RécompensesPrix Très Spécial à Avoriaz, 1987
Prix "gore" au rex de Paris, 1987
Corbeau d'Argent au Festival du film fantastique de Bruxelles

*Bruno
21.02.24. 5èx. Vostfr
24.05.13



jeudi 23 mai 2013

Paper House. Grand Prix de l'Etrange à Avoriaz, 1989.

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Zonebis.com

de Bernard Rose. 1988. Angleterre. 1h32. Avec Ben Cross, Charlotte Burke, Jane Bertish, Samantha Cahill, Glenne Headly, Sarah Newbold, Gary Bleasdale.



FILMOGRAPHIE: Bernard Rose est un réalisateur, scénariste, acteur, directeur de photo et monteur britannique, né le 4 Août 1960 à Londres. 1986: Smart Money. 1987: Body Contact. 1988: Paperhouse. 1990: Chicago Joe and the Showgirl. 1992: Candyman. 1994: Ludwig van B. 1997: Anna Karénine. 2000: Ivans xtc. 2005: Snuff Movie. 2008: The Kreutzer Sonata. 2010: Mr Nice. 2011: Two Jacks.


La force imparable de l'authentique chef-d'oeuvre est que même si on connait la fin, on a toujours autant de plaisir à s'y replonger avec l'étrange impression d'y (re) découvrir une oeuvre inédite ! 

Film culte des années 80 honteusement inédit en salles, Paperhouse fit les beaux jours des fantasticophiles qui eurent l'aubaine de le louer auprès de leur vidéo de quartier. Conte initiatique sur la puberté confrontée au deuil d'un être cher, le film de Bernard Rose est une denrée précieuse du fantastique contemporain auprès de son improbable pouvoir de fascination en liaison direct avec l'au-delà spirituel. Le PitchElève rebelle et chahuteuse au point d'avoir été expulsée d'un cours, Anna  entretient subitement une étrange relation matérielle avec ses rêves. En dessinant une maison sur une feuille de papier, elle se retrouve plongée dans un monde parallèle émanant de son autosuggestion. Après avoir appris par son entourage la grave maladie d'un jeune garçon, elle réussit à établir sa rencontre en interne du rêve puis se motive à perdurer leur relation amicale. 


D'après l'oeuvre de Catherine Storr, une écrivaine spécialiste de conte pour enfants, Paperhouse est un ovni singulier à mi-chemin entre le fantastique onirique (scénographie enfantine à l'architecture baroque, nature clairsemée étrangement feutrée) et l'horreur crépusculaire (toute la partie belliqueuse au sein de la demeure centrée sur la venue du père s'avère réellement terrifiante au point de supplanter Freddy Krueger !). Réalisé avec souci de transgression afin d'y bafouer les codes des genres, l'impact immersif de cette oeuvre gracile réside dans son souci d'expérimenter, notamment cet instinct de persuasion à établir un rapport commun entre le monde réel et celui des songes. Avec la dimension humaine d'une fillette candide mais désinvolte (magnifiquement campée par la nature innocente de Charlotte Burke  absolument inoubliable !), Paperhouse nous confronte à son introspection compromise par une absence paternelle (son père violent et alcoolique est en l'occurrence soigné dans un centre spécialisé). Esseulée, incomprise par sa mère et en quête d'identification, elle se conçoit instinctivement un monde parallèle par l'entremise du rêve, puis tente par la même occasion d'épargner de sa propre réalité la mort d'un enfant. Ainsi, par la chimère d'une adolescente à l'imagination fertile, l'étrange relation que l'oeuvre sensible élabore auprès de notre matérialité quotidienne et celui du songe nous entraîne (par la main) dans son délire fantasmatique aussi torturé que libérateur. L'esthétisme formel alloué à toutes les séquences oniriques participant grandement à ce sentiment d'évasion que perçoit l'héroïne en même temps que le spectateur, à ce besoin inhérent d'y escompter un monde meilleur afin de cueillir un climat plus serein. 


Réflexion existentielle sur le sens de la réalité et la motivation du rêve, hymne au pouvoir de l'irréalité (tant auprès du songe que d'une oeuvre cinématographique), métaphore sur la perte de l'innocence sous l'impulsion de nos terreurs enfantines (peur innée d'accéder à la maturité, affres de l'ogre symbolisé ici par un paternel irresponsable), Paperhouse s'achemine en conte clair-obscur pour nous rappeler avec vibrante émotion l'univers prodigieux de notre enfance candide apte aux rêves les plus fous. Un véritable chef-d'oeuvre à la conclusion aussi salvatrice que bouleversante, l'un des plus beaux films fantastiques inscrits sur pellicule. 

*Bruno
06.06.24. Vostfr (une expérience proprement magique). 5èx
23/05/13. 03.02.11

Récompenses: Corbeau d'Or au BIFFF 1989
Grand Prix de l'étrange à Avoriaz, 1989.
Prix de la Meilleure actrice (Charlotte Burke) et Prix spécial du jury à Fantasporto en 1989

mercredi 22 mai 2013

The Nesting (Phobia / Massacre Mansion)

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site lantredelhorreur.blogspot.com

de Armand Weston. 1981. U.S.A. 1h43. Avec Robin Groves, Christopher Loomis, Michael David Lally, John Carradine, Gloria Grahame, Patrick Farrelly.

FILMOGRAPHIE:  Armand Weston est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, décédé le 26 Mai 1988. 1970: The Hot House. 1972: Personnals (documentaire). 1975: The Defiance of good. 1976: Expose me, lovely. 1976: The Taking of Christina. 1978: Take Off. 1979: Radical Sex Styles (documentaire). 1981: The Nesting. 1984: Blue Voodoo (non crédité, dtv).


Inédit en salles dans nos contrées, The Nesting est une curiosité horrifique réalisée par un cinéaste méconnu ayant parfois oeuvré dans la pornographie (Defiance of good serait un incontournable pour les amateurs de X des seventies !). Traitant du thème de la hantise au sein d'une vaste demeure abandonnée, cette série B empreinte notamment quelques éléments à Shining de par la caractérisation de cette écrivaine au bord de la folie, car, outre son problème d'agoraphobie, elle est envahie d'hallucinations cauchemardesques par la cause de fantômes revanchards. Le pitchPour transcender sa peur, Lauren Cochran s'exile afin d'emménager dans une vieille bâtisse octogonale en plein coeur d'une nature forestière. Rapidement, d'étranges évènements surnaturels ne  tardent pas à la persécuter. Déterminée à ne pas se laisser intimider, et pour combattre sa maladie, la jeune femme décide d'y résider mais sombre peu à peu dans une folie paranoïde.


Amateurs d'ambiance latente et feutrée, The Nesting est conçu sous le principe de suggestion afin de vous susciter une angoisse diffuse délicieusement palpable. Le soin alloué à ces décors d'architecture ainsi que l'esthétisme de sa photographie rétro (notamment cette reconstitution flamboyante d'un bordel des années 50) exacerbent sans peine son caractère envoûtant. D'autant plus que sa structure narrative, de prime abord éculée, finit par nous surprendre à travers un alliage de délire insolent (la traque cartoonesque compromise par l'héroïne avec les agissements psychotiques d'un fermier erratique !) et d'épouvante vintage (les apparitions récurrentes des spectres farceurs au sein d'une demeure à l'aura surnaturelle !). Préalablement, et avec une belle maîtrise technique, une séquence vertigineuse confinée sur le toit de la bâtisse va redoubler d'intensité pour la survie de deux protagonistes sévèrement ébranlés par la peur du vide et d'esprits démoniaques ! Si le jeu hésitant de certains comédiens et la pauvreté des dialogues laissent à désirer, le réalisateur reste suffisamment intègre pour nous façonner un petit film d'épouvante affable aussi intriguant qu'immersif ! Qui plus est, sa dernière demi-heure particulièrement débridée laisse place à une succession de rebondissements cinglants afin de nous divulguer tous les secrets d'une filiation vénale. Et de manière frénétique, le réalisateur n'hésite pas dans son dernier acte à user d'esbroufe et de violence rigoureuse de par l'acte crapuleux d'un carnage sanglant filmé sous le mode chorégraphique du slow-motion !


De cette obscure production émane au final un film assez maladroit (mauvaise direction d'acteurs et réalisation dilettante) mais contrebalancé d'un climat d'étrangeté irrésistiblement captivant et d'une structure narrative multiforme assez détonante ! Au final, une belle surprise formellement épurée faisant presque figure d'ovni, malencontreusement dénigrée dans l'hexagone !

*Bruno
Dédicace à Céline Trinci Lavidalie
22.05.13



mardi 21 mai 2013

Histoires d'Outre-Tombe / Tales from the Crypt

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site slashershouse.com

de Freddie Francis. 1972. Angleterre. 1h32. Avec Joan Collins, Peter Cushing, Roy Dotrice, Richard Greene, Ian Hendry, Patrick Magee, Barbara Murray, Ralph Richardson.

Sortie salles U.S: 9 Mars 1972

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Freddie Francis est un réalisateur, directeur de photographie et scénariste britannique, né le 22 Décembre 1917 à Londres, décédé le 17 Mars 2007 à Isleworth (Royaume-Uni). 1962: La Révolte des triffides. 1963: Paranoiac. 1964: Meurtre par procuration. 1964: l'Empreinte de Frankenstein. 1965: Le Train des Epouvantes. 1965: Hysteria. 1965: The Skull. 1966: The Deadly Bees. 1966: Poupées de cendre. 1967: Le Jardin des Tortures. 1968: Dracula et les Femmes. 1970: Trog. 1972: Histoires d'Outre-Tombe. 1973: La Chair du Diable. 1973: Les Contes aux limites de la folie. 1974: Son of Dracula. 1975: La Légende du Loup-Garou. 1975: The Ghoul. 1985: Le Docteur et les Assassins. 1987: Dark Tower.


Produit par la célèbre firme Amicus, Freddie Francis s'était déjà attelé en 1965 au film à sketchs avec le sympathique Train des Epouvantes. Sept ans plus tard, il rempile auprès d'Histoires d'outre-tombe, nouvelle anthologie d'épouvante inspirée des fameux EC Comics (bande dessinée horrifique pour adultes fondée aux usa en 1945). Par ailleurs, elle préfigure la fameuse série TV initiée en 1989 sous le titre homonyme des Contes de la crypte. Composé de 5 segments soigneusement élaborés sur un rythme tout à fait soutenu, Histoire d'outre-tombe suscite une sympathie ardente auprès du spectateur, notamment auprès des nostalgiques d'une époque révolue où les films à sketchs furent à leur ascension (le Caveau de la terreur, Asylum, le Jardin des supplices, la Maison qui tue, puis un peu plus tard le Club des monstres
Le premier sketch empreinte la voie du psycho-killer si bien qu'il préfigure par la même occasion avec 12 ans d'écart les exactions du père noel tueur découvert dans le controversé Silent Night, deadly night. Joan Collins y incarnant avec cynisme le rôle d'une épouse meurtrière lorsque cette dernière décide de supprimer son mari la veille de Noël. Or, à l'extérieur de sa demeure, un tueur fou en liberté se prépare à l'importuner ! Ce huis-clos fort efficacement mené, qui plus est pourvu d'une angoisse davantage oppressante, bénéficie d'un humour macabre assez loufoque pour se railler de cette épouse incriminée. On reste également impressionné par les effets de surprise terrifiants fonctionnant ici à plein régime afin d'y susciter une véritable peur à la fois anxiogène et génialement déstabilisante. Le second sketch, n'apporte pas de grande surprise à travers son cheminement narratif voué cette fois-ci à l'adultère auquel un mari et sa maîtresse décident de plier bagage vers une contrée lointaine. 


Malencontreusement, un accident de la route va sévèrement compromettre leur tentative d'escapade. Défiguré et méconnaissable, le mari infidèle décide de retourner auprès de son domicile conjugal après un temps d'absence prolongé. Là encore, l'ambiance à la fois inquiétante et mortifère qui s'y dégage et les séquences épeurantes redoutablement efficaces qui empiètent le sombre récit diluent à merveille une ambiance cauchemardesque délectable. Le troisième segment illustre le calvaire d'un vieillard reclus dans sa maisonnette parmi la fidélité de ses chiens. Altruiste envers les enfants du voisinage, ce veuf inconsolable se retrouve subitement harcelé par son voisin nanti, délibéré à le faire chasser de sa demeure. Peter Cushing s'insinue avec vibrante émotion dans la peau du vieillard candide empli d'affection pour les enfants de son quartier ainsi que pour sa défunte épouse (il communique avec celle-ci par l'entremise du spiritisme). Le soin alloué à la réalisation et l'empathie éprouvé pour ce sexagénaire nous impliquent sans peine dans son désespoir voué à une cruelle destinée. Mais la saveur macabre du twist final dédié au sacre de la Saint-Valentin nous réconforte pour le châtiment invoqué à son oppresseur en suscitant à nouveau une séquence terrifiante génialement tangible auprès de cette vision d'effroi que n'aurait renié Fulci ou Ossorio ! Le 4è récit s'articule autour d'une statuette ondine auquel un couple avide de richesse décide d'invoquer un voeu qui en amènera deux suivants vers une horrible issue irréversible. Malgré sa courte durée, cet épisode cruel méchamment ironique culmine magistralement sa conclusion vers un terrifiant dénouement dans toutes les mémoires (imaginez une seconde votre enveloppe corporelle et votre âme cérébrale souffrir indéfiniment jusqu'à l'éternité !). Pour l'anecdote subjective, ce sketch me traumatisa à l'époque de mon adolescence et continue toujours de me hanter de manière obsédante à chaque révision. 


Enfin, le dernier chapitre, d'une durée plus longue de 30 minutes, clôt magistralement cette anthologie de contes sardoniques avec le sombre récit d'une histoire de vengeance localisée en interne d'un hospice pour aveugles. Dominé par la prestance renfrognée de Patrick MacGee en leader des aveugles et de Nigel Patrick en directeur castrateur, ce segment intitulé "Blind Alleys" se révèle un sommet de perversité et de sadisme acéré. Si bien qu'une confrérie d'aveugles sera contrainte d'accomplir une vengeance méthodique auprès de leur directeur opiniâtre afin de le châtier de la mort innocente d'un des leurs. Ce sketch d'une perversité raffinée dans l'art d'étudier une vengeance littéralement impitoyable demeure le plus stimulant et jouissif tout en captant à point nommé notre attention à travers la dimension clairvoyante de ces protagonistes atteints de cécité mais redoutablement retors pour se débarrasser de leur bourreau réduite à l'état d'esclave. 


Merveilleusement conté, interprété et mise en scène avec une distinction gothique; Histoire d'outre-tombe demeure constamment magnétique et passionnant auprès de sa facture vintage rigoureusement esthétisante. Enfin, son dernier segment, merveille de sadisme incongrue préfigurant les exactions de Phibes ou Jigsaw, vaut à lui seul la réputation de ce grand classique du film à sketchs si bien que son pouvoir de fascination reste indécrottable. 

*Bruno
17.07.24. 5èx
21.05.13. 



vendredi 17 mai 2013

LA POUPEE DE LA TERREUR (Trilogy of Terror)

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site ddl.ph

de Dan Curtis. 1975. U.S.A. 1h10. Avec Karen Black, Robert Burton, John Karlen, George Gaynes. 

FILMOGRAPHIE: Dan Curtis est un producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 12 Août 1927 à Bridgeport, Connecticut (Etats-Unis), décédé le 27 mars 2006 à Brentwood (Californie).
1966: Dark Shadows (série TV). 1970: La Fiancée du Vampire. 1971: Night of dark shadows. 1973: Dracula. 1973: The Night Strangler (télé-film). 1975: La Poupée de la Terreur. 1976: Trauma. 1977: Dead of Night. 1977: La Malédiction de la veuve noire (télé-film). 1992: Intruders (télé-film). 1996: La Poupée de la terreur 2 (télé-film).


A l'origine conçu pour être le pilote d'une série TV n'ayant jamais vu le jour, la Poupée de la Terreur est un télé-film à sketchs rendu populaire grâce à son troisième segment scénarisé par le célèbre écrivain Richard Matheson. D'ailleurs, le film reçut un tel impact auprès des spectateurs lors de sa diffusion US qu'une suite fut entreprise 20 ans plus tard. C'est au mésestimé cinéaste Dan Curtis que l'on doit cette trilogie de la terreur réalisée en 1975, alors qu'un an plus tard la pièce maîtresse de sa carrière envahissait les écrans américains ! Joyau d'effroi à l'angoisse tangible, Trauma n'eut même pas droit aux honneurs d'une sortie internationale dans notre pays hexagonal ! Le point commun entre ces deux oeuvres est imparti à la présence ombrageuse de Karen Black, dirigée en l'occurrence dans un quadruple rôle ! 


Le premier sketch intitulé "Julie" nous illustre le chantage d'un étudiant pervers pour sa prof de littérature. Si l'histoire agréable à suivre s'avère la plus faible, faute d'un script peu cohérent et d'une chute finale peu surprenante, le jeu d'interprétation et l'efficacité de la réalisation nous permettent de suivre sans ennui cette idylle perfide ancrée dans la soumission et la misogynie. Le second sketch, "Millicent et Thérèse", relève un peu le niveau dans l'entreprise de son suspense ascendant, sa narration psychologique un peu plus dense et le jeu bicéphale de Karen Black. Persuadée que sa soeur thérèse est devenue une femme diabolique et meurtrière, Millicent décide en désespoir de cause d'invoquer l'aide de son docteur. Dans un double rôle, la comédienne réussit parfaitement à rendre convaincant les états d'âme contradictoires de ces deux soeurs à la rancune tenace. Si le twist est facilement prévisible, sa terrifiante révélation ne manque pas d'interpeller le spectateur et de provoquer un futile malaise. Pour parachever, le dernier sketch, "Amelia", est le segment perturbateur auquel une génération de téléspectateurs ainsi qu'une légion de cinéphiles lui vouent un véritable culte ! Après avoir acheté un fétiche africain pour son concubin, Amelia va vivre une véritable nuit d'horreur. Sous l'apparence sinistre de cette poupée de bois se cache un véritable démon délibéré à assassiner sa propriétaire ! Sur le thème des poupées maléfiques, "Amelia" fait sans aucun doute parti des oeuvres les plus incisives et frénétiques qui soit (Chucky n'a qu'a bien s'tenir !). D'une efficacité fertile en rebondissements, Dan Curtis enchaîne les altercations à un rythme effréné dans sa réalisation véloce. Mais surtout, par un habile montage géométrique et une multitude de plans concis, il crédibilise les méfaits meurtriers de cette poupée famélique par ses élans erratiques et furibonds ! Intense, haletant et terriblement sauvage, "Amelia" provoque un impact émotionnel aussi jouissif que terrifiant, notamment au niveau du look patibulaire de ce fétiche africain accoutré de dents acérées ! Jusqu'à la risée de sa chute sardonique !


Si les deux premiers sketchs ont de quoi laisser dubitatif le spectateur exigeant, on ne peut passer outre le savoir-faire de Dan Curtis dans son art de conter une histoire et le jeu insidieux de l'étonnante Karen Black incarnant un quadruple rôle. Mais c'est avec l'impact cinglant de son troisième segment que La Poupée de la Terreur détonne et provoque une véritable stupeur dans son délirant survival en isolement !

17.05.13
Bruno Matéï


    jeudi 16 mai 2013

    LA NUIT DES MALEFICES (Satan's Skin / Blood on Satan's Claw)

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site culturopoing.com

    de Piers Haggard. 1971. Angleterre. 1h32. Avec Linda Hayden, Michele Dotrice, Patrick Wymark, Barry Andrews, Wendy Patbury, Anthony Ainley, Charlotte Mitchell.

    Sortie salles France: 19 Juillet 1972

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Piers Haggard est un réalisateur anglais, né le 18 Mars 1939 à Londres.
    1970: La Nuit des maléfices, 1979: The Quatermass conclusion, 1980: Le Complot diabolique du Dr. Fu Manchu, 1981: Venin, 1994: La Brèche, 2006: Les pêcheurs de coquillage Saison 1.


    Quel bien étrange film que cette Nuit des Maléfices mise en scène par un réalisateur éclectique ayant à son actif une pléthore de longs-métrages, télé-films et diverses séries TV. Si on lui doit en 1981 le sympathique Venin et la 4è aventure de Quatermass réalisée deux ans au préalable, Piers Haggard ne possède guère de réussites probantes au fil de sa carrière. A l'exception de cette modeste production horrifique réalisée avec un souci d'esthétisme poético-funeste. Si le rythme de sa première demi-heure aurait gagné à être un peu plus vigoureux, la suite des évènements se révèle beaucoup mieux charpentée pour illustrer avec force et détails nombre d'incidents inquiétants fondés sur l'emprise de la sorcellerie et le culte satanique.

    Dans un petit village anglais du 18è siècle, d'étranges évènements viennent ébranler la tranquillité des villageois. Alors qu'un paysan vient de découvrir dans son champ une tête d'apparence humaine, certains citadins sont épris d'hallucinations collectives. Une main griffue semble daigner intenter à leur vie sous l'allégeance d'un démon. En prime, au sein de la forêt, une jeune fille perfide pratique d'étranges rites afin d'inciter la population à invoquer Satan en personne. 


    Ce qui frappe d'emblée quand on découvre La Nuit des Maléfices, c'est la beauté formelle impartie à  ces décors bucoliques au sein de sa nature forestière. La gestion du cadre permet en outre de styliser certaines images oniriques d'une étonnante beauté végétale. Cette scénographie foisonnante, le soin alloué au moindres détails dégagent un charme vénéneux étrangement poétique. En prime, le jeu adroit de chaque comédien et la manière inédite à laquelle ils se voient confrontés au Mal renforcent le caractère crédible de cette évocation maléfique. Si les violents incidents qui jalonnent le récit s'avèrent récursifs jusqu'au présage d'un fameux cérémonial, Piers Haggard réussit à insuffler une vraie efficacité dans sa conduite narrative. Par l'entremise d'un stigmate corporel horriblement velu, les villageois sont peu à peu atteints d'une emprise démoniaque incontrôlée. A l'instar d'une épidémie, la plupart d'entre eux éprouvent un irrésistible besoin de provoquer le mal et pratiquer le sacrifice sous l'allégeance d'une sorcière lascive. Le climat d'étrangeté prégnant qui émane du récit et l'horreur de certaines séquences (en se resituant dans le contexte de l'époque !) réussissent à provoquer un malaise sous-jacent, à l'instar du viol communautaire et du sacrifice pratiqués sur une jeune vierge démunie ! Si la plupart des protagonistes se retrouvent tributaires de  l'influence du Mal, le réalisateur leur invoque dans son dernier acte une traditionnelle "chasse aux sorcières" qu'un juge inquisiteur va prendre soin de perpétrer parmi des bénévoles afin d'éradiquer de leur région la présence de Satan.


    Sur les thèmes de l'emprise maléfique, l'influence superstitieuse et la traditionnelle chasse aux sorcières qui s'ensuit, Piers Haggard réalise avec La Nuit des Maléfices une étonnante série B irrationnelle. Un film d'épouvante séculaire particulièrement soigné dans son esthétisme naturaliste et l'aura inquiétante qui en découle, enfin exhumé de l'oubli par les distributeurs d'ARTUS FILMS !

    Dédicace à ARTUS FILMS
    16.05.13
    Bruno Matéï

    mercredi 15 mai 2013

    MISS BALA

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site downloadfilmkv.blogspot.com

    de Gerardo Naranjo. 2011. Mexique/U.S.A. 1h53. Avec Stéphanie Sigman, Noe Hernandez, Miguel Couturier, Jose Yenque, Irene Azuela, Gabriel Heads, James Russo.

    Sortie salles France: 13 Mai 2011. Mexique: 9 Septembre 2011

    FILMOGRAPHIE: Nicolas Lopez est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur mexicain.
    2004: Malachance. 2006: Drama/mex. 2008: Voy a explotar. 2010: Revolucion. 2011: Miss Bala


    Film coup de poing d'une intensité dramatique éprouvante, Miss Alba relate avec réalisme rugueux le destin de Laura Guerrero, une jeune mexicaine postulant pour un concours de beauté afin de subvenir à sa famille. Après avoir été témoin de meurtres et de la disparition de son amie, elle est engagée par une organisation criminelle, l'Etoile, pour être impliquée contre son gré dans des missions périlleuses. Incapable d'avoir un quelconque soutien du côté de la police, elle se retrouve embarquée au sein d'une guérilla criminelle auquel l'Etoile envisage d'intenter un attentat contre le général Salomón Duarte. A l'instar d'un reportage pris sur le vif à la maîtrise technique stupéfiante, Gerardo Naranjo nous établit le constat implacable d'un état mexicain englué dans la corruption et la violence. Celui d'une criminalité omniprésente (la guerre de la drogue a fait plus de 36 000 morts entre 2006 et 2011) auquel le trafic de drogue génère plus de 25 milliards de dollars par an. Qui plus est, la ville au cours duquel se situe l'action fut préalablement considérée comme la plus violente du monde entre 1992 et 2001 (elle passera ensuite à la seconde position à partir de 2008). Ainsi, à travers le sombre destin d'une jeune otage mexicaine contrainte de travailler pour un cartel mafieux, le réalisateur nous fait pénétrer à l'intérieur de cette milice avec l'efficacité d'un souci de vérité à couper le souffle ! 


    Parmi la présence de l'héroïne, nous sommes véritablement plongés dans un univers chaotique de précarité, contraints de suivre quotidiennement les exactions meurtrières de l'Etoile. Alors qu'au creux des cités urbaines, et en dépit de la présence sournoise de la police, un sentiment d'insécurité permanent s'y est instauré. Avec une belle densité psychologique, Gerardo Naranjo nous dépeint notamment un magnifique portrait de femme déchue au courage singulier. Epiée, fustigée, abusée, violée par son leader et incessamment expédiée de force vers des missions belliqueuses pour le bénéfice de la drogue, Laura Guerrero doit en alternance concourir (aussi paradoxal soit-il) au concours de Miss Alba financée par sa propre organisation. Incarné par la beauté méditerranéenne Stéphanie Sigman (dont il s'agit ici de son 2è rôle pour un long-métrage), l'actrice révèle une grâce fébrile dans son humanité déchue, sa bravoure insensée pour la survie et son désespoir forcené de ne pouvoir s'extraire de sa haute hiérarchie. Cette jeune actrice habitée par la candeur illumine l'écran de sa présence longiligne avec une pudeur émotionnelle particulièrement poignante pour sa retenue introvertie.


    Jalonné de séquences d'action cinglantes étourdissantes de frénésie dans sa mise en scène virtuose et pourvu d'une ambiance ténébreuse (renforcée de la monochromie d'une photo sépia), Miss Bala fait également la part belle au suspense sous-jacent afin de connaître l'issue fataliste de cette femme objet. Un film choc hypnotique donc qui dénonce avec une vigueur implacable toute forme de corruption implantée par les puissants cartels de la drogue, tout en pointant du doigt la misogynie d'une société machiste. Louablement, cette violence radicale qui prédomine l'intrigue se refuse à toute esbroufe complaisante afin de mieux coller à la réalité sordide du sujet. On peut même d'ailleurs songer à du John Carpenter auprès de la maîtrise des séquences d'action stylisées épaulées d'un format scope.

    Dédicace à Karine Philippi
    15.05.13.
    Bruno Matéï




    vendredi 10 mai 2013

    THE PLACE BEYOND THE PINES

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmsfix.com

    de Derek Cianfrance. 2012. U.S.A. 2h19. Avec Ryan Gosling, Bradley Cooper, Rose Byrne, Eva Mendes, Ray Liotta, Bruce Greenwood, Dane DeHaan.

    Sortie salles France: 20 Mars 2013. U.S: 29 Mars 2013

    FILMOGRAPHIE:  Derek Cianfrance est un réalisateur et scénariste américain, né le 23 Janvier 1974.
    1998: Brother Tied. 2010: Blue Valentine. 2012: The Place Beyond the Pines. 2014: Chef.


    Un an après s'être fait révélé dans Drive, Ryan Goslin se retrouve à nouveau catalogué dans le rôle du "bad boy au grand coeur" dans un polar flamboyant traversé d'éclairs de poésie lyrique. Si l'acteur reprend le personnage qu'il avait incarné dans le polar stylisé de Nicolas Winding Refn, il se révèle ici un peu plus extraverti et beaucoup plus irréfléchi dans son caractère obtus en multipliant les bourdes irréparables. Pourtant, le pitch de départ laisse craindre un film policier conventionnel entièrement bâti sur sa notoriété (un cascadeur paumé décide de braquer des banques pour subvenir à sa famille). Mais The Place beyond the pines s'avère un astucieux simulacre constamment surprenant par la densité d'un scénario impeccablement charpenté. Si les clichés usuels précités pullulent dans sa première partie, le réalisateur réussit à les exploiter avec l'efficacité d'une réalisation circonspecte entièrement vouée à l'étude caractérielle de ses personnages. Scindé en trois parties distinctes, la trame préalablement éculée va donc peu à peu développer une nouvelle intrigue bâtie autour d'un autre personnage éloquent, un flic de routine compromis à une bavure policière. Par la faute de son acte, cette nouvelle entrée en scène de ce personnage équivoque va nous ensuite nous confronter vers un retournement de situation d'une audace inouïe, à tel point que le spectateur dérouté aura du mal à concevoir cette réalité !


    C'est véritablement à partir de sa deuxième partie plus intense que le film empreinte une dimension plus inquiétante par son suspense sous-jacent en traitant d'un cas de corruption policière. Là encore, les clichés reprennent du galop dans l'illustration scrupuleuse d'un flic épris de remord, prêt à balancer ses collègues ripoux (on pense à Copland et Serpico) pour se racheter une conscience, et par la même occasion accéder à un poste plus important. Sous ce canevas ressassé mais inexorablement captivant de maîtrise, on se demande tout de même où souhaite nous mener le réalisateur ! Vers la dramaturgie  d'une troisième partie vertigineuse où la fragilité des personnages va prendre un tournant décisive pour leur destin imparti. Ainsi, à travers le sort galvaudé d'un braqueur solitaire sans repères, faute d'un père absent, Derek Cianfrance aborde donc sans fioriture les thèmes de la démission parentale et de la filiation dépendante d'une délinquance juvénile. Des répercussions désastreuses que peuvent subir les enfants quand la lâcheté d'un homme de loi s'est résolu à préserver un odieux mensonge. De cet acte immoral va déboucher le remord, la quête de repentance mais aussi la rancoeur vindicative du point de vue des victimes, leur quête de vérité auquel deux adolescents vont communément devoir s'affronter pour retrouver un semblant de dignité.


    Fascinant et incessamment envoûtant, The Place beyond the Pines s'érige en drame humain en démontrant à quel point l'absence parentale, le mensonge et la corruption peuvent véhiculer de lourdes contrariétés, voires des blessures incurables sur la postérité. Réalisé dans un souci de réalisme documenté et magnifiquement dirigé par des comédiens vacillants (Eva Mendes et le jeune Dane DeHaan sont bouleversants de rancoeur meurtrie !), ce polar en trois actes exacerbe toujours un peu plus son cheminement irréversible jusqu'au dénouement irrévocable. Un grand moment de cinéma lyrique porté par la grâce de ces acteurs (le bellâtre Bradley Cooper n'eut jamais été aussi convaincant !) au service d'une narration au cordeau.  

    10.05.13
    Bruno 


    jeudi 9 mai 2013

    ED WOOD

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site alexandrestojkovic.blogspot.com

    de Tim Burton. 1994. U.S.A. 2h06. Avec Johnny Depp, Martin Landau, Patricia Arquette, Sarah Jessica Parker, Bill Murray, Jeffrey Jones, Lisa Marie.

    Sortie salles France: 21 Juin 1995. U.S: 28 Septembre 1994

    FILMOGRAPHIE: Timothy William Burton, dit Tim Burton, est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 25 Août 1958 à Burbank en Californie.
    1985: Pee-Wee Big Adventure. 1988: Beetlejuice. 1989: Batman. 1990: Edward aux mains d'argent. 1992: Batman, le Défi. 1994: Ed Wood. 1996: Mars Attacks ! 1999: Sleepy Hollow. 2001: La Planète des Singes. 2003: Big Fish. 2005: Charlie et la Chocolaterie. 2005: Les Noces Funèbres. 2008: Sweeney Todd. 2010: Alice au pays des Merveilles. 2012: Dark Shadows. 2012: Frankenweenie.


    Edward D. Wood Jr continua le combat à Hollywood, mais le succès ne cessa de lui échapper. Après un lent naufrage dans l'alcool et des films d'horreur "dénudés", il mourut d'un crise cardiaque en 1978. Il avait 54 ans. 
    Deux ans après, il fut sacré "plus mauvais réalisateur de tous les temps", ce qui lui valut la reconnaissance internationale. Depuis, des cinéphiles du monde entier lui vouent un culte. 

    Voici mon hommage...

    Eloge à l'industrie du cinéma Z à travers un réalisateur en herbe, Ed Wood relate la biographie d'un personnage hors normes, considéré comme le cinéaste le plus mauvais de tous les temps. En alternant drôlerie et émotion, le film déclare également une révérence à l'un des grands acteurs du cinéma d'épouvante (Bela Lugosi, transcendé ici par la prestance du vétéran Martin Landau !). Dans une superbe photo monochrome, Tim Burton nous retrace le parcours improbable d'un artiste du cinéma transi de volonté pour sa passion du cinéma. Avec une équipe d'accessoiristes et d'acteurs au rabais, ce réalisateur excentrique (il se travestissait parfois en femme durant ses tournages !) n'aura de cesse d'user d'impertinence et de boniment afin de convaincre n'importe quel producteur à sa portée que son futur projet sera voué à la notoriété. Fasciné par l'oeuvre emblématique d'Orson Welles baptisée   Citizen Kane, Edward D. Wood Jr se persuada qu'il possédait le talent inné pour façonner des oeuvres aussi substantielles par l'entremise du cinéma de genre. Mais surtout, l'amour sincère qu'il allouait à l'acteur hongrois Bela Lugosi était si digne qu'il réussit à convaincre ce dernier d'incarner des rôles de faire-valoir dans ces oeuvrettes les plus saugrenues. C'est d'ailleurs avec Plan Nine from outer space (financé par l'église catholique !), qu'Edward D. Wood parvint à accéder à la postérité. 


    Avec une humble humanité, Tim Burton délivre notamment un poignant hommage à un illustre comédien immortalisé par son rôle vampirique mais malencontreusement réduit à l'indifférence vers la fin de sa carrière. Dépendant de la morphine et réduit à la solitude depuis le décès de son épouse, Bela Lugosi traîne ici sa silhouette sous l'apparence du comédien Martin Landau. Littéralement habité par son entité, l'acteur insuffle avec une émotion élégiaque le portrait déclinant d'une légende sclérosée. Une ancienne célébrité isolée du monde extérieur et réfugiée dans ses souvenirs populaires, hanté à jamais par son incarnation de Dracula. Sa relation amicale qu'il finit par entretenir avec Ed Wood  nous émeut par leur complicité mais aussi leur tendresse commune impartie à la chimère de la caméra ! Dans le rôle d'Ed Wood, Johnny Depp véhicule une spontanéité pleine d'extravagance pour retranscrire les états d'âme d'un luron amateur émerveillé par l'omnipotence du cinéma ! Avec des moyens techniques dérisoires et une équipe de seconds rôles non professionnels, ce personnage facétieux usa de constance dans ces audaces, mensonges et subterfuges pour parvenir à ses fins et filmer coûte que coûte les plus improbables divagations ! 


    Transcendé par la prestance de comédiens férus de naturel et d'enthousiasme, Ed Wood condense la  flamboyante biographie d'un baladin entièrement voué à sa passion de cinéphage. Car en dehors du portrait alloué à une autre légende du cinéma de genre, ces deux témoignages engendrent un vibrant hommage à tous ces artisans discrédités de leur précarité mais pour autant transis d'amour pour leur foi au 7è art. Depuis ses travaux, Ed Wood, le personnage, est devenu l'emblème du nanar débridé à la poésie nonsensique ! Cette ultime déclaration d'amour aux séries Z se clôturant sur un bouleversant mémorial à tous ces quidams laissés dans l'ombre des projecteurs.

    09.05.13. 2èx
    Bruno Matéï

    Récompenses: Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle pour Martin Landau
    Meilleurs Maquillage pour Rick Baker, Ve Neill et Yolanda Toussieng
    Golden Globes du Meilleur acteur dans un second rôle pour Martin Landau
    Saturn Awards du Meilleur Acteur pour Martin Landau, Meilleure Musique pour Howard Shore
    Screen Actors Guild Award: Meilleur Acteur dans un second rôle pour Martin Landau
    NSFC Awards: Meilleur Acteur dans un second rôle pour Martin Landau, Meilleure Photographie pour Stefan Czapsky.

    mercredi 8 mai 2013

    THE PROPOSITION. Grand Prix du Jury, Valenciennes, 2009

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site forum.westernmovies.fr

    de John Hilcoat. 2005. Australie/Angleterre. 1h44. Avec Richard Wilson, Noah Taylor, Guy Pearce, Jeremy Madrona, Jae Mamuyac, Mick Roughan, Shane Watt.

    Sortie salles France: 16 Décembre 2009

    Récompenses: Festival International de Valenciennes: Grand Prix du Jury
    Australian Film Institute: Meilleure Photographie (Benoît Delhomme), Meilleurs Costumes (Margot Wilson), Meilleure Musique originale ( Nick Cave, Warren Ellis), Meilleure Production
    Australia Film Critics: Meilleure Photographie (Benoît Delhomme), Meilleure Musique originale (Nick Cave, Warren Ellis).
    Chlotrudis Awards: Meilleur Scénario (Nick Cave)
    Inside Film Awards (IF Awards): Meilleure Photographie (Benoît Delhomme), Meilleur Film, Meilleure Musique (Nick Caven Warren Ellis), Meilleure Production
    San Diego Film Critics: Meilleur Second rôle (Ray Winstone)  
    Festival de Venise: Prix Gucci du Meilleur scénario (Nick Cave)

    FILMOGRAPHIE: John Hilcoat est un cinéaste australien, né en 1961 au Queensland. 
    1988 : Ghosts... of the Civil Dead. 1996 : To Have and to Hold. 2005 : The Proposition. 2009 : La Route (The Road). 2012 : Des hommes sans loi (Lawless).


    Avant de se faire connaître auprès du public avec son odyssée post-apo, la Route, John Hilcoat réalisa 4 ans plus tôt un western crépusculaire imprégné de poésie métaphysique. Transcendé de la prestance de ces antagonistes vénaux, The Proposition retrace le cheminement funeste du gang des frères Burns ainsi que la quête rédemptrice du capitaine Stanley, un homme de loi contrarié par son éthique judiciable. Le pitchA la fin du 19è siècle, dans l'état australien, les frères Mickey et Charlie Burns sont capturés par les hommes de main du capitaine Stanley. Afin de retrouver la trace d'Arthur Burns, le troisième frère responsable de viol et assassinats, Stanley leur propose une transaction. 9 jours durant, Charlie aura l'opportunité de se lancer à sa recherche pour le tuer en échange de sa liberté et celle de Mickey. 



    Western laconique à l'ambiance mystique lancinante, The Proposition est un chemin de croix, et plus explicitement une plongée introspective dans les méandres opaques de la nature humaine. Car à travers le portrait d'anti-héros pervertis par leur animosité mais contrariés par les répercussions, John Hilcoat  nous entraîne dans leur dérive putassière au sein d'une société raciste en perdition. Si bien qu'ici, tous les hommes de loi se vautrent dans une violence permissive auprès des esclaves noirs alors que les hors la loi continuent leurs exactions sanguinaires par arrogance vindicative mais aussi accoutumance. Cette complaisance gratuite de crimes, sévices et flagellations débouchant sur une remise en question morale afin d'éveiller les consciences. Celle d'un peuple subitement lucide que la sentence barbare n'est qu'une débauche insupportable. Celle de Charlie, gangster indécis rongé par la culpabilité d'avoir entraîné vers la mort l'innocence de son frère cadet ainsi que l'influence nuisible que l'aîné autoritaire ait pu leur procréer. Et enfin celle de Stanley, mari fidèle et attentionné pour la candeur de son épouse (elle ne sait rien de sa justice expéditive) mais officier meurtri, davantage conscient de sa déchéance primitive, si bien que cette violence laxiste le mènera vers une déroute irréversible.


    Le gang des Frères Burns
    Magnifiquement photographié sous une nature solaire pleine de lyrisme (elle n'a de cesse de questionner l'être humain !) et superbement interprété par des comédiens aux trognes contractées, ce western ardu nous établit le constat impitoyable d'une société animale compromise par une justice discriminatoire. Réflexion sur la gangrène de la violence dont l'être humain ayant osé s'y fourvoyer en est sévèrement châtié, The Proposition est un électro-choc d'une intensité si acerbe qu'il est difficile d'en sortir indemne. L'un des westerns les plus rugueux jamais réalisés (la séquence de flagellation est franchement insupportable et hante les mémoires bien au delà de la projection !) mais un poème existentiel sur le sens de l'éthique et la quête de rédemption. 

    08.05.13
    Bruno Matéï


    mardi 7 mai 2013

    Evil-Dead 3, l'Armée des Ténèbres / Evil-dead 3, Army of Darkness

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site holypapershit.wordpress.com

    de Sam Raimi. 1992. U.S.A. 1h36 (Director's cut). Avec Bruce Campbell, Embeth Davidtz, Marcus Gilbert, Ian Abercrombie, Richard Grove.

    Sortie salles France: 5 Janvier 1994. U.S: 19 Février 1993

    FILMOGRAPHIE: Sam Raimi est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste américain, né le 23 Octobre 1959 à Franklin, Etats-Unis. 1981: Evil-Dead. 1985: Mort sur le Grill. 1987: Evil-Dead 2. 1990: Darkman. 1993: Evil-Dead 3. 1995: Mort ou Vif. 1998: Un Plan Simple. 1999: Pour l'amour du jeu. 2000: Intuitions. 2002: Spi-derman. 2004: Spider-man 2. 2007: Spider-man 3. 2009: Jusqu'en Enfer. 2013: Le Monde fantastique d'Oz.


    Troisième volet de la saga Evil-dead, l'Armée des Ténèbres rempile pour un nouveau délire horrifique privilégiant cette fois-ci l'action homérique et l'aventure mythologique à renfort de comique cartoonesque. Hommage au maître du stop motion Ray Harryhausen (l'armée de squelettes livrant une bataille insensée), témoignage au gothisme transalpin (la séquence crépusculaire du moulin puis celle du cimetière), Evil-dead 3 déborde d'énergie et d'idées retorses (FX calibrés à l'appui) pour nous transporter au sein d'une épopée chevaleresque aussi follingue que jubilatoire. Le tout étant techniquement emballé avec un brio aussi ébouriffant que vertigineux. 

    Le Pitch: Alors que Ash se retrouve catapulté en l'an 1300 par une force démoniaque, il est fait prisonnier par les chevaliers du roi Arthur. Afin de retrouver sa liberté et retourner dans son époque, il doit retrouver le fameux nécronomicon sous l'allégeance d'un illustre sorcier. Malencontreusement, en récitant la mauvaise formule incantatoire, Ash libère une armée de démons en provoquant une bataille médiévale avec les mortels.


    Si Evil-dead 2 s'était déjà reconverti vers un délire cartoonesque impayable en évacuant la facture effrayante de son modèle, Sam Raimi pousse ici le bouchon encore plus loin dans son esprit grotesque   et le nouveau genre auquel il se fixe pour tenir lieu de singularité. Celui de l'aventure médiévale à connotation fantastique si bien que le roi Arthur et son armée sont asservis par les forces démoniaques du nécronomicon (le livre des morts). Avec la coopération de notre héros versatile venu du futur, ceux-ci vont devoir livrer intense bataille contre l'armée des démons. Mais avant cette offensive escomptée, Sam Raimi s'emploie avec un plaisir ostensible d'y martyriser son héros auprès d'une multitude de déconvenues burlesques souvent confinées dans des lieux clos (le gouffre d'un puits, l'abri d'un moulin et la colline d'un cimetière). Armé de prime abord d'une tronçonneuse puis remplacé ensuite d'une main d'acier, Bruce Campbell s'iconise en nouveau héros des temps modernes, guerrier futuriste aussi couard et empoté que vaillant et téméraire ! Dans un jeu de mimétisme beaucoup plus démentiel que les précédents opus, l'acteur se livre à un festival de pitreries puisqu'il incarne de façon outrée un héros plutôt égoïste, voir notamment masochiste lors de ses tentatives de se débattre de démons railleurs toujours aussi entêtés (les incubes du puits, les lilliputiens enfantés par Ash, les squelettes recrutés par un zombie putréfié). Bref, du pur bonheur en roue libre aussi (ultra) fun que décomplexé.


    Si l'horreur attractive demeure ici plus en retrait, l'Armée des Ténèbres s'impose en spectacle trépidant transcendé de la mise en scène foisonnante du cinéaste toujours aussi roublard. Enfin, la présence iconique de Bruce Campbell en grande forme dans sa posture conquérante doit également beaucoup au caractère fantaisiste de cette odyssée médiévale carburant au délire épique. Un 3è opus à marquer d'une pierre blanche donc. 

    A Ray Harryhausen (qui vient de nous quitter à l'âge de 92 ans).

    *Bruno
    07.05.13
    13.08.24. 6èx. Vostfr

    Récompenses: Corbeau d'Or au Festival du film fantastique de Bruxelles, 1993
    Prix de la Critique au Festival Fantasporto, 1993
    Saturn Award du meilleur film d'horreur, 1994

    lundi 6 mai 2013

    DICK TRACY

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site movies.film-cine.com

    de Warren Beatty. 1990. U.S.A. 1h45. Avec Warren Beatty, Al Pacino, Charlie Korsmo, Glenne Headly, Madonna, Dustin Hoffman, William Forsythe, Ed O'Ross, Charles Durning, Seymour Cassel, Mandy Patinkin, R.G. Armstrong, James Tolkan, Henry Silva, James Caan, Paul Sorvino, Estelle Parsons.

    Récompenses: Oscar du meilleur maquillage pour John Caglione Jr et Doug Drexler
    Oscar de la meilleure direction artistique pour Richard Sylbert et Rick Simpson pour les décors
    Oscar de la meilleure chanson originale pour Soony or Later de Stephen Sondheim.

    Sortie Salles: 15 Juin 1990

    FILMOGRAPHIE: Warren Beatty est un acteur, producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 30 Mars 1937 à Richmond, Virginie.
    1978: Le Ciel peut attendre. 1981: Reds. 1990: Dick Tracy. 1998: Bulworth


    Pour sa troisième réalisation, l'acteur Warren Beatty décide de rendre hommage à une célèbre bande dessinée crée par Chester Gould en 1931. Avec une distribution prestigieuse réunissant Al Pacino, Dustin Hoffman, Warren Beatty himself (très à l'aise dans ces 2 postes !), la chanteuse Madonna et un florilège de seconds-rôles rendus méconnaissables sous leur maquillage, Dick Tracy est une aventure clinquante transcendée par leur extravagance. Situé à l'époque des années 30, le film illustre les aventures du détective Dick Tracy contraint de déjouer les ambitions cupides d'un mafioso mégalo, Big Boy. Un soir, il découvre par hasard l'existence miséreuse d'un enfant maltraité et décide de lui porter secours. Ensemble, ils vont finalement s'unifier et user de stratagème pour mettre un terme aux agissements mafieux de la pègre. Mais alors que Dick est secrètement amoureux de sa fidèle amie Tess, ses sentiments vont bientôt être contrariés par le désespoir d'une chanteuse de bar, Breathless Mahoney. Asservie par l'autorité du gangster Big Boy, elle aspire à trouver une vie plus épanouie sous l'égide de notre illustre détective.


    Si le scénario orthodoxe n'apporte finalement que peu de surprises (en dehors du suspense entretenu pour démasquer l'énigmatique justicier sans visage), ce divertissement rondement mené se distingue notamment par l'humanité de ses personnages. En priorité pour le trio attendrissant formé par Dick, Tess et le bambin, le Kid ! (dans son rôle infantile, Charlie Korsmo s'avère épatant de naturel !).
    Sous couvert d'un film d'action visuellement cartoonesque et la présence interlope d'antagonistes au physique buriné (Al Pacino est quasi méconnaissable dans la peau de Big Boy !) ou difforme (le marmoneux, tête plâte), Dick Tracy préconise la romance candide. Le réalisateur accordant une belle importance à dépeindre avec pudeur la relation timorée du détective pour sa jeune amie solitaire. En prime, son rapport indécis avec la chanteuse Breathless et l'attitude paternelle qu'il va peu à peu engendrer avec le Kid nous illustrent bien sa quête intrinsèque du bonheur conjugal.
    En dehors de séquences d'action parfois spectaculaires et fertiles en subterfuges, l'aventure s'alloue par ailleurs d'un humour espiègle dans ses situations débridées (l'interrogatoire avec le marmoneux) et dans la verve de dialogues ciselés. Le soin apporté au design des décors (naturels ou en matte painting), à la photographie flamboyante, à la musique orchestrale de Danny Elfman mais aussi aux chansons élégiaques d'une Madonna aigrie exacerbent l'élégance formelle d'une réalisation inspirée.


    Sous une photographie rutilante saturée de teintes polychromes, de manière à mettre en exergue son esprit BD, Dick Tracy insuffle un charme irrésistible dans ces aventures attrayantes et fait la part belle aux sentiments nobles dans son alliage d'action, d'aventures, d'humour et de romance. Pétillant et plein de fraîcheur !

    05.05.13
    Bruno Matéï