mardi 26 novembre 2013

COLORADO (La Resa dei conti)

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site az-movies.centerblog.ne

de Sergio Sollima. 1966. Italie/Espagne. 1h50. Avec Tomas Milian, Lee Van Cleef, Luisa Rivelli, Fernando Sancho, Nieves Navarro.

Sortie salles France: 4 Juin 1969. Espagne: 29 Novembre 1966

FILMOGRAPHIE: Sergio Sollima est un réalisateur et scénariste italien, né le 17 Avril 1921 à Rome.
1965: Agente 3 S 3 passaporto per l'inferno. 1966: Agente 3 S 3 massacro al sole. 1966: Requiem per un agente segreto. 1966: Colorado. 1967: Le Dernier face à face. 1968: Saludos Hombre. 1970: La Cité de la violence. 1973: Revolver. 1976: Le Corsaire Noir.


Premier volet d'une trilogie, Colorado est le western auquel collaborèrent durant 3 années successives le réalisateur Sergio Sollima et l'acteur caméléon Tomas Milian. Moins connu que Le Dernier face à face et Saludos Hombre et peu diffusé à la TV, ce grand classique refait aujourd'hui surface sous la bannière de Wild Side Video en version haute définition !


Influencé par l'inattendu succès de Pour une poignée de dollars, Sergio Sollima livre avec Colorado un western spaghetti diablement ironique dans son florilège de rebondissements impromptus. A travers l'escapade inlassable d'un illustre chasseur de prime délibéré à mettre la main sur un potentiel tueur d'enfants, Sergio Sollima établit surtout une étude caractérielle de deux personnages contradictoires mais mutuellement impressionnés par leur sens de bravoure et de perspicacité. Car en jouant sur le faux semblant d'un malfrat inculte mais redoutablement rusé, le réalisateur ne cesse de nous interroger sur sa culpabilité d'autant plus que ce dernier ne cesse de se dépêtrer de ses ennuis avec une audace cynique. Pour incarner ce rôle de malfrat licencieux peu banal dans le paysage du western, Tomas Milian rivalise de raillerie, mesquinerie et subterfuge afin de ridiculiser son ennemi juré redresseur de tort. Avec son regard reptilien impassible, Lee Van Cleef endosse la responsabilité de l'honnête chasseur de prime, partagé entre la décision de s'associer avec un propriétaire cupide pour la construction d'une ligne de chemin de fer et celui de pourchasser sans relâche l'odieux assassin. Au fil de cette narration habilement charpentée mettant en exergue actions et bévues fortuites, Sergio Sollima étudie les rapports de force qui unit ces deux antagonistes tout en remettant en cause le manque de preuves tangibles que l'homme de loi se doit de témoigner.
Cette traque intrépide menée à travers le désert du Texas jusqu'à la frontière du Mexique culmine son point de chute vers l'itinéraire d'une nouvelle chasse à l'homme encore plus déloyale après avoir divulgué la véritable identité du meurtrier.


En dénonçant la corruption et la xénophobie chez une justice arbitraire (les villageois mexicains molestés n'ont également aucune considération), Sergio Sollima immortalise surtout le portrait peu commun d'un duo d'ennemis intraitables mais rattrapés par leur instinct de survie et d'équité. Soutenu par la partition lyrique d'Ennio Morricone, Colorado met notamment en lumière les vastes étendues d'un désert aride dérangé par une traque des plus perfides !

26.11.13
Bruno Matéï

    lundi 25 novembre 2013

    LE PROFESSIONNEL

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemotions.com

    de Georges Lautner. 1981. France. 1h48. Avec Jean Paul Belmondo, Jean Desailly, Robert Hossein, Cyrielle Claire, Marie-Christine Descouard, Elisabeth Margoni, Jean-Louis Richard, Michel Beaune, Bernard-Pierre Donnadieu.

    Sortie salles France: 21 Octobre 1981

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Georges Lautner est un réalisateur et scénariste français, né le 24 Janvier 1926 à Nice, décédé le 22 Novembre 2013 à Paris. 1958: la Môme aux boutons. 1959: Marche ou crève. 1962: L'Oeil du monocle. 1963: Les Tontons flingueurs. 1963: Des Pissenlits par la racine. 1964: Le Monocle rit jaune. 1964: Les Barbouzes. 1966: Ne nous fâchons pas. 1967: Le Grande sauterelle. 1968: Le Pacha. 1969: Sur la route de Salina. 1970: Laisse aller, c'est une valse. 1971: Il était une fois un flic. 1972: Quelques messieurs trop tranquilles. 1973: La Valise. 1974: Les Seins de glace. 1975: Pas ce problème ! 1976: On aura tout vu. 1977: Mort d'un pourri. 1978: Ils sont fous ces sorciers. 1979: Flic ou voyou. 1980: Le Guignolo. 1981: Est-ce bien raisonnable ? 1981: Le Professionnel. 1984: Joyeuse Pâques. 1984: Le Cowboy. 1985: La cage aux folles 3. 1986: La vie dissolue de Gérard Floque. 1988: La Maison Assassinée. 1989: Présumé dangereux. 1991: Triplex. 1991: Room service. 1992: l'Inconnu dans la maison.


    Enorme succès en France (il totalise 5 243 511 entrées !) mais aussi au delà de nos frontières (en Allemagne il dépasse les 3 millions !), Le Professionnel a marqué toute une génération de spectateurs et forgé la réputation d'un acteur charismatique au naturel spontané. Film d'action populaire réalisé par un spécialiste du genre et réunissant pour la troisième fois le tandem Lautner/Bébel, Le professionnel n'a aujourd'hui rien perdu de son capital séducteur, à l'instar de l'inoubliable score d'Ennio Morricone: Chi Mai ! Tiré du roman, Mort d'une bête à la peau fragile de Patrick Alexander, le film nous relate la vengeance d'un émissaire qui était chargé d'abattre un président dictateur au Malagawi. Vendu par les services secrets français, il est finalement condamné au bagne par les autorités africaines. Deux ans plus tard, avec l'aide d'un complice, Joss Beaumont réussit à s'échapper et rentre à paris pour régler ses comptes. Réalisé avec savoir-faire et efficacement structuré, Le Professionnel est le modèle symptomatique du spectacle populaire alliant avec symétrie humour et action. Sur ce dernier point, il est à noter qu'au passage d'une course poursuite une cascade fut entièrement supervisée par le spécialiste en la matière, Rémy Julienne.


    Outre la gestion d'un rythme sans faille et de son intrigue bien huilée multipliant rebondissements et revirement dramatique (son final inopiné reste sacrément audacieux pour délaisser le public !), le film doit aussi sa réussite grâce à sa galerie de protagonistes aussi couards qu'insidieux. Sévèrement malmenés par un professionnel véloce, ils vont tenter par tous les moyens de l'abattre afin d'occulter une machination ministérielle. Au sous-texte politique, et avec une belle ironie, Georges Lautner n'hésite pas à égratigner l'hypocrisie de nos ministres français à travers leurs relations diplomatiques auprès de l'état africain, tout en ridiculisant notamment le comportement lubrique d'un dictateur entaché d'une catin ! Dans celui de l'agent secret reconverti en transfuge, Jean Paul Belmondo reste fidèle à son image de séducteur mastard déployant une verve goguenarde (dialogues incisifs d'Audiard à l'appui !) et subterfuges afin de railler ses adversaires. Sa bonhomie extrêmement sympathique, son aisance naturelle et son charisme viril prouvent que l'acteur reste une icône du cinéma d'action dans le paysage hexagonal.


    Combinant adroitement humour et action, parfois même lors des moments cruciaux (le duel entre Robert Hossein et Bébel est subitement dédramatisé par l'intervention d'un badaud nickelé !) et scandé des larges épaules de Bébelle Professionnel ne démérite pas son statut de classique populaire. Sublimé d'un thème élégiaque entêtant et agrémenté du charme (polisson) de ces actrices, on garde pour autant la gorge nouée face à l'aigreur de l'épilogue inopinément tragique. 

    A Georges Lautner
    25.11.13. 3èx
    Bruno Matéï

    samedi 23 novembre 2013

    L'ATTENTAT

     
                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

    de Ziad Doueiri. 2012. France/Belgique/Qatar/Belgique. 1h44. Avec Ali Suliman, Evgenia Dodina, Reymonde Amsellem, Dvir Benedek, Uri Gavriel, Ruba Salameh.

    Récompense: Etoile d'Or au Festival du film de Marrakech

    Sortie salles France: 29 Mai 2013

    FILMOGRAPHIE: Ziad Doueiri est un réalisateur et scénariste arabe.
    1998: West Beyrouth. 2004: Lila dit ça. 2012: L'Attentat


    "Comment a t'elle pu un jour mettre une ceinture d'explosifs et se faire exploser au milieu d'un restaurant ? comment ?"
    Je pense que les terroristes ne comprennent pas vraiment ce qui leur arrive.
    Quelque chose change dans leur cerveau et ils ne sont plus les mêmes.
    Ca peut arriver à n'importe qui, ça peut te tomber dessus comme une tuile ou te ronger de l'intérieur
    et après tu ne vois plus le monde de la même façon.
    T'attends juste le moment de franchir le pas !


    Sur un thème d'actualité brûlant, l'attentat-suicide chez les kamikazes compromis au conflit israélo-palestinien, le réalisateur Ziad Doueri livre un drame bouleversant en évitant l'écueil de la morale ou de l'apologie. Avec une profonde humanité, il nous retranscrit le cheminement désespéré d'un éminent médecin, en quête de vérité pour tenter de comprendre l'exaction d'un attentat commis par sa propre femme. Responsable de la mort innocente de 11 victimes dans un restaurant de Tel Aviv, cette jeune palestinienne semblait auparavant une femme équilibrée dénuée d'une quelconque haine intégriste. C'est ce que le film nous remémore avec l'alternance de flash-back où le couple était en harmonie amoureuse. Avec humilité et sensibilité aiguë, L'Attentat s'attache notamment à dépeindre le mal-être de deux patries en guerre, incapables de trouver une solution pacifique à leur problème. Avec sa réalisation limpide dénué de logorrhée inutiles, le film prend aux tripes dans son sens de la dignité et tente de nous expliquer les motivations morales qui ont pu conduire un kamikaze à perpétrer un acte aussi lâche. En évitant les clichés usuels du manichéisme, le réalisateur insiste surtout à mettre en avant la dimension humaine du mari perplexe et de sa femme révoltée, témoin malgré elle du résultat d'un génocide à Jenine, et donc intérieurement rongée par son accablement et sa honte. Face à cette rancœur inconsolable ne lui reste plus qu'adouber sa loi du talion, c'est à dire agir en tant que martyr afin de venger l'honneur de sa patrie et le sacrifice des innocents.   


    "Nous ne sommes pas des fanatiques ni des islamistes, nous sommes un peuple qui se bat par tous les moyens pour retrouver sa dignité"
    Mis en scène avec une incroyable pudeur et filmant ses personnages tourmentés au plus près de leur sentiments, L'Attentat s'accapare de notre éthique avec une rare puissance émotionnelle pour établir un regard nouveau sur l'expression des Kamikazes. Face au thème brûlant si brillamment illustré, le fait qu'il n'apporte aucune solution pour panser la haine des peuples nous implique personnellement dans un sentiment de désespoir et d'injustice. Au-delà de souligner l'humilité de ces personnages meurtris, l'Attentat n'oublie pas pour autant de transcender une déchirante histoire d'amour où l'amertume de sa conclusion risque de vous chavirer vers un collapse inconsolable.

    Un grand merci à Pascal Frezzato
    23.11.13
    Bruno Matéï
                                    

    vendredi 22 novembre 2013

    La Baie Sanglante / Reazione a catena / Ecologia del delitto

                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site 50ansdecinema.wordpress.com

    de Mario Bava. 1971. Italie. 1h24. Avec Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Camaso, Anna Maria Rosati, Chris Avram, Leopoldo Trieste, Laura Betti.

    Sortie salles France: 22 Mars 1973. Italie: 1971

    FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).il va inventer 13 manières de tuer


    Véritable chef-d'oeuvre du néo giallo, avant-coureur du psycho-killer dont Sean S. Cunninghan reprendra le concept de manière autrement triviale (Vendredi 13), la Baie Sanglante supporte le poids des décennies de par son pouvoir de fascination érigé sous une nature automnale, théâtre macabre d'une hécatombe meurtrière. Le pitchAprès le meurtre d'une comtesse et de son époux, leur fils et deux couples sans vergogne vont tenter de s'emparer de leur propriété située à proximité d'une baie. A partir d'un scénario machiavélique alignant une succession de meurtres d'un gore assez cru, Mario Bava redouble d'efficacité afin d'illustrer le jeu de massacre d'une poignée d'antagonistes aussi cupides que véreux dans leur requête d'une vaste propriété. Ce qui frappe d'emblée quand on se replonge dans les eaux troubles de La Baie Sanglante, c'est le contraste saisissant impartie à la beauté rassurante de la nature et la cruauté des meurtres outranciers qui en découle (zooms insistants sur les plaies entaillées).


    Car face aux agissements putanesques de personnages cyniques s'entretuant pour l'acquisition d'un lieu touristique, Mario Bava y dépeint une métaphore sur le respect de l'écologie. Comme si la baie semblait éprise de rancoeur et d'imprécation face à l'attitude désinvolte de ces étrangers. Car en bafouant ce lac par leurs exactions sanglantes ainsi qu'un viol pour le transformer en station balnéaire (voire, une plaque de béton !), la baie semble observer leur mépris avec mélancolie (score élégiaque à l'appui). Ainsi, au coeur de ce pathétique conflit entre amants bornés, et pour rajouter le côté disproportionné de ce massacre organisé, quatre jeunes ados vont pénétrer par effraction dans la propriété puis faire les frais de leur curiosité après la découverte d'un noyé. Ce scénario implacable toujours plus jouissif dans les stratégies perfides émises par nos énergumènes, Mario Bava le dirige avec une maestria géométrique et un sens visuel sépia (et azuré pour les séquences de nuit) qui laisse pantois d'admiration (tout du moins en Blu-ray). La poésie macabre de ses images oniriques ou morbides demeure d'autant plus envoûtante auprès d'un jeu nuancé de lumière sensuelle pour nous susciter une trouble émotion. Et ce jusqu'à l'ironie délibérément grotesque d'un épilogue tristement dérisoire, score primesautier à l'appui.


    Ecologie du délit. 
    Au score inoubliable de Stelvio Cipriani qui enveloppe le récit et à la mise en scène stylisée de Bava, La Baie Sanglante s'édifie en pierre angulaire du cinéma d'horreur où l'audace gore se compromet à l'élégance d'un érotisme macabre. L'efficacité cinglante de son scénario impliquant une galerie assez pitoyable d'antagonistes rustres exacerbant sans répit son pouvoir émotionnel chargé de dérision caustique anti capitaliste. Une oeuvre d'art au sens le plus épuré à redécouvrir d'urgence tant son trouble pouvoir de fascination nous hante l'esprit avec plaisir masochiste inextinguible. 

    *Bruno
    22.11.13. 
    20.02.24. 7èx. VF car version anglaise doublée



    jeudi 21 novembre 2013

    Terreur dans le Shangaï Express / Horror Express / Pánico en el Transiberiano

                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site ohmygore.com

    de Eugenio Martin. 1972. Angleterre/Espagne. 1h30. Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Alberto de Mendoza, Silvia Tortosa, Julio Pena, Helga Line, Telly Savallas.

    Récompense: Médaille CEC en 1972 au Festival International de Catalogne, à Sitges.

    FILMOGRAPHIE: Eugenio Martin est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1925 à Grenade.
    1965: L'uomo di Toledo. 1966: Les Tueurs de l'Ouest. 1969: La vida sigue igual. 1971: Les 4 Mercenaires d'El Paso. 1972: Terreur dans le Shangaï express. 1973: La Chica del Molino Rojo.


    Bisserie ibérique bien connue des cinéphiles des Eighties si bien qu'elle sortit au prémices de la VHS, Terreur dans le Shangaï Express allie harmonieusement science-fiction et épouvante d'après un pitch inspiré de The Thing. En chine, un paléontologue fait la stupéfiante découverte d'un fossile mi-humain, mi-singe. Il décide de le rapatrier à Moscou en empruntant le train. Mais à bord, une série de morts mystérieuses commence à ébranler les passagers, les victimes étant retrouvées aveugles. Série B modeste aux moyens minimalistes mais transcendée d'une imagination sans borne et le talent de ces illustres interprètes (Christopher Lee et Peter Cushing se partagent la vedette avec un habituel snobisme, alors que Telly Savallas cabotine en cosaque castrateur !), Terreur dans le Shangaï-Express joue la carte du divertissement efficient avec tant de charme. C'est de prime abord l'aspect débridé des motivations de la créature ainsi que sa physionomie rubigineuse qui fascinent le spectateur. 


    Car sous son apparence glauque et velue s'y cache un extra-terrestre exilé sur terre depuis des millions d'années. Son but: nous annihiler par l'intelligence de notre cerveau en l'absorbant pour se nourrir de nos connaissances. Par son regard rutilant, il hypnotise chacune de ses victimes jusqu'à ce que leurs yeux ensanglantés soient rendus aveugles ! En prime, à l'instar de La Chose, et pour mieux détourner l'attention de ces ennemis, il possède la faculté d'usurper les corps humains par le simple esprit de sa pensée. Ce pitch génialement improbable, Eugenio Martin le trousse avec une ironie macabre (à l'instar de l'intégriste insidieux prêt à corrompre son âme pour le prix de la vérité) et un sens de l'action horrifique fertile en rebondissements. D'autant plus que le lieu de claustration est bien choisi afin d'y diluer inquiétude et angoisse. Car à bord du Shangaï-express, depuis que les cadavres pleuvent, la paranoïa s'y distille peu à peu auprès des passagers et ne cessent d'interroger un duo de scientifiques à l'affût. D'ailleurs, au fil de leur investigation pour y démystifier l'objectif de la chose, ils iront de découvertes en révélations dépassant l'entendement. Enfin, pour parachever, le réalisateur culmine vers une issue catastrophiste à l'aide d'une touche morbide à réveiller les morts ! 


    Le Monstre aux yeux rouges
    Nanti d'un scénario fantasque multipliant les idées extravagantes et campé par des vétérans notoires issus de l'horreur vétuste, Terreur dans le Shangaï-Express épouse un cachet bisseux parmi le soin de maquillages modestes mais qualitatifs et de l'originalité d'une mélodie entêtante. Son esprit iconoclaste d'y allier science-fiction alarmiste et horreur cheap au sein d'une scénographie inédite renforcent le caractère débridé d'une série B bonnard aujourd'hui considérée (à juste titre) comme culte. 

    *Bruno
    21.11.13. 
    18.02.25. 5èx. Vost


    mercredi 20 novembre 2013

    LA PORTE DU PARADIS (Heaven's Gate)

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

    de Michael Cimino. 1980. 3h37 (Director's Cut). Avec Kris Kristofferson, Christopher Walken, Isabelle Huppert, Jeff Bridges, John Hurt, Sam Waterston, Richard Masur, Brad Dourif, David Mansfield, Terry O'Quinn.

    Sortie salles U.S: 19 Novembre 1980

    FILMOGRAPHIE: Michael Cimino est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 février 1939 à New-York.
    1974: Le Canardeur. 1978: Voyage au bout de l'enfer. 1980: La Porte du Paradis. 1985: L'Année du Dragon. 1987: Le Sicilien. 1990: La Maison des Otages. 1996: The Sunchaser. 2007: Chacun son cinéma - segment No Translation Needed.


    Chef-d'oeuvre maudit du cinéma hollywoodien, de par son échec cinglant qui valut la faillite de United Artists, La Porte du paradis renaît aujourd'hui par le support du blu-ray dans une version director's cut entièrement supervisée par son réalisateur.

    Retraçant un triste épisode de l'histoire américaine après la guerre de sécession (la bataille du comté de Johnson de 1890 qui opposa des mercenaires contre des immigrants d'Europe de l'Est), Michael Cimino démonte les mécanismes de la guerre sous l'insurrection de ces expatriés, condamnés à être exécutés pour anarchisme et vol chez les propriétaires de bétail. Au coeur de ce conflit sanglant, un shérif aigri et un mercenaire raciste vont participer à cette sédition tout en se disputant l'amour d'une tenancière de bordel.


    Fresque monumentale d'une durée excessive de 3h37, La porte du Paradis est un western romanesque d'une ampleur démesurée dans le déploiement de ses moyens faisant intervenir des milliers de figurants au sein de paysages immaculés. Souffle épique et lyrique se côtoient avec le sens ambitieux d'une mise en scène circonspecte prenant son temps à élucider un épisode peu glorieux de l'ouest américain. Outre le fait de dénoncer une Amérique fasciste et xénophobe, hostile à tout étranger venu s'exiler sur leur patrie, Michael Cimino s'intéresse surtout à dépeindre les tourments d'un trio romanesque impliqué dans une situation politique qui leur échappe. De par leur divergence morale (Nathan est un tueur exerçant pour le syndicat des éleveurs alors que son acolyte James est prêt à défendre les démunis) et leur fragilité humaine (leur rancoeur compromise par l'infidélité amoureuse), le réalisateur décrypte leur remise en cause avec une acuité prude. Par la faute d'une idylle indécise, ces deux acolytes vont finalement se mesurer à leur aplomb pour la sauvegarde d'une catin depuis que cette dernière est consignée sur la liste noire des 125 immigrants (elle est coupable de rameuter sa clientèle étrangère contre du bétail volé). Alors que James se morfond dans la peine et tente de digérer sa rupture amoureuse, Nathan va peu à peu renoncer à ses activités de mercenaire réactionnaire afin de prémunir celle qu'il aime ! A sa réflexion sempiternelle apposée sur l'aboutissement de la guerre, Michael Cimino dépeint surtout l'état d'âme de personnages complexes asservis par un enjeu belliqueux et compromis par une romance en perdition. Il traite notamment de la vieillesse qui s'étiole inexorablement, du regret du temps passé alors que le chagrin d'un homme est engendré par le dépit amoureux.


    Autant en emporte le vent
    D'une intensité émotionnelle bouleversante et jalonné de batailles homériques hallucinantes de virtuosité, La Porte du Paradis sublime la romance de trois amants inconsolables, embourbés dans la barbarie d'une guerre inéquitable. A travers une page sordide de l'expansion d'une bourgeoisie ricaine, ce western contemplatif célèbre le courage et confine au vertige de la tragédie pour le sacrifice émis aux martyrs du chaos ! 
    Un monument en état de grâce, à l'image des ses illustres comédiens transis d'humanisme versatile, déchirant et inoubliable !

    20.11.13
    Bruno Matéï

    lundi 18 novembre 2013

    La Sentinelle des Maudits / The Sentinel

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

    de Michael Winner. 1977. U.S.A. 1h35. Avec Christina Raines, Ava Gardner, Chris Sarandon, Burgess Meredith, Sylvia Miles, José Ferrer, Arthur Kennedy, John Carradine, Christopher Walken, Eli Wallach, Jerry Orbach, Jeff Glodblum, Beverly D'Angelo, Martin Balsam, William Hickey, Tom Berenger.

    Sortie salles U.S: 7 Janvier 1977

    FILMOGRAPHIEMichael Winner est un réalisateur britannique né le 30 Octobre 1935 à Londres.
    1967: Qu'arrivera t'il après ?, 1971: les Collines de la Terreur, 1971: l'Homme de la loi, le Corrupteur, 1972: Le Flingueur, 1973: le Cercle noir, 1973: Scorpio, Un justicier dans la ville, 1976: Won ton ton, 1977: la Sentinelle des Maudits, 1978: le Grand Sommeil, 1979: l'Arme au poing, 1982: Un justicier dans la ville 2, 1985: le Justicier de New-York, 1988: Rendez-vous avec la mort, 1993: Dirty Week-end.


    "Hallucinations sépulcrales au 7e étage".
    Surfant sur la vague des succès satanistes de l'époque, Michael Winner s’essaie au genre horrifique en adaptant The Sentinel, roman de Jeffrey Konvitz. Entourée d’une pléiade de stars peu habituées à côtoyer les marges du cinéma de genre, cette série B surprenante, nantie d’une certaine renommée, a fini par s’élever au rang de classique dans la catégorie des vilains p’tits canards déviants.

    Le pitch : En quête d’indépendance, Alison Parker quitte le domicile de son fiancé pour emménager dans un appartement new-yorkais, à Brooklyn. Rapidement, d’étranges manifestations s’accumulent : des bruits au-dessus du plafond la nuit, des voisines saphiques surgies de nulle part, et, au sommet de l’immeuble, un vieillard aphone qui semble scruter le monde à travers sa fenêtre.

    Imprégnée de son ambiance Seventies, La Sentinelle des Maudits capte l'attention sans faiblir grâce à l’inquiétude latente qui innerve ce sinistre immeuble. Émaillée de séquences chocs, parfois sanguinolentes et terrifiantes (le corps nu du père d’Alison tailladé à coups de couteau !), et de visions d’effroi — ce final mémorable, érigeant une parade monstrueuse ! — Michael Winner cherche clairement à provoquer un malaise hétérodoxe, en assumant le caractère profondément déviant de ses situations.                             

    À mesure que les hallucinations se multiplient, que l’esprit d’Alison vacille, Christina Raines insuffle à son personnage une densité humaine, une fragilité lestée de soupçons et d’un émoi suicidaire en guise de dernier recours. Winner lâche alors les rênes à une imagerie lubrique : orgies de vieillards salaces, libertinage insolent de lesbiennes insatiables — et cette séquence osée, burnée, d’une masturbation aussi gênante qu’inoubliable, comme seuls les Seventies savaient en produire.

    Par son intrigue interlope habilement construite, La Sentinelle des Maudits distille son intensité dans les méandres que l’héroïne tente d’éclaircir, entre le poids du clergé et le soutien ambivalent de son amant. Ce dernier, jadis suspecté du meurtre de sa première épouse, incarne l’ambiguïté ambiante. Comme lui, tous les personnages qui traversent le récit s’avèrent distants, austères, équivoques — voire spectres désincarnés. Le Monseigneur Franchino au comportement trouble, le flic arrogant en mal de reconnaissance, dont le cabotinage paranoïaque frôle le grotesque, renforcent encore l’étrangeté du récit.


    "Parade nécrosée au sommet de Brooklyn".
    Modestement réalisé, le film privilégie un climat d’étrangeté sourde, presque insidieuse, baigné d’une ambiance malsaine, parfois franchement effrayante, traversée de visions d’horreur nécrosées. La Sentinelle des Maudits s’impose ainsi comme un must du genre, porté par sa galerie de personnages sclérosés et la folie macabre qui martyrise son héroïne, acculée au seuil de la damnation. Grâce à l’habileté légendaire des maquillages de Dick Smith, Michael Winner grave dans la rétine une poignée de séquences cauchemardesques, plongées dans la pourriture et la décrépitude. Si bien que l’on reste tétanisé d’effroi face à ce génial récit de patrimoine sépulcral.  
    Dédicace à Guillaume Matthieu

    *Eric Binford
    14.04.11. 
    18/11/13.
    22/07/21. 
    01.06.25. 5èx. Vost

    vendredi 15 novembre 2013

    WE ARE WHAT WE ARE

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site geektyrant.com

    de Jim Mickle. 2013. France/U.S.A. 1h45. Avec Kelly McGillis, Michael Parks, Wyatt Russell, Ambyr Childers, Julia Garner, Bill Sage.

    Sortie salles France: Prochainement. U.S: 18 Janvier 2013

    FILMOGRAPHIE: Jim Mickle est un réalisateur et scénariste américain.
    2006: Mulberry Street. 2010: Stake Land. 2013: We are what we are.


    Jim Mickle nous avait déjà surpris avec Mulberry Street, un premier film maladroit et redondant mais plutôt prometteur dans sa vision apocalyptique d'un monde contaminé par un mystérieux virus. Son second essai, Stake Land nous a assuré un survival post-apo perfectible mais plein de bonnes intentions dans sa réactualisation du mythe vampirique tout en dressant un joli portrait de fuyards farouches. Avec We are what we are, le réalisateur grimpe d'un échelon dans sa maîtrise de réalisation pour décrire en l'occurrence une histoire de cannibalisme inscrite dans notre époque contemporaine ! Faute d'une vieille tradition, une famille est contrainte de perpétrer une fois par an un acte de cannibalisme afin d'honorer la survie de leurs descendants. Mais une tempête torrentielle finit par dévoiler à la police certains indices d'ossements retrouvés aux abords d'une rivière.


    Partant de l'idée originale du film mexicain Ne nous jugez pas, Jim Mickle réexploite intelligemment le filon sans passer par la mode du remake. Si les 45 premières minutes peinent à démarrer, faute d'un rythme languissant où l'ambiance dépressive exacerbe ce sentiment de désuétude, la narration va progressivement accroître un intérêt dans la caractérisation interlope d'une famille religieuse. Avec l'élégance d'une photo limpide aux images parfois ténues, We are what we are traite ici de fondamentalisme sous l'autorité d'un paternel entièrement voué à la cause de Dieu pour la théorie du cannibalisme. Rongés par le chagrin depuis la mort accidentelle de Mme Parker, ses deux filles ainsi que le fils cadet vont devoir se mesurer à son intransigeance afin de perpétrer une tradition inscrite dans la filiation. Si le film exploite habilement ce thème grand-guignolesque pour dénoncer l'intégrisme, il le traite d'autant mieux avec une densité psychologique vis à vis de la posture démunie des enfants et le souci réaliste de nous familiariser avec cette lignée recluse. Avec fragilité, le metteur en scène se focalise sur le fardeau désespéré des soeurs Parker (les actrices dévoilent naturellement un jeu glaçant d'anémie !), contraintes d'obtempérer au paternel pour assassiner de sang froid une pauvre fille enchaînée dans la cave. Mais rongées de remord et de honte, leur regain de pudeur est peut-être un pas vers la rédemption, d'autant plus que l'innocence de leur petit frère est à prémunir. Emaillé de séquences-chocs parfois inattendues, We are what we are met à mal à nos émotions d'empathie et nous extériorise un malaise lattent vis à vis du replis des soeurs Parker. Qui plus est, au rythme d'une musique monotone, le film véhicule sans fioriture un climat diaphane en osmose avec le climat pluvieux d'une rivière jonchée d'ossements humains. Plongé dans l'existence esseulée de cette famille en perdition, le spectateur semble, à l'instar des deux soeurs, abandonné à la solitude, même si l'une d'entre elles est sur le point de se réconforter dans les bras de l'adjoint du shérif. En poussant le bouchon très loin, le réalisateur va intensifier le drame psychologique qui se noue inévitablement en élaborant au final un affrontement paroxystique où l'explosion de l'horreur va sévèrement ébranler les plus sensibles d'entre nous !


    En cinéaste avisé réfractaire aux artifices usuels du divertissement, Jim Mickle livre avec We are what we are son film le plus abouti et original dans une démarche auteurisante et avec l'entremise d'une interprétation hors-pair. En résulte une oeuvre austère remplie de mélancolie et de silence lourd, à mi-chemin entre le conte social (le père est comparable à la figure de l'ogre insatiable !) et l'horreur extrême (la barbarie hallucinée qui en découle face à l'achèvement punitif). 

    15.11.13
    Bruno Matéï

    jeudi 14 novembre 2013

    La Résidence / la residencia /The house that screamed/Gli orrori del liceo femminile

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorpedia.com

    de Narcisso Ibañez Serrador. 1969. Espagne. 1h40. Avec Lilli Palmer, Christina Galbo, John Moulder Brown, Pauline Challoner, Tomas Blanco, Candida Losada, Mary Maude.

    Sortie salles France: 9 Août 1972

    FILMOGRAPHIE: Narciso Ibanez Serrador est un scénariste, producteur et réalisateur uruguayen, né le 4 Juillet 1935 à Montevideo (Uruguay).
    1969: La Résidence. 1976: Les Révoltés de l'An 2000

    Chef-d'œuvre d'épouvante gothique à l’aura perverse, d’autant plus troublante qu’elle découle du refoulement de jeunes collégiennes (défilé d’actrices particulièrement vénéneuses), La Résidence est un acmé de l’angoisse où l’ombre d’un tueur giallesque rôde derrière les murs d’une geôle scolaire.

    Le pitch : Thérèse, nouvelle pensionnaire d’un internat du sud de la France, affronte la discipline sadique d’une directrice qui n’hésite pas à flageller les insolentes. Une nuit, Isabelle disparaît sans laisser de traces après avoir tenté de rejoindre le fils de l’administratrice…

    Pour les amoureux d’épouvante séculaire à l’ambiance littéralement ensorcelante, La Résidence est une clef de voûte ibérique, traversée d’une puissance émotionnelle diaphane. Car à travers la claustration d’un pensionnat rongé par l’autoritarisme d’une matriarche (en tenue étriquée façon Ilsa, la louve SS, Lilli Palmer vampirise, éructe d’ambiguïté masochiste), Narciso Ibáñez Serrador nous plonge dans les racines de la perversité, sous l’emprise du conservatisme et de la sociopathie. Préfigurant les figures baroques de Suspiria (scénographie dominée par un univers presque exclusivement féminin, directrice raide comme Miss Tanner, meurtres stylisés), La Résidence dégage ce même magnétisme environnemental, où le mal semble infiltré jusque dans les murs.

    En pleine possession de son talent de conteur (cheminement ombrageux en crescendo) et de sa maîtrise technique (caméra fluide, regard aiguisé), Serrador transcende un univers mortifère profondément immersif — autant par l’effronterie de ses personnages que par le point de vue d’un assassin invisible, voyeur permanent. Entre l’ombre du suspect et l’austérité glaçante de l’enseignante, le sentiment d’oppression, latente mais constante, prime sur la cruauté des exactions. Flagellations punitives sur les indociles, meurtres vertigineux sur les plus candides : tout concourt à l’étreinte.

    Sur le même mode opératoire que Psychose, Serrador distille une montée progressive du suspense, s’abreuvant d’une menace sourde. Il tisse aussi une relation quasi incestueuse entre la directrice et son rejeton pubère — et va même plus loin qu’Hitchcock, avec une audace plus crue, plus insolente. Le climat malsain instauré par cette directrice saphique (quinquagénaire attirée par les jeunes collégiennes, éprise de sa comparse sadienne) contamine peu à peu les pensionnaires. Fantasmes lors d’une séance de couture, coucheries avec un paysan, scène de douche troublante sous l’œil humide d’une gouvernante : derrière ce portrait de jeunes filles insidieuses se cache un malaise existentiel, nourri par l’intolérance, le fanatisme religieux et le fétichisme d’une mégère interlope.

    Le point d’orgue, d’un nihilisme foudroyant, scelle une véritable anthologie de l’effroi obscurantiste (un certain Lucky McKee s’en est peut-être inspiré pour façonner May). Quant à l’ultime image, littéralement dérangeante, elle hantera longtemps au-delà du générique final.

     
    Profondément pervers, poisseux, et malsain, mais terriblement immersif grâce à son pouvoir de fascination irrépressible, La Résidence sublime son huis clos gothique au sein d’un internat rubigineux. Sa splendide photo sépia renforce l’aura vénéneuse de ses collégiennes en rut, victimes de l’endoctrinement d’une hiérarchie asexuée. Démonial, déviant, effronté : une terreur vertigineuse dont on se repaît, ad vitam aeternam.

    *Bruno
    14.11.13. 3èx

    mercredi 13 novembre 2013

    MODUS ANOMALI

                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site pixagain.org

    de Joko Anwar. 2012. Indonésie. 1h26. Avec Rio Dewanto, Hannah Al Rashid, Izzi Isman.

    Sortie le 15 mai 2013

    FILMOGRAPHIE: Joko Anwar est réalisateur, acteur et scénariste indonésien, né le 3 Janvier 1976
    2005: Janji Joni. 2007: Dead Time: Kala. 2009: Pintu terlarang. 2012: Modus Anomali.


    Survival indonésien goguenard et retors dans sa réhabilitation des codes du genre, Modus Anomali emprunte au suspense d'une énigme aussi confuse que déconcertante. A travers la fuite désespérée d'un quidam amnésique, perdu au beau milieu d'une forêt hostile, Joko Anwar livre un implacable thriller constamment imprévisible dans son lot de revirements abrupts !

    Dans une forêt, un homme s'extirpe de la terre après avoir été enterré vivant. Poursuivi par un tueur sans visage, il se rend dans une maison abandonnée. A l'intérieur, il découvre la vidéo du meurtre de sa femme enceinte. Qu'en est-il de ses deux enfants ? La traque pour les retrouver et échapper au meurtrier ne fait que commencer ! 


    Dans une mise en scène originale et inventive (la caméra exploite les décors et scrute la paranoïa du héros avec un sens du cadrage hétérodoxe !), le réalisateur distille une ambiance monocorde des plus déroutantes. Par le silence feutré de la végétation et l'attitude taciturne des protagonistes, Modus Anomali souhaite bousculer les habitudes du spectateurs embarqué dans un jeu de rôle hermétique. En prime, au sein de cette survivance de longue haleine, la manière dont le tueur utilise la paranoïa du héros laisse extérioriser une cruauté à l'humour noir grinçant pour les dommages collatéraux. Émaillé d'indices et de pièges, Joko Anwar fait donc subir à son personnage nombres d'épreuves physiques (sa planque dans une malle étroite alors qu'un feu est entrain de se propager !) et psychologiques ATTENTION SPOILER ! (le sort réservé à ses propres enfants, FIN DU SPOILER sa haine toujours plus viscérale de vouloir étriper son bourreau !) que n'aurait pas renié John Rambo et Evil Ash ! Cette atmosphère crépusculaire d'une forêt particulièrement délétère auquel un tueur s'y est planqué nous place dans une situation de doute, à l'instar du héros incessamment persécuté ! Sans céder à une esbroufe spectaculaire, le réalisateur opte le plus souvent sur le climat tendu d'un environnement étrangement onirique (la forêt superbement éclairée semble insuffler de temps à autre une aura fantasmatique héritée des contes de fée !) tout en nous ébranlant sur le caractère violent de certains évènements. 
    Passée cette première heure aussi déroutante qu'irrésistiblement inquiétante, la dernière partie va littéralement bouleverser la  destinée de notre survivant dans une mise en abîme désarçonnante ! Si personnellement, j'ai été stupéfié de la tournure du revirement, il n'en sera pas du goût de tout le monde, tant son twist révélateur laisse certaines questions et réflexion en suspens !


    Original et surprenant, mais déroutant et parfois incohérent dans ses facilités requises, Modus Anomali a au moins le mérite de proposer un survival détonnant dans sa structure insolite à double niveau de lecture. Le choc qui en émane (la stupeur des meurtres s'avère toujours plus dérangeante face à la réaction du héros) et les ruptures de ton accordées laissent en mémoire un ovni audacieux conçu pour diviser son public et s'interroger sur la riposte de la violence. 

    13.11.13
    Bruno Matéï

    lundi 11 novembre 2013

    MEMORY OF THE DEAD (court-métrage).


    de Pascal Frezzato. 2013. France. 20 mns. Avec Isabelle Rocton, Bruno Dussart, Caroline Masson, Christophe Masson, Adrien Erault, David Hamon, Camille Houlbert, Maxime Loiseau, Marina Poulet, Matthieu Lemercier, Eugene Rocton et Jean Bastien Erault

    FILMOGRAPHIE: Pascal Frezzato est un réalisateur français de court-métrage, né le 4 Décembre 1972.
    2010/11: Predator. 2012: Le Règne des Insectes. 2013: Memory of the dead.


    Entreprise autrement plus ambitieuse que celle du Règne des Insectes (en rapport à sa scénographie plus hétérogène exploitant ici des décors naturels, ces comédiens amateurs plus nombreux et un planning de tournage plus imposant), Memory of the Dead est le troisième essai de Pascal Frezzato dans la cour des courtsLa gestation de ce projet de longue haleine, nous la devons d'abord à la scénariste et comédienne Isabelle Rocton (jouant ici son 1er rôle à l'écran) qui souhaitait rendre hommage au mythe du zombie d'une manière toute intime.
    Partant de la même théorie nihiliste que le Règne des Insectes (l'apocalypse sans espoir de rédemption), Memory of the Dead traite de la survie des infectés (on les prénomme ici les "Z") après que la 3è guerre mondiale ait éclaté. A partir de cet argument linéaire, Pascal Frezzato livre un hommage Bis au film de zombie dans sa pure tradition, à l'instar du pré-générique où quelques zombies déambulent au milieu des champs. A travers cette belle séquence filmée en plan large, on pense inévitablement à La Nuit des Morts-vivants de Romero, alors que la scène suivante (leur promenade sur le parking d'un supermarché) évoque le panthéon du genre: Dawn of the Dead
    Passée cette première ébauche du chaos, nous entrons ensuite de plein pied dans l'intimité d'un dîner particulièrement inconvenant ! Le repas dégueulbif de trois infectés avachis sur une victime éventrée ! De manière percutante, et à l'aide de gros plans insistant sur la chair des viscères, le réalisateur semble subitement habité par une audace graphique quelque peu expérimentale. Les effets spéciaux, bricolés et minimalistes, s'avèrent assez efficaces dans leur texture graphique, d'autant mieux privilégiés par un habile montage. A contrario, on peut tout de même reprocher que la caméra s'attarde un peu trop sur l'appétit vorace d'une zombie en particulier, lorsque cette dernière mâchouille longuement un intestin ! A noter également que la qualité des maquillages de latex confectionnés pour les zombies s'avère assez impressionnante (en priorité le faciès menaçant que Isabelle Rocton porte avec ténacité !). 
    Face à cette débauche gore complaisamment étalée, on peut songer aux effluves d'un Joe d'Amato en pleine renaissance ou d'un Jesus Franco pas encore remis de Mondo Cannibale. On imagine alors que la suite à venir sera sans doute du même acabit ! Que nenni, puisque durant sa dernière partie, le métrage bifurque diamétralement pour adopter une démarche très intime (à l'instar du final désenchanté du Règne des Insectes). 


    C'est durant ses 10 dernière minutes, face à l'errance solitaire d'une femme zombie, que Memory of the Dead va enfin pouvoir décoller pour dévoiler ses ambitions premières. A travers le cheminement instinctif d'une morte-vivante, le film va subitement explorer son état de conscience comme George Romero l'avait préalablement su traiter dans le Jour des Morts-vivants. La perte de l'être cher face à une réminiscence infantile ! C'est ce que cette infectée souhaite se remémorer durant la visite de son ancienne demeure, où sa démarche nonchalante va l'entraîner vers le refuge tamisé de sa chambre. A l'aide d'un magnifique score élégiaque, l'ambiance mortifère qui imprégnait le métrage va subitement altérer pour extérioriser une amertume délicate ! Tristesse, accablement, colère et regret sont les nouveaux sentiments exprimés du point de vue de ce cadavre rongé par le souvenir et sa nécrose. Ces séquences dramatiques de claustration durant laquelle cette dernière se retrouve recluse dans l'intimité d'une chambre nous saisit à la gorge par son regain d'humanité égaré dans le néant.  
    Si le jeu perfectible des comédiens aurait gagné à être plus charpenté, (la petite Camille est assez inexpressive face à la vue de sa maman zombifiée alors que Isabelle Rocton adopte une démarche un peu trop rigide pour se déplacer !) le désarroi fragile que nous véhicule l'actrice première nous bouleverse jusqu'aux larmes ! Face à cette décharge d'émotion et d'humanisme désespéré, on songe au magnifique psycho drame Moi, Zombie, Chronique de la douleur de Andrew Parkinson, alors que Pascal Frezzato ignorait l'existence de ce métrage British !


    La mère des Larmes
    Avec l'intégrité du cinéaste et l'aimable participation des comédiens amateurs, Pascal Frezzato continue d'entamer la voie du court-métrage Z en livrant aujourd'hui un hommage aux films de Zombies dans une dramaturgie inattendue. En dépit de quelques défauts techniques évidents (fx de synthèse perfectibles, éclairages ternes), du jeu de prestance parfois hésitant (bien que Isabelle Rocton dégage une incroyable acuité émotionnelle !), Memory of the Dead empreinte la voie de Romero et Parkinson pour sa réflexion sur la conscience et transcende en dernier acte une élégie bouleversante sur le deuil infantile ! 

    P.S: Attention ! Passé le générique de fin, un clin d'oeil surprise vous attend !
    Le court-métrage est visionnable ici !
    http://www.dailymotion.com/video/x18teot_memory-of-the-dead-sous-titrage-anglais_shortfilms

    La critique de Mathias Chaput:
    Après son très réussi « Règne des insectes », le talentueux et passionné Pascal Frezzato récidive dans le court en s’appropriant un thème maintes fois ressassé auparavant : le film de zombies…
    Sauf que là, il a choisi le parti pris d’adopter un ton totalement différent et aux antipodes des films d’horreur contemporains en incluant à son œuvre une dimension métaphorique voire cristalline par le biais du personnage de la zombie femelle qui revoit son passé d’humaine après s’être vue dans un miroir…
    Et la donne change radicalement !
    Inspiré à l’extrême, Frezzato, outre une technique et un sens du cadrage très intéressants prend la symbolique de l’escalier, cet escalier où la « Z » gravite et monte comme une ASCENSION du mort vers son âme dans le ciel…
    Et d’un coup, tout son passé, toute sa vie ressurgit ! sa fille enfant, le lit, la chambre, l’ours en peluche, autant d’allégories qui jaillissent du subconscient de cette zombie, frêle et mélancolique…
    Les maquillages sont efficaces et les décors très soignés et « Memory of the dead » prend son essor véritablement dès l’entrée dans la maison, parvenant à démarquer le début gore à l’outrance pour partir dans une recherche à la démarche intelligente, cassant les hypothétiques redondances qui auraient pu foisonner si Frezzato n’avait pas exulté son imagination dès lors…
    Habilement réalisé et au timing soutenu, « Memory of the dead » plonge le spectateur en immersion vers un voyage sans retour au sein de l’inconscient, dans le creux d’une vague ou d’un tremblement sismique et finalement parvient à apporter un réconfort et un apaisement à une situation douloureuse et énigmatique…
    Nul doute que le parcours de « Memory of the dead » sera jalonné du plus grand intérêt des aficionados de films de zombies qui y verront là une approche et une thématique parfaitement novatrice, revigorante et très rigoureuse dans son traitement…
    Note : 9/10

    Pour ceux qui souhaitent découvrir le Règne des Insectes
    http://brunomatei.blogspot.fr/2012/08/le-regne-des-insectes_13.html
    et Pour une poignée de Spaghettis: http://brunomatei.blogspot.fr/…/per-un-pugno-di-spaghetti-p…
    11.11.13
    Bruno Matéï