jeudi 28 mai 2015

EDEN LAKE

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de James Watkins. 2008. Angleterre. 1h31. Avec Kelly Reilly, Michael Fassbender, Tara Ellis, Jack O'Connell, Thomas Turgoose, Bronson Webb, Finn Atkins.

Sortie salles France: 8 Octobre 2008. Angleterre: 5 Septembre 2008

FILMOGRAPHIE: James Watkins est un réalisateur et producteur anglais, né le 20 Mai 1973 à Nottingham. 2008: Eden Lake. 2012: La Dame en Noir. 2016: Bastille Day.


Epreuve de force jusqu'au-boutiste dans sa violence nauséeuse engendrée par des délinquants juvéniles adeptes du crime gratuit, Eden Lake empreinte le cheminement du survival avec un réalisme cru à couper au rasoir. Pour une première réalisation, le réalisateur anglais James Watkins frappe fort et juste dans l'art de diluer une angoisse morale et de retrouver l'intensité dramatique, l'atmosphère putride des fleurons des années 70 tels que Délivrance, I Spit on your grave ou La Dernière maison sur la gauche. Abordant le sujet brûlant des "enfants tueurs" auquel certains d'entre eux n'hésitent pas à filmer leurs actes meurtriers par le biais du camescope ou du portable (quand bien même des sites voyeuristes tels que Ogrish répertorient leurs exactions sur un tableau de cotation !), Eden Lake met en appui le laxisme et l'incivisme de nos sociétés modernes. La perte des valeurs, la démission parentale, l'absence de repère incitant certains ados désoeuvrés à se réfugier dans une délinquance criminelle, notamment faute de l'affluence du chômage. Ces ados étant issus de milieu prolétaire, parfois même molestés par certains de leurs parents, quand bien même ces derniers reproduisent un comportement insouciant lors de leurs beuveries festives de fin de semaine.


Nanti d'un suspense cadencé et d'une tension dramatique parfois très éprouvante, Eden Lake glace le sang dans sa manière documentée, radicale, acérée à dénoncer (et non exploiter !) le comportement crapuleux, car si déloyale, d'adolescents influencés par la dynamique de groupe. A contre-emploi des séries B gores conçues pour divertir le spectateur en toute tranquillité, le film prend donc parti de déranger jusqu'au malaise émotionnel lorsqu'un couple de vacanciers se retrouve pris au piège parmi la provocation de marmots en pleine forêt. La descente aux enfers que vont parcourir Jenny et Steve, nous la subissons la peur au ventre avant que le désespoir nous rattrape pour nous saisir à la gorge, les séquences de torture et d'humiliation s'avérant d'une intensité aussi abrupte que bouleversante. Tout l'inverse donc du cinéma d'exploitation moderne relancé par les franchises Saw et Hostel, illustres précurseurs du Tortur'Porn ! La fragile empathie que nous éprouvons pour les amants s'avère d'autant plus poignante parmi la dignité humaine des comédiens. Étonnante de naturel dans sa délicatesse innocente puis sa bravoure de dernier ressort, Kelly Reilly trouve le ton juste à endosser le rôle physique d'une femme en perdition gagnée par le courage de survivre, quand bien même son partenaire se retrouve sévèrement châtié par l'injustice. Michael Fassbender insufflant une expression bouleversante dans sa posture de martyr et sa conscience éprouvée de redouter sa dernière journée ! On peut également saluer le charisme naturel des adolescents rebelles redoublant de cruauté et sadisme envers leurs boucs émissaires pour imposer leur loi du plus fort !


Sous couvert de survival horrifique extrêmement dérangeant et poisseux, James Watkins cultive le drame social pour nous alerter sur la situation inquiétante d'une génération indisciplinée livrée à la loi du plus audacieux. De par leur démarche compétitive à repousser leur peur et se défier l'initiation au meurtre, Eden Lake caractérise l'expérience extrême où la terreur est avant tout psychologique ! A l'instar de sa conclusion radicale et nihiliste puisque sans échappatoire, Eden Lake est une épreuve morale en chute libre avant de symboliser l'effroi d'une innocence monstrueuse. Euphémisme s'il en est, le terme "traumatisant" est à sceller pour qualifier le contenu de cette affliction cinégénique.  

Pour public averti.

Bruno Matéï
2èx

Récompenses:
Festival international du film de Catalogne: Prix spécial pour le long-métrage
Empire Awards: Meilleur film d'horreur, Meilleur film britannique
Prix du Cercle des critiques de film de Londres: Meilleure Performance de Jeunesse Britannique: Thomas Turgoose
Fantasporto: Meilleur Film fantastique international.



mercredi 27 mai 2015

Possession. Prix d'Interprétation Féminine, Cannes 1981.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebisclassics.blogspot.fr/

d'Andrzej Zulawski. 1982. France/Allemagne. 2h04. Avec Isabelle Adjani, Sam Neil, Margit Carstensen, Heinz Bennent, Johanna Hofer, Carl Duering, Shaun Lawton.

Sortie salles France: 27 Mai 1981. Allemagne: 2007

FILMOGRAPHIE: Andrzej Zulawski est un réalisateur, scénariste, écrivain, metteur en scène de théâtre polonais, né le 22 Novembre 1940 à Lwow (Lviv). 1971: La Troisième partie de la nuit. 1972: Le Diable. 1975: L'Important c'est d'aimer. 1981: Possession. 1984: La Femme Publique. 1985: L'Amour Braque. 1987: Sur le globe d'Argent. 1989: Mes Nuits sont plus belles que vos jours. 1989: Boris Godounov. 1991: La Note Bleue. 1996: Chamanka. 2000: La Fidélité. 2015: Cosmos.

 
"L’hystérie comme dernier langage".
« Je dois à la mystique d'Andrzej Zulawski de m'avoir révélé des choses que je ne voudrais jamais avoir découvertes... Possession, c'était un film infaisable, et ce que j'ai fait dans ce film était tout aussi infaisable. Pourtant, je l'ai fait et ce qui s'est passé sur ce film m'a coûté tellement cher... Malgré tous les prix, tous les honneurs qui me sont revenus, jamais plus un traumatisme comme celui-là, même pas... en cauchemar ! ». Isabelle Adjani.

Fable sur le communisme et le totalitarisme, symbolisés par le mur de Berlin, Possession demeure, avant tout, un cauchemar sur pellicule. Un film d’horreur, au sens le plus brut du terme, tant Żuławski pousse l’hystérie jusqu’au paroxysme de la folie meurtrière. 
 
Pitch: Lorsque Marc rentre de voyage pour retrouver sa famille, son épouse Anna lui annonce, dans un souffle, son infidélité — puis le quitte. Incapable de supporter la rupture, Marc s’enfonce dans une dépression inexorable et commence à la harceler, allant jusqu’à engager un détective privé. Par son témoignage, nous découvrons qu’Anna entretient une double relation… jusqu’à ce qu’une étrange créature, tapie dans l’ombre d’une chambre, enfante un double masculin.

Expérience limite de la folie, Possession atteint une intensité rarement égalée grâce au surjeu névralgique de comédiens qui semblent sonder la foi, le bien, le mal — et leurs propres abîmes. Le film envoûte l’esprit, possédant littéralement le spectateur, notamment par la performance foudroyante d’Isabelle Adjani, habitée, transfigurée par la déchéance psychotique. Sa crise de nerfs dans les couloirs du métro reste un sommet d’extériorisation sauvage, où l’actrice se livre, corps et âme, à une caméra voyeuriste qui ne recule devant rien. Provocateur en diable, sans aucune pudeur, Żuławski façonne un film-monstre, pétri d’aberrations, ponctué de scènes chocs d’un réalisme clinique aussi éprouvant que dérangeant. Entre photographie blafarde, murs suintants d’appartements insalubres et Berlin fantomatique, l’univers visuel devient le miroir exact de la déliquescence morale d’êtres en chute libre.

Au-delà de l’horreur organique, Possession est aussi un drame psychologique — celui d’un couple qui refuse de regarder sa propre fin en face, préférant se rejeter mutuellement la faute. Żuławski, alors en plein divorce, exorcise ici son désespoir amoureux dans un cri cinématographique d’une puissance inouïe. Caméra convulsive, narration instable, émotions à vif : tout suinte l’abandon, la peur de l’autre, l’impossibilité d’aimer sans se perdre. Une fracture sentimentale poussée jusqu’à la rupture de toute logique, jusqu’à l’éclatement de la psyché. Un couple qui se refuse, par orgueil ou lâcheté, à endosser la responsabilité de sa propre désintégration. 


"Possédés par l’absence".
Malsain et dérangeant, glauque et suffocant, Possession est une œuvre de démesure, à l’image de L’Exorciste de Friedkin. Un film scandale, mais d’une singularité tranchante, où chaque crise, chaque convulsion, électrise l’écran. À cela s’ajoute le travail artisanal de Carlo Rambaldi, qui donne vie à une créature organique insaisissable, métaphore vibrante d’un désir monstrueux. Car derrière l’horreur, Possession cache un chef-d’œuvre d’une beauté vénéneuse, nonchalante, hallucinée. L’avidité désespérée d’aimer et d’être aimé dans une harmonie conjugale rêvée… jusqu’à perdre pied avec la réalité.
Public averti.

Bruno 
3èx

Récompenses:
Festival de Cannes 1981 : Prix d'interprétation féminine pour Isabelle Adjani (également récompensée pour Quartet).
Césars 1982 : César de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani.
Mostra de cinéma de São Paulo : Prix de la critique pour Andrzej Żuławski.
Fantasporto : Mention spéciale du public pour Andrzej Żuławski.
Prix de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani.

mardi 26 mai 2015

SAILOR ET LULA. Palme d'Or, Cannes 90.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

Wild at Heart de David Lynch. 1990. U.S.A. 2h05. Avec Nicolas Cage, Laura Dern, Diane Ladd, Willem Dafoe, Isabella Rossellini, Harry Dean Stanton, J.E. Freeman, Grace Zabriskie.

Récompense: Palme d'Or au Festival de Cannes, 1990

Sortie salles France: 24 Octobre 1990. U.S: 17 Août 1990

FILMOGRAPHIE: David Lynch est un réalisateur, photographe, musicien et peintre américain, né le 20 Janvier 1946 à Missoula, dans le Montana, U.S.A.
1976: Eraserhead. 1980: Elephant Man. 1984: Dune. 1986: Blue Velvet. 1990: Sailor et Lula. 1992: Twin Peaks. 1997: Lost Highway. 1999: Une Histoire Vraie. 2001: Mulholland Drive. 2006: Inland Empire. 2012: Meditation, Creativity, Peace (documentaire).


"Sailor et Lula est une histoire d'amour qui passe par une étrange autoroute dans le monde moderne et tordu." David Lynch.

A partir de l'itinéraire improvisé d'un couple de jeunes amants mutuellement épris de passion amoureuse mais compromis par l'arrogance d'une mégère maternelle, Sailor et Lula renouvelle la romance avec un goût prononcé pour le baroque, la féerie (l'ombre du Magicien d'Oz plane sur leurs frêles épaules !) et le surréalisme. Il est d'ailleurs étonnant de constater que cette oeuvre flamboyante émaillée d'éclairs d'érotisme torride et de violence âpre ait pu remporter la Palme d'Or à Cannes ! 


David Lynch se délectant à façonner une fresque lyrique où la passion des sentiments se dispute à la rage de survivre dans un monde étrangement sensuel et délétère. Menacée par une mère possessive sexuellement frustrée, et hantée par une agression sexuelle durant son adolescence, Lula tente d'exorciser ses démons dans les bras de son amant instable, ce dernier accumulant les bourdes à fréquenter et à combattre des marginaux pour protéger sa muse. Road Movie contemplatif au cours duquel la mort rode autour de leur errance existentielle, Sailor et Lula se positionne en récit initiatique pour leur fragilité candide partagée entre la souffrance d'une démission parentale, leur fougue amoureuse et leur crainte d'un avenir sans perspective professionnelle. Spoil ! D'où la décision de dernier ressort pour Sailor de participer à un hold-up afin de combler les attentes financières de sa future famille Fin du Spoil. Hypnotique et sensoriel, onirique et macabre, le climat insolite que David Lynch parvient magnifiquement à matérialiser est notamment transcendé par l'extravagance d'une jungle de marginaux corrompus par leur déchéance perverse. Cette obsession du désir sexuel que le couple cultive dans leur passion commune est donc contrebalancée avec les pulsions lubriques d'antagonistes frustrés de leur échec amoureux. 


Transfiguré par le brio de sa mise en scène stylisée, la charge érotique du duo galvanisant Nicolas Cage (en gros dur au coeur tendre !) / Laura Derne (en pin-up sensuellement provocante !) et par sa BO rock endiablée (on y croise aussi bien Elvis Presley, Chris Issak, Powermad que Richard Strauss !), Sailor et Lula s'édifie en chef-d'oeuvre pour la romance torturée impartie au couple d'apprentis. Ou par le biais de leur fusion amoureuse, comment inculquer un coeur sauvage à canaliser ses émotions afin d'accéder à la sociabilité d'un monde étrangement pervers !

Bruno Matéï
3èx

lundi 25 mai 2015

LES NOUVEAUX SAUVAGES. Prix du Public, Saint-Sébastien, 2014

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cines.com.py

Relatos salvajes de Damian Szifron. 2014. Argentine/Espagne. 2h02. Avec Ricardo Darin, Leonardo Sbaraglia, Dario Grandinetti, Erica Rivas.

Sortie salles France: 14 Janvier 2015. Argentine: 21 Août 2014

FILMOGRAPHIE: Damián Szifron est un réalisateur et scénariste argentin, né le 9 Juillet 1975 à Ramos Mejia. 2003: El Fondo del Mar. 2005: Tiempo de valientes. 2014: Les Nouveaux Sauvages.


Dans la lignée des Monstres de Dino Risi, Les Nouveaux Sauvages emprunte la démarche du film à sketchs pour mettre en appui la destinée vindicative de personnages bafoués par l'injustice au sein d'une civilisation aussi sournoise qu'individualiste. La première histoire, la plus courte, nous distille finalement un goût amer puisqu'elle fait directement écho à la terrible tragédie de l'Airbus de la Germanwings survenue le 24 mars dernier lorsqu'un pilote avait délibérément contraint de crasher son avion au péril de ses passagers. Corrosif et pittoresque lorsqu'il s'agit d'illustrer la stupéfaction de voyageurs apprenant qu'ils connaissent communément l'identité d'un certain Gabriel Pasternak, le dénouement s'avère particulièrement grinçant pour illustrer l'exaction d'un pilote d'avion incessamment discrédité par son entourage. Le second sketch, le plus faible, tourne autour d'une éventuelle vendetta de "mort au rat" qu'une serveuse de restaurant hésite à mettre en pratique contre un entrepreneur immobilier, principal fautif de la mort de son mari. Une histoire assez prenante dans le compromis du stratagème que se disputent les deux serveuses, rehaussée d'une bonne idée à mi-parcours pour rehausser la gravité de leur propos mais desservie d'un dénouement tout de même frustrant.


Le troisième segment, haletant et complètement débridé, relate l'affrontement physique de deux automobilistes après s'être insultés sur la route parce que l'un d'eux roulait trop lentement. Drôle, mesquin et méchamment cruel pour dépeindre l'absurdité de leur lutte des classes, les règlements de compte se succèdent à une cadence échevelée quant à savoir qui emportera la victoire, jusqu'à ce qu'une conclusion ne vienne les réconcilier par le biais du clin d'oeil macabre. La quatrième anthologie relate le pétage de plomb d'un ingénieur en explosif contre l'intransigeance d'une entreprise de fourrière. L'intrigue faisant honneur aux réparties verbales de ce dernier essayant vainement d'élucider l'injustice de son procès contre une bureaucratie innégociable. Le cinquième récit, incisif et sardonique dans sa chute macabre, brosse le portrait d'une bourgeoisie déloyale lorsqu'une famille est contrainte de négocier le sort de leur fils chauffard (il vient de percuter une femme enceinte après avoir pris la fuite) avec un avocat, un jardinier et un enquêteur. Un récit savoureux dans la galerie véreuse impartie à ces personnages mesquins auquel l'amitié n'a ici aucune signification pour leur soif du profit. Enfin, la dernière histoire achève de manière magistrale cette fable sur la dictature des sociétés modernes, l'incivisme, la jalousie, l'orgueil, la cupidité et la fourberie avec la nuit de noce de jeunes mariés épris d'entrain et de bonheur dans leur situation amoureuse mais rapidement rattrapés par la révélation d'une adultère que la jeune épouse va apprendre en direct de sa procession ! Jouissif, jubilatoire, insolent et plein de gravité, ce bijou d'humour acide dévoile l'envers de l'amour et de la fidélité par le biais d'un rupin subitement gagné par le remord. Bourré de répliques cinglantes dans l'expression rancunière de l'épouse, d'incidents violents et d'une rencontre inopinée au clair de lune, ce jeu de massacre réussit même à distiller une poignante empathie lors de sa dernière partie aigre-douce.


Si la plupart des sketchs s'avèrent remarquablement contés parmi l'acerbité d'intrigues à rebondissements et parmi l'impulsion tempétueuse de ces personnages, le dernier segment confiné dans une salle de noce vaut à lui seul le détour dans son brassage d'émotions contradictoires afin de décrier l'irresponsabilité de l'acte du dévouement. 

Bruno Matéï

Récompenses:
Festival international du film de Saint-Sébastien 2014 : Prix du public du meilleur film européen
National Board of Review Awards 2014 : meilleur film en langue étrangère

vendredi 22 mai 2015

TRAINSPOTTING

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site imgkid.com

de Danny Boyle. 1996. Angleterre. 1h34. Avec Ewan McGregor, Ewen Bremner, Jonny Lee Miller, Robert Carlyle, Kevin McKidd, Kelly Macdonald, Peter Mullan, James Cosmo.

Sortie salles France: 19 Juin 1996. Angleterre: 23 Février 1996

FILMOGRAPHIE: Danny Boyle est un réalisateur Britannique, né le 20 Octobre 1946 à Manchester.
1994: Petits Meurtres entre amis. 1996: Trainspotting. 1997: Une Vie moins Ordinaire. 2000: La Plage. 2002: 28 Jours plus tard. 2004: Millions. 2007: Sunshine. 2008: Slumdog Millionaire. 2010: 127 Hours. 2013: Trance. 2015: Steve Jobs.


Comédie caustique au succès international et objet de culte auprès d'une génération de cinéphiles, Trainspotting est la consécration de Danny Boyle, cinéaste anglais préalablement révélé avec un petit thriller d'humour noir, Petits meurtres entre amis. Pourvu d'un sens de dérision décalé afin de se démarquer des clichés concernant le thème éculé de la drogue, Trainspotting parvient à tirer parti de son originalité par la démarche déjantée de cinq héroïnomanes condamnés à s'épauler et se trahir pour le compte perfide de leur dope. Vivant mutuellement une existence miséreuse dans leur bourgade écossaise touchée par la dépression économique, ils passent leur temps à flâner, voler, dealer et se shooter entre deux tentatives de décrochage que leur leader Mark Renton essaie désespérément d'appliquer malgré l'influence de l'entourage.  


Nanti d'une mise en scène inventive et expérimentale afin de mieux nous immerger dans les effets désirables (orgasme extatique à l'intraveineuse, hallucinations édéniques) et indésirables de l'héroïne (impuissance sexuelle, perte de sens avec la réalité, bad-trip, overdose, crise de manque insoutenable), Danny Boyle réussit à allier fascination et répulsion quant à la perversité du produit que nos héros s'injectent obstinément sans prêter attention à la vivacité du monde extérieur. A l'instar de la séquence traumatisante auquel une mère défoncée se rend subitement compte que son bébé est mort de dénutrition ! Une situation cauchemardesque d'une intensité dramatique éprouvante, le cinéaste n'hésitant pas à filmer explicitement le cadavre nécrosé du bambin. Aussi réaliste que décalé dans les stratagèmes audacieux que nos junkies se contraignent de pratiquer pour obtenir leur produit, à l'instar de leur transaction pour 2 kilos d'héroïne, Danny Boyle ne cesse d'enjoliver sa mise en scène à l'aide d'un esthétisme poético-baroque (la fameuse plongée sous-marine dans la cuvette de toilette insalubre, les hallucinations cauchemardesques de Mark durant son sevrage !). Notamment en jouant avec la saturation / désaturation de décors tantôt psychédéliques, tantôt glauques au sein du refuge familier des drogués. Une manière d'établir un contraste entre l'illusion de leur bonheur et la réalité sordide de leur miséreux quotidien. Si certaines séquences débridées prêtent à la rigolade dans leur sens du gag vitriolé (le châtiment scatologique invoqué à Spud par sa compagne, le vol de la cassette porno que Mark a échangé chez le domicile de Tommy), d'autres moments exaltent un humour noir assez cru (la disparition d'un de leurs amis mort dans une circonstance aussi sordide que singulière). 


Mené avec entrain par une galerie de junkies délurés plongés dans l'illusion de la came, Trainspotting parvient à alerter le cercle infernal et dévastateur de la drogue avec une inventivité et une dérision aussi acerbe que grinçante (à l'instar du dénouement cynique de l'épilogue inscrit dans la désillusion). Scandé par une BO éclectique alternant la pop et la techno à une cadence métronomique et dominé par la prestance spontanée de comédiens au caractère bien trempé (mention particulière à Robert Carlyle en psychopathe avili par son alcoolisme et sa violence convulsive et à la présence ambivalente d'Ewan McGregor en junkie intarissable !), Trainspotting continue d'insuffler son emprise de bad-trip par le biais d'un réalisme désincarné !

Bruno Matéï
4èx

Récompenses:
Prix du meilleur film et du meilleur réalisateur au Festival international du film de Seattle de 1996.
BAFTA Award du meilleur scénario adapté en 1996.
BSFC Award du meilleur film en 1996.
Empire Awards du meilleur film britannique, du meilleur réalisateur britannique, du meilleur acteur britannique (Ewan McGregor) et du meilleur espoir (Ewen Bremner) en 1997.
BAFTA Scotland Awards du meilleur film et du meilleur acteur (Ewan McGregor) en 1997.
Bodil du meilleur film non-américain en 1997.
Lion tchèque du meilleur film étranger en 1997.
Brit Award de la meilleure bande-originale de film en 1997.
London Critics Circle Film Awards du meilleur acteur (Ewan McGregor) et du meilleur producteur en 1997

jeudi 21 mai 2015

Phantasm. Prix Spécial du Jury, Avoriaz 80.

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de Don Coscarelli. 1979. U.S.A. 1h32. Avec Michael Baldwin, Bill Thornbury, Reggie Bannister, Kathy Lester et Angus Scrimm.

Sortie salles France: 4 Juillet 1979

FILMOGRAPHIE: Don Coscarelli est un scénariste et réalisateur américain né le 17 Février 1954 à Tripoli (Lybie). 1976: Jim the World's Greatest. 1976: Kenny and Compagny. 1979: Phantasm1982: Dar l'invincible. 1988: Phantasm 2. 1989: Survival Quest. 1994: Phantasm 3. 1998: Phantasm 4. 2002: Bubba Ho-tep. 2012: John Dies at the end.

Don Coscarelli et les clefs d’un autre monde.
Pour son troisième long-métrage, le néophyte Don Coscarelli frappe un grand coup dans le paysage du fantastique avec un film à petit budget, Phantasm, récompensé du Prix spécial du Jury à Avoriaz, puis célébré comme une relique culte dans les vidéo-clubs des années 80.
Difficile à classer, Phantasm est un croisement entre conte horrifique, fantastique et science-fiction — à l’image de son dernier acte désincarné révélant l’origine du Tall Man et de ses esclaves. Son succès commercial s’avère tel que quatre suites verront le jour, avec plus ou moins d’inspiration.

Un adolescent et son frère aîné deviennent la cible d’événements étranges dans le funérarium de leur contrée, après la mort brutale d’un ami. Un croque-mort patibulaire, une sphère volante et une horde de nains cadavériques s’immiscent dans leur quotidien.

Dès le préambule, baigné d’une aura trouble, dans la pénombre d’une nécropole nocturne, un meurtre à l’arme blanche est perpétré par une pulpeuse créature envoûtante. Puis viennent Jodie et Mike, deux frères déjà endeuillés par la disparition de leurs parents. Tandis que l’aîné s’éloigne pour conquérir la mystérieuse femme, Mike s’insurge à l’idée d’un nouvel abandon, et le suit à la trace, impertinent et inquiet. C’est après l’enterrement de leur ami Tommy que Mike est témoin d’un acte impensable : le croque-mort en personne dérobant le cercueil, pour l’enfermer dans le coffre d’un corbillard.

Quand la peur devient passage, et la mort un mystère à apprivoiser.
Épaulé d’une partition onirique entêtante, Don Coscarelli bâtit avec Phantasm un univers macabro-surnaturel, hors des sentiers battus.
À travers la démarche quasi-détective d’un adolescent rongé par l’angoisse de l’abandon, un monde opaque prend forme — né de sa jalousie, de sa paranoïa, de son imaginaire débordant. Il affronte ses propres démons, ses peurs morbides nourries par la tragique disparition de sa famille.
Les vicissitudes baroques qu’il traverse, Coscarelli les matérialise avec un sens visuel vertigineux et un climat de mystère ensorcelant.
La narration elliptique, trouble, altère nos repères entre passé et présent, pour mieux nous engloutir dans un dédale cauchemardesque.

Sphère volante foreuse de cerveau, doigt métamorphosé en insecte, nains camouflés, portail dimensionnel vers une planète rouge… Phantasm est un périple initiatique vers l’acceptation du deuil, une odyssée psychique où la morgue devient seuil de l’inconnu.
L’inaccessibilité de l’absolu.
Coscarelli, en pionnier du fantastique contemporain, n’oublie pas l’humour noir, disséminé dans l’excentricité de ses créatures, et mêle au malaise une sensualité troublante, à hauteur d’ado en éveil sexuel.

Et comment oublier le rictus diabolique d’Angus Scrimm, incarnation inoubliable du Tall Man, figure spectrale du boogeyman, silhouette implacable à la démarche lente ?
Autour de Mike, les seconds rôles touchants gravitent comme des refuges de fortune. Et A. Michael Baldwin incarne, avec un naturel désarmant, la fragilité d’un adolescent contraint de refréner sa douleur pour survivre — avec une bravoure nerveuse, fiévreuse.                  

Phantasm : Enfance endeuillée, cauchemar éveillé.
Par son pouvoir de fascination, son décor de funérailles permanentes, son brassage de genres éclatés, Phantasm s’érige en chef-d’œuvre du fantastique moderne — un hymne au rêve, à la spiritualité, à l’apprivoisement de la mort.
La puissance métaphorique de son scénario, l’univers onirico-macabre peint avec une créativité organique, sa mélodie obsédante et inaltérable… tout concourt à faire de Phantasm une œuvre éternellement adolescente.

Les amoureux transis de bizarrerie ne se sont jamais remis d’une expérience aussi irrationnelle — un rite de passage vers l’ombre, pour consentir, à demi, à la fatalité… ou à l’illusion de l’existence.

*Bruno
06.07.11.  5 (186 vues)
21.05.15.  6èx

mercredi 20 mai 2015

TRUE ROMANCE

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Tony Scott. 1993. U.S.A. 2h00. Avec Christian Slater, Patricia Arquette, Michael Rapaport, Christopher Walken, Dennis Hopper, Saul Rubinek, Bronson Pinchot, Samuel L. Jackson, Gary Oldman, Brad Pitt, Val Kilmer, James Gandolfini, Chris Penn, Tom Sizemore, Michael Beach, Frank Adonis.

Sortie salles France: 3 Novembre 1993. U.S: 10 Septembre 1993

FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs, 1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre,1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire, 2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable..


Echec commercial lors de sa sortie, True Romance finit néanmoins par accéder au rang de film-culte chez les cinéphiles aguerris d'une ultra-violence aussi corrosive que cartoonesque. Scénarisé par Quentin Tarantino dont on reconnait bien là la verve de ses dialogues satiriques, True Romance se rapproche plus d'une déclinaison de Sailor et Lula dans le portrait marginal du couple d'amants et les conséquences de leur corruption, que du mythique Bonnie and Clyde auquel l'affiche française prêtait allusion. Tony Scott ne lésinant pas sur le caractère sanglant des règlements de compte et passage à tabac (à l'instar du mémorable corps à corps barbare entre Alabama et un tueur misogyne !) dans un esprit sardonique où l'humour noir fait des étincelles. 


Clarence, vendeur de comics, fan d'Elvis et de films de Kung-Fu, établit la rencontre d'une escort-girl, Alabama, en pleine séance de cinéma. Emportés par le coup de foudre, ils décident rapidement de se marier avant que Clarence ne se décide d'aller récupérer les affaires de son épouse chez son ancien mac, Drexl Spivey, et de le supprimer. Après la mortelle altercation, Clarence s'empare par mégarde d'une valise bourrée de Coke. Sans le sou, le couple décide par le biais d'un ami de revendre la drogue auprès d'un producteur d'Hollywood. Jouissif et trépidant dans son intrigue à revirements, quiproquos et rencontres inopportunes auquel la violence aride éclate de manière brutale, hilarant dans sa galerie fantaisiste de malfrats déjantés auquel d'illustres comédiens se prêtent au jeu avec ferveur (mention spéciale pour le numéro anthologique que Christopher Walken insuffle dans sa posture parodique de parrain sicilien !), True Romance s'instaure en plaisir de cinéma malotru. Notamment pour la caricature assignée aux financiers véreux d'Hollywood, l'hommage attendrissant invoqué à la Pop-Culture et son goût pour la farce caustique auquel la fourberie de certains antagonistes dévoile l'envers d'une industrie cinématographique rongée par le cynisme et la cupidité. Par sa facture exotique (le cadre ensoleillé des palmiers de Los Angeles) et le vent de charme et fraîcheur que le couple Christian Slater / Patricia Arquette laisse planer avec fougue passionnelle, True Romance allie tendresse et trépas dans un cocktail acidulé d'hystérie collective (fusillade paroxystique à l'appui !). 


Soutenu par la bande-son exaltante d'un Hans Zimmer particulièrement inspiré par les sonorités tropicales, True Romance transfigure la romance criminelle par le biais du polar brutal auquel les réparties inventives et la galerie effrontée des comédiens participent autant à son attrait de séduction ! Classique moderne du genre, cette "vraie" romance (adoubée par Tarantino himself pour l'alternative du happy-end de Scott !) reste aujourd'hui toujours aussi pétillante et pétaradante ! 

Bruno Matéï
3èx

    mardi 19 mai 2015

    Class 84

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

    Class of 1984 de Mark Lester. 1982. U.S.A. 1h38. Avec Perry King, Merrie Lynn Ross, Timothy Van Patten, Roddy McDowall, Stefan Arngrim, Michael J. Fox, Keith Knight, Lisa Langlois.

    Sortie salles France: 29 Septembre 1982. U.S: 20 Août 1982. Interdit au - de 18 ans lors de sa sortie.

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Mark Lester est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 26 Novembre 1946 à Cleveland, Ohio. 1971: Twilight of the Mayas. 1973: Steel Arena. 1982: Class 84. 1984: Firestarter. 1985: Commando. 1986: Armé et Dangereux. 1990: Class of 1999. 1991: Dans les Griffes du Dragon Rouge. 1996: Public Ennemies. 2000: Blowback. 2000: Sacrifice (télé-film). 2000: Guilty as Charged (télé-film). 2002: Piège sur Internet. 2003: Trahisons. 2003: Ruée vers la Blanche. 2005: Ptérodactyles.


    L'année dernière, dans les collèges américains, 280 000 incidents avec violence ont été perpétrés par des étudiants à l'encontre de professeurs ou d'élèves. 
                                                                        Malheureusement... 
                                                Ce film est basé sur des évènements réels.
                                                                        Heureusement... 
                                                Très peu d'écoles sont à l'image de "Lincoln High".
                                                                                  ... Pour l'instant.
     
    "Punk's not dead... le prof non plus".
    Voilà ce qu’on pouvait lire en guise d’introduction, juste avant que le générique n’imprime en gros caractères rouges le logo prémonitoire : Class of 1984. Film culte pour toute une génération — en témoigne son gros succès en salles puis en VHS, et ce malgré son interdiction aux moins de 18 ans — Class of 1984 doit sa réputation à la frénésie de son ultra-violence, que Mark Lester exploite dans le cadre d’une série B pour mieux dénoncer, en filigrane, la flambée inquiétante de la délinquance scolaire. Les flics postés à l’entrée des établissements y font office de geôliers, chargés de détecter armes blanches et flingues que certains lycéens planquent sous leur manteau avant de rejoindre les cours.

    Habité d’une violence aussi gratuite que putassière - autant dans les exactions dévergondées de nos quatre antagonistes que dans la riposte d’enseignants consumés par leur rancœur - le film ose même aborder la question de l’autodéfense via un final grand-guignolesque gravé dans toutes les mémoires. Quand un prof forcené décide de se faire justice en trouant la peau de quatre ados après qu’ils ont violé puis kidnappé sa femme ! Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’une vengeance ordinaire, comme dans tant de Vigilante Movies : Andrew Norris veut d’abord retrouver sa femme en VIE… avant de méthodiquement dégommer ses bourreaux.
     

    D’une efficacité et d’une tension exponentielles, la confrontation impitoyable entre Norris - harcelé jour et nuit par une bande de punks - et ses élèves dégénérés (interprétés par des comédiens en transe, jubilant dans leur fourberie criminelle) prophétise un avenir dystopique, vingt ans avant l’heure. Mark Lester souligne tout cela avec outrance et une certaine dérision, exposant l’impuissance grotesque de la police et des profs… au point qu’un d’eux finira par sombrer dans une dépression suicidaire. Comment oublier cette scène hallucinée où Roddy McDowall, flingue en main, prend sa classe en otage pendant un cours de biologie pour enfin se faire entendre ?

    Débridé, sardonique, violemment réactionnaire, Class of 1984 aligne les confrontations musclées entre une troupe de délinquants sans vergogne - dignes héritiers d’Orange Mécanique - et deux enseignants entraînés malgré eux dans une spirale d’intimidation et de représailles. De cette guerre larvée naît une violence démente que Mark Lester pousse jusqu’à la folie furieuse. Complètement frappadingue, j’vous dis ! 

    "Violence programmée en salle de classe".
    Ultra-violent et sans concession dans ses excès de brutalité putassière (la fameuse scène de viol et le carnage qui s’ensuit !), mais jouissif en diable dans son efficacité brute, Class of 1984 tire sa force de ce délire assumé et du jeu schizo de ses comédiens en roue libre - mention spéciale à Timothy Van Patten, délectable de perversité insidieuse. Une vision prophétique de l’inflation de la délinquance scolaire, nourrie par la démission parentale… À savourer au second degré, donc, pour ce tableau halluciné de la violence convulsive.

    *Bruno
    22è visionnage

      jeudi 14 mai 2015

      Mad-Max: Fury Road

                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site absolutebadasses.com

      de George Miller. 2014. Australie/U.S.A. 2h00. Avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne, Rosie Huntington-Whiteley, Riley Keough, Zoë Kravitz.

      Sortie salles France: 14 Mai 2015. U.S: 15 Mai 2015. Australie: 14 Mai 2015

      FILMOGRAPHIE: George Miller est un réalisateur, scénariste et producteur australien, né le 3 Mars 1945 à Chinchilla (Queensland). 1979: Mad-Max. 1981: Mad-Max 2. 1983: La 4è Dimension (dernier segment). 1985: Mad-Max : Au-delà du dôme du Tonnerre. 1987: Les Sorcières d'Eastwick. 1992: Lorenzo. 1997: 40 000 ans de rêve (documentaire). 1998: Babe 2. 2006: Happy Feet. 2011: Happy Feet 2. 2014: Mad Max: Fury Road.


                                "90% de ce que vous verrez à l'écran a vraiment eu lieu". Tom Hardy.
                                "J'ai fait Mad-Max pour retrouver l'essence du cinéma". George Miller. 

      Trente ans à se ronger les ongles dans l’espoir d’une résurgence du Road Warrior sur nos écrans insalubres, bien avant que ne surgisse la moindre bande-annonce extatique.
      Mad Max: Fury Road a enfin déferlé sur nos rétines en ce jour de gloire du 14 mai 2015.
      Oui, jour de gloire. Car cette date restera gravée dans le cœur des cinéphiles, surtout pour celles et ceux qui eurent l’aubaine de découvrir le monstre sur la grande toile.

      Réalisateur de génie et père d’une trilogie proverbiale, George Miller se surpasse une fois de plus dans son rôle d’alchimiste visionnaire. Un enchanteur moderne n’ayant rien à envier à Méliès, réinventant ici le langage cinématographique sous l’écrin incandescent de l’action pure.
      Oubliez les puddings à l’aspartame de la saga Fast and Furious et consorts : ici se joue la plus longue et affolante course-poursuite du 7ᵉ art, filmée en plein désert de Namibie, là où le sable se mêle à la fureur.

      Synopsis :
      Alors qu’il tente de reprendre la route à bord de son Interceptor, Max est capturé par une horde de warboys fanatiques. Enchaîné, muselé, il assiste impuissant à la cavale de Furiosa, impératrice rebelle, qui fuit Immortan Joe avec un convoi d’épouses en rupture, dont l’une porte l’enfant du tyran. Ivre de rage, Joe lance sa horde à leur poursuite. Et c’est ainsi que s’enclenche cette course infernale dans l’âpreté brûlante du désert.

      Un spectacle homérique, ahurissant d’inventivité formelle – entre tempêtes nocturnes et lumière solaire aveuglante – et de prouesses techniques d’une précision chirurgicale.
      Une tornade mécanique, alimentée par des riffs de guitare en feu, propulsée par une frénésie de cascades où bolides et camions se percutent sur des plaines enragées.
      Mad Max: Fury Road pulvérise tout ce qui avait été vu jusque-là, électrisant un public médusé, happé dans un cyclone de bruit et de fureur.

      Nanti de décors et d’accessoires à couper le souffle, ciselés dans le moindre détail – la citadelle d’Immortan Joe, les bolides déglingués, les défroques barbares, les armes hybrides –, le film ressuscite une mythologie barbare, nourrie à l’esthétique freak de Métal Hurlant, fusion tribale et cyberpunk.
      Une barbarie stylisée, suintante de rouille et de sueur.

      Véritable hymne à l’action dans sa forme la plus noble et viscérale, à mi-chemin entre un concert de hard-rock et un ballet opératique, Fury Road multiplie par dix les poursuites belliqueuses transfigurées jadis dans Mad Max 2.
      Miller ne se contente pas de ressasser : il renouvelle.
      Par une dramaturgie d’attaques et de contre-attaques, de trajets et de retours vers la Terre Verte, entre embuscades et retrouvailles pacifistes, il orchestre un chaos symétrique, où chaque affrontement motorisé devient chorégraphie vertigineuse.

      Au cœur de la tempête : la rédemption.
      Survie, espoir, entraide, confiance : les mêmes motifs que Mad Max 3, où Max, figure christique, reprenait contact avec son humanité au contact d’une colonie d’enfants.
      Ici, les enfants sont remplacés par des femmes. Fragiles en apparence, exploitées comme matrices, mais résolues à défier leur oppresseur.
      Face à elles, Max, toujours hanté par son passé, mutique et écorché, devra s’ouvrir, prêter main forte, réapprendre la fraternité au fil d’une fuite apocalyptique où l’humanité renaît dans la douleur.

      Charlize Theron incarne Furiosa avec une intensité rare – à la fois charnelle, virile, pugnace, mais aussi bouleversante d’humanité, guidée par une foi désespérée en un avenir meilleur pour les siens.
      Tom Hardy, convaincant bien que relégué au second plan, campe un Max taiseux, spectre en quête de sens, lesté par ses fantômes filiaux. Un guerrier fatigué, mais encore capable de croire, malgré lui, en une tribu.


      This is a Lovely Day ! 
      Possédé par le rugissement d’une poursuite jamais à court de carburant, Fury Road réinvente le cinéma d’action avec une telle virtuosité, une telle richesse de trouvailles visuelles, qu’une seule vision ne suffit pas à tout saisir.
      À l’image du cinéma précurseur d’un Buster Keaton ou d’un John Woo, Miller fusionne mouvement, sens et beauté dans un maelström ininterrompu.
      Et pourtant, sous ce roller coaster infernal se dessine l’humilité d’une cause : celle des femmes, de leur courage, de leur union, de leur désir de liberté.
      Face à elles, Max – héros brisé – retrouve, peut-être, la possibilité d’une communauté. D’un futur. D’un espoir.

      Yannick Dahan et Fury Road: http://www.cineplus.fr/pid5876-cine-frisson.html?vid=1280416

      mercredi 13 mai 2015

      CALVAIRE. Prix de la Critique, Prix du Jury, Prix Première, Gérardmer 2005.

                                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

      de Fabrice Du Welz. 2004. France/Belgique/Luxembourg. 1h33. Avec Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon, Jean-Luc Couchard, Brigitte Lahaie, Gigi Coursigny.

      Sortie salles France: 16 Mars 2005. Belgique: 9 Mars 2005

      FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur belge, né le 21 Octobre 1972.
      2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia.


      Récompensé au Festival de Gérardmer, de Cannes et d'Amsterdam, Calvaire surpris les cinéphiles pour ce premier essai réalisé par un cinéaste belge, Fabrice Du Welz. Véritable coup de maître dans la maîtrise de sa mise en scène autonome cédant parfois à l'expérimentation et dans sa faculté de distiller un malaise aussi prégnant que répulsif, Calvaire emprunte le genre horrifique sous couvert de survival hérité de ses ancêtres Délivrance et Massacre à la Tronçonneuse (dont un fameux "clin d'oeil" pour la scène du souper !). Après son dernier concert, un chanteur de maison de retraite tombe en panne de voiture sur le chemin forestier du retour. Par le biais d'un étrange inconnu, Marc est ensuite aimablement dirigé vers l'hospitalité de Bartel, un veuf vivant reclus dans sa ferme. Au fil de leur relation amicale, Marc éprouve un malaise face à la désinvolture de ce dernier hanté par sa solitude depuis le décès de sa femme. Alors qu'il s'était disposé à réparer son véhicule, Bartel s'en débarrasse finalement afin de séquestrer son hôte. Le calvaire peut commencer... 


      Plongée horrifique dans le tréfonds de l'aliénation mentale, Calvaire aborde la thématique du refoulement sexuel du point de vue de paysans vivant en autarcie dans leur nature sauvage. Privés de toute présence féminine, ils s'adonnent en guise de sexualité et d'ennui à la zoophilie sur leur propre bétail. Ce qui nous vaut déjà une étreinte sulfureuse proprement dérangeante dans sa manière de diluer une perversité immorale par la suggestion de l'acte innommable. Farce macabre sur le besoin irrépressible d'être aimé et le poids de la déréliction entraînant chez ces métayers rétrogrades une schizophrénie influente, Calvaire multiplie les séquences inconfortables sous la main-mise du ravisseur Bartel. L'incroyable Jackie Berroyer endossant son rôle avec une ironie sournoise dans ses expressions d'impudence et de pulsions désaxées. Toutes les séquences d'humiliations et de tortures infligées sur Marc s'avérant aussi cruelles que sardoniques dans sa condition de victime estropiée. Réduit à l'état de travelo tuméfié d'ecchymoses, ce dernier est contraint de se fondre dans la peau de l'épouse soumise sous l'impériosité possessive de Bartel. Quand aux seconds-rôles tout aussi demeurés qui empiètent le récit, Fabrice Du Welz persévère dans le malsain et le crapoteux lorsque les voisins de Bartel décident de s'accaparer de son fameux trophée en guise d'esclavage sexuel. Influencé notamment par la Traque de Serge Leroy, il nous transcende une dernière partie aussi anxiogène que chimérique lorsque Marc est contraint de s'incliner dans les brumes d'une forêt spectrale où plane un silence de mort (des plages oniriques d'un esthétisme ténébreux à couper le souffle !). 


      A travers les thèmes de l'obsession sexuelle et amoureuse, du refoulement, de la psychose et de l'isolement, Fabrice Du Welz transfigure avec Calvaire un sommet d'horreur psychologique où l'humour noir et le scabreux se télescopent avec un réalisme déroutant (à l'instar de la "danse obsédante des fous" composée au piano dans une auberge chargée d'atmosphère sulfurique !). Fascinant et perturbant à la fois, l'expérience de Calvaire, survival référentiel, possède finalement une identité quant à la personnalité hétérodoxe de son auteur provocateur.  

      Bruno Matéï

      Récompenses: Grand Prix du meilleur film fantastique européen, lors du Festival du film fantastique d'Amsterdam en 2005
      Prix de la critique internationale, Prix du jury et Prix Première, au festival de Gérardmer, 2005
      Nomination au prix de la meilleure photographie, lors des Joseph Plateau Awards en 2006
      Prix Très Spécial, Cannes 2004

      mardi 12 mai 2015

      MAGGIE

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site journaldugeek.com

      de Henry Hobson. 2015. U.S.A. 1h35. Avec Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin, Joely Richardson, Aiden Flowers, Carsen Flowers, J.D. Evermore.

      Sortie salles France: 27 Mai 2015. U.S: 8 Mai 2015

      FILMOGRAPHIE: Henry Hobson est un réalisateur américain.
      2015: Maggie.


      A cause d'une pandémie en roue libre et avec le soutien du médecin, un père envisage de se reclure dans sa demeure familiale afin d'éviter le placement en quarantaine de sa fille infectée. Progressivement, la transformation morale et physique de cette dernière gagne du terrain... Prenant pour thème l'infection du point de vue du zombie, Maggie tente de dépoussiérer le genre horrifique dans une forme intimiste afin de se démarquer de la surenchère que nombre de réalisateurs ont le plus souvent trivialisé dans les séries B d'exploitation.



      Baignant dans une mélancolie existentielle où la nature désaturée se défraîchie devant le témoignage sentencieux de métayers, la première oeuvre de Henry Hobson fait inévitablement preuve d'intentions louables par sa sincérité à privilégier l'étude de caractère et le climat dépressif en décrépitude. Confinant l'essentiel de son action sur les rapports familiaux en huis-clos d'un père et de sa fille prochainement destinés à se séparer face à la maladie, le film est contrebalancé d'un score élégiaque aussi sensible qu'infructueux. Métaphore sur le cancer et le crédit du temps présent, Maggie tente de provoquer une émotion candide quant à la situation désespérée de cette adolescente en phase terminale, quand bien même le père ("joué" par un Schwarzzie aussi apathique que stérile, alors que tout le monde s'attendait enfin à LA révélation de sa carrière !) observe sa dégénérescence avec une empathie bouleversée. Chargé de sinistrose pour la condition démunie de cette victime en quête d'amour de dernier ressort et de rédemption, Henry Hobson n'insuffle jamais une quelconque émotion, faute d'une direction d'acteurs jamais investis dans leur fonction altruiste et surtout d'une réalisation austère survolant un cheminement narratif en perte de vitesse. Il en émane un sentiment de frustration permanent quant aux intentions sincères de mettre en valeur les ressorts dramatiques de l'amour filial et la crainte de la mort auquel le script, futile, ne réserve jamais d'éventuels surprises pour la fatalité de Maggie.


      Poussif, jamais empathique ou poignant (ou alors avec parcimonie en de brèves occasions) et ennuyeux à force de ressasser la relation précaire d'un père et de sa progéniture en mutation, Maggie rate le coche de ses intentions intègres, faute d'un scénario défaillant, d'une interprétation anémique et d'une réalisation inexpressive. Reste quelques belles images de poésie bucolique et un soupçon d'esthétisme envoûtant au sein de sa nature décharnée. 

      Bruno Matéï