vendredi 28 septembre 2018

AUCUN HOMME NI DIEU

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Hold the Dark" de Jeremy Saulnier. 2018. U.S.A. 2h06. Avec Jeffrey Wright, Alexander Skarsgård, James Badge Dale, Riley Keough, Julian Black Antelope, Macon Blair.

Diffusé sur Netflix le 28 Septembre 2018

FILMOGRAPHIE: Jeremy Saulnier est un réalisateur, scénariste et directeur de photographie américain. 2007: Murder Party. 2013: Blue Ruin. 2015 : Green Room. 2018 : Aucun homme ni Dieu.


Excellent thriller à la lisière de l'horreur et d'un fantastique mystique, Aucun homme ni dieu est une descente aux enfers aux tréfonds de l'âme humaine que Jeremy Saulnier maîtrise avec un brio indiscutable. Un retour à la sauvagerie primitive de par le passé traumatique d'hommes profondément offensés par la barbarie (celle de la guerre), la désillusion et l'injustice, faute de disparitions infantiles irrésolues. Ne comptant que sur leur indépendance, ils se résignent à perpétrer l'auto-justice au sein d'une contrée indienne livrée à la ségrégation et au laxisme d'une police infructueuse ! En Alaska, une mère de famille implore à un spécialiste de retrouver le loup criminel de son jeune fils mystérieusement disparu. Russel Core accepte en toute loyauté, et ce sans y être rémunéré. Dès lors, il part à la traque aux loups avant de se raviser le soir même et de retourner chez l'étrange inconnue à son tour disparue. Mais la subite présence macabre de son défunt fils va amener Russel à reconsidérer l'improbable situation parmi l'ingérence de la police. D'une extrême violence au sein d'un panorama naturel aussi vaste qu'envoûtant et impénétrable, Aucun homme ni dieu dilue une vénéneuse atmosphère hostile. De par son silence ouaté aux relents de magie noire et des agissements putassiers de criminels interlopes dont il est difficile d'y cerner les véritables enjeux dans leur détermination à ne laisser aucune clémence à leurs prochains.


Tant auprès du corps policier que de la communauté indienne, voir aussi auprès de quidams sans défense. Imprégné de mystère diffus et de suspense latent, l'intrigue semée d'éclairs de violence abrupts (le massacre des policiers est une chorégraphie morbide proprement anthologique !) nous laisse le souffle coupé de par son réalisme effréné et sa radicalité à ne laisser aucune concession aux victimes d'autant plus innocentes et (le plus souvent) lâchement molestées. Profondément nihiliste, amer, noir et sans espoir, Aucun homme ni Dieu nous dresse un triste tableau de la nature humaine dépendante de son instinct primitif, de sa perversité (Spoil on y suggère en prime l'inceste selon notre interprétation fin du Spoil), de son hypocrisie, de ses mensonges, trahisons et coups bas si bien qu'elle se résigne à purifier son entourage lors d'un bain de sang paroxystique. Or, une majorité de spectateurs risque finalement de faire grise mine quant au dénouement hermétique du récit en suspens nous réservant plus de questions que de réponses quant aux véritables intentions des criminels en étroite relation avec la nature sauvage des loups (et une complicité paraphile). Dans la mesure où les us et coutumes de ces derniers (celle par exemple d'entamer un infanticide pour préserver leur groupe en cas de survie) s'avère difficilement explicable, notamment si on oppose les états d'âme équivoques (pour ne pas dire déviants) du couple maudit anéanti par le chagrin d'une mort innocente.


Un homme parmi les loups
Bougrement dommage donc que ce final mystique à multiples niveaux de lecture sème doute et frustration quant à l'ultime coupable de cet infanticide en étroite relation avec la cause des loups. Car Aucun homme ni Dieu était à deux doigts d'effleurer la réussite probante, notamment sous l'impulsion vigoureuse de son casting inquiétant laissant libre court à des pulsions dépressives dévastatrices. Où lorsque l'homme ne croit plus en sa nature humaine mais en l'éthique du loup ! 

* Bruno

jeudi 27 septembre 2018

MASK. Prix d'interprétation féminine, Cannes 85.

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Peter Bogdanovitch. 1985. U.S.A. 2h00. Avec Eric Stoltz, Cher, Sam Elliott, Estelle Getty, Richard Dysart, Laura Dern.

Sortie salles France: 29 Mai 1985. U.S: 8 Mars 1985.

FILMOGRAPHIEPeter Bogdanovich est un critique, réalisateur et acteur de cinéma américain né le 30 juillet 1939 à Kingston, New York. 1968 : Voyage to the Planet of Prehistoric Women. 1968 : La Cible. 1971 : La Dernière Séance. 1971 : Directed by John Ford (documentaire). 1972 : On s'fait la valise, docteur ? 1973 : La Barbe à papa. 1974 : Daisy Miller. 1975 : Enfin l'amour. 1976 : Nickelodeon. 1979 : Jack le Magnifique. 1981 : Et tout le monde riait. 1985 : Mask. 1988 : Illégalement vôtre. 1990 : Texasville. 1992 : Bruits de coulisses. 1993 : Nashville Blues. 2001 : Un parfum de meurtre. 2007 : Tom Petty and the Heartbreakers: Runnin' Down a Dream (documentaire). 2014 : Broadway Therapy. 2018 : The Great Buster.


"Ce qu'il y a de bien dans la vie, esquimaux et gâteaux, balades en moto, chimpanzés en liberté, la pluie sur ma langue et le soleil qui inonde mon visage. Ce qu'il y a de moche dans la vie, poussière dans mes cheveux, trous dans mes souliers, pas de sous dans mes poches et le soleil qui inonde mon visage." 

Bouleversant mélo retraçant le destin singulier d'un adolescent atteint de dysplasie craniométaphysaire (visage allongé difforme apparenté à un masque), Mask s'inspire de l'histoire vraie de Roy L. Dennis avec une vérité humaine brute de décoffrage. Les comédiens se fondant dans leur rôle avec une spontanéité fringante si bien que l'on se familiarise à leur côté comme s'il s'agissait de notre propre famille. Cet esprit de famille gravitant autour de Rocky, cette tendresse immodérée imprimée dans la réalité de leur quotidien marginal, Peter Bogdanovich les met en exergue avec une dignité souvent intègre. Et ce en dépit d'un soupçon de pathos à certains brefs moments (particulièrement à travers les expressions de 2/3 regards constipés) et de la facilité de bons sentiments rapidement pardonnés grâce à la vigueur des comédiens pleinement impliqués à travers leur idéologie libertaire. Mask nous relatant avec autant de pudeur que de candeur le parcours initiatique, la remise en question identitaire de Rocky en proie à une soif de vivre ainsi qu'une quête désespérée d'y apprivoiser l'amour. Ainsi, ce sentiment insupportable d'abstinence, cette appréhension de ne jamais connaître la chaleur d'un baiser charnel, Eric Stoltz nous les retransmet avec une sensibilité écorchée vive !


Plaidoyer pour le droit à la différence, à l'instar du chef-d'oeuvre Elephant Man, Mask nous laisse également en état second eu égard de son intensité dramatique convergeant vers une cruelle conclusion résolument crève-coeur. Outre le soin scrupuleux d'y dresser l'inoubliable portrait d'un ado défiguré inévitablement sujet aux brimades, à l'intolérance et à la discrimination, Peter Bogdanovich se permet notamment à travers le jeu si chétif et maternel de (l'ultra sexy !) Cher d'y esquisser un magnifique profil de mère marginale à la fois caractérielle, instable et paumée, faute de ses rencontres lubriques d'un soir et de son addiction pour la drogue auprès d'une communauté de motards pour autant humbles et solidaires. Pour se faire, la comédienne (chanteuse) n'a pas dérobé son Prix d'Interprétation Féminine à Cannes dans sa palette de sentiments contradictoires naviguant entre déchéance morale, remord et rédemption. Et ce pour la cause d'un amour immodéré pour son rejeton et celui (en ascension) de son amant (que campe sobrement le génial car si charismatique Sam Elliott). Couple mythique s'il en est, Eric Stoltz (méconnaissable en freak d'une sensibilité aiguë !) et Cher immortalisent de leur empreinte un recueil de tendresses et d'émotions à travers leur trajectoire existentielle semée de discordes, de scènes de ménages, de conflits familiaux, si bien que l'allégresse, l'espoir et l'infortune ne cessent de se chamailler la mise.


Un crève-coeur désarmant d'intensité prude. 
Terrassant d'émotions (même si certains accuseront le coté futilement mielleux de certaines postures sensiblement outrées) à travers son message d'amour, de vie et de sagesse entre une mère immature et son fils difforme, Mask ébranle le coeur avec un réalisme trouble si je me réfère aux souvenirs qu'il nous imprime passé le générique de fin. Dans la mesure où le spectateur hanté de ces décharges émotionnelles semble avoir la trouble impression d'avoir perdu un propre membre de sa famille. 

Amitié à Seb Lake.

* Bruno
4èx

Récompense: Prix d'interprétation féminine pour Cher, Cannes 1985.


Roy L. Dennis

mercredi 26 septembre 2018

Les Aventures d'un Homme Invisible / Memoirs of an Invisible Man

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de John Carpenter. 1990. U.S.A. 1h39. Avec Chevy Chase, Daryl Hannah, Sam Neill, Michael McKean, Stephen Tobolowsky, Jim Norton.

Sortie salles France: 29 Juillet 1992. U.S: 28 Février 1992

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques. 1979: Le Roman d'Elvis. 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward.


Echec critique et commercial à sa sortie alors qu'il s'agit d'une des rares commandes du maître John Carpenter, Les Aventures d'un Homme Invisible ne méritait pas tant de discrédit à travers son format de série B ludique dénuée de prétention. Et si l'intrigue minimaliste a de quoi décevoir les plus exigeants (une simple course poursuite entre bons et méchants sur fond d'étreinte amoureuse), John Carpenter parvient intelligemment à s'extirper de la routine de par la disparité de situations aussi funs que cocasses (avec un discours autrement caustique sur la fidélité amicale souvent biaisée), par l'inventivité de ces effets-spéciaux aussi surprenants que convaincants et par la tendre complémentarité du duo impromptu Chavy Chase / Daryl Hannah franchement attendrissant en amants marginaux s'épaulant mutuellement afin de s'opposer à l'espionnage international que Sam Neil leur sollicite avec un cynisme perfide en odieux mégalo usant de son pouvoir régi par la CIA. 


Le couple en fuite portant le film sur leurs épaules tant Carpenter accorde beaucoup d'importance à leur romance fusionnelle à travers le thème si cher du droit à la différence. Si bien que la tendre compagne d'Harvey accepte facilement la condition atypique de son amant de par les sentiments ardents qu'elle éprouve pour lui en n'attachant aucune importance à son physique aseptique. Emaillé de courses-poursuites et scènes d'action plutôt bien troussées au sein d'une métropole joliment photographiée, les Aventures d'un Homme Invisible cède notamment place à un onirisme candide (proche de la féerie) au fil de l'évolution sentimentale du couple apprenant à se connaître dans la confiance et la confidence puis à s'épauler avec une émotion attendrie modestement charmante. Et ce sans sombrer dans une quelconque mièvrerie, notamment grâce à la sobriété des comédiens suscitant une intègre chaleur humaine qu'on ne retrouve plus de nos jours, faute de cinéastes opportunistes comptant le plus souvent sur une action hyperbole pour y combler le grand public. 


Un fort sympathique divertissement donc, aussi mineur soit-il (ce qui renforce aujourd'hui son charme rétro), parvenant sans temps morts à amuser et à fasciner de par l'astuce retorse de ses nombreux trucages efficacement gérés autour d'une traque aussi fun que tendrement romantique. 


* Bruno
11.05.22. 3èx

mardi 25 septembre 2018

MR. MAJESTYK

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site dailymars.net

de Richard Fleischer. 1973. U.S.A. 1h43. Avec Charles Bronson, Al Lettieri, Linda Cristal, Paul Koslo, Frank Maxwell.

Sortie salles France: ?. U.S: 17 Juin 1974.

FILMOGRAPHIE: Richard Fleischer est un réalisateur américain né le 8 décembre 1916 à Brooklyn,  et décédé le 25 Mars 2006 de causes naturelles. 1952: l'Enigme du Chicago Express, 1954: 20 000 lieux sous les mers, 1955: les Inconnus dans la ville, 1958: les Vikings, 1962: Barabbas, 1966: le Voyage Fantastique, 1967: l'Extravagant Dr Dolittle, 1968: l'Etrangleur de Boston, 1970: Tora, tora, tora, 1971: l'Etrangleur de Rillington Place, 1972: Terreur Aveugle, les Flics ne dorment pas la nuit, 1973: Soleil Vert, 1974: Mr Majestyk, Du sang dans la Poussière, 1975: Mandingo, 1979: Ashanti, 1983: Amityville 3D, 1984: Conan le destructeur, 1985: Kalidor, la légende du talisman, 1989: Call from Space.


Modèle d'efficacité au sein du film d'action que Richard Fleischer supervise avec souci professionnel, Mr. Majestyk est un jubilatoire jeu de massacre transcendé par le tempérament imperturbable de Charles Bronson en justicier louable. Je m'explique: propriétaire de pastèques auprès de 65 hectares, Vince Majestyk envisage d'employer de modestes ouvriers mexicains au moment même où un exploiteur sans vergogne souhaite les substituer par ses hommes de main. Face au refus péremptoire de Vince et après s'être affrontés verbalement, une risque s'ensuit entre eux mais Vince parvient à dérober la carabine de son rival pour le brimer à nouveau. Arrêté par la police suite à la plainte de son agresseur, c'est en cellule qu'il fait la connaissance du mafieux Frank Renda. Totalement indifférent à sa réputation criminelle, Vince se contente de le railler alors qu'au moment d'escorter Renda vers un autre pénitencier, des règlements de compte sanglants ont lieu en centre urbain afin de le faire évader. Mais dans le feu de l'action, Vince parvient à s'échapper en bus avec Renda.


Après s'être planqués dans une cabane, ce dernier lui propose une transaction en échange de sa liberté. Loyal, honnête mais rusé, Vince décide plutôt d'opérer un marché avec la police afin de récupérer sa propre liberté et ses pastèques à cueillir. Mais grâce à la complicité de sa compagne venue lui prêter main forte, Renda parvient in extremis à s'évader. Dès lors, transi de haine et de rancoeur, il jure de se venger en souhaitant la peau de Vince. Fort de cette intrigue habilement structurée, prétexte à règlements de compte sanglants et poursuites en règles jamais gratuits (rare pour ne pas le souligner dans le cadre du film d'action bourrin !), Mr. Majestyk diffuse un rythme effréné pour tenir lieu d'un affrontement stoïque entre un mafieux aussi obtus qu'empoté et un ancien vétéran du Vietnam, fin limier et héros aguerri en justicier gouailleur ! Et donc à travers un jubilatoire jeu du chat et de la souris où les rôles seront amenés à s'inverser en cours de trajectoire épique, Mr. Majestyk redouble d'efficacité en opposant l'injustice d'une violence expéditive résolument couarde contre une auto-justice contre-intuitive misant sur le self contrôle que Bronson instaure avec une force tranquille imprégnée de dérision. Le tout dans le cadre solaire d'une série B purement ludique à la scénographie rurale.


Western moderne survitaminé pour autant jamais racoleur lors des récurrentes confrontations (aussi bien verbales que physiques) entre bons et méchants, Mr. Majestyk s'adonne à la ferveur expansive à travers les charismes striés du légendaire Charles Bronson et du robuste (par la taille) Al Lettieri aussi bien impressionnant que délectable en salopard sournois ne reculant devant aucune turpitude pour avoir le dernier mot. D'autres seconds-rôles aussi irrésistibles dans leur posture chafouine sont également à la fête (Paul Koslo en faire-valoir mesquin), quand bien même la très élégante et attachante Linda Cristal tente de se faire une place dans le coeur de Bronson avec une détermination sentimentale entêtée. Rondement mené car réalisé de main de maître sous l'impulsion dramatique de quelques éclairs de brutalité assez rugueux (et ce même si le hors-champs est parfois de mise), Mr Majestyk se permet en prime d'inciser ses dialogues à travers des répliques aussi cocasses qu'inventives nous provoquant le rire nerveux ! Une véritable réussite "vintage" auquel le dernier blockbuster mainstream fait bien pâle figure. 

* Bruno
3èx

lundi 24 septembre 2018

Superstition / la malédiction de la sorcière


de James W. Roberson. 1982. Canada. 1h26. Avec James Houghton, Albert Salmi, Lynn Carlin, Larry Pennell et Jacquelyn Hyde.

Sortie salles Canada: 12 Mars 1982

FILMOGRAPHIE: James W. Roberson est un réalisateur canadien. 1980: The Legend of Alfred Packer (sous le nom de Jim Roberson). 1982: Superstition. 1991: The Giant of Thunder Mountain.

                                  

"VHS sang et sortilèges".
Inspiré par la vague des films de maisons hantées ayant sévi quelques années plus tôt (Poltergeist, Amityville 1 et 2, Le Couloir de la mort, Trauma), Superstition fut, à l’époque de sa sortie VHS, un hit dans les rayons des vidéo-clubs — chez l’amateur de gore festif — au grand dam de son invisibilité en salles dans nos contrées.
Outre son alléchante jaquette horrifico-sensuelle, le film doit son succès et sa réputation à l’efficacité de ses effets spéciaux, réalisés avec un professionnalisme certain, n’ayant rien à envier aux maîtres notoires tels que Tom Savini, Ed French ou Dick Smith.

Le pitch : alors que deux meurtres inexpliqués viennent d’avoir lieu dans une demeure abandonnée, réputée hantée, les paroissiens d’une église décident de la mettre en location. Rapidement, une famille y emménage. Mais de mystérieux événements ne tardent pas à se manifester, tandis que la police tente d’identifier un potentiel coupable.

                                  

Réalisé sans prétention mais avec amour du genre, ce B movie inédit en salles aura marqué toute une génération de vidéophiles des années 80, tant le bouche-à-oreille fut enthousiaste.
Le film jouit surtout d’une réputation sulfureuse, en raison de sa violence graphique — pour me répéter.
Mais lorsqu’on revoit aujourd’hui Superstition (j’en suis à mon septième visionnage !), on mesure à quel point son scénario linéaire et le jeu, perfectible mais attachant, de ses comédiens méconnus, sont rachetés par l’abondance de scènes horrifiques, particulièrement sanglantes et spectaculaires, ainsi que par son atmosphère typique de l’horreur eighties.   

Personne n’a oublié son inquiétant préambule — la meilleure séquence du film — baigné dans une ambiance feutrée : deux énergumènes, confinés dans une demeure obscure, y sont sauvagement assassinés par une entité surnaturelle.
Corps levé en lévitation puis violemment fracassé contre le plafond, tête explosée dans un micro-ondes… Et surtout, cette scène ahurissante où l’un des jeunes se retrouve piégé dans une porte-fenêtre qui se referme sur son corps, le sectionnant net. Une vision brutale, bluffante, d’un réalisme cruel et incisif.

                                    

Ce prologue, prometteur, riche en ambiance diffuse et en émotions fortes, s’avère être la plus belle attraction du film avant de renouer, lors de son climax, avec ce même climat mortifère et explosif, truffé de péripéties meurtrières.
À l’image de cette séquence cinglante où une jeune fille est sauvagement empalée, un pieu traversant son crâne !
Si le cheminement narratif ne brille pas par sa surprise, il demeure efficace par la métronomie des scènes chocs, surgissant en moyenne toutes les dix minutes.
Le script occulte se fonde sur une légende locale : en 1684, une sorcière condamnée par l’Inquisition fut noyée au fond d’un lac. Avant de périr, elle jura de se venger — promesse funeste faite aux villageois hilares — et annonça son retour pour hanter leurs descendants.

Malgré son manque d’inventivité scénaristique et ses personnages stéréotypés, Superstition parvient à susciter la sympathie grâce à la pertinence de ses effets chocs, à une réalisation modeste mais sincère, et à l’attrait bonnard de ses protagonistes — aussi naïfs soient-ils — confrontés au Mal.
Le flic obtus, obsédé par l’idée que le simplet du village est coupable de la mort de son partenaire ; le révérend Maier, furtif mais marquant ; et surtout le révérend Thompson, héros fragile et tenace, prêt à défendre cette famille coûte que coûte.

                                  

Scherzo video productions: "La Maison qui saignait toutes les dix minutes".
En dépit de ses défauts — notamment l’absence de suspense — Superstition demeure une série B fort sympathique, scandée par l’audace de ses effets gores (trois séquences font date), par une ambiance pesante, parfois génialement oppressante, et par un casting de seconde zone qui se débat avec une naïveté attachante contre les forces du Mal.
Une bande originale percutante insuffle même, par instants, une intensité épique à une dramaturgie étonnamment prononcée. Bourré de charme ce métrage au demeurant. 


* Bruno
25.05.22. èèx
24.09.18. 
25.04.11. 325 vues

vendredi 21 septembre 2018

Abandonnée / Los Abandonados

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Nacho Cerda. 2006. Angleterre/Espagne. 1h39. Avec Anastasia Hille, Karel Roden, Valentin Ganev, Paraskeva Djukelova et Carlos Reig-Plaza.

Sortie en salles en France le 30 Mai 2007.

FILMOGRAPHIENacho Cerda est un réalisateur et scénariste espagnol né en 1969.
1990: The Awakening (court). 1994: Aftermath (court). 1998: Genesis (court). 2006: Abandonnée
                                     
 
« Nous nous hantons nous-mêmes. Ils sont notre mort, notre futur… »
Après s’être fait remarquer avec sa trilogie de la mort et son inoubliable poème nécrophile Aftermath, Nacho Cerdà était attendu au tournant pour son premier long métrage, tourné en Bulgarie. Hommage assumé à L’Au-delà de Lucio Fulci, Abandonnée convoque le bad trip quasi expérimental pour plonger le spectateur dans un état second, entre malaise et fascination morbide, via un voyage temporel jusqu’au bout des ténèbres.

Le pitch : Adoptée depuis sa naissance et n’ayant jamais connu l’identité de ses parents, Marie apprend la découverte du cadavre de sa mère biologique et hérite d’une ferme familiale en ruines. Accompagnée d’un étrange guide, elle se rend sur les lieux, en Russie. Sur place, elle rencontre Nikolaï, un homme énigmatique, réuni là pour des raisons similaires.

Dès son prélude oppressant situé en 1966, dans une contrée forestière brumeuse, Abandonnée s’inscrit dans une tonalité rugueuse : une femme mourante confie dans un dernier souffle deux nourrissons en larmes à des paysans hagards. Quarante ans plus tard, frère et sœur tentent de renouer avec leur passé enterré, pendant que leurs doubles fantomatiques rôdent, tapis dans les couloirs du souvenir. Porté par une photographie blafarde et des jeux de lumière d’une grande beauté spectrale, Cerdà transfigure son décor forestier pour mieux nous perdre dans un cauchemar perméable, à mi-chemin entre rêve, réminiscence et hallucination.                               

À l’instar des héros de Fulci, Marie et Nikolaï errent comme deux âmes hagardes dans une demeure hantée par leur propre reflet. Conscients de marcher vers leur destin, ils s’enfoncent dans un labyrinthe de paranoïa, cherchant à percer le secret de la mort de leurs parents — et notamment celui du père, figure maléfique adepte de forces occultes, répétant inlassablement : « Ne brisons pas le cercle. »

Dans cette atmosphère de réalisme cafardeux, l’angoisse s’infiltre partout. Chaque pièce disloquée exhale une décrépitude poisseuse : parquets moisis, cloisons suintantes, toiles d’araignée engluant les meubles dans leur odeur de renfermé. Le sous-sol, envahi par les eaux, charrie des râles d’agonie et des voix d’outre-tombe, où des silhouettes parcheminées invitent à la damnation. Ce voyage vénéneux, hors du temps, emprisonne le spectateur dans un cauchemar éveillé, où fiction et réalité s’entrelacent dans un ballet d’images de plus en plus violentes et déstabilisantes.

Porcs déchiquetant un cadavre en gros plan, nourrisson sacrifié dans une eau rougeâtre... Ces séquences, quasi insoutenables, marquent au fer rouge. Grâce à la force de ses visions horrifico-macabres et à sa mise en scène étouffante, Cerdà transforme sa maison en huis clos tentaculaire, où chaque cadrage devient une menace. Abandonnée s’impose alors comme un cauchemar métaphysique, d’une intensité diaphane et toxique.                                  


"Spectres d’une mémoire close".
Imprégné d’une étrangeté dense, Abandonnée déploie, par le biais d’une caméra nerveuse, un cauchemar éveillé habité par le doute, la peur, l’oubli, la mort — et la persistance spectrale de soi. Porté par des comédiens sobres, fébriles, transis d’émotion, ce poème lugubre interroge l’identité et l’existence, jusqu’à son point d’orgue nihiliste, suggérant peut-être une délivrance dans l’abandon. Du pur cinéma d’ambiance, écorché, sensoriel, personnel : pièce maîtresse d’un dédale horrifique à la fois putride et éthéré.

* Bruno
15.08.24. Vostfr. 4èx
21.09.18. 
27.05.11. (2283 vues)

jeudi 20 septembre 2018

Le Fantôme de Milburn / Ghost-Story

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site allpicspeople.skyrock.com

de John Irvin. 1981. U.S.A. 1h50. Avec Fred Astaire, Melvyn Douglas, Douglas Fairbanks Jr, John Houseman, Craig Wasson, Patricia Neal, Alice Krige.

Sortie salle France: 30 Juin 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVEJohn Irvin est un réalisateur et scénariste anglais, né le 7 Mai 1940 à Newcastle-upon-Tyne en Angleterre. 1980: Les Chiens de Guerre. 1981: Le Fantôme de Milburn. 1984: Champions. 1986: Le Contrat. 1987: Hamburger Hill. 1989: Un Flic à Chicago. 1990: La Guerre des Nerfs. 1991: Robin des Bois. 1994: Parfum de Scandale. 1997: City of Crime. 2001: Vengeance Secrète. 2008: The Garden of Eden.


Réalisateur éclectique, John Irvin s'entreprend avec son second long d'adapter une histoire de fantômes d'après une nouvelle de Peter Straub. Bien connu des amateurs de films de guerre et d'action, à l'instar des Chiens de GuerreHamburger Hill ou du ContratJohn Irvin empreinte ici la voie de l'épouvante vétuste parmi l'aimable intervention d'anciennes gloires des années 30 (Fred Astaire ici dans son dernier rôle, Melvyn DouglasDouglas Fairbanks Jr, puis dans une moindre mesure John Houseman !). Le PitchUn groupe de septuagénaires, anciens amis de longue date, sont communément confrontés à endurer le même cauchemar durant leurs nuits d'insomnies. Hantés par un terrible secret, ces derniers vont devoir affronter le fantôme d'une jeune dame revancharde ! Confectionné sous le moule d'une ghost story vintage en oscillant la reconstitution des années 30 avec celle contemporaine des années 80, Le Fantôme de Milburn a de quoi fantasmer les amateurs de bonnes vieilles histoires horrifiantes que l'on aime se narrer au coin du feu autour d'un verre de cognac ! C'est ce que nous suggère son prologue quelque peu envoûtant (à l'instar de l'intro anthologique de Fog de Carpenter narrée par le même acteur) lorsque 5 notables se réunissent pour écouter ensemble une histoire macabre en bonne et due forme.


Quand bien même le soin de la photo envoûtante, les impressionnants maquillages élaborés par le spécialiste Dick Smith au travers de visions macabres redoutablement réalistes et la prestance d'anciens vétérans d'Hollywood prédisposent une oeuvre solide traitée avec modeste conviction. Evacué de séquences spectaculaires ou effrayantes il est vrai, les quelques apparitions spectrales qui jalonnent le récit s'avèrent tout de même marquantes (bien que concises) auprès de l'aspect morbide des cadavres en putréfaction ! Mais surtout, la beauté glaçante de la vénéneuse actrice Alice Krige emporte tout sur son passage de par sa trouble charnalité illuminant l'écran à travers son regard redoutablement austère. Son jeu lestement ombrageux émanant des réminiscences de son ancienne tragédie alterne emprise érotique (les étreintes sexuelles torrides sont sensorielles par leur réalisme décomplexé) et sentiment trouble de malaise eu égard de ses postures versatiles que ces amants reluquent avec une inquiétude mêlée de peur et de fascination. John Irvin prenant soin, entre simplicité et efficacité, à nous broder autour de ce personnage interlope une superbe ghost-story où l'érotisme quasi omniprésent et l'anxiété du danger sous-jacent titillent les sens des protagonistes et du spectateur tourmentés par un vortex d'émotions contradictoires eu égard de l'enjeu du désir galvaudé. 


D'un onirisme tout à la fois macabre et sensuel formellement velouté, conté avec attention et formidablement interprété par de solides monstres sclérosés réunis pour le meilleur d'une ghost-story adulte, Le Fantôme de Milburn envoûte notre attention sous l'impulsion de la beauté blafarde Alice Krige résolument magnétique en spectre revancharde incapable d'acquérir le repos faute de ses prétendants infortunés. A revoir fissa, de préférence un soir d'hiver, en VO.  

* Bruno
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mercredi 19 septembre 2018

Beau-Père. Prix du Meilleur Film Etranger, Critics Awards 1982.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Bertrand Blier. 1981. France. 2h04. Avec Patrick Dewaere, Ariel Besse, Maurice Ronet, Geneviève Mnich, Maurice Risch, Nathalie Baye, Nicole Garcia, Macha Méril.

Sortie salles France: 16 Septembre 1981 (Int - 13 ans)

FILMOGRAPHIEBertrand Blier est un réalisateur, scénariste et écrivain français, né le 14 mars 1939 à Boulogne-Billancourt.1967 : Si j'étais un espion. 1974 : Les Valseuses. 1976 : Calmos. 1978 : Préparez vos mouchoirs. 1979 : Buffet froid. 1981 : Beau-père. 1983 : La Femme de mon pote. 1984 : Notre histoire. 1986 : Tenue de soirée. 1989 : Trop belle pour toi. 1991 : Merci la vie. 1993 : Un, deux, trois, soleil. 1996 : Mon homme. 2000 : Les Acteurs. 2003 : Les Côtelettes. 2005 : Combien tu m'aimes ? 2010 : Le Bruit des glaçons. 2019 : Convoi exceptionnel.


Relatant sans trivialité la relation scabreuse entre une ado de 14 ans et son beau-père trentenaire suite au décès précipité de son épouse, Beau-père bouleverse nos sens et notre morale sous l'impulsion d'un duo de comédiens transis d'émoi amoureux. Bertrand Blier, auteur sulfureux émérite abordant ici le thème de l'hébéphilie avec autant de pudeur que d'audace inouïe dans son désir jusqu'au-boutiste, frontal, de nous confronter à une improbable histoire d'amour entre un adulte et une ado consentante. Si bien qu'en l'occurrence, la prémices du désir émane de Marion littéralement enivrée par sa passion viscérale pour son beau-père alors que celui-ci s'efforcera (de prime abord) de repousser ses avances dans sa responsabilité adulte et paternelle. Sans jamais juger le comportement si amoral de ses personnages ou de nous faire la morale du bien-penseur, Bertrand Blier nous plonge dans leur vertige amoureux avec une intensité dramatique parfois éprouvante eu égard de l'immoralité de leur liaison interdite et de l'issue en demi-teinte de son cruel dénouement.


Et donc à travers la difficulté de gérer la perte de l'être aimé, l'auteur nous radiographie avec tact, dérision (les dialogues inventifs s'avèrent parfois grinçants au point de provoquer quelques rires nerveux !) et beaucoup de pudeur la plongée intimiste du duo familial dans l'emprise des sentiments, faute de leur fragilité esseulée et de leur désarroi existentiel (d'autant plus que Rémi est au chômage en dépit de son métier de pianiste à ses heures perdues). Au-delà de son climat aussi bien dérangeant que perturbant à travers un huis-clos clairsemé à la fois étouffant et rustique (l'appartement puis la maison de campagne en second acte), Beau-père est illuminé par la force d'expression de Patrick Dewaere (le plus grand acteur français selon mon jugement de valeur) en beau-père paumé et indécis, voir névrosé, pour autant rempli d'affection, d'amour et de bienveillance pour sa belle-fille. Quand à Ariel Besse, on reste ébahi par sa performance naturelle très audacieuse à exhiber son plus simple appareil en ado pubère en proie au désir corporel et sentimental. Douce, fragile, flegmatique et d'autant plus si innocente, Marion ne parvient pas à refréner ses pulsions sexuelles et sentimentales en dépit de sa sagesse, sa compréhension à laisser Rémi s'autoriser l'adultère (potentiellement rédemptrice). Bref, ce duo inoubliable plongé dans leur stricte solitude nous laisse finalement dans une drôle d'impression morale, une ambiguïté émotionnelle mêlée d'échec, d'amertume et de libération.


Folle romance paraphile proprement vertigineuse, voire même limite sensorielle dans la retranscription vériste des sentiments (et des corps) mis à nu face caméra, Beau-père fait office d'expérience émotionnelle sensiblement scabreuse dans sa manière radicale de nous bouleverser la raison (avec toutefois une subtile pudeur) auprès d'un amour condamnable. Magnifique dans la fragilité expressive des amants mais aussi perturbant dans leur tendresse irraisonnée, on en sort finalement transformé passée sa conclusion aussi bien amère qu'équivoque. Si bien que personne, spectateur compris, ne semble en sortir indemne...
Pour public averti.

* Bruno

Boston Society of Film Critics Awards 1982 : Prix du meilleur film étranger

Note (Wikipedia): Bertrand Blier précise que l'affiche n'est pas celle qui avait été choisie à l'origine. Le producteur aurait imposé la version (plus sulfureuse) que l'on connaît à son insu. Ce qui a nuit au film et à la jeune actrice si bien qu'il y a eu un "procès" à ce sujet.

Le point de vue de Mathias Chaput:
« Beau-père » traite d’un sujet douloureux et délicat, très peu exploité au cinéma, du moins de cette façon, la pédophilie, mais Blier est malin et sensible, ici aucune outrance ni vulgarité mais une succession de saynètes simples dans des décors épurés et un jeu d’acteur respectueux et pudique…
Dewaere est habité par son rôle comme dans la plupart de ses films et la jeune Ariel Besse étonnante de professionnalisme et d’intelligence, il faut un grand courage pour endosser son personnage loin des lolitas décérébrées que l’on avait l’habitude de voir, elle représente Marion, le personnage central du métrage, celle par qui tout arrive, c’est elle le vecteur de l’intrigue et de cette histoire d’amour quasi impossible mais rendue attachante par un Blier au firmament…
Les seconds rôles sont à la fois distants et proches de Rémi, notamment le contrebassiste et son épouse ou les deux femmes qui apparaissent au début et au final du film (Nicole Garcia et Nathalie Baye, la veuve qui ouvrira les yeux de Dewaere et par conséquent le sauvera de sa relation folle avec Marion)…
L’escapade à Courchevel permet de confirmer l’amour fou entre Rémi et Marion, tour à tour passionné et d’une tentation quasi irréelle, Blier pose sa caméra et laisse aller ses personnages dans une lente mais efficiente love story insolite qui pourra encore de nos jours paraître déplacée voire illégale mais « Beau-père » n’est jamais un film obscène ou pédophile dans le sens « pornographique » du terme, c’est plus un drame passionnel où gravitent des protagonistes paumés et sans repères…
Le repère, justement, aussi bien pour le spectateur que pour Rémi, c’est Marion ; Rémi a tout perdu, sa femme, son travail de pianiste, il vit dans un environnement délétère qui n’a que peu de sens pour lui, et dès qu’il intègre le fait que Marion est amoureuse de lui, sa vie change mais heureusement pour la bienséance, de façon partielle et éphémère…
Ce n’est que lorsque sa raison regagne sa place et la rencontre avec Nathalie Baye que sa conscience reprend ses droits et qu’il retombe sur ses pieds…
Finement joué et assumé totalement par Bertrand Blier, « Beau-père » est une œuvre dérangeante mais à l’histoire suffisamment bien ficelée qui évolue en flux tendu par son côté scabreux mais qui demeure le témoignage d’un très bon cinéma, osé et talentueux…
Il faut être ouvert cinématographiquement pour le visionner mais « Beau-père » est une grande performance dramatique, à contre-courant du cinéma traditionnel, Blier a une nouvelle fois entrepris un pari risqué qu’il a gagné haut la main…
C’est le genre de metteurs en scène qui rend honneur au cinéma hexagonal, nous nous devons de le souligner…

Note : 9/10

mardi 18 septembre 2018

LE DEMON DANS L'ILE. Prix du Suspense, Avoriaz 83.

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Francis Leroy. 1983. France. 1h39. Avec Jean-Claude Brialy, Anny Duperey, Gabriel Cattand, Pierre Santini, Cerise, Janine Magnan.

Sortie salles France: 30 Mars 1983

FILMOGRAPHIE PARTIELLE (le monsieur ayant tourné une quarantaine de films X): Francis Leroi est un cinéaste français, né le 5 septembre 1942 à Paris, décédé le 21 mars 2002 à l’île Maurice. 1968 : La Poupée rouge. 1969 : Ciné-Girl. 1972 : La Michetonneuse. 1982 : Le Démon dans l’île.


Quelle bien étrange curiosité que ce Démon dans l'île portant la signature de Francis Leroy,  (réalisateur entre autre de films X) et incarné par nos illustres acteurs Jean-Claude Brialy, Anny Duperey. Débarquée sur une île bretonne afin d'oublier la disparition tragique de son époux et de son fils, Gabrielle Martin est témoin d'incidents domestiques inexpliqués. Les citadins étant victimes de leurs appareils ménagers potentiellement défectueux. Son enquête l'amène à fréquenter l'étrange et solitaire docteur Paul Henry Marshall. Série B française correctement menée et réalisée, le Démon dans l'île possède l'indéniable efficacité de nous proposer des séquences chocs redoutablement impressionnantes par leur impact horrifique à la fois spectaculaire, inventif, gore et viscéral.


De par la diversité des ustensiles utilisés (couteau électrique, four, ours en peluche, téléviseur, rasoir), les scènes chocs se succèdent habilement sans jamais nous lasser, et ce en dépit de leur aspect itératif. Et donc sur ce point, le film s'avère une franche réussite, tant auprès des FX simples mais relativement soignés, que de l'instauration d'un suspense tendu quant à l'éventuelle sort de la victime manipulant insouciamment l'appareil domestique. Francis Leroy jouant notamment avec un suspense sardonique lorsque 2 ou 3 protagonistes réunis dans la même maison pourraient faire les frais de l'appareil diabolique qu'ils manipulent indépendamment dans une pièce distincte ! Quant aux tenants et aboutissants de l'intrigue assez nébuleuse, à mi chemin entre la parodie involontaire et la sobriété la plus louable, on reste autant surpris qu'interloqués à traiter du thème de la télékinésie avec une certaine ambiguïté. Pour autant, grâce au jeu très convaincant d'Anny Duperey en investigatrice pugnace et au dynamisme du rythme (rehaussée d'un climat insulaire sensiblement envoûtant), on suit son trajet avec autant d'appréhension que de soif de vérité à percer le mystère qui entoure l'île hantée d'un secret infantile éhonté. On n'en dira pas tant de la prestance un peu trop rigide de Jean-Claude Brialy en manipulateur ésotérique trop altier pour être convaincant.


Récompensé du Prix du Suspense à Avoriaz, du Prix d'interprétation féminine pour Anny Duperey et des Meilleurs Effets spéciaux à Fantasporto, Le Démon dans l'île dilue une aura d'étrangeté toute particulière à travers la personnalité intègre de Francis Leroy s'efforçant scrupuleusement de nous distraire dans un jeu de peur irrationnel aussi troublant et poétique qu'hermétique d'une certaine manière. L'intrigue elliptique cédant un peu à la facilité, aux chemins de traverse finalement à travers l'exploitation d'un cerveau surdimensionné. A découvrir en tous cas avec intérêt, notamment auprès de sa nationalité française plutôt frileuse avec le genre Fantastique. 

* Bruno
2èx

lundi 17 septembre 2018

FLAGELLATIONS

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Pete Walker. 1974. Angleterre. 1h42. Avec Barbara Markham, Penny Irving, Robert Tayman, Patrick Barr, Ray Brooks

Sortie salles France: 4 Janvier 1984. Angleterre: 19 Avril 1974

FILMOGRAPHIE: Pete Walker est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né en 1939 à Brighton. 1968: l'Ecole du sexe, For men only, 1970: Cool, c'est Carol, 1971: Man of violence, Die Screaming, Marianne, 1972: Quatre dimensions de Greta, le Théâtre de l'angoisse, 1973: Tiffany Jones, 1974: Flagellations, Frightmare, 1976: The Confessionnal, Schizo, 1978: Hallucinations, 1979: Home Before Midnight, 1983: House of the long shadows.


Si l'idée de départ était plutôt alléchante sur le papier (anciens dirigeants d'une prison, un groupe de retraités rigoristes kidnappent des jeunes filles dans leur maison de correction pour les expier de leurs pêchers), Flagellations ne dépasse pas le stade du sympathique divertissement de par son intrigue redondante éludée de surprises. Et ce même si sa cruelle dramaturgie peut parfois agréablement surprendre dans son refus de concession. Incarnés par des comédiens tout juste convaincants et réalisé avec  l'attachante maladresse qu'on lui connait, Pete Walker exploite passablement son sujet, notamment auprès de la caractérisation de ces personnages tantôt trop équivoques ou versatiles (le fils de la matriarche - incarné par Robert Tayman - ne sait pas vraiment sur quel pied danser dans sa position contradictoire de kidnappeur clément). Pour autant, et sans doute avec indulgence, la farce gentiment horrifique se gaussant du fondamentalisme et des chartes archaïques de la juridiction se laisse suivre sans ennui à défaut de lui tolérer un second visionnage. On a en tous cas connu Pete Walker plus fou, audacieux et inspiré avec Frightmare, Hallucinations et surtout Mortelles Confessions (son oeuvre la plus aboutie et convaincante).

* Bruno

samedi 15 septembre 2018

Maniac

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Franck Khalfoun. 2012. France/U.S.A. 1h30. Avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, Liane Balaban, America Olivo, Joshua De La Garza.

Sortie salles France: 2 Janvier 2013

FILMOGRAPHIEFranck Khalfoun est un réalisateur, scénariste, acteur et monteur américain
2007: 2è Sous-sol. 2009: Engrenage Mortel (Wrong Turn at Tahoe). 2012: Maniac


"Maniac : solitude en caméra close".
Discrédité avant même son entreprise, déjà étiqueté remake bancable d’un chef-d’œuvre traumatisant, Maniac nouvelle mouture prenait un risque double : reprendre un monument crasseux du cinéma d’horreur, et confier le rôle-titre à un acteur au minois infantile. Un choix particulièrement couillu, qui laissait craindre le pire, d’autant plus que son réalisateur, encore novice, venait de livrer deux productions aussi conventionnelles que tièdes. Pourtant, produit par William Lustig en personne, épaulé des Français Aja et Levasseur (également crédités au scénario), ce Maniac autrement sophistiqué fait le choix intelligent de ne pas singer son modèle cradingue. Filmé intégralement en caméra subjective, du point de vue du tueur, Maniac version 2012 est une nouvelle plongée dans les bas-fonds d’un Los Angeles corrompu, qu’un psychopathe entreprend de « nettoyer » en ciblant une gent féminine aguicheuse.
 
Dès le prologue, l’ambiance est posée : anxiogène, crépusculaire, poisseuse. Un New York fantasmé, insalubre, nous est exposé avec un réalisme cafardeux : badauds désoeuvrés, foule cosmopolite, trottoirs noyés sous les détritus, tentes de fortune plantées çà et là… À l’image prophétique du premier crime, prémédité, concis, radical. Une séquence choc, dérangeante, qui annonce la couleur : Maniac ne sera pas une virée ludique, mais un bain de noirceur brutale.


La cruauté du meurtre, et l’impuissance absolue de la victime, incapable même d’un cri : nous voilà saisis, sidérés. Et la bonne nouvelle, c’est que l’errance nocturne du maniac restera une dérive introspective, jalonnée de fulgurances aussi terrifiantes qu’éprouvantes. Car tout au long de cette traque sanglante, le spectateur, pris en otage par l’œil du tueur, est contraint à une identification instinctive. L’effet d’immersion est immédiat, mais surtout, il dérange — il incommode, il asphyxie. On partage ses pensées malades, ses visions hallucinées de mannequins sanguinolents lovés dans une chambre tamisée, ses crimes lâches et acérés. Autant dire que cette nouvelle version génère une submersion sensorielle bien plus intense que son modèle initial. À l’inverse, on est loin de l’angoisse trouble du film de Lustig et du jeu moite de Joe Spinell. Néanmoins, certaines séquences gores, percutantes, retournent les estomacs les moins sensibles, tant leur sauvagerie frôle parfois l’insupportable (le meurtre au poignard d’une prostituée réfugiée dans un parking est une épreuve à lui seul !).

Magnifiquement photographié dans un New York stylisé et documenté (avec notamment un décor baroque dans le métro), le film impressionne par la maîtrise de sa mise en scène : jeux de miroirs pour entrevoir le visage du tueur, plans stylisés d’un esthétisme limpide, presque poétique. Khalfoun exploite habilement le potentiel de terreur sourde qui émane de son maniac profondément esseulé. Le point d’orgue, extrême, s’incarne dans la traque de la dernière victime, en instance de survie — une séquence d’anthologie. L’épilogue atteint quant à lui un sommet de gore paroxystique, aussi bestial et grand-guignolesque que celui de son aîné.

Et pour parachever le tout, les scénaristes ont eu la bonne idée d’insister sur l’idylle fragile entre Frank et une photographe de mode. Ce lien rend son personnage presque touchant : l’empathie du spectateur finit par se laisser contaminer. Khalfoun prend soin d’illustrer la psyché ravagée de son tueur, en explorant les réminiscences d’une enfance marquée par les sévices sexuels d’une mère dépravée. Par ses victimes, c’est elle qu’il assassine encore et encore, sans jamais apaiser ses pulsions de haine ni parvenir à se réconforter dans un amour humain. En résulte une ambiance de nonchalance mélancolique, qui imprègne chaque plan — portée par une bande-son fragile, cristalline, comme en apesanteur. Une atmosphère idoine pour explorer, derrière la romance avortée, les stigmates d’un passé souillé, et la solitude incurable d’un misogyne qui fut avant tout un enfant brisé.


"L’œil du monstre".

Résolument terrifiant, glaçant, glauque, malsain dans sa forme immersive (même s’il reste à cent lieues du chef-d’œuvre initial), Maniac s’impose pourtant comme une œuvre sauvage, cruelle, et déprimante — traversée par une intensité mélancolique profondément dérangeante. Et si Elijah Wood laissait sceptique au départ, il impose ici une composition tout en retenue, dans la peau d’un psychopathe timoré, chétif, broyé par l’échec d’un amour impossible. La nouvelle génération peut applaudir : un nouveau sommet de l’horreur hardcore vient d’être légué, porté par la personnalité affirmée d’un auteur, Franck Khalfoun, résolu à nous bouleverser de la manière la plus sensorielle et viscérale qui soit. Au point qu’après le générique, un malaise sourd persiste. S’incruste. Et ne vous lâche plus.

* Bruno
15.09.18
05.01.13

vendredi 14 septembre 2018

Prince des Ténèbres / Prince of Darkness. Prix de la Critique, Avoriaz 88.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site patatedestenebres.over-blog.com

de John Carpenter. 1987. U.S.A. 1h42. Avec Donald Pleasance, Jameson Parker, Victor Wong, Lisa Blount, Dennis Dun, Susan Blanchard, Anne Marie Howard, Ann Yen, Ken Wright, Dirk Blocker.

Sortie salles France: 20 Avril 1988. U.S: 23 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


Passé le terrible échec commercial des Aventures de Jack Burton, John Carpenter revient à des budgets modestes pour entamer le second volet de sa trilogie de l'Apocalypse, amorcée avec The Thing et conclue par L’Antre de la Folie. Prince des Ténèbres réinvoque avec une puissance d’évocation fulgurante la thématique du Mal, cristallisée ici dans un ostensoir contenant un fluide aux origines troubles.

Le pitch : Dans une église abandonnée, à la demande d’un prêtre, un groupe de scientifiques et un professeur en philosophie sont recrutés pour étudier un mystérieux cylindre enfermant un étrange liquide. Cet artefact, gardé secret depuis des millénaires par une secte religieuse — les Frères du Sommeil — renfermerait… l’essence même du fils de Satan.

Éprouvé, dépité par le rejet de son film précédent, Carpenter joue la carte de l’épure : pas de démesure, mais un huis clos austère, gothique, dans l’enceinte d’un sanctuaire oublié. Avec un budget resserré et des têtes d’affiche de série B (ô combien convaincantes !), le briscard de l’horreur nous livre un concentré d’effroi satanique, contournant habilement les clichés. Dès son générique d’ouverture, étalé sur plus de dix minutes, Prince des Ténèbres séduit : montage millimétré, présentation fugace des protagonistes, musique cérémonielle entêtante composée par Carpenter et Howarth. Le ton est donné. Le spectacle qui s’en suit se construit comme un survival mystique, renversant les dogmes — Jésus y est présenté comme le descendant… d’un extraterrestre.

À travers cet objet cylindrique, réceptacle d’une force démoniaque aux ambitions cataclysmiques, le film déroule en moins de 24 heures une course contre la montre fiévreuse. Une lutte désespérée pour enrayer l’avènement de l’Antéchrist. Carpenter gère le suspense avec un art du rythme et du surgissement d’autant plus efficace qu’il s’affranchit de tout spectaculaire tapageur. Chaque rebondissement, chaque soubresaut d’horreur semble calculé pour nous clouer au fauteuil. Il joue de détails insidieux, de menaces diffuses : des insectes grouillants, un soleil dépressif, une armée de SDF livrés au Mal qui encerclent l’église, silencieux, menaçants, tels des zombies immobiles — parmi eux, l’inoubliable silhouette spectrale d’Alice Cooper.

À l’intérieur, l’angoisse s’intensifie : certains scientifiques, contaminés après avoir ingéré le fluide, deviennent les hôtes d’une possession froide. Un à un, ils se retournent contre leurs compagnons, recrachant sur leur visage cette essence maléfique, comme une souillure sacrée. Mais l’image la plus vertigineuse demeure celle du miroir, portail entre les mondes, où Satan attend une main secourable pour le tirer du néant : vision diaphane, main d’ombre d’un réalisme glaçant.
En parallèle, une voix de l’au-delà — entité sans visage — tente de joindre les protagonistes par-delà le sommeil, délivrant un message prémonitoire crypté, dans un flux d’images irradiées, comme un journal filmé du futur. Lentement, inexorablement, les agressions se multiplient, meurtrières, implacables, frappant des personnages dépassés, figés par la peur, aveuglés par le doute.
Et pourtant, parmi eux, certains résistent. S’érigent, vacillants mais vaillants. Jusqu’au sacrifice ultime.


Chef-d'oeuvre démonial. 
À travers une galerie de personnages bigarrés, peu à peu convaincus que le Mal s’apprête à régner sur Terre (saluons la présence intense de Donald Pleasence, prêtre miné par l’échec et le doute), Prince des Ténèbres distille un malaise grandissant autour d’un concept mystique qui dynamite les dogmes religieux. Carpenter signe ici une réflexion métaphysique sur l’abstraction du Mal et l’effritement de la réalité, qu’une poignée de scientifiques tente en vain de décrypter et d’endiguer. Le film tire sa puissance dramatique de sa mise en scène cauchemardesque, transfigurant une entité invisible en corps mutant, larvaire, tentaculaire.
Jusqu’à sa conclusion — stupéfiante, peut-être désespérée, génialement équivoque — où Carpenter tire le rideau au moment le plus alarmant d’une romance fracassée.


Récompense: Prix de la Critique au Festival d'Avoriaz en 1988.

* Bruno
14.09.18. 5èx
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