mardi 6 novembre 2018
Sicario: la guerre des cartels
"Sicario: Day of the Soldado" de Stefano Sollima. 2018. Italie/U.S.A. 2h02. Avec Benicio del Toro, Josh Brolin, Isabela Moner, Jeffrey Donovan, Manuel Garcia-Ruflo, Catherine Keener
Sortie salles France: 27 Juin 2018. U.S: 29 Juin 2018
FILMOGRAPHIE: Stefano Sollima est un cinéaste et réalisateur italien, né le 4 mai 1966 à Rome. 2012: A.C.A.B.: All Cops Are Bastards. 2015: Suburra. Séries TV: Un posto al sole - soap opera (2002), La squadra - série TV, 7 épisodes (2003 - 2007), Ho sposato un calciatore - mini série (2005), Crimini - série TV, épisodes Il covo di Teresa, Mork et Mindy et Luce del nord (2006 - 2010)
Romanzo criminale, 22 épisodes (2008 - 2010). Gomorra, 12 épisodes (2014 - 2015).
Si Denis Villeneuve n'est plus de la partie pour donner suite à Sicaire, le réalisateur italien Stefano Sollima (déjà très remarqué avec son 1er métrage A.C.A.B et surtout Suburra !) relève haut la main la gageure de surpasser son congénère avec une séquelle de haute volée. Sicario: la guerre des Cartels retraçant avec un réalisme méticuleux la mission secrète de la CIA et du sicaire Alejandro Gillick d'enlever la fille d'un parrain du cartel afin d'influencer une guerre fratricide entre clans mafieux tirant des bénéfices sur le dos des migrants à la frontière americano-mexicaine. Car depuis un attentat meurtrier dans un supermarché, les passeurs grassement payés par leur supérieur sont désignés coupables par le secrétaire de la défense d'y faire entrer des migrants potentiellement terroristes. Ainsi, alors que la CIA parvient à kidnapper leur cible, la mission doit être annulée depuis la révélation identitaire des terroristes natifs d'Amérique. Mais au mépris de ses supérieurs et de son bras droit Matt Graver, Alejandro réfute les ordres d'éliminer chaque témoin. Thriller hypnotique rondement menée car d'une précision chirurgicale auprès de sa mise en scène virtuose, Sicario: la guerre des cartels plaque au siège de par sa structure narrative captivante fertile en bravoures homériques, retournements de situations et rebondissements parfois insensés (mais chut, j'en ai déjà trop dit !). On peut d'ailleurs s'agenouiller face au dynamisme du montage rendant lisible la chorégraphie de l'action entièrement au service narratif, et ce sans jamais complexifier vainement le récit plutôt limpide et dénué de digressions.
Superbement campé par 2 acteurs en acmé, Benicio del Toro / Josh Brolin se partagent la vedette avec un charisme quasi animal, notamment auprès de leur idéologie équivoque à combattre vaillamment le crime au prix d'un sacrifice difficilement tolérable. Description aride d'une société de corruption en déliquescence morale, tant auprès des redresseurs de tort impassibles que des trafiquants ne sachant plus trop distinguer qui travaille pour qui et quel est leur véritable identité derrière l'insigne ou le treillis, Sicario se taille une carrure mature assez avilissante auprès de ces personnages véreux s'entretuant pour l'enjeu d'une otage sans défense. Tendu comme un arc auprès de sa seconde partie à couper le souffle, le suspense narratif cède place à une dramaturgie escarpée lorsque Alejandro doit tenter de passer la frontière pour sauver l'otage sévèrement ballottée d'assister en direct à des tueries de masse. Là encore, Stefano Sollima apporte un soin scrupuleux à dresser le portrait si "réaliste" d'une jeune fille obtuse et rebelle mais davantage fragile et démunie au fil de son parcours de survie en proie au chaos. Outre le regard très sobre de Isabela Moner très impressionnante dans sa fonction aussi bien soumise qu'épeurée, le jeune Elijah Rodriguez s'avère aussi soigneusement structuré en passeur en herbe indécis gagné pour autant par le désir de vaincre ses peurs et montrer ses preuves à sa vile hiérarchie quitte à y vendre son âme. La pâleur de son regard candide, sa posture plutôt timorée doucement ternis par ses actes frauduleux nous glacent d'amertume passé sa probation criminelle.
Passionnant, violent et tendu à l'extrême lors d'un second acte littéralement anthologique, Sicario: la guerre des cartels surpasse son modèle en mode thriller noir et radical où bons et méchants ne font plus qu'un au sein d'une société aussi parano que schizo.
* Bruno
lundi 5 novembre 2018
Du sang dans la poussière
"The Spikes Gang" de Richard Fleischer. 1974. U.S.A. 1h36. Avec Lee Marvin, Gary Grimes, Ron Howard, Charles Martin Smith, Arthur Hunnicutt, Marc Smit.
Sortie salles U.S: 1er Mai 1974
FILMOGRAPHIE: Richard Fleischer est un réalisateur américain né le 8 décembre 1916 à Brooklyn, et décédé le 25 Mars 2006 de causes naturelles. 1952: l'Enigme du Chicago Express, 1954: 20 000 lieues sous les mers, 1955: les Inconnus dans la ville, 1958: les Vikings, 1962: Barabbas, 1966: le Voyage Fantastique, 1967: l'Extravagant Dr Dolittle, 1968: l'Etrangleur de Boston, 1970: Tora, tora, tora, 1971: l'Etrangleur de Rillington Place, 1972: Terreur Aveugle, les Flics ne dorment pas la nuit, 1973: Soleil Vert, 1974: Mr Majestyk, Du sang dans la Poussière, 1975: Mandingo, 1979: Ashanti, 1983: Amityville 3D, 1984: Conan le destructeur, 1985: Kalidor, la légende du talisman, 1989: Call from Space.
vendredi 2 novembre 2018
L'enfant du Diable / The Changeling
de Peter Medak. 1980. U.S.A. 1h47. Avec George C. Scott, Trish Van Devere, Melvyn Douglas, Jean Marsh, John Colicos, Barry Morse, Madeleine Thorton-Sherwood, Helen Burns, Frances Hyland.
Sortie en salle en France le 29 Octobre 1980. U.S.A: 28 Mars 1980.
FILMOGRAPHIE: Peter Medak est un réalisateur et producteur hongrois né le 23 Décembre 1937 à Budapest (Hongrie). 1968: Negative, 1972: A day in the death of Joe Egg, 1973: Ghost in the noonday sun, 1978: The Odd job, 1980: l'Enfant du diable, 1981: la Grande Zorro, 1986: The Men's club, 1990: la Voix humaine, 1993: Romeo is bleeding, 1994: Pontiac moon, 1998: la Mutante 2.
Quelques mois après le grand succès public d’Amityville, la maison du diable, les producteurs Garth H. Drabinsky et Joel B. Michaels lancent, pour 7,6 millions de dollars, un nouveau projet de film de maison hantée. C’est à Peter Medak qu’échoit la tâche — cinéaste canadien ayant déjà fait ses preuves à la télévision (Amicalement vôtre, Cosmos 1999) et dans quelques longs-métrages parmi lesquels Negative ou A Day in the Death of Joe Egg. Tiré d’un scénario de Russell Hunter, inspiré de faits supposément réels, L’Enfant du Diable (titre français d’apparence racoleuse mais moins fallacieux qu’il n’y paraît) puise sa substance et son intensité dans un alibi narratif solidement ancré, au service d’une angoisse diffuse. Et ce, loin de l’artillerie surchargée des producteurs margoulins.
Récompenses: Prix du Meilleur acteur (George Scott) au Fantafestival 1982.
Prix génie du meilleur film, Genie Awards de la Meilleure photographie, Meilleur son, Meilleure direction artistique, Meilleur acteur étranger (George Scott), Meilleure actrice étrangère (Trish Van Devere), Meilleur scénario et Meilleur son en 1980
* Bruno
02.11.18. 5èx
07.04.11. 4 (611 v)
jeudi 1 novembre 2018
Vendredi 13, chapitre VI : Jason le mort-vivant
"Friday the 13th Part VI: Jason Lives" de Tom Mcloughlin. 1986. U.S.A. 1h29. Avec Thom Matthews, Jennifer Cooke, David Kagen, Kerry Noonan, Renée Jones, Tom Fridley.
Sortie salles France: 14 Janvier 1987. U.S: 1er Août 1986.
FILMOGRAPHIE: Tom Mcloughlin est un scénariste et réalisateur américain né en 1950. 1983: One Dark Night, 1986: Jason le mort-vivant, 1987: Date with an angel, 1991: Sometimes they come back, 1992: Something to live for: the alison gertz story, 1999: Anya's Bell, 2001: The Unsaid, 2002: Murder in Greenwich, 2003: D.C. Sniper: 23 Days of fear, 2004: She's too young, 2005: Odd Girl Out, Cyber Seduction: His secret life, 2006: Not like everyone else, 2007: The Staircase Murders, 2008: Fab Five: The Texas Cheerleader Scandal.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, car qui aurait pu imaginer un tel revirement dans l'ornière de la célèbre saga; Vendredi 13, Chapitre 6 s'avère de loin le meilleur du lot. Tout du moins, et à mon sens, le plus fun, le plus ludique, le plus décomplexé, le plus cartoonesque, et ce grâce au panache de sa mise en scène jamais à court de carburant, à ses personnages en roue libre et à son esthétisme bucolique joliment photographié. Réalisé par Tom Mcloughlin à qui l'on doit le sympathique Une nuit trop noire (bien connu des rats des vidéos), ce dernier parvient miraculeusement à transcender les situations éculées grâce à une dérision endémique que les protagonistes empotés et Jason l'incorrigible amorcent avec second degré assumé. Ainsi donc, truffé de personnages inconséquents que Jason Voorhees poursuit avec une tranquillité limite parodique, Vendredi 13, Chapitre 6 transpire la bonne humeur en toute décontraction. Notamment grâce au duo burné formé par Thom Matthews (Tommy aujourd'hui adulte, l'ado autrefois rescapé du Chapitre Final !) et Jennifer Cooke (la fille entêtée du shérif s'adonnant à une marginalité héroïque impromptue). Et donc si son schéma narratif ne sort pas des sentiers battus, Tom Mcloughlin parvient efficacement à renouveler les séquences de poursuites et exactions meurtrières dans de multiples sentiers forestiers si bien que l'on s'étonne de son rythme littéralement affolant (notamment auprès de son final haletant avec son action ramifiée du point de vue des flics et du couple juvénile !).
Ainsi, le spectateur jouasse s'enjaille à comptabiliser les victimes, sacrifiées, comme de coutume, de manière aussi cruelle que spectaculaire. D'ailleurs, on s'étonne même parfois d'y ressentir un soupçon d'empathie auprès de certaines timidement attachantes de par leur innocence. Et pour pimenter l'intrigue inévitablement rebattue (de jeunes vacanciers du camp "Forrest Green", quelques quidams locaux et 3,4 militaires férus de paintball vont faire les frais du tueur parmi le témoignage médusé d'une colonie d'enfants auquel Jason n'osera jamais lever la main !), Tommy s'efforcera durant sa garde à vue prolongée de convaincre le shérif local que Jason est bel et bien revenu d'entre les morts pour y semer un nouveau carnage. A cet égard, on peut également souligner son jouissif préambule aussi inventif que pittoresque lorsque Tommy et un acolyte se résignent à exhumer le cadavre de Jason dans une nécropole (délicieusement photogénique !) afin d'exorciser son traumatisme d'ado. Inventive, trépidante et semée d'humour noir, cette mise en bouche prometteuse annonce déjà le parti-pris sarcastique du cinéaste tout en starisant Jason dans sa nouvelle stature criminelle davantage indestructible (on croirait presque avoir à faire à un super-anti-héros !).
B movie du samedi soir purement ludique à travers sa moisson de péripéties horrifiques rondement menées, Vendredi 13, Chapitre 6 détonne en diable sous l'impulsion d'une dérision à la fois espiègle et sardonique. Quand bien même on s'étonne de la prestance convaincante de son casting guilleret se prêtant au jeu du "ouh fais moi peur" et du "attrapes moi si tu peux" avec une fougue communément expansive. Si bien que le tournage assurément festif leur aura sans doute légué un précieux souvenir potache !
* Bruno
3èx
mercredi 31 octobre 2018
Une prière avant l'aube
"A Prayer Before Dawn" de Jean-Stéphane Sauvaire. 2018. France/Angleterre. 1h56. Avec Joe Cole, Vithaya Pansringarm, Nicolas Shake, Panya Yimmumphai, Pornchanok Mabklang, Billy Moore.
Sortie salles France: 20 Juin 2018 (Int - 16 ans). Angleterre: 20 Juin 2018.
FILMOGRAPHIE: Jean-Stéphane Sauvaire est un réalisateur, producteur et scénariste français, né le 31 décembre 1968. 2003, Carlitos Medellin. 2008, Johnny Mad Dog. 2012: Punk (télé-film). 2017 : Une prière avant l'aube.
"L'important est de ne jamais désespérer"
Film choc retraçant avec un vérisme ultra documenté le parcours d'endurance de Billy Moore, jeune détenu britannique incarcéré en prison pour possession de drogue, Une prière avant l'aube est une expérience sensitive dans l'enfer carcéral Thaïlandais peu (ou jamais ?) abordé à l'écran. Tout du moins c'est que nous illustre sa première partie littéralement nauséeuse lorsque Billy témoigne des conditions sordides de son incarcération avec d'autres détenus similaires à des animaux sauvages impudents. Viols, suicide, meurtres, châtiments corporels s'avérant leur lot quotidien si bien que chacun d'entre eux tente de survivre avec comme seul palliatif moral la drogue dure et l'alcool. Pour autant, dans ce milieu insalubre dénué d'humanité où tout se marchande, Billy va parvenir à se raccrocher au fil de sa passion pour la boxe après avoir essuyé une tentative de suicide. On peut d'ailleurs prévenir les âmes sensibles que sa première demi-heure parfois insoutenable (le mot n'est point outré) nous plonge dans un état de malaise viscéral difficilement gérable. Prioritairement une exaction de viol communautaire de par son réalisme ultra malsain auprès des corps en rut et d'un témoignage impuissant. Jean-Stéphane Sauvaire filmant son contexte carcéral avec une vérité sensorielle eu égard de sa caméra expérimentale auscultant les corps en mutation avec une virtuosité autonome.
Quand bien même tous les interprètes thaïlandais méconnus chez nous s'expriment dans leur langage volontairement inaudible (une partie des dialogues n'est pas sous-titré) afin de mieux s'identifier dans le mental de Billy en proie à la perte de repères, l'incompréhension et l'incommunicabilité. Car si Une prière avant l'aube s'avère aussi dur, cruel, asphyxiant et brut de décoffrage, il le doit au talent personnel de son auteur réfutant toute forme de racolage car plutôt délibéré à nous conter avec souci de vérité un vécu inusité. Tant et si bien qu'Une prière avant l'aube demeure avant tout un film de boxe transplanté dans la cadre d'un drame carcéral soigneusement reconstitué. Evitant les clichés usuels et l'esbroufe lors de multiples matchs de combats d'un réalisme et d'une intensité à perdre haleine, Jean-Stéphane Sauvaire nous hypnotise les sens lors de l'initiation héroïque de Billy partagé entre une révolte fielleuse (notamment faute de sa prise de stupéfiants par intermittence !) et un désir de surpasser ses pires démons. Le réalisateur filmant avec beaucoup de sensualité les déplacements et mouvements corporels des boxeurs vouant un culte pour le Tatoo afin d'imprimer leur nouvelle identité dans leur condition exclue. A travers son parti-pris d'authentifier et d'y dénoncer l'enfer d'un témoignage carcéral puis de bifurquer ensuite vers l'hymne à la boxe thaï sous l'impulsion d'une fureur de vaincre, il faut impérativement saluer la précision de sa bande-son hyper travaillée là encore conçue pour nous immerger dans l'introspection morale de Billy passant par divers stades de souffrances/transformations corporelles. Quitte à en perdre son essence vitale à travers ses perles de sueur !
La Nouvelle Chair.
D'une intensité dramatique constamment rigoureuse sans céder à la facilité de sentiments démonstratifs, Jean-Stéphane Sauvaire opte pour la pudeur et la sobriété, notamment auprès du jeu naturel de Joe Cole (Peaky Blinders, Green Room) époustouflant en guerrier primitif naviguant entre résilience et désespoir, folie et quête de rédemption. Drame carcéral éprouvant doublé d'un drame sportif par le truchement d'une histoire vraie, Une prière avant l'aube n'épargne aucune souffrance au spectateur immergé dans la tourmente d'un détenu stoïque à deux doigts d'y perdre son âme.
* Bruno
mardi 30 octobre 2018
Oeil pour oeil
"Lone Wolf McQuade" de Steve Carver. 1983. U.S.A. 1h47. Avec Chuck Norris, David Carradine, Barbara Carrera, Leon Isaac Kennedy, Robert Beltran, L. Q. Jones
Sortie salles France: 20 Juillet 1983
FILMOGRAPHIE: Steve Carver est un réalisateur américain né le 5 avril 1945 à Brooklyn, New York. 1971 : The Tell-Tale Heart. 1974 : La Révolte des gladiatrices. 1974 : Super nanas. 1975 : Capone. 1976 : L'Enfer des mandigos. 1979 : Fast Charlie... the Moonbeam Rider. 1979 : Des nerfs d'acier. 1980 : Angel City (TV). 1981 : Dent pour dent. 1983 : Œil pour œil. 1986 : Oceans of Fire (TV). 1987 : Jocks. 1988 : À l'épreuve des balles. 1989 : La Rivière de la mort. 1996 : The Wolves.
Un must have de l'action décérébrée typiquement originaire de sa sacro-sainte décennie 80.
Gros souvenir de cinéphage si bien que j'ai eu l'opportunité de le découvrir en salles à sa sortie, Oeil pour Oeil est ce que l'on prénomme un gros plaisir coupable du cinéma d'action bourrin. Ou plus favorablement un pur trip de western moderne afin d'éviter de le vulgariser via sa locution maïnstream. Série B purement ludique endossée par l'une des stars des Eighties Chuck Norris (c'est d'ailleurs probablement son meilleur film !), accompagné ici du non moins notoire David Carradine (révélé par la mythique série Kung-Fu!), Oeil pour Oeil fleure bon la nostalgie révolue à travers son émotion souvent élégiaque qu'un score très Morriconien (d'ailleurs composé par l'italien Francesco De Masi !) amplifie tout le long d'une intrigue cousue de fil blanc. Car en dépit de ces innombrables clichés et situations héroïques tantôt (involontairement) hilarantes (notamment en sus de réparties altières), Steve Carver s'efforce de rendre Oeil pour Oeil le plus attractif possible sous l'impulsion d'une distribution spontanée, aussi surjouée soit leur prestance pugnace ou belliqueuse.
En gros, un ranger du Texas réputé pour ses méthodes expéditives doit se confronter à d'odieux trafiquants d'armes que dirige le mafieux Rawley Wilkes, alors qu'au même moment la fiancée de ce dernier se séduit du preux ranger. Et donc à travers un schéma narratif éculé que l'on connait sur le bout des ongles, Steve Carver parvient miraculeusement à nous impliquer (émotionnellement parlant) dans l'action décérébrée suivie ensuite d'une dramaturgie racoleuse (avec nombre de "gentils" lâchement sacrifiés !) eu égard de sa générosité à enfiler les séquences homériques avec une émotion florissante ! Ainsi, on a beau anticiper les récurrents règlements de compte sanglants suivis des stratégies offensives de nos héros solidaires (notamment parmi l'appui d'une jeune recrue latino et d'un black de la police fédérale), puis sourire des bons sentiments que se concertent mutuellement le couple Chuck Norris / Barbara Carrera (superbe mannequin originaire du Nicaragua !), on batifole sans se lasser des viccisitudes du ranger redresseur de tort (héritier bisseux de Harry le salopard !). Chuck Norris endossant au premier degré son personnage de loup solitaire avec la mine impassible qu'on lui connait, quand bien même David Carradine (d'une force tranquille féline !) se mesure à lui lors d'une chorégraphie martiale en guise de point d'orgue. Un affrontement aussi jouissif que plaisamment pittoresque à travers leurs échanges sagaces de corps à corps véloces et regards inflexibles !
Et donc tout cela a beau paraître aujourd'hui désuet, naïf et académique, Oeil pour Oeil dégage un charme insensé auprès des aficionados d'action belliqueuse de par la généreuse sincérité du travail appliqué de Steve Carver (dont j'ignore le contenu de sa filmo à priori bisseuse), aussi futile soit son concept narratif prisonnier d'une formule rebattue. Et ce même si l'abondante action teintée d'arts martiaux est ici transplantée dans le cadre du western moderne (notamment à travers sa superbe scénographie de plaines désertiques solaires). A savourer au second degré, anti-dépresseur galvanisant !
* Bruno
3èx
Box-office France : 741.000 entrées
lundi 29 octobre 2018
Un couteau dans le Coeur
de Yann Gonzalez. 2018. France. 1h42. Avec Vanessa Paradis, Nicolas Maury, Kate Moran, Jonathan Genet, Khaled Alouach, Bastien Waultier, Thibault Servière, Pierre Emö.
Sortie salles France: 27 Juin 2018
FILMOGRAPHIE: Yann Gonzalez est un artiste et réalisateur français né en 1977 à Nice. 2013 : Les Rencontres d'après minuit. 2018 : Un couteau dans le cœur.
Un thriller gay auteurisant TRES, TRES, TRES particulier si bien que le grand public n'ayant aucune culture du ciné Bis des "Seventies/Eighties" (l'action se déroule en 1979) risque fort d'être dérouté ou blasé. Narrativement simpliste et sans surprises (un tueur masqué s'en prend aux acteurs porno d'une productrice sentimentalement éplorée), musicalement planant, cette oeuvre underground vaut surtout pour sa facture onirico-baroque stylisée (l'ombre d'Argento y plane par moments) et son climat mélancolique nostalgique d'un cinéma révolu (celui de l'industrie du Porno artisanal et de ses cinémas de quartier). D'ailleurs, j'ai souvent été gêné par le trop plein de séquences lubriques homo à la fois crues, provocatrices et volontairement triviales. Au niveau du casting (à la diction hélas théâtrale), et même si Vanessa Paradis parvient parfois à distiller une émotion empathique dans sa condition torturée, on l'a connu plus brillante au préalable. A moindre échelle, les amateurs s'amuseront de retrouver avec plaisir quelques seconds couteaux au charismatique strié.
A réserver prioritairement à la communauté gay.
* Bruno
vendredi 26 octobre 2018
Les Femmes de Stepford / The Stepford Wives / Le Mystère Stepford
Date de sortie: 12 février 1975 (USA)
FILMOGRAPHIE: Bryan Forbes est un réalisateur de cinéma britannique, également acteur, producteur et scénariste, né John Theobald Clark à Londres le 22 juillet 1926. 1961 : Whistle Down the Wind , 1962 : La Chambre indiscrète,1964 : Le Rideau de brume,1964 : L'Ange pervers,1965 : Un caïd, 1966 : Un mort en pleine forme,1967 : Les Chuchoteurs,1968 : Le chat croque les diamants, 1969 : La Folle de Chaillot, 1971 : The Raging Moon, 1975 : Les Femmes de Stepford, 1976 : The Slipper and the Rose, 1978 : Sarah,1980 : Les Séducteurs , 1982 : Ménage à trois, 1984 : The Naked Face, 1990 : The Endless Game (tv)
Un couple emménage dans la bourgade bucolique de Stepford, Connecticut, village où règnent calme, silence et propreté. Joanna se lie d’amitié avec les voisines du quartier, notamment Bobby, jeune femme affranchie et extravertie, qui n’hésite pas à moquer l’attitude figée de leurs congénères. Peu à peu, le duo s’inquiète du comportement lisse, stéréotypé, sans aspérité ni volonté, de ces femmes devenues coquilles vides.
Précurseur du génial Get Out (dérivé en satire antiraciste), Bryan Forbes surprend autant qu’il ébranle avec cette vision vitriolée de la guerre des sexes. Après une première partie trouble et vénéneuse, où rien ne laisse présager la montée progressive du cauchemar domestique, Les Femmes de Stepford insuffle une atmosphère anxiogène, diffuse, qui rampe sous la surface d’un quotidien trop bien huilé. Ces portraits de ménagères dociles, femmes-modèles d’un idéalisme déshumanisé, dérangent par leur feutre inquiétant et leur absence d’âme.
Sans céder au grand-guignol facile, Bryan Forbes use d’un pitch machiavélique et d’une irrationalité jamais résolue pour mieux troubler le spectateur, prisonnier du même désarroi que son héroïne. Maîtrisé de bout en bout, le film s’appuie sur un suspense d’une précision chirurgicale qu’Hitchcock n’aurait pas reniée. À travers la puissance vénéneuse de la suggestion, Forbes dénonce avec subtilité la réduction de la femme à un rôle d’objet conjugal, au cœur d’une époque charnière où souffle encore timidement l’émancipation féminine.
La charge satirique, féroce, vise de plein fouet le mâle bourgeois, aveuglé par son appétit sexuel et son besoin de domination. Les Femmes de Stepford, cauchemar cérébral, adopte le point de vue d’une héroïne frondeuse, progressivement laminée par l’incompréhension et le doute, jusqu’à une quête de vérité ultime, dans un point d’orgue oppressant, jusqu’au-boutiste et profondément amer. L’horreur y devient lâche, insidieuse, presque silencieuse. Et pourtant, le scénario initial de William Goldman allait encore plus loin dans l’effroi…
Avec ses figures féminines figées dans une fausse perfection, profondément dérangeantes, le film atteint parfois une intensité quasi hypnotique. La justesse du casting (tant du côté des hommes virils que des épouses soumises) contribue à cette réussite, mais rien ne serait aussi viscéral sans Katharine Ross. Son charisme mature, sa sensualité discrète et la profondeur de son regard noir, vacillant entre douceur et inquiétude, donnent chair à une photographe ambitieuse, lentement rattrapée par une psychose délétère, jusqu’à bouleverser sa trajectoire toute tracée.
Chef-d’œuvre d’étrangeté horrifique, au climat insidieux, claustrophobe et glacé, Les Femmes de Stepford empoisonne lentement le spectateur dans un cauchemar domestique où le suspense gagne du terrain jusqu’à l’asphyxie. Sa conclusion sardonique, presque traumatisante, laisse une amertume tenace chez les plus sensibles d’entre nous. Pastiche corrosif de l’émancipation féminine en pleine révolution des Seventies, Les Femmes de Stepford reste tristement d’actualité, dans une société ultraconservatrice où les dissensions homme/femme n’ont jamais été aussi répressives et intolérantes.
À redécouvrir d’urgence.
— le cinéphile du cœur noir 🖤
26.10.18. 3èx
11.01.11. (231 vues)
jeudi 25 octobre 2018
La Nuit de la Métamorphose. Licorne d'Or au Rex de Paris.
Pitch : En 1930, un jeune romancier, auteur d’un récit fantastique que personne ne souhaite publier, est expulsé de son domicile faute de pouvoir payer son loyer. Livré à lui-même, sans le sou, il parvient néanmoins à se réfugier dans les souterrains d’une banque désaffectée grâce à l’aide d’une ancienne connaissance. C’est alors qu’il devient le témoin d’une étrange confrérie s’abandonnant, sans vergogne, à des orgies culinaires et lubriques...
Ovationné par la Licorne d’Or et le Prix du Meilleur Scénario au Festival du Film Fantastique de Paris au Rex, récompensé du Grand Prix à Trieste, La Nuit de la Métamorphose est un OVNI rare et précieux, parvenant sans esbroufe ni fioriture à rendre crédible un argument fantastique inusité : celui d’une ligue de rats parvenant à adopter une apparence humaine, dans un contexte de crise sociale, pour mieux nous asservir après nous avoir poussés au chômage et à la famine. Derrière l’alibi de cette menace animale d’un genre nouveau, se profile une allégorie féroce sur la cupidité bureaucratique et les régimes fascisants, à l’aube du nazisme d’Hitler (l’action se situe en 1930).
Au-delà d’un suspense latent, franchement accrocheur, la densité de l’intrigue tient à sa capacité à nous faire croire à cette suprématie animale grâce à des trucages sobres, mais d’une efficacité redoutable. Le tout éclairé par une somptueuse photo sépia et inscrit dans une reconstitution historique hyper réaliste, aussi modeste soit-elle, au sein d’une scénographie urbaine insalubre, clairsemée, comme rongée par le vide.
Tout au long du récit, on suit l’enquête obsessionnelle de cet écrivain frondeur, témoin d’une découverte macabre lors d’un banquet tenu secret. Il s’allie bientôt à un chimiste éminent, parvenu à élaborer un sérum capable d’éradiquer ces rats mutants, visant en particulier leur "sauveur", figure messianique vouée à exterminer notre espèce. Une lutte sans merci s’engage alors entre notre duo d’érudits et ces rats humains, d’autant plus insidieux qu’ils savent se fondre à la perfection dans la foule.
L’intrigue, constamment sombre et inquiétante, distille une ambiance mortifère, marquée par un sentiment d’insécurité sous-jacent - notamment dans la précarité du romancier et l’étreinte fragile qu’il partage avec la fille du professeur. Outre son virage haletant et de plus en plus horrifique dans la dernière demi-heure (avec cette condition mutante des détenus humains, "traités" dans une geôle infestée de rats carnassiers !), La Nuit de la Métamorphose n’hésite pas à s’enfoncer dans la cruauté et l’amertume. Sa conclusion, en demi-teinte, s’offre comme un vertige moral : l’écrivain, rongé par le doute, la psychose et le remords, nous laisse face à une ultime image suspendue, incertaine, que chacun pourra interpréter selon son propre prisme - optimiste ou terriblement pessimiste.
Quant aux maquillages, aussi concis que réussis, ils impressionnent par l’apparence fétide de ces rats humains : défroque ténébreuse, petits yeux viciés, traits légèrement velus, commissures baveuses encadrées par deux incisives de belette. Un bestiaire malsain, troublant, presque pitoyable.
25.10.18 4èx
05.08.10 (208 vues)
. Grand Prix du festival du film fantastique de Trieste
mercredi 24 octobre 2018
BlacKkKlansman - J'ai infiltré le Ku Klux Klan. Grand Prix, Cannes 2018
de Spike Lee. 2018. U.S.A. 2h15. Avec John David Washington, Adam Driver, Laura Harrier, Topher Grace, Corey Hawkins, Jasper Pääkkönen, Paul Walter Hauser, Ryan Eggold
Sortie salles France: 22 Août 2018. U.S: 10 Août 2018
FILMOGRAPHIE: Spike Lee de son vrai nom Shelton Jackson Lee, né le 20 mars 1957 à Atlanta (Géorgie, États-Unis), est un scénariste, réalisateur et producteur américain.1983 : Joe's Bed-Stuy Barbershop: We Cut Heads. 1986 : Nola Darling n'en fait qu'à sa tête. 1988 : School Daze. 1989 : Do the Right Thing. 1990 : Mo' Better Blues. 1991 : Jungle Fever. 1992 : Malcolm X. 1994 : Crooklyn. 1995 : Clockers. 1996 : Girl 6. 1996 : Get on the Bus. 1998 : He Got Game. 1999 : Summer of Sam. 2000 : The Very Black Show. 2002 : La 25e Heure. 2004 : She Hate Me. 2006 : Inside Man. 2008 : Miracle à Santa Anna. 2012 : Red Hook Summer. 2013 : Old Boy. 2014 : Da Sweet Blood of Jesus. 2015 : Chi-Raq. 2018 : BlacK.
Hormis une première partie un peu trop laborieuse selon mon jugement de valeur, Blackkklansman se décline comme une percutante diatribe anti-raciste à travers le spectre du Ku Klux Klan tristement actuel. Tant et si bien que Spike Lee, plus que jamais inspiré (réal chiadée émaillée de splendides cadrages alambiqués, photo rutilante, humour corrosif, casting aux p'tits oignons, reconstitution fidèle des Seventies, BO gracile), conclue leur fanatisme suprémaciste à l'aide de terrifiantes images d'archive d'une violence insupportable. Et ce en pointant ouvertement du doigt la politique arbitraire de Trump excusant de manière résolument triviale la haine (monomane) de ces néo-nazis.
Récompenses: Festival de Cannes 2018 : Grand prix
Festival international du film de Locarno 2018 : prix du public
Box Office Français: 1 240 181 entrées
mardi 23 octobre 2018
DEUX HEURES MOINS LE QUART AVANT JESUS CHRIST
de Jean Yanne. 1982. France. 1h37. Avec Coluche, Michel Serrault, Jean Yanne, Michel Auclair, Françoise Fabian, Mimi Coutelier, Darry Cowl, Paul Préboist, Daniel Emilfork, André Pousse, Michel Constantin, Philippe Clay, José Artur, Yves Mourousi, Léon Zitrone, Valérie Mairesse.
Sortie salles France : 6 octobre 1982
FILMOGRAPHIE: Jean Yanne (Jean Gouyé) est un acteur, humoriste, écrivain, réalisateur, chanteur, producteur et compositeur français, né le 18 juillet 1933 aux Lilas et mort le 23 mai 2003 à Morsains. 1972 : Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. 1973 : Moi y'en a vouloir des sous. 1974 : Les Chinois à Paris. 1975 : Chobizenesse. 1978 : Je te tiens, tu me tiens par la barbichette. 1982 : Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ. 1984 : Liberté, égalité, choucroute.
Flingué par la critique de l'époque malgré ses 4 601 239 entrées (3è au box-office après E.T et l'As des As !), 2 heures moins le quart avant Jésus-Christ parodie l'histoire romaine à l'aide d'un pitch uchronique finissant par lasser si je me réfère à ses multiples références politiques, publicitaires et audiovisuelles, et à sa poussive dernière partie lorsque Ben-Hur Marcel (endossé par un Coluche aussi peu motivé que mal exploité) se confronte aux enjeux sportifs. Ainsi, hormis quelques rares bons gags, des seconds-rôles assez cocasses (Paul Bréboist en géôlier sarcastique) et surtout le numéro d'acteur emphatique de Michel Serrault en empereur gay, 2 heures moins le quart avant Jésus-Christ flirte avec la médiocrité (pour ne pas dire la nullité lors de ces gags les plus lourdingues et du jeu parfois insupportable de Mimi Coutelier en Cléopâtre versatile). Bref, ce grand n'importe nawak terriblement daté est représentatif de sa scénographie en carton pâte si bien que l'on a connu Jean Yanne autrement plus inspiré devant et derrière la caméra, et ce même si ses intentions satiriques étaient louables (se railler de la condescendance de nos exécutifs rupins).
* Bruno
2èx
lundi 22 octobre 2018
VOUS N'AUREZ PAS L'ALSACE ET LA LORRAINE
de Coluche. 1977. France/Belgique. 1h32. Avec Coluche, Dominique Lavanant, Gérard Lanvin, Olivier Constantin, Anémone, Martin Lamotte, Michel Blanc, Philippe Bruneau.
Sortie salle France: 19 Octobre 1977
FILMOGRAPHIE: Michel Colucci, dit Coluche, est un humoriste, comédien et réalisateur français, né le 28 octobre 1944 à Paris, décédé le 19 juin 1986 à Opio (Alpes-Maritimes).
En dépit de plusieurs gags lourdingues et d'une réalisation dilettante, l'unique mise en scène de Coluche est un divertissement bonnard se raillant de l'histoire de France (et de ces snobinards !) avec une bonne humeur décomplexée. Car au-delà d'une intrigue étique prétexte à gags, actions et quiproquos (un roi déchu tente de reprendre sa couronne avec l'aide de sa cousine et d'un chevalier blanc chansonnier - interprété par un Gérard Lanvin étonnamment à l'aise ! -), Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine parvient à nous arracher quelques rires et plusieurs sourires sous l'impulsion de têtes d'affiches issues de l'équipe du Spendid (même si Balasko manque à l'appel) et du café de la gare. Ainsi, grâce à leur spontanéité expansive, le spectacle parodique volontiers trivial parvient à amuser aussi zédifiante soit l'entreprise de Coluche plutôt mal à l'aise derrière la caméra. D'ailleurs, déçu du résultat, il ne réitéra pas l'expérience en dépit de ses 810 839 entrées (un maigre score si bien qu'en 1977 le film se classe en 44è position). Pour autant, sa prestation parfois hilarante en roi couard et obséquieux permet à chacune de ses interventions souveraines (et déplacements héroïques) de diluer un charme innocent au fil d'une aventure bondissante semblable à une BD mal élevée. A redécouvrir d'un oeil distrait.
* Bruno
2èx
vendredi 19 octobre 2018
LE MAITRE D'ECOLE
de Claude Berri. 1981. France. 1h35. Avec Coluche, Josiane Balasko, Jacques Debary, Charlotte de Turckheim, Roland Giraud, André Chaumeau, Jean Champion.
Sortie salle France: 28 Octobre 1981
FILMOGRAPHIE: Claude Langmann, dit Claude Berri, est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur français, né le 1er juillet 1934, décédé le 12 janvier 2009. 1964: Les Baisers (segment « Baiser de 16 ans »). La Chance et l'amour (segment « La Chance du guerrier »). 1966: Le Vieil homme et l'enfant. 1968 Mazel Tov ou le Mariage. 1969: Le Pistonné . 1970: Le Cinéma de papa. 1972: Sex-shop. 1975: Le Mâle du siècle. 1976: La Première fois. 1977: Un moment d'égarement. 1980: Je vous aime. 1981: Le Maître d'école. 1983: Tchao Pantin. 1986: Jean de Florette. Manon des sources. 1990: Uranus. 1993: Germinal. 1996: Lucie Aubrac. 1999: La débandade. 2001: Une femme de ménage. 2004: L'Un reste, l'autre part. 2006: Ensemble, c'est tout. 2009: Trésor.
Comédie scolaire pleine de légèreté, de cocasserie et d'humanisme sous l'impulsion d'enfants turbulents et d'un instituteur suppléant s'efforçant de les éduquer avec un amateurisme payant, le Maître d'école parvient à séduire notamment grâce au talent de son auteur Claude Berri. Ce dernier dirigeant les marmots (anti têtes à claque !) avec souci de réalisme documenté eu égard du jeu expressif car criant de naturel des comédiens infantiles. On peut d'ailleurs s'interroger sur l'éventuelle improvisation de certaines séquences scolaires tant les enfants parviennent communément à communiquer leurs émotions avec une candeur dépouillée. Quant à la présence notoire de Coluche (bordel, comme tu nous manques !), il se fond admirablement dans le corps enseignant avec une attachante maladresse à travers son désir d'éveiller l'esprit des enfants ("les inciter à réfléchir par eux mêmes" évoqueront le directeur ainsi qu'un conseiller pédagogue). L'acteur particulièrement complice auprès d'eux militant pour la révérence, la compréhension, le discernement, la tolérance afin de parfaire patiemment leur éducation.
Au-delà de son climat à la fois tendre et pittoresque, le film aborde en filigrane des thèmes majeurs de l'époque, telle la signification de l'homosexualité ("ce n'est pas une maladie" s'exclamera Coluche aux enfants en proie à l'incompréhension !) et la question de la peine de mort et du syndicat au moment même où l'école traverse une crise socio-politique de par son manque d'effectif à trouver un remplaçant après la dépression d'une enseignante (fraîchement incarnée par une Josiane Balasko juvénile au bord de la crise de nerf). Et si l'intrigue assez routinière et peu surprenante pâtie de substantialité, le Maître d'école est transcendé par le touchant parcours initiatique du suppléant en proie à l'ambition pédagogue auprès d'une génération infantile en formation cérébrale. Témoignage nostalgique de cette génération 80 déjà soucieuse de la progression du chômage et de la haine du racisme. Pour autant, et dans son parti-pris assumé de nous divertir avec simplicité (notamment à travers les récurrentes batailles de nourriture à la cantine et chahuts dans les cours), Claude Berri compose le plus sincèrement quelques séquences assez drôles ou cocasses lors de confrontations entre élèves et instituteurs, et ce avant de nous susciter un sourire jovial de bambin autour (du bouquet final) d'un mariage festoyant. Les élèves invités à la réception se confondant aux adultes lors d'une danse frétillante que Richard Gotainer compose à travers un tube décalé. Pour ma part une vraie séquence anthologique dans son alliage si expansif de bonne humeur, d'insouciance et de ferveur communicatives que les acteurs insufflent avec une décontraction en roue libre ! Les spectateurs de l'époque y ont d'ailleurs été conquis puisque le Maître d'école cumula plus de 3 105 596 entrées !
* Bruno
3èx
jeudi 18 octobre 2018
ERREMENTARI. Prix du Public, San Sebastian, 2017.
"Le forgeron et le diable" de Paul Urkijo. 2017. France/Espagne. 1h39. Avec Kandido Uranga, Uma Bracaglia, Eneko Sagardoy, Ramón Aguirre, José Ramón Argoitia, Josean Bengoetxea, Gotzon Sanchez.
Diffusé sur Netflix le 17 Octobre 2018. Sortie salles Gerardmer: 3 Février 2018.
FILMOGRAPHIE: Paul Urkijo Alijo est un réalisateur, scénariste et producteur espagnol, né le 22 Juin 1984. 2017: Errementari.
"Comptez les pois chiches !"
Ovni ibérique passé par la lucarne Netflix, Errementari est une expérience visuelle hors du commun, un choc esthétique démonial à la lisière du cinéma gothique de Mario Bava et du conte de fée occulte initié par Ridley Scott depuis Legend. C'est simple, depuis cette oeuvre culte (perfectible et maladroite mais visuellement tant gracile) on n'avait pas reluqué au cinéma un Belzébuth aussi expressif, rutilant et persifleur dans sa posture contrairement soumise si bien que le néophyte Paul Urkijo (il s'agit de sa toute 1ère réal !) se permet en outre d'illustrer en point d'orgue son cocon familial comme si vous y étiez !!! Car il faut savoir qu'à travers cette fulgurance esthétique littéralement picturale nous avions affaire à la plus belle vision de l'enfer depuis les expérimentations métaphysiques de Ken Russel (Au-delà du Réel), José Mojica Marins (l'Eveil de la Bête) ou encore de Riccardo Freda (Maciste en Enfer dans un domaine autrement kitch et bisseux). Quant au pitch à la fois loufoque, inquiétant, insolent et décomplexé, il demeure un concentré d'émotions hybrides (pour ne pas dire génialement contradictoires !) si bien que le spectateur éminemment ensorcelé par sa facture ténébreuse renoue avec son âme d'enfant avec des yeux d'émerveillement ! (du moins chez tous les férus de conte de fée au goût délicieusement frelaté de cauchemar gothique). Paul Urkijo, infiniment très inspiré et jamais à court d'inventions (cartoonesques) et retournements de situations, ne cessant de nous surprendre et donner le tournis à travers une scénographie d'une puissance enchanteresse hyper réaliste !
Notamment de par sa photo léchée ultra contrastée (éclairée de gélatines rouges, ocres et azur) et ses décors naturels d'une fulgurance onirique à damner le saint le plus timoré ! Mais pour en revenir à l'histoire inspirée d'une illustre légende (et produite par Alex de la Iglesias, excusez du peu !), la voici brièvement condensée: Après avoir voué un pacte avec le diable afin de rester en vie pour retrouver sa femme après la guerre (carliste) de 1835, un forgeron parvient à le kidnapper au sein de sa forge customisée en forteresse. 8 ans plus tard, et de manière résolument aléatoire, il se lie d'amitié avec une orpheline dans un concours de circonstances fureteuses et hostiles, notamment eu égard d'un mystérieux ministre et des villageois résignés à se débarrasser de lui depuis sa sinistre réputation criminelle. L'art suprême du cinéma chimérique, c'est parvenir avec passion, intégrité, goût du réalisme et ambition singulière à nous faire croire à l'improbable ! Parvenir à travers une temporalité minimaliste (comptez ici 1h38, générique compris, bon dieu que le temps s'épuise vite !) à nous évader au coeur d'un univers de fantasy où fantastique, gothisme, horreur et humour macabre se télescopent avec une fluidité insoupçonnée. Car si Errementari parvient autant à fasciner, amuser et attiser notre curiosité, il le doit autant au développement indécis de sa narration plus intelligente et tendre qu'elle n'y parait (notamment auprès des valeurs familiales que le duo cultive incidemment et du sens du sacrifice pour l'enjeu d'une rédemption) et à ces personnages complètement décalés et au caractère bien trempé que le cinéaste imprime sur pellicule dans un esprit bonnard étonnamment débridé, héroïque et sardonique. Imaginez simplement de parcourir en images, les yeux pleins d'étoiles, une destinée inusité, une guerre aussi improbable qu'impitoyable entre un simple forgeron et un diablotin cabotin ! Pire encore, imaginez ce même forgeron arpenter à l'aide d'une immense cloche or massif l'antre de l'enfer à l'instar d'un Maciste sclérosé pour autant mastard !
Patxi en Enfer
Bref, arrêtons nous là, j'en ai déjà trop dit, ruez vous le plus naturellement du monde sur cette pépite hispanique après avoir déboursé votre ticket pour l'enfer, quitte à ne plus jamais y revenir. Où plutôt avec la volonté irrépressible d'y retourner afin de savourer (sans modération) les tribulations génialement grotesques, infernales et jouissives de Patxi et Usue ! Sans compter que Paul Urkijo vient d'estampiller sur sa bobine novice (et de manière impromptue !) le plus grand héros lambda de tous les temps !
* Bruno
Récompense: Prix du Public du 28e Festival du Cinema Fantastique et de Terreur de San Sebastian, an 2017