vendredi 25 octobre 2013

LES REVOLTES DE L'AN 2000 (¿Quién puede matar a un niño? / Who can kill a child ?)

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinaff.com

de Narciso Ibanez Serrador. 1976. Espagne. 1h50. Avec Lewis Fiander, Prunella Ransome, Antonio Iranzo, Miguel Narros, Maria Luisa Arias, Marisa Porcel, Juan Cazalilla.

Récompense: Prix de la Critique à Avoriaz, 1977

Sortie salles France: 2 Février 1977. Espagne: 26 Avril 1976

FILMOGRAPHIE: Narciso Ibanez Serrador est un scénariste, producteur et réalisateur uruguayen, né le 4 Juillet 1935 à Montevideo (Uruguay).
1969: La Résidence. 1976: Les Révoltés de l'An 2000 



Longtemps resté inédit en Dvd en France, les Révoltés de l'An 2000 est une perle rare d'un cinéaste discret natif d'Espagne, bien qu'ayant déjà ébranlé les cinéphiles avec un premier chef-d'oeuvre de perversité gothique, la RésidenceSur une petite île, un couple de vacanciers doit affronter une ribambelle d'enfants tueurs. Cette trame aussi linéaire qu'improbable s'érige sous la caméra de Narciso Ibanez Serrador en acmé d'effroi de par sa tension éprouvante. La force incisive de ce cauchemar hermétique émanant de son thème lié à l'enfance meurtrie et de sa mise en scène alerte réfutant la moindre gaudriole grand-guignol ! A l'instar de son générique abominable laissant défiler des images d'archives de crimes de guerre perpétrés contre eux ! Cette introduction hautement dérangeante est une illustration barbare de ce que l'humanité peut envisager de pire sur leur progéniture en cas de génocide ! Passé cette turpitude, le film va y extraire une fable contestataire auprès de ces bambins motivés à passer à l'action du talion contre la cruauté de l'homme !


Quoi de plus banal qu'un garçonnet innocent batifolant avec ses fidèles camarades au sein d'une ruelle ! Sauf qu'en l'occurrence, leur environnement insulaire duquel ils sont originaires est épargnée de moindre présence parentale ! Ainsi, à travers un sens du suspense lattent et la confection avisée du climat de mystère, le réalisateur tisse une toile d'araignée autour d'un couple d'itinérants complètement désorientés par le mutisme pesant des citadins. Pour autant, c'est parmi le témoignage de deux survivants qu'ils vont pouvoir mesurer la gravité du danger ! Si bien qu'ici, les bambins fripons à la bouille angélique tuent sans la moindre hésitation tout étranger majeur ! Outre le fait que l'hostilité meurtrière provient de ces chérubins à tête blonde, aucune justification nous est divulguée pour leurs exactions vengeresses ! (même si on peut suggérer qu'ils se transmettent leur haine par télépathie). Ainsi, ce refus d'explication rationnelle augmentera le malaise diffus que le spectateur perçoit avec aigreur, quand bien même l'apparence "anodine" des enfants nous embrigade dans une situation de grande impuissance. Et donc, cet enjeu de survie que le couple devra déjouer désespérément s'avère d'autant plus malsain que la rigueur qui y émane les contraint de riposter avec une violence intolérable. Néanmoins, on en dira de même des enfants goguenards capables d'exercer des sévices indécents contre l'étranger (le vieillard battu à mort à l'aide d'un bâton, le jeu de la serpe sur cette même victime, la défunte déshabillée par des enfants ricaneurs, le lynchage collectif du père que sa fille eut provoqué). De par son âpre réalisme ainsi qu'une dimension psychologique davantage éprouvante, Narciso Ibanez Serrador y élabore une impitoyable descente aux enfers pour la frêle destinée de nos héros. A l'instar de son final nihiliste atteignant une intensité dramatique sans compromis !


Il est né l'enfant du miracle, Héritier du sang d'un martyr.
Inquiétant, dérangeant, effrayant et d'une cruauté inouïe, Les Révoltés de l'an 2000 constitue une épreuve de force d'une rare puissance émotionnelle et d'évocation (à l'image insensée du foetus exterminant de l'intérieur de l'abdomen sa propre génitrice, il fallait oser pareille idée tordue ! ). Ainsi, l'originalité burnée de son scénario, la rigueur de son climat désespéré et le jeu étrangement naturel des bambins n'auront jamais été aussi convaincants pour transcender la thématique de l'enfant tueur ! Et si un jour leur révolte aurait lieu, serions nous capables d'enrayer pareille menace planétaire ?

Note: Faute d'une violence jugée pénible, la Finlande et l'Islande ont interdit le film dans leur contrée.

*Bruno
25.10.13. 3èx

La critique de Mathias Chaputhttp://horrordetox.blogspot.fr/2011/07/les-revoltes-de-lan-2000-de-narciso.html
La critique deThierry Carterethttp://www.arkepix.com/kinok/DVD/SERRADOR_Narcisso/dvd_revoltesan2000.html


jeudi 24 octobre 2013

Le Blob / The Blob

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site backtothemovieposters.blogspot.com

de Chuck Russel. 1988. U.S.A. 1h35. Avec Kevin Dillon, Shawnee Smith, Donovan Leitch, Ricky Paull Goldin, Jeffrey DeMunn, Candy Clark, Joe Seneca, Del Close.

Sortie salles U.S: 5 Août 1988. France: 1er Février 1989

FILMOGRAPHIE: Chuck Russel est un réalisateur, producteur, scénariste américain, né le 6 Août 1952 à Highland Park dans l'Illinois (Etats-Unis). 1987: Freddy 3. 1988: Le Blob. 1994: The Mask. 1996: l'Effaceur. 2000: l'Elue. 2002: Le Roi Scorpion. 2014: Arabian Nights.


Remake d'un petit classique des années 50 incarné par le tout jeune débutant Steve McQueen, Le Blob revient 30 ans plus tard sous la houlette du néophyte Chuck Russel. Après avoir succéder à Wes Craven  et Jack Sholder pour l'entreprise du 3è opus de Freddy, cet habile faiseur de série B élabore avec son second métrage une réactualisation beaucoup plus stimulante que son ancêtre. Si bien que grâce aux incroyables effets spéciaux conçus en partie par la société Dream Quest Images, le Blob redouble de punch, d'intensité, d'efficacité d'élaborer des séquences cinglantes aussi inventives que spectaculaires. Or, dans un esprit cartoonesque parfois épaulé d'une dose de dérision sardonique, les attaques récurrentes de la fameuse gélatine organique s'avèrent redoutablement jouissives lorsqu'elle s'attaque aux quidams pour les ingurgiter. A l'instar de ce pauvre clochard ayant osé toucher la masse visqueuse à l'aide d'un bâton après avoir été témoin du crash d'un météore. 


Ainsi donc, avec originalité et une surprenante maîtrise au niveau du dynamisme du montage et de sa réalisation avisée allant droit à l'essentiel, Chuck Russel rivalise d'audaces à piéger les victimes au sein d'endroits familiers lors des confrontations avec la chose. Que ce soit à l'intérieur d'une cabine téléphonique ou d'une voiture, dans une chambre d'hôpital ou sous la bouche d'un évier, au plafond d'un cinéma ou encore dans les sous-sols de conduits, le Blob se faufile et s'infiltre dans chaque recoin avec une sagacité redoutable ! Car plus elle ingurgite de victimes, plus sa masse protéiforme s'amplifie ! Néanmoins, cette germe tueuse venue de l'espace par la faute de l'homme possède une faille, celle de ne pas supporter la température extrême du froid. Alors qu'un couple d'adolescents à la fois attachants, réfléchis et débrouillards (une fois n'est pas coutume au sein du moule de la série B de Samedi soir !) tentera d'avertir les autorités et la population du danger exponentiel, une équipe de confinement biologique (des bactériologues véreux) tentera de préserver la chose pour l'asservir en arme de guerre au péril des citadins.


Attention au Blob, ça colle !
De par sa mise en scène rigoureusement nerveuse et son intrigue efficiente multipliant courses-poursuites, action explosive et scènes gores inventives sous le pilier d'un monstre d'un réalisme visqueux à couper au rasoir, le Blob parvient à divertir avec un savoir-faire artisanal débordant de générosité. A l'instar de ces remarquables trucages (j'insiste) adroitement peaufinés afin d'y caractériser l'horreur graphique ainsi que l'aspect dévastateur d'une gélatine rose d'une redoutable voracité. Enfin, le duo fraternel formé par les deux amants pugnaces (Kevin Dillon n'est autre que le frère de Matt Dillon dans une sobriété héroïque jamais outrée) contourne le stéréotype du teenager écervelé avec une dose d'humanité lestement intègre. Un modèle de série B n'ayant pas pris une ride (à 2/3 plans cheap près).

*Bruno
26.04.23. 4èx
24.10.13. 

mercredi 23 octobre 2013

Mother's Day

                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site backtothemovieposters.blogspot.com

de Charles Kaufman. 1980. 1h31. U.S.A. Avec Nancy Hendrickson, Deborah Luce, Tiana Pierce, Holden McGuire, Billy Ray McQuade, Robert Collins, Rose Ross.

Sortie salles U.S: Septembre 1980

FILMOGRAPHIE: Charles Kaufman est un réalisateur, producteur et scénariste américain. Il est le frère du producteur de la firme Troma. 1977: The Secret Dreams of Mona. 1980: Mother's Day. 1982: Ferocious Female Freedom Fighters? 1985: When Nature Calls. 1988: Jakarta.


"L'éducation consiste à nous donner des idées, et la bonne éducation à les mettre en proportion."
Hit vidéo des années 80, Mother's Day fit les beaux jours des fantasticophiles friands de bande horrifique décomplexée. Si aujourd'hui cette bisserie sponsorisée par le label Troma est un peu sombrée dans l'oubli, on se surprend toujours de l'efficacité du concept familial soumis au survival aussi brutal que sardonique. Attention ! Ca déménage en diable, sans restriction aucune ! Le pitchTrois amies célibataires décident de passer un week-end bucolique en pratiquant le camping sauvage. La nuit tombée, elles sont alpaguées par une bande de rednecks assoiffés de violence. Excités par leurs nouveaux trophées, ils s'empressent de les présenter à leur charmante génitrice. Démarrant sur les chapeaux de roue, personne ne peut oublier son prologue goguenard auquel un jeune couple fera les frais d'un stratagème criminel autour d'une fausse panne de voiture. Car à proximité d'un sentier forestier, deux hommes masqués font subitement irruption pour alpaguer les amants. Décapitation spectaculaire du malheureux puis surtout passage à tabac de la jeune fille sont sauvagement illustrés sous nos yeux avec une crudité tranchée. Quand bien même se réjouissant avec une bonhomie espiègle face à ce déchaînement de violence, une mamie applaudit les exploits sanguinaires de ses deux rejetons. Fondu au noir, le générique peut débuter ! Bienvenue chez Mother's Day dont le titre débridé est également à lui seul une plaisanterie de mauvais goût ! Ainsi, à travers le modèle lucratif du psycho-killer et du survival, Charles Kaufman complote une immense farce sanglante où les clichés orthodoxes sont directement inspirés des bandes déviantes des années 70 (Massacre à la Tronçonneuse, la Colline a des Yeux) ainsi que du phénomène symptomatique Vendredi 13 (sorti sur les écrans 4 mois au préalable !).


Et si nos personnages potaches (pour autant attachants dans leur esprit jouasse) et les situations convenues pullulent lors de sa première demi-heure, les évènements suivants convergent au spectacle cartoonesques infiniment bête et méchant, pour ne pas dire réjouissants ! De par l'efficacité d'une décharge d'ultra violence héritée des séries B d'exploitation des Seventies, Mother's Day accumule les séquences extrêmes où viols, sévices et humiliations seront le calvaire quotidien de nos trois étudiantes. Car embrigadées dans une baraque familiale insalubre encombrés de TV, déchets et malbouffe, elles tenteront désespérément d'y sortir en comptant sur leur sororité. Si l'intrigue conventionnelle ne fait preuve d'originalité, le portrait inouï alloué au trio familial éclabousse constamment l'écran avec une ironie galvanisante. Si bien que ces deux benêts sevrés aux séries TV, à la pub, à la malbouffe et tributaires d'une rombière narcissique sont éduqués dans une hiérarchie militaire afin de mieux martyriser les quidams égarés. Leur entrainement drastique s'avère d'ailleurs assez irrésistible de drôlerie lorsqu'ils s'opposent à la compétition sportive face à la fierté de leur maman ! En prime, afin de relancer le survival en lieu clos, Charles Kaufman enchaîne les courses poursuites à travers bois puis se rattache au sous-genre du rape and revenge avec une pointe d'intensité dramatique assez empathique ! (le sort tragique imputé à l'une des victimes). Les filles éreintées d'épuisement et de désagrément lors de leur évasion finissant ensuite par élaborer de terribles châtiments sur leurs agresseurs avec une hargne littéralement bestiale ! Coup de hache dans les testicules, aiguille plantée dans le cou, acide déversée dans le gosier, téléviseur encastré dans la tête, strangulation et charcutage au couteau électrique ! Autant dire que les effets-chocs terriblement cinglants s'enchaînent avec une efficacité effrénée ! Par le biais de ces héroïnes en herbe déterminées, on apprécie également le développement de leur esprit solidaire, rebelle et pugnace après avoir essuyé autant de souffrance morale et corporelle.


En dépit de quelques clichés et situations potaches néanmoins funs, Mother's Day se savoure telle une friandise acidulée, de par l'esprit cartoonesque que la famille dégénérée insuffle en permanence et la cohésion désespérée de leurs victimes en proie à une aliénante rébellion. Méchamment irrévérencieux, mal élevé, subversif et immoral, Mother's Day est une inoubliable farce macabre, un cocktail survitaminé où l'audace incongrue fait constamment des étincelles sous l'impulsion d'une satire corrosive (euphémisme) contre la société de consommation. On peut d'ailleurs même prétendre qu'il s'agit là d'un des plus intelligents et originaux psycho-killer des années 80.  
A réserver toutefois à un public averti. 

Bruno
11/08/18. 6èx
23.10.13. 

Jaquette Vhs appartenant au site l'Antre de l'horreur

Gravity

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site comingsoon.net

de Alfonso Cuaro. 2013. U.S.A/Angleterre. 1h31. Avec Sandra Bullock, George Clooney, Ed Harris.

Sortie salles France: 23 Octobre 2013. U.S: 4 Octobre 2013

FILMOGRAPHIE: Alfonso Cuaro est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur mexicain, né le 28 Novembre 1961 à Mexico. 1991: Solo con tu pareja. 1995: Le Petite Princesse. 1998: De Grandes Espérances. 2001: Y tu mama tambien. 2004: Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban. 2006: Les Fils de l'Homme. 2013: Gravity.


Repoussant les limites du réalisme au cinéma, Gravity marque un nouvel échelon au sein du space opera dans une forme minimaliste réfutant la surenchère traditionnelle. Nous sommes donc ici à contre-emploi des blockbusters lucratifs conçus pour épater le public ado friand de batailles intergalactiques. Ici, c'est une invitation au voyage en apesanteur auquel nous participons de plein gré. Une contemplation de notre système stellaire tel que nous ne l'avions jamais observé auparavant ! Qui plus est, avec l'entremise du relief, ce procédé perfectible n'aura jamais été aussi inhérent afin de s'immiscer dans l'action où l'immensité de l'espace, la structure détaillée des navettes fissiles ainsi que les pluies fortuites de projectiles déploient une profondeur de champ irréelle !


Ainsi, à travers la survie d'une astronaute perdue au milieu de l'infini, sévèrement perturbée par moult incidents techniques et intempéries de particules, Alfonso Cuaro nous entraîne dans une dérive cauchemardesque où la tension s'avère toujours plus expressive ! Car 1h30 durant, nous sommes immergés dans la conscience fébrile de Ryan Stone, doctoresse préalablement meurtrie par le deuil accidentel de sa fille et prise de marasme lorsque le manque d'oxygène de sa combinaison s'y fait sentir. A travers son cheminement personnel partagé entre l'instinct de survie et le désir du sacrifice, le réalisateur célèbre le courage et le dépassement de soi. La capacité psychologique de pouvoir se relever en désespoir de cause et obstruer ses pensées les plus noires, notamment la dignité du baroud d'honneur pour la reconquête d'une vie terrestre. Bouleversante quand elle livre ses confidences morales face à notre témoignage ou devant son poste émetteur en guise de solitude, Sandra Bullock livre une interprétation viscérale à coeur ouvert. La puissance émotionnelle qui émane de son désespoir existentiel et sa volonté de déjouer son défaitisme nous accablant d'une manière d'autant plus intimiste que personne ne peut lui venir en aide au coeur de cet abyme mutique.


Alone
Prouesse technique et visuelle étourdissante de virtuosité à tel point que certaines images anthologiques confinent au vertige (les astronautes incessamment livrés au vide de l'apesanteur) ou à la claustration suffocante (l'intérieur des sas auquel Ryan est contrainte de se blottir), Gravity exalte le lyrisme poétique d'un cinéaste entièrement voué à l'humanité de son personnage. Confrontés à un enjeu de survie redoublant de vicissitudes mortelles, Alfonso Cuaro nous fait participer à une expérience cinématographique sensitive, nouveau langage expérimental établi via une caméra amovible. Et de porter à l'édifice un magnifique portrait de femme fragile où la dernière image, symbolique, nous déchire le coeur de par son onirisme naturaliste.  

23.10.13
Bruno Matéï

    

mardi 22 octobre 2013

NE VOUS RETOURNEZ PAS (Don't look now)

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site movieramblings.com

de Nicolas Roeg. 1973. Angleterre/Italie. 1h50. Avec Donald Sutherland, Julie Christie, Hilary Mason, Clelia Matania, Massimo Serato, Renato Scarpa.

Sortie salles France: 18 Septembre 1974

FILMOGRAPHIE: Nicolas Roeg est un réalisateur anglais et directeur de photo, né le 15 Août 1928 à Londres.
1970: Performance. 1971: La Randonnée. 1973: Ne vous retournez pas. 1976: l'Homme qui venait d'ailleurs. 1980: Enquête sur une passion. 1984: Eureka, 1985: Insignificance. 1986: Castaway. 1988: Track 29. 1990: Les Sorcières. 1991: Cold Heaven. 1995: Two Deaths. 2007: Puffball.


Pierre angulaire du fantastique cérébral, Ne Vous retournez pas est l'une des rares expériences cinématographiques à avoir su transcender l'inquiétude oppressante de manière éthérée si bien que nos sentiments troubles se laissent voguer au rythme d'une intrigue latente perpétuellement envoûtante. A contrario de son point d'orgue terrifiant culminant vers un meurtre graphique à la vision d'effroi, Nicolas Roeg brode une intrigue machiavélique où la mort s'avère le thème essentiel de cette excursion avec le mysticisme. Par l'entremise du prélude traumatique auquel une fillette en manteau rouge vient de perdre la vie en se noyant dans une rivière, Ne vous retournez pas suit le cheminement des parents endeuillés au sein de la ville spectrale de Venise.


A travers une photo naturaliste, c'est un véritable voyage touristique que le réalisateur nous guide parmi la présence de citadins instinctivement craintifs de présence étrangère. Dans cette région mutique aux ruelles obscures, John et Laura Baxter vont établir la connaissance de deux soeurs décaties dont l'une s'avère médium. Réfractaire à l'existence d'un au-delà alors qu'au moment de la mort de sa fille un présage inscrit sur une diapositive se révéla à lui, John se retrouve confronté à son scepticisme devant le témoignage d'incidents alarmistes. De son côté, sa femme Laura se réconforte dans les bras de l'extralucide après avoir appris que sa fille se trouve en harmonie dans un au-delà serein. Néanmoins, un avertissement divinatoire va les mettre en garde que John court prochainement un grave danger. Tandis que ce dernier va à nouveau être témoin d'une étrange vision (sa propre femme vêtue de noir en compagnie des soeurs inséparables), un mystérieux tueur accoutré d'une capuche rouge perpétue ses crimes dans les parages !


La peur innée de la mort, notre questionnement sur l'existence d'un "ailleurs", la paranoïa s'insinuant dans notre fragilité lorsqu'un deuil familial vient de nous accabler, Nicolas Roeg traite ces thèmes avec un pouvoir de suggestion hypnotique. Sa mise en scène avisée et expérimentale, exploitant à merveille le cadre touristique d'un Venise diaphane, s'enrichit d'un montage rigoureux afin de nous perturber les sens. Qui plus est, le jeu viscéral du couple Julie Christie / Donald Sutherland (à l'instar de leur étreinte charnelle où l'érotisme n'aura jamais été aussi virginal !) va agrémenter un climat sensitif où nos facultés semblent délibérément abandonnées à l'alchimie créatrice du cinéaste. Errance obsédante avec l'insolite d'une réalité indécise, balade crépusculaire avec la mort et les prémonitions, Ne vous retournez pas s'accapare de notre psyché à la manière sensorielle du paternel rongé par son deuil filial. A travers son parcours introspectif (auquel il est aussi permis d'évoquer le rêve de sa culpabilité), Nicolas Roeg évoque une réflexion spirituelle sur l'angoisse de l'inconnu et sur l'intuition en interne d'un cauchemar insurmontable.

22.10.13. 3èx
B-M


lundi 21 octobre 2013

All the boys love Mandy Lane

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site ecranlarge.com

de Jonathan Levine. 2006. U.S.A. 1h30. Amber Heard, Anson Mount, Whitney Able, Michael Welch, Edwin Hodge, Aaron Himelstein, Luke Grimes.

Sortie salles U.S: 11 Octobre 2013 (sortie limitée). Angleterre: 15 Février 2008. France, uniquement en Dvd: 3 Août 2010

FILMOGRAPHIE:  Jonathan Levine est un réalisateur et scénariste américain, né le 18 Juin 1976 à New-York. 2006: All the Boys love Mandy Lane. 2008: Wackness. 2011: 50/50. 2013: Warm Bodies.


Inédit en salles en France et tardivement programmé aux States (il est sorti cette année le 13 Octobre !), faute d'une défaite financière des distributeurs (l'insuccès émis au dyptique Boulevard de la mort / Planet Terror), All the Boys love Mandy Lane aura connu bien des déboires pour accéder à son exploitation commerciale. Le pitchUne bande d'ados décide de passer un long week-end bucolique dans le ranch familial d'un de leurs camarades. C'est aussi l'occasion pour les garçons de courtiser la jeune Mandy Lane, fille candide à la beauté renversante. Mais une série de meurtres violents vont  ébranler leur festivité. Sous le mode opératoire du slasher de base influencé par Vendredi 13, le réalisateur Jonathan Levine se réapproprie des clichés avec une ambition bien personnelle afin de se démarquer de l'ornière. On est d'abord frappé par la beauté naturelle de ces images poétiques (métaphore de la puberté) mais aussi impressionné par la troublante Mandy Lane lorsqu'elle déambule dans son lycée sous le regard éperdu des adolescents. Cette égérie sexuelle attisant d'autant plus curiosité, concurrence et jalousie qu'elle semble faire preuve d'abstinence pour la luxure.


Ce personnage central, Jonathan Levine va en tirer un archétype féministe où l'aura trouble de sa présence virginale planera durant tout le récit. Au niveau des stéréotypes impartis à la description des protagonistes (le dragueur, la blonde potiche, le bouffon, la grande gueule, le quidam valeureux, etc...) le réalisateur les fait voler en éclat en accordant une certaine humanité dans leur malaise pubère. Car si nos jeunes fêtards continuent à se droguer et forniquer lors d'une insouciance libertaire, le témoignage innocent de Mandy Lane et la présence meurtrière d'un tueur aux aguets vont les rappeler à l'ordre de la raison. Ou quand le slasher rencontre la chronique sociale d'une jeunesse déshumanisée par la compétition. En dépit de la stature imposée à ces personnages si souvent déconsidérés dans l'iconographie du genre, All the Boys love Mandy Lane est notamment transcendé de la stylisation d'une mise en scène rigoureuse (voire parfois même expérimentale !) en multipliant les prises de risque. Celles d'y bousculer les habitudes du spectateur pour son ton anti ludique et son refus de concession si bien que l'aspect spectaculaire des meurtres n'a rien de divertissant. Ici, la violence est froide, crue, même si parfois hors-champs afin d'éviter la complaisance, et son réalisme désespéré nous laisse dans une certaine contrainte émotionnelle. Quand bien même l'aspect équivoque du personnage de Mandy Lane accentue cette force émotive nous laissant au final un arrière goût amer dans la bouche. En crescendo, Jonathan Levine distille une terreur moite davantage ardue pour le sort des ados, alors que son point d'orgue nihiliste nous laisse sur le carreau pour la révélation du meurtrier ainsi que son parti-pris immoral !


Poétique, désenchanté, dérangeant mais aussi poignant, All the Boys love Mandy Lane réfute la redite triviale pour nous livrer un psycho-killer vénéneux. Le soin formel accordé aux images graciles et la beauté envoûtante de Mandy Lane se complétant harmonieusement pour laisser en mémoire une élégie défaitiste, malaise social du constat de l'amour. Pour un premier long-métrage aussi atypique, on peut presque évoquer le coup de maître d'un auteur sagace.

21.10.13
Bruno Matéï

samedi 19 octobre 2013

A HIJACKING. (Kapringen)


de Tobias Lindholm. 2012. Danemark. 1h39. avec Pilou Asbæk, Søren Malling, Dar Salim, Roland Møller

Sortie salles France: 10 Juillet 2013

FILMOGRAPHIE: Tobias Lindholm est un réalisateur, scénariste et acteur danois.
2010: R
2012: A Hijacking


Dans l'océan Indien, sept marins danois vont devenir les victimes d'une prise d'otages à bord de leur navire. Leur entreprise professionnelle va tenter de négocier avec les terroristes une demande de rançon exorbitante afin de la réévaluer et sauver l'équipage. 


Un film choc d'un réalisme décoiffant et au jeu d'acteur bluffant de vérité ! Le réalisateur danois réinventant ici le concept d'une prise d'otage avec un souci de vérité faisant office de documentaire. Principalement dans les rapports de force étroits que des hommes d'affaires et un affréteur doivent entretenir avec des terroristes afin d'établir un consensus sur la somme désirée. Alors que nos bureaucrates vont tout mettre en oeuvre pour réduire le montant de la rançon, les pirates n'auront de cesse à pratiquer le chantage contre la vie d'innocents afin d'exiger une somme extravagante.
Du point de vue des victimes, le réalisateur privilégie une émotion viscérale envers leur traitement infligé pour des problèmes d'hygiène et auquel humiliations et jeu de soumission sont pratiquées par des rebelles sans vergogne. Un sentiment tangible de claustration est également transmis au spectateur à travers leur interminable embrigadement au sein du navire. En auscultant leur humanisme sévèrement contrarié par la chance de survie car contraints de patienter durant des mois une décision majeure, A Hijacking met en exergue leur épreuve de force toujours plus ardue jusqu'au traumatisme psychologique. Sans parler de l'attente des familles stressées, sévèrement malmenées par une situation insoutenable.
A la manière d'un reportage, le réalisateur nous immerge donc dans un cauchemar en haute mer oppressant où l'abattement semble également nous atteindre. Au delà du jeu rigoureux de l'interprétation, on peut également louer la prestance des comédiens somaliens aux gueules faméliques éludées de moindre empathie. Impassibles et opiniâtres, même si parfois épris d'une certaine sympathie pour les otages (la séquence de beuverie qu'ils se partagent aux premières semaines des négociations), leur posture belliqueuse laisse augurer le pire quand à la mise de rançon incessamment remaniée par des notables obtus !


Avec le réalisme tranché d'une situation de crise interminable, A Hijacking nous fait traverser le calvaire d'une prise d'otage dans une volonté immersive de nous impliquer en interne des négociations. Sa mise en scène épurée éludée de moindre fioriture, son émotion parfois ardue (le final en demi-teinte laisse une trace indélébile dans l'esprit du spectateur) et surtout le jeu authentique des comédiens laissent en mémoire un suspense éprouvant où le courage de survie est mis à rude épreuve.   

Bruno Matéï
19.10.13


vendredi 18 octobre 2013

LE VILLAGE DES DAMNES (Village of the Damned)

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site todoelterrordelmundo.blogspot.com

de John Carpenter. 1995. U.S.A. 1h39. Avec Christopher Reeve, Kirstie Alley, Linda Kozlowski, Michael Paré, Meredith Salenger, Mark Hamil.

Sortie salles France: 16 Août 1995. U.S: 28 Avril 1995

FILMOGRAPHIEJohn Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis).
1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


Si tout le monde (ou presque !) s'accorde à dire que Le Village des Damnés fait parti d'un des métrages les moins renommés de la carrière de Big John, il serait temps de réévaluer cette pépite d'angoisse parano, remake intelligemment réactualisé en couleurs d'un scope éclatant. Adapté du célèbre roman de John Wyndham (The Midwich Cuckoos) et déjà porté à l'écran par Wolf Rilla en 1960, le Village des Damnées doit sa réussite à son traitement original d'une menace surnaturelle envers l'apparence anodine de chérubins blonds ! Avec une certaine émotion, c'est également l'occasion de retrouver dans un dernier rôle valide le grand Christopher Lee, parfaitement à l'aise dans celui d'un médecin flegmatique au destin valeureux. Dans la petite ville de Midwich, plusieurs habitants s'évanouissent à un endroit précis de la région après qu'un nuage invisible soit passé au dessus de leur banlieue. Réveillés quelques heures plus tard, plusieurs femmes se retrouvent inexplicablement enceintes afin d'enfanter des rejetons aux pouvoirs surnaturels !



Avec sa réalisation consciencieuse peaufinant l'espace du cadre au sein d'un esthétisme flamboyant, John Carpenter possède le don inné de nous plonger dans des contes cauchemardesques où l'aura trouble s'insinue naturellement en nous. L'art de narrer un sujet original où des petits blondinets possèdent la faculté de lire et contrôler nos pensées par un simple regard télépathique et dont le but égotiste et de régir notre monde. Réflexion spirituelle sur l'indépendance de l'âme, l'impulsion de l'amour et notre sens humaniste nécessaire à la clef de survie, le Village des Damnées contraste ces thèmes parmi l'immoralité d'une colonie d'enfants impassibles. Des marmots délétères à la conscience collective incontrôlable, dénués de compassion et sentiments pour pouvoir s'adapter avec la race humaine. Dans une éthique d'asservissement et de dictature, leur déontologie est donc essentiellement vouée à se reproduire biologiquement afin d'accéder à la suprématie. A travers ce récit fantastique aussi envoûtant (les enfants possèdent un magnétisme psychologique réellement inquiétant avec leurs yeux scintillants !), intense et passionnant (les enjeux de survie sont toujours plus alarmistes jusqu'au point d'orgue vertigineux), John Carpenter renouvelle le principe du remake avec l'habileté du conteur studieux.


Pourvu d'une narration privilégiant l'étude de caractère des personnages en oscillant intelligemment avec des scènes chocs horrifiques (le bras plongé dans un bain d'eau bouillante, le cuisinier carbonisé sur son barbecue) ou explosives (la fusillade sanglante perpétrée entre les forces de l'ordre, l'ultime confrontation psychologique entre le docteur et les enfants), Le Village des Damnés est un très efficace jeu d'angoisse, métaphore sur la soumission et le totalitarisme. Un cauchemar d'autant plus angoissant qu'il est transcendé par le charisme surnaturel de ces charmantes têtes blondes et d'une partition envoûtante si chère à Carpenter
A redécouvrir au plus vite !

18.10.13. 3èx
Bruno Matéï

jeudi 17 octobre 2013

LA MALEDICTION FINALE (The Final Conflict)

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site blushots.weebly.com

de Graham Baker. 1981. U.S.A. 1h48. Avec Sam Neill, Rossano Brazzi, Don Gordon, Lisa Harrow, Barnaby Holm, Mason Adams.

Sorties salles France: 7 Octobre 1981

FILMOGRAPHIE: Graham Baker est un réalisateur, producteur et scénariste américain.
1981: La Malédiction Finale. 1984: Impulse. 1988: Futur Immédiat, Los Angeles 1991. 1990: The Recruit. 1991: Ni dieu ni maître (Born to Ride). 1999: Beowulf


Regarde le Lion de Juda ! Le messie qui est venue d'abord enfant et ne revient pas enfant, mais en Roi des Rois, pour régner dans la gloire à jamais !

Dernier volet d'une trilogie à succès (en épargnant son calamiteux télé-film entrepris à l'orée des années 90), La Malédiction Finale boucle l'achèvement de l'Antéchrist parmi ses motivations politiques prochainement vouées à la déroute. Aujourd'hui âgé de 32 ans, Damien Thorn vient d'être nommé ambassadeur en Grande-Bretagne après s'être débarrassé de son prédécesseur. Alors que la nouvelle naissance du Nazaréen est sur le point de converger, il met tout en oeuvre pour l'éradiquer avec l'appui de ses disciples. Cinéaste discret ayant tout de même réalisé deux séries B bonnards (ImpulseFutur Immédiat), Graham Baker contourne ici l'horreur cinglante du second volet pour vanter la sobriété psychologique du chef-d'oeuvre de Donner avec un esthétisme gothique plus prononcé (les divers monuments en ruine parmi lesquels se regroupent les moines, le final crépusculaire où Damien s'est confiné dans une immense abbaye). Renforcé de l'interprétation inquiétante d'un Sam Neil tout en magnétisme, La Malédiction Finale s'avère plus ambitieux que l'antécédent opus de par sa conduite narrative préconisant les stratégies politiques de Damien afin d'accéder à son omnipotence.


Exit donc le rythme effréné d'une horreur spectaculaire et place au thriller politico-spirituel par le truchement du combat éternel du Mal contre le Bien. C'est donc un Damien en pleine ascension politique mais néanmoins faillible que nous illustre le réalisateur dans sa crainte toujours plus factuelle d'assister à la résurrection du Christ. Et plus spécifiquement en cette date commémorative du 24 mars, entre minuit et six heures ! En parallèle, grâce à la prémonition de la Bible et des signes astraux, une confrérie de 7 moines s'envisagent de déjouer ses plans en tentant de l'assassiner à maintes reprises sous l'influence symbolique des fameux poignards ! Et si la réalisation manque parfois d'autorité et n'échappe pas à certaines maladresses (la vision grotesque du bébé calciné, la facilité à laquelle la maîtresse de Damien réussit en un coup d'oeil à décrypter les chiffre 666 sous sa chevelure !), la densité des enjeux alarmistes captive le spectateur jusqu'à la fatalité déclinante du fils du diable ! D'autre part, si l'aspect horrifique est écarté au profit de la dimension mystique de Damien, certaines séquences de mise à mort s'avèrent encore redoutablement percutantes. A l'instar de son prélude sanglant auquel le premier ambassadeur décide de se suicider en se tirant une balle dans la bouche par un ingénieux système, ou encore la chute accidentelle du chrétien brûlé vif par les câbles d'un plateau télévisé ! D'autres moments superbement coordonnés insufflent un certain souffle homérique (la redoutable course poursuite de la chasse à courre à travers champs !), mais aussi une dimension emphatique lors des allégations de Damien auprès d'une foule de fanatiques, ou lors de son monologue intimiste face à la sculpture du christ.


Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus. Il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien a disparu.
REVELATION XXI-4
Non exempt de défauts dans sa réalisation parfois hésitante mais pourvu d'une ambition intègre, La Malédiction Finale a le mérite de se différencier de ses aînés à travers un scénario solide mettant en exergue la mégalomanie d'un Damien défaillant. Le jeu trouble de l'acteur Sam Neil (en pleine reconnaissance public !), le score traditionnel des chants grégoriens et l'ampleur de certaines séquences clefs achèvent cette passionnante trilogie parmi la bénédiction du Messie ! 

La critique de La Malédictionhttp://brunomatei.blogspot.fr/2013/10/la-malediction.html
La critique de Damien: La Malédiction 2http://brunomatei.blogspot.fr/2013/10/damien-la-malediction-2-damien-omen-2.html

17.10.13. 3èx
Bruno Matéï

mercredi 16 octobre 2013

Damien: La Malédiction 2

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site esplatter.com

"Damien: Omen II" de Don Taylor. 1977. U.S.A. 1h46. Avec William Holden, Lee Grant, Jonathan Scott-Taylor, Robert Foxworth, Nicholas Pryor, Lew Ayres, Sylvia Sidney.

Sortie salles France: 16 Août 1978. U.S: 9 Juin 1978

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Don Taylor est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 13 Décembre 1920 à Freeport, Pennsylvanie (Etats-Unis), décédé le 29 Décembre 1998 à Los Angeles (Californie). 1969: 5 hommes armés. 1971: Les Evadés de la Planète des Singes. 1973: Tom Sawyer. 1977: L'île du Docteur Moreau. 1978: Damien: la malédiction 2. 1980: Nimitz, retour vers l'enfer.


"Ces hommes-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, déguisés en apôtres du Christ". 

Second opus d'une trilogie passionnelle fondée sur l'achèvement de l'Antéchrist sur terre, Damien: la malédiction 2 continue de percer sa voie apocalyptique par l'entremise d'un adolescent en réflexion identitaire ! Si Richard Donner n'est plus maître à bord, la réalisation en incombe à Don Taylor, habile artisan de série B ayant déjà oeuvré dans le fantastique (les Evadés de la planètes des singes, l'île du Dr Moreau, Nimitz). Et si le vénérable acteur William Holden refusa auparavant d'incarner le rôle du paternel adoptif qui lui était imparti lors du 1er volet, faute de son antipathie pour le satanisme, l'immense succès du chef-d'oeuvre de Donner lui invoqua cette fois-ci de se raviser afin d'endosser celui du frère de Robert Thorn. Par ailleurs, on doit notamment la réalisation de certaines scènes au scénariste Mike Hodges (le dîner avec la tante, la visite dans l'usine, l'enseignement dans l'académie militaire). Mais faute de dissension avec la production, c'est donc à Don Taylor que convient la tâche d'achever l'entreprise. Le pitchAujourd'hui âgé de 12 ans, Damien Thorn a été recueilli par son oncle Richard et son épouse depuis les tragiques évènements de ses parents adoptifs. Enseignant dans une école militaire, le jeune adolescent va apprendre l'origine de sa véritable destinée par le soutien de disciples alors que d'étranges accidents meurtriers continuent de semer le doute chez sa nouvelle famille. Deux ans après la sortie de La MalédictionDamien: la Malédiction 2 est rapidement mis en chantier afin de tenter de renouer avec le succès commercial. Sans égaler toutefois l'intensité du modèle, cette suite fort honorable s'avère plus rigoureuse à travers son florilège de morts accidentelles perpétrées par les forces du Mal, et ce parfois même parmi la symbolique d'un magnétique corbeau noir. 


Ainsi, avec une efficacité factuelle, Don Taylor privilégie l'impact de séquences chocs aussi acerbes et vertigineuses. Tant auprès de l'agression des corbeaux sur une femme errante sur une route bucolique, de la noyade du sexagénaire coincé sous la glace d'un lac et emporté par les courants, ou encore du démembrement d'un médecin par les câbles d'un ascenseur ! Autour de ces incidents surnaturels plus explicites qu'au préalable, le réalisateur s'intéresse fatalement à l'ascension du jeune Damien, adolescent aujourd'hui hébergé par les descendants de Thorn et muté vers une école militaire en guise d'enseignement. Si l'intrigue s'avère ici moins dense, quoique toujours aussi captivante, l'aspect stylisé de certaines scènes (l'attaque des corbeaux sur la femme affublée d'un manteau d'un rouge rutilant, l'accident sur le lac gelé imposant une scénographie réfrigérante afin de nous insuffler la claustration !) et la dextérité de sa réalisation nerveuse continuent d'hypnotiser le spectateur attentif à l'évolution délétère de Damien. Si le couple William Holden / Lee Grant est plus en retrait et ne possède pas la même carrure pour remplacer Gregory Peck et Lee Remick, leur prestance solide s'avère tout de même suffisamment persuasive afin d'emporter l'adhésion (surtout auprès d'Holden). Enfin, l'incroyable présence glaçante du troublant Jonathan Scott Taylor, au regard impassible inné, véhicule une aura subtilement ensorcelante pour son cheminement diabolique émaillé de questionnement identitaire. Un adolescent surdoué (l'impressionnant affront auprès de son professeur de répondre du tac au tac à une multitude de dates historiques) soudainement révélé par sa conversion au Mal et infligeant de son gré ses pouvoirs démoniaques sur les témoins gênants. Et ce même s'il cède toutefois à une once de pitié et de remord Spoil ! pour le sacrifice de son cousin Fin du Spoil. Là encore, une séquence dramatique forte de par sa posture lestement démoniaque en perte de valeur humaine.  


Son infini pouvoir est sa solitude. Sa splendeur est la fatalité qui l'étreint.
"Le jour viendra, Damien, où le monde saura qui tu es !"

De nouveau renforcé de la partition tonitruante de Jerry Goldsmith (à la tonalité toutefois plus moderne qu'au préalable), Damien: La Malédiction 2 joue la carte du divertissement intelligent avec un sens effréné de l'action et du suspense horrifique. Outre le fait que la présence plus confirmée de Damien s'avère toujours ensorcelante en ado pubère, l'acuité de certaines séquences (son tête à tête pédagogique avec son prof d'histoire, le sacrifice qu'il doit infliger en dernier ressort à son cousin, sa prise de conscience soudaine envers sa destinée maudite !) viennent agrémenter l'intrigue de cette excellente séquelle remarquablement dirigé (notamment auprès des plans serrés de protagonistes sobrement expressifs).  

*Bruno

La chronique de La Malédiction http://brunomatei.blogspot.fr/2013/10/la-malediction.html
La chronique de La Malédiction Finalehttp://brunomatei.blogspot.fr/2013/10/la-malediction-finale-final-conflict.html

16.10.13.
08.10.20. 4èx


mardi 15 octobre 2013

La Malédiction / The Omen

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site ablogofhorror.com

de Richard Donner. 1976. U.S.A/Angleterre. 1h51. Avec Gregory Peck, Lee Remick, Harvey Stephens, David Warner, Billie Whitelaw, Patrick Troughton.

Sortie salles France: 17 Novembre 1976. U.S: 25 Juin 1976

FILMOGRAPHIE: Richard Donner (Richard Donald Schwartzberg) est un réalisateur et producteur américain, né le 24 Avril 1930 à New-York. 1961: X-15. 1968: Sel, poivre et dynamite. 1970: l'Ange et le Démon. 1976: La Malédiction. 1978: Superman. 1980: Superman 2 (non crédité - Richard Lester). 1980: Rendez vous chez Max's. 1982: Le Jouet. 1985: Ladyhawke, la femme de la nuit. 1985: Les Goonies. 1987: l'Arme Fatale. 1988: Fantômes en Fête. 1989: l'Arme Fatale 2. 1991: Radio Flyer. 1992: l'Arme Fatale 3. 1994: Maverick. 1995: Assassins. 1996: Complots. 1998: l'Arme Fatale 4. 2002: Prisonnier du temps. 2006: 16 Blocs. 2006: Superman 2 (dvd / blu-ray).


"Il faut de la finesse. Que l'homme doué d'esprit calcule le chiffre de la Bête: c'est un chiffre d'homme: son chiffre est 666"
Livre de l'Apocalypse, Chapitre 13, verset 18.

Trois ans après le traumatisme l'Exorciste de Friedkin, et afin de surfer sur la vague mercantile du genre sataniste, Richard Donner s'inspire des versets de la Bible pour La Malédiction et ainsi gagner en authenticité. Epaulé de stars aussi renommées que Lee Remick, David Warner et surtout du vétéran Gregory Peck (admirable de robustesse dans un rôle inapproprié), cette variation grand public du thème démoniaque tente de nous convaincre que l'Antéchrist va bientôt assouvir sa devise morbide sous le pivot d'un charmant bambin. Pour subtiliser son bébé mort-né et sans divulguer la fraude à son épouse, l'ambassadeur Robert Thorn adopte un nourrisson sous les recommandations d'un prêtre. Très vite, le bambin présente un comportement inquiétant alors qu'une succession d'incidents meurtriers vont nuire à l'entourage familial. "La marque du chef-d'oeuvre, c'est que même quand on connait la fin on a toujours plaisir à le revoir !" Classique notoire, La Malédiction  ne déroge pas à la règle de l'épigraphe afin d'immortaliser un récit diabolique érigé sous le symbolisme de l'évangile. Ainsi, avec un savoir-faire virtuose, Richard Donner affectionne pour son 4è long-métrage un film d'horreur ludique d'une efficacité optimale de par sa succession de scènes chocs spectaculaires subordonnées à un scénario charpenté.


Car outre l'aspect impressionnant des accidents meurtriers (la pendaison de la gouvernante, l'empalement du curé, la décapitation acérée du photographe, la chute de Mme Thorn du haut du balcon et un peu plus tard, sa défenestration de la chambre d'hôpital) et autres incidents incongrus (l'agression des babouins dans le parc zoologique, l'hystérie erratique de Damien aux abords de l'oratoire), c'est auprès de la dimension humaine du couple en perdition que Donner s'attarde afin de nous accabler en privilégiant leur impuissance d'une révélation improbable. Si bien qu'ici l'horreur se tapie sous l'aspect le plus anodin et candide d'un mioche de 5 ans ! Son nom: Damien Thorn, ou le fils du diable pour être plus tranché ! Cette empathie quasi désespérée que l'on éprouve pour cette gueule d'ange sournoise provoquant chez le spectateur un sentiment trouble de confusion mêlé d'inquiétude grandissante face aux sombres évènements décrits. Ainsi, autour de l'enquête scrupuleuse compromise entre le père indécis, davantage contrarié, et un photographe retors, les découvertes édifiantes qu'ils vont rassembler vont exacerber une angoisse sous-jacente toujours plus prégnante. Et ce jusqu'au point d'orgue éprouvant terriblement dérangeant (un paternel brandissant un poignard acéré sur la tête de son bambin au sein d'une cathédrale !) où la dernière image la plus innocente (visage angélique du spectre de Satan) fait figure d'anthologie de l'effroi !


En maître d'oeuvre d'une horreur contemporaine, Richard Donner conjugue à la perfection suspense en crescendo, horreur cinglante et investigation archéologique en jouant avec la peur de l'inconscient collectif: l'affres du diable et ses pouvoirs invisibles ! En prime, le charisme étrangement patibulaire alloué aux antagonistes (les deux gouvernantes, le chien cerbère, le prêtre fanatique) ainsi que l'esthétisme de certains décors sépulcraux (le cimetière étrusque aux accents gothiques, la chambre tamisée de Damien) renforce l'aura maléfique qui émane du moindre recoin ! Ajoutez à cela l'ombrageux score satanique de Jerry Goldmisth et vous obtenez un classique impérissable d'une intensité émotionnelle parfois même rigoureuse. 

* Bruno

Récompense: Oscar de la Meilleure musique en 1977

La critique de Damien: la Malédiction 2 http://brunomatei.blogspot.fr/2013/10/damien-la-malediction-2-damien-omen-2.html
La critique de La Malédiction Finalehttp://brunomatei.blogspot.fr/2013/10/la-malediction-finale-final-conflict.html

15.10.13. 5èx

lundi 14 octobre 2013

NORTHWEST (Nordvest). Prix de la Critique, Prix du Jury, Beaune 2013

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site leblogducinema.com

de Michael Noer. 2013. Danemark. 1h31. avec Gustav Dyekjaer Giese, Oscar Dyekjaer Giese, Lene Maria Christensen, Annemieke Bredahl Peppink, Nicholas Westwood Kidd, Roland Moller. 

Récompenses: Prix du Jury, Prix de la Critique au Festival International du film Policier à Beaune, 2013. 

Sortie salles France: 9 Octobre 2013. salles Danemark: 18 Avril 2013

FILMOGRAPHIE: Michael Noer est un réalisateur danois, né le 27 Décembre 1978
2003: En Rem af Huden. 2005: Mimis Sidste Valg. 2006: Hawaii. 2007: Vesterbro. 2008: De Vilde Hjerter. 2010: R. 2013: Nordvest


Après la trilogie Pusher, le Danemark fait à nouveau parler de lui sous l'influence de Michael Noer dont il s'agit ici de son second long-métrage. Dans un souci d'authenticité proche du docu-vérité, le cinéaste danois nous assène un uppercut avec ce drame d'une délinquance juvénile plongeant tête baissée dans les racines du Mal. Récompensé à Beaune, Northwest suit le quotidien du jeune Casper, délinquant spécialiste du cambriolage et travaillant pour le compte de Jamal. Un jour, il rencontre un malfrat beaucoup plus qualifié qui décide de l'initier à son juteux buziness de came et de proxénétisme. C'est avec le soutien de son jeune frere Andy que Casper va gravir les échelons du grand banditisme, jusqu'au jour où Jamal revient faire surface pour lui demander des comptes. 


D'un réalisme saisissant d'âpreté et incarné par des gueules taillées à la serpe, Northwest joue la carte du reportage avec ce portrait abrupt de deux jeunes marginaux sombrant dans la criminalité. Si le scénario n'apporte rien de neuf et se contente de décrire la descentes aux enfers de frères issus d'un quartier défavorisé de Copenhague, la mise en scène inspirée et le jeu tranché des interprètes renouvellent le genre avec une maîtrise fascinante ! En éprouvant une certaine empathie pour ces frères paumés, soucieux d'entretenir leur famille d'une mère larguée et déboussolée, Northwest retranscrit leurs vicissitudes avec froideur et jusqu'au-boutisme glaçant ! Durant 1h30, le réalisateur nous plonge dans l'univers délétère de la pègre et des boites techno avec une intensité émotionnelle toujours plus ardue quand on imagine l'issue irréversible des frangins. Sans désir de choquer (la violence la plus brutale n'est jamais graphique) Michael Orner peaufine leur fraternité familiale et étudie leurs rapports conflictuels autour d'un contexte d'élitisme. ATTENTION SPOILER !!! Si l'aîné accorde pas mal de crédit à vouloir protéger l'existence du cadet, l'élève va se résoudre à lui tenir tête dans une volonté rebelle de le surpasser ! Les conséquences désastreuses de leur démêlé de soumission vont engendrer une vendetta du clan hostile qu'ils vont devoir contrecarrer en désespoir de cause ! FIN DU SPOILER


Transcendé par le jeu authentique des comédiens et la mise en scène acerbe de Michael Orner, Northwest bouleverse les codes du drame délinquant avec un souci de vérité peu commun. Il en ressort une tragédie noire où les enjeux humanistes sont sévèrement mis à mal par un endoctrinement criminel. Un moment de cinéma hypnotique filmé à l'arraché afin d'intensifier la déchéance juvénile d'une marginalité livrée aux sanglantes luttes de gangs. 

14.10.13
Bruno Matéï