lundi 13 décembre 2021

The Innkeepers. Prix du Public, Toronto After Dark Film Festival 2011.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ti West. U.S.A. 2011. 1h41. Avec Sara Paxton, Pat Healy, Kelly McGillis, George Riddle, Lena Dunham, Alison Bartlett, John Speredakos, Jake Schlueter.

Sortie U.S: 3 Février 2012. Sortie France (direct en dvd): 28 Août 2013.

FILMOGRAPHIETi West est un réalisateur, producteur, éditeur et scénariste américain né le 5 Octobre 1977. 2001: The Wicked. 2005: The Roost. 2007: Trigger Man. 2009: Cabin Fever 2. The House of the Devil. 2010: Perdants Take All. 2011: The Innkeepers.


En 2009, Ti West surprit les puristes fantasticophiles avec House of the Devil pour son hommage affectueux au cinéma d'épouvante des années 70 et 80. Trois ans plus tard, il renoue avec les mêmes ambitions modestes dans un huis-clos imposé par un vieil hôtel classieux auquel deux employés vont invoquer le fantôme d'une défunte suicidée ! Le PitchDeux gérants d'un hôtel prochainement clôturé s'intéressent de plus près aux phénomènes paranormaux en invoquant l'esprit d'un fantôme en guise d'ennui. Avec l'arrivée d'une ancienne actrice et d'un vieillard interlope, d'étranges évènements vont peu à peu se confirmer et devenir plus frénétiques.Ti West est un véritable amoureux du genre horrifique des années 70 et 80 tant il façonne avec parcimonie ce nouveau métrage largement influencé par les ambiances latentes et les angoisses diffuses. Après son formidable House of the Devil, le réalisateur renoue donc avec une histoire classique de maison hantée entièrement dédiée à l'effet de suggestion et du suspense sous-jacent émaillé d'inattendues pointes de cocasserie. Dès la mise en place des deux employés juvéniles, Ti West accorde une principale attention à nous familiariser auprès d'eux à travers leur complicité amicale des plus manifeste. Pat est un trentenaire solitaire occupant son temps à surfer sur le net, spécialement les pages web érigées sur l'occultisme (voirs aussi quelques sites pornos, faute d'un célibat de longue durée) quand la clientèle de son hôtel s'y fait rare. Son acolyte Claire demeurant une jeune fille un peu empotée attirée par les phénomènes paranormaux que Pat s'amuse à lui narrer en guise d'ennui. Ensemble, ils décident sans conviction d'invoquer le fantôme d'une défunte anciennement pendue dans la chambre 353 de l'hôtel. C'est le début d'une succession de futiles évènements intrigants avant que n'y culmine un revirement cinglant !


Ainsi, la complémentarité spontanée des deux comédiens accentuée de la maladresse de la jeune garçonne doit beaucoup à l'attrait sympathique d'un récit misant beaucoup sur leur complicité amiteuse à jouer les parapsychologues en herbe. Affublés d'une physionomie naturelle en "cool attitude", Ti West prend son temps à nous décrire leur relation amicale émaillée de futiles instants de tendresse (la confession de Pat à Claire sous emprise de l'alcool) avant de nous façonner sans esbroufe une traditionnelle histoire de fantôme constamment efficiente. Par vague de scénettes burlesques improvisées par notre héroïne puisque cumulant ses maladresses tributaires d'une peur panique, The Innkeepers réussit à provoquer l'amusement tout en nous faisant patienter pour les éventuelles apparitions surnaturelles. Une manière ludique et finaude à mieux nous prendre au piège de l'effroi légitimé lors de sa dernière partie échevelée. Au soin vétuste accordé à l'architecture de l'hôtel classique et à ses décors de lugubres corridors et de cave tamisée, le réalisateur nous entraîne en interne de ce huis-clos davantage anxiogène après qu'un dernier client eut préconisé d'investir la fameuse chambre 353. Soin du cadre alambiqué (parfois oblique) pour mettre en exergue des décors raffinés ou lugubres et score musical vrombissant sont octroyés pour parachever vers un climat de terreur en crescendo. Si bien qu'avec une économie de moyens, une bande son habilement distillée et une perspicacité à éluder le moindre effet choc inutilement explicite, The Innkeepers fait constamment appel à l'imagination du spectateur plutôt que de se laisser influencer par la surenchère en vogue. Quant aux fameuses apparitions fantomatiques, elles s'avèrent proprement terrifiantes de par leur aspect morbide et fétide découlant d'un effet de surprise alors que son point d'orgue cruel Spoil ! surprendra le public habitué aux happy-end salvateurs Fin du Spoil.


Hormis son épilogue perfectible où nous n'apprendrons rien sur le mystère de Madeline O'Malley (en appréciant sa dramaturgie imposée, mais la dernière image, vaine, ne surprend guère), le nouveau film de Ti West confirme tout le bien que l'on pensait de lui après l'excellent House of the Devil. De par la dextérité d'une réalisation assidue conçue à renouer avec les ambiances angoissantes allouées au pouvoir de suggestion, The Innkeepers amuse, effraie (tout du moins à 3/4 occasions) et captive sans ambages sous l'impulsion de protagonistes désirables qu'on aimerait côtoyer dans notre quotidienneté. Du cinéma d'épouvante artisanal en somme se prenant autant au sérieux qu'en dérision dans un cadre minimaliste pour autant esthétisant.   
 
Eric Binford
13.12.21. VF d'excellente facture à privilégier pour la voix irrésistible de l'héroïne.
23.01.12. 179 v

mercredi 8 décembre 2021

A tombeau ouvert / Bringing Out the Dead

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Martin Scorsese. 1999. U.S.A. 2h01. Avec Nicolas Cage, Patricia Arquette, John Goodman, Ving Rhames, Tom Sizemore, Marc Anthony, Cliff Curtis.

Sortie salles France: 12 Avril 2000. U.S: 22 Octobre 1999.

FILMOGRAPHIEMartin Scorsese est un réalisateur américain né le 17 Novembre 1942 à Flushing (New-york). 1969: Who's That Knocking at my Door, 1970: Woodstock (assistant réalisateur), 1972: Bertha Boxcar, 1973: Mean Streets, 1974: Alice n'est plus ici, 1976: Taxi Driver, 1977: New-York, New-York, 1978: La Dernière Valse, 1980: Raging Bull, 1983: La Valse des Pantins, 1985: After Hours, 1986: La Couleur de l'Argent, 1988: La Dernière Tentation du Christ, 1990: Les Affranchis, 1991: Les Nerfs à vif, 1993: Le Temps de l'innocence, 1995: Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995: Casino, 1997: Kundun, 1999: Il Dolce cinema -prima partie, A Tombeau Ouvert, 2002: Gangs of New-York, 2003: Mon voyage en Italie (documentaire), 2004: Aviator, 2005: No Direction Home: Bob Dylan, 2006: Les Infiltrés, 2008: Shine a Light (documentaire), 2010: Shutter Island. 2011: Hugo Cabret. 2013: Le Loup de Wall Street.


Chef-d'oeuvre pulsatile d'une éprouvante mélancolie existentielle sous l'impulsion d'un Cage inconsolable en déterré suicidaire.  
Oeuvre à part dans la carrière pléthorique de Martin Scorcese, de par son climat mortifère aussi envoûtant que déconcertant et d'une narration hystérique imbibée de mélancolie existentielle, A Tombeau Ouvert s'édifie en expérience surréaliste à tendance toute à la fois spirituelle et existentielle.  Le Pitch:  Ambulancier noctambule, Frank Pierce côtoie la mort chaque nuit lorsqu'il tente de secourir des blessés parmi lesquels s'y bousculent des marginaux suicidaires, vieillards avinés, trafiquants de drogue, délinquants criminels, prostituées, demeurés ou encore sdf psychotiques. Ereinté par la fatigue et angoissé à l'idée de ne pouvoir sauver plus de vie, il sombre dans une perpétuelle morosité avant de se raccrocher à la compagnie amiteuse d'une jeune fille en berne lui rappelant une ancienne connaissance qu'il n'eut pu sauver. Humour noir vitriolé auprès de ses dialogues et situations caustiques, persos lunaires aux comportements nonsensiques, ambiance crépusculaire d'un New-York hanté par les âmes des défunts à travers une faune aliénée, A Tombeau Ouvert ébranle l'habitude du spectateur tributaire du bad trip d'un secouriste tributaire de sa névrose paranoïaque. Celui-ci témoignant chaque nuit de la mort d'autrui, d'entendre par télépathie le cri salvateur d'un mourant reniant l'idée de survivre, quand bien même la famille se morfond dans l'angoisse d'y craindre son trépas.


Ainsi donc, au coeur de cette situation sinistrée où les cadavres viennent remplir chaque jour les morgues des hôpitaux, notre héros insomniaque tente timidement de se réconforter auprès d'une âme en peine, Mary, jeune fille aussi aigrie à l'idée de se rapprocher dangereusement de la mort. Baroque, stylisée, alambiquée, débridée et décalée, la mise en scène virtuose (sans renouvelée !) de Scorsese s'y désincarne à radiographier une cité urbaine cauchemardesque abritant les plus défavorisés avant de les soutirer parfois à la vie. Outre sa texture blafarde infiniment tangible (pour ne pas dire hypnotique sous l'impulsion d'un Nicolas Cage transi d'émoi dans son épuisement maladif) rehaussée d'une photo aussi trouble que fiévreuse, A Tombeau Ouvert est transcendé du talent de ses interprètes borderline s'adaptant naturellement à leur posture fragile à la marge de la démence. Nicolas Cage endossant avec un humanisme à la fois dépressif et torturé un ambulancier en perdition morale car trainant sa dégaine de déterré vivant entre amertume morbide, remord cafardeux (celle de n'avoir pu sauvé de la mort une fugueuse latine) et langueur besogneuse à perdurer sa quotidienneté professionnelle semée de paumés irrécupérables. Tant et si bien qu'il tentera à maintes reprises de se faire licencier de son patron goguenard conscient de sa dépendance à l'endurance d'y tenter de sauver des vies. Patricia Arquette lui partageant la vedette au gré d'une vulnérabilité toute aussi précaire dans sa fonction esseulée de fille paumée en requête désespérée d'une main paternelle qu'elle a rompu depuis 3 ans. Tous deux formant avec une fragilité mélancolique (sobrement) saillante (c'est dire la subtilité de Scorcese à ne jamais verser dans le pathos) les amants de l'infortune avant qu'une lueur d'espoir ne vienne les réveiller de leur torpeur lors d'un épilogue bipolaire d'une candeur inoubliable. 


Sauver autrui pour se sauver soi même.
Décalé, vrillé, électrifiant et ténébreux, profondément mélancolique, tendre, onirique et anxiogène (notamment auprès de séquences surréalistes surgies de nulle part !), A Tombeau Ouvert n'a aucunement pour ambition de caresser le spectateur dans le sens du poil à travers son ambiance mortifiée entièrement soumise aux états d'âme d'un secouriste en quête d'héroïsme de dernier ressort. Martin Scorsese  interrogeant sa conscience désaxée lors d'une introspection morale éprouvante que le spectateur subit en immersion au gré d'une intensité dramatique jamais appuyée. Chef-d'oeuvre pulsatile entièrement dédiée à notre fragilité humaine à la marge de la psychose, A tombeau ouvert résonne comme un poème morbide vis à vis d'une réflexion existentielle sur le sens de la mort et celui de la vie en portant assistance aux plus démunis. Du grand cinéma écorché vif de par sa puissance formelle et cérébrale étrangement trouble et émotive (aussi dépouillé soit son parti-pris baigné de pudeur et d'humilité), si bien que l'on ne sort pas indemne de cette interminable descente aux enfers, cri d'alarme envers la déliquescence des proscrits livrés au chaos et au mutisme à travers leur inégalité sociale.  

Eric Binford
08.12.21. 4èx
16.09.15.

mardi 7 décembre 2021

The Burrowers /Les Créatures de l'Ouest.

                                               
                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de J.T Petty. 2008. U.S.A. 1h36. Avec Clancy Brown, William Mapother, Laura Leighton, Sean Patrick Thomas, Doug Hutchison, Alexander Skarsgard.

Sortie en France directement en Dvd.

FILMOGRAPHIEJ.T. Petty est un réalisateur et scénariste américain, né le 28 Février 1976. 2001: Soft for Digging. 2002: Mimic: Sentinel (video). 2006: S and Man. 2008: The Burrowers. 2012: Hellbenders.


Le Pitch: En 1879, dans une région déserte et dénudée des Badlands, des fermiers et une troupe militaire s'associent pour partir à la recherche d'une famille disparue. Suspectant en premier lieu les indiens de l'avoir enlevé, ils vont découvrir une révélation cauchemardesque qui ne les lâchera pas d'une semelle durant leur houleux périple. 

Inédit en salles, tant Outre-Atlantique que dans l'Hexagone, The Burrowers est une excellente surprise injustement méprisée en dépit d'une poignée de défenseurs chez certaines critiques spécialisées. Tant et si bien qu'à la 3è revoyure, cette série B réfractaire aux conventions (car ne caressant jamais dans le sens du poil le spectateur) fascine irrémédiablement à travers la chevauchée rigoureuse d'une poignée de cow-boys tentant de survivre en s'en prenant aux indiens qu'ils croient responsables de la disparition de femmes et enfants. Avec ces personnages austères peu aimables, assez individualistes, méprisables et racistes, qui plus est jamais romantisés, le spectateur a bien du mal à s'identifier à eux si bien que le cinéaste J.T. Petty nous les présente comme des quidams rigides sans volonté de nous plaire mais en restant tout simplement eux mêmes avec leurs défauts respectifs précités. Pour autant, on suit avec un intérêt davantage croissant leur errance sinueuse au sein d'une nature redoutablement hostile implantée dans le cadre du western classique. Tout du moins en apparence puisque l'horreur s'y conjuguera rapidement de manière perfide à travers un climat solaire et crépusculaire lestement malsain. Tant auprès de la menace des indiens non avares de cruauté pour se venger (mais aucunement responsables des portés disparus) que de celle des monstres voraces que le cinéaste retarde au possible afin d'accentuer leur attrait fascinant. Et à cet égard, The Burrowers marque de nombreux points en jouant la carte d'une horreur à la fois adulte, insalubre et escarpée eu égard des victimes pouvant trépasser à tous moments, jusqu'aux rôles les plus majeurs et autoritaires. 


Mais revenons un peu à l'apparence hideuse de ces créatures de l'Ouest filmés hélas en CGI lors d'effets parfois ratés mais pour autant étonnamment crédibles de par leur aspect résolument repoussant, visqueux, rampant, et leur manière insidieuse d'alpaguer leurs victimes à l'aide d'un venin paralysant. Leurs proies étant ensevelies sous terre, le temps que le cadavre y pourrisse (pour ne pas dire fermente) afin de leur servir de garde manger et manger les morceaux les plus tendres. On peut d'ailleurs y relever de bonnes idées de mise en scène lors de cadrages alambiqués, de façon à entrevoir une victime moribonde par l'orifice d'un oeil entrouvert à la surface d'un sol terreux. Des séquences malaisantes renforcées de la respiration contenue de la victime puisque enterrée vivante en ayant l'incapacité d'y bouger leur membre (à l'exception de l'index d'une main grattant par réflexe nerveux la terre ou un doigt de pied !). Et si de prime abord, le récit destructuré peine à captiver; notamment faute du classicisme de son pitch initial (retrouver en vie une famille disparue en s'en prenant aux indiens durant leur expédition criminelle) et ses persos languides, son climat westernien à la fois malsain, étrange et inquiétant s'avère toujours plus prégnant au fil de rebondissements alertes d'une violence insidieuse. Là encore, le cinéaste adopte un parti-pris draconien à travers l'épreuve de force de nos anti-héros épuisés tentant de combattre les 2 menaces dans un sentiment de désarroi et d'incompréhension assez névralgique eu égard des pièges tendus contre eux qu'ils se coltinent de façon désabusée. Le tout étant exploité dans une mise en scène dépouillée et réaliste agrémentée de séquences chocs davantage fortuites au sein d'un vénéneux climat fétide. 


Le mariage réussi du western classique et de l'horreur faisandée.
Plaidoyer écolo en faveur de la cause des bisons (que les créatures eurent autrefois l'opportunité de sacrifier pour s'y sustenter), réquisitoire contre le génocide indien pointé du doigt comme la menace intrusive du sol ricain, The Burrowers fait office d'étrangeté horrifique au sein du western vitriolé que l'on reluque avec une fascination à la fois perverse, malsaine et viscérale. A découvrir avec une vive attention donc pour les amateurs de rareté rubigineuse en dépit d'une mise en place un tantinet laborieuse (notamment faute du caractère peu empathique des personnages orgueilleux - bémol tout de même payant puisqu'ils existent par eux mêmes sans déborder -). 

*Eric Binford
07.12.21. 3èx
18.12.14. 90 v

lundi 6 décembre 2021

The Power of the Dog. Lion d'Argent, Meilleure Réalisatrice: Mostra de Venise.

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Jane Campion. 2021. U.S.A/Nouvelle-Zélande, Australie, Canada, Royaume-Uni. 2h08. Avec Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst, Jesse Plemons, Kodi Smit-McPhee, Thomasin McKenzie, Frances Conroy, Keith Carradine.

Diffusé sur Netflix le 1er Décembre 2021

FILMOGRAPHIE: Jane Campion est une réalisatrice et scénariste néo-zélandaise née le 30 avril 1954 à Wellington. 1989 : Sweetie. 1990 : Un ange à ma table. 1993 : La Leçon de piano. 1996 : Portrait de femme. 1999 : Holy Smoke. 2003 : In the Cut. 2009 : Bright Star. 2021 : The Power of the Dog. 


Un excellent drame psychologique qui doit beaucoup à l'intensité de son vénéneux récit que Jane Campion affine sans fioriture, et à son cast résolument irréprochable auquel se disputent Kirsten Dunst (en mère alcoolique trop chétive pour se tailler une carrure frondeuse), Benedict Cumberbatch (en homo refoulé se complaisant dans la condescendance puis dans la rédemption), Jesse Plemons (époux accort trop soumis à l'autorité de son frère aîné pour fonder sa famille en bonne et due forme) et Kodi Smit-McPhee (jeune adulte gay à la fois introverti et équivoque quant à son rapprochement amiteux avec son ennemi). Ainsi, à travers la scrupuleuse mise en place de son récit morcelé en plusieurs chapitres (il s'agit de l'adaptation d'un roman de Thomas Savage), on reste captivé par les écorchures de ces personnages en constante souffrance tentant d'asseoir leur autorité et d'y résoudre leur conflit dans une posture à la fois taiseuse, névrotique et insidieuse. The Power of Dog étant avant tout un pur film d'acteurs magnifiquement dirigés sans esbroufe au sein d'un cadre naturel apte aux grands espaces (splendide photo en sus aux teintes sépias). On reste enfin surpris par la dramaturgie funeste de son épilogue interlope que personne n'a vu arriver. 


*Eric Binford

vendredi 3 décembre 2021

Black Christmas

 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Glen Morgan. 2006. U.S.A/Canada. 1h32. Avec Katie Cassidy, Kristen Cloke, Michelle Trachtenberg, Mary Elizabeth Winstead, Lacey Chabert, Andrea Martin, Crystal Lowe, Oliver Hudson, Karin Konoval.

Sortie salles U.S: 25 Décembre 2006

FILMOGRAPHIE: Glen Morgan est un scénariste, producteur et réalisateur américain né le 23 mai 1967 à Syracuse (New York). 2003 : Willard. 2006 : Black Christmas. 2016 : X-Files (saison 10 épisode 4). 2018 : X-Files (saison 11 épisode 2). 

Un pied de nez blasphématoire à la fête religieuse de Noël.
Formidable déclinaison (en lieu et place de remake éculé) du chef-d'oeuvre de Bob Clark portant la signature d'un Glen Morgan (Willard) extrêmement impliqué, tant d'un point de vue formel, technique, mélomane que narratif, Black Christmas "new look" fait clairement office de psycho-killer maudit au vu des critiques déconfites de l'époque allègrement indifférentes à l'inventivité en roue libre du divertissement retors que l'on nous sert dans une démarche si louable. On peut d'ailleurs aussi rappeler qu'il fut honteusement inédit en salles chez nous en dépit de son modeste succès public Outre-Atlantique. Par conséquent, en y saupoudrant de dérision (aussi bien tacite qu'explicite) son cheminement narratif imprévisible (tout du moins 1 heure durant), Black Christmas  redouble d'efficacité à travers sa pléthore de rebondissements horrifiques menés à 100 à l'heure. Et ce sans jamais lasser, griser ou irriter le spectateur embarqué dans un conte macabre carburant aux trouvailles (avec en sus des clins d'oeil à son modèle initial), chausses trappes et revirements fortuits en dépit des 10 dernières minutes un peu plus conventionnelles mais redoutablement spectaculaires lors des altercations en pagaille (sans préciser les adversaires afin d'éviter de spoiler). 

Le réalisateur exploitant dès le prologue les situations d'alerte, de mystère et d'appréhension en y alliant de manière finaude présent et flash-back quant aux origines du tueur éduqué dans un cadre familial dysfonctionnel. Ainsi, difficile de faire grise mine face à cette revigorante pochette surprise qui plus est formellement sublime (photo rutilante à tomber à la renverse), poétique et stylisé semblable au conte de noël vitriolé. Tant auprès de la méchanceté des meurtres d'un réalisme glaçant (même si concis mais redoutablement acérés si bien que le tueur, teigneux et inquiétant, demeure sans pitié aucune) que de sa scénographie édénique constamment stylisée que Glenn Morgan prend malin plaisir à transfigurer à l'aide de cadrages tarabiscotés et d'un montage ultra dynamique ne perdant jamais de vue la lisibilité de l'action. On est d'ailleurs constamment à la lisière de la semi-parodie assumée (que les critiques de l'époque n'ont probablement pas percuté) tant celui-ci s'efforce d'y grossir le trait lors des réactions un tantinet décalées des protagonistes féminines (et masculines) s'efforçant de fuir le danger à l'instar d'un cartoon sardonique que le tueur domine dans l'art de la planque et du camouflage. Qui plus est, et pour contenter également les amateurs de gore faisandé, celui ci se fait expert dans l'art d'y gober les yeux de ses victimes en les arrachant sauvagement en gros plans ! Le jeu du chat et de la souris n'étant au final qu'un prétexte afin d'y détourner la culture philanthrope de Noël à renfort d'humour noir corrosif. 

Prototype idoine du psycho-killer festif ne se prenant que rarement au sérieux (alors que son réalisme acéré y contredit constamment sa tonalité railleuse au gré de séquences génialement stressantes !), Black Christmas détonne en diable à travers son format de luxueuse série B s'efforçant intelligemment de dynamiter l'action à renfort d'inventivité à tombeau ouvert. Objet maudit lynché aux 4 coins du monde, Black Christmas, version 2006, est à revoir fissa pour tous fans de farce macabre aussi sémillante qu'inquiétante (notamment pour le profil du serial-killer sujet à une maladie corporelle des plus charismatiques). Alors que son alléchant casting féminin ne manque ni de peps, ni de charme, ni d'adresse pour se mesurer vaillamment à l'appréhension mortelle eu égard de l'insolence du psychopathe addicte à la chair fraîche "familiale". Tout bien considéré, Black Christmas demeure ni plus ni moins l'un des meilleurs psycho-killers des années 2000 !

*Eric Binford
2èx

Dream Lover. Grand Prix, Avoriaz 86.

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Alan J. Pakula. 1986. U.S.A. 1h44. Avec Kristy McNichol, Ben Masters, Paul Shenar, Justin Deas, John McMartin, Gayle Hunnicutt. 

Sortie salles France: 2 Avril 1986

FILMOGRAPHIEAlan J. Pakula est un producteur et réalisateur américain, né le 7 avril 1928 à New York et mort dans un accident de voiture le 19 novembre 1998 à Melville (État de New York)).1969 : Pookie. 1971 : Klute. 1973 : Love and Pain and the Whole Damn Thing. 1974 : À cause d'un assassinat. 1976 : Les Hommes du président. 1978 : Le Souffle de la tempête. 1980 : Merci d'avoir été ma femme. 1981 : Une femme d'affaires. 1982 : Le Choix de Sophie. 1986 : Dream Lover. 1987 : Les Enfants de l'impasse. 1989 : À demain, mon amour. 1990 : Présumé innocent. 1992 : Jeux d'adultes. 1993 : L'Affaire Pélican. 1996 : Ennemis rapprochés. 

Flingué dès sa sortie hexagonale, dû en grande partie à son Grand Prix (injustifié) à Avoriaz, le mal aimé Dream Lover ne méritait pas tant de discrédit selon mon jugement de valeur, aussi perfectible et parfois incohérent soit-il (notamment faute d'un montage malhabile et de l'attitude nonsensique de certains protagonistes - le couteau en plastique planté dans le dos du confrère de Kathy-). Car proposition sincère d'un Fantastique psychanalytique superbement interprété par Kristy McNichol (le meilleur rôle de sa carrière, qui, pour le coup, aurait méritait un Prix d'Interprétation), Dream Lover empreinte la thématique du rêve de manière résolument adulte eu égard de son parti-pris scientifique (nous apprenons par exemple qu'une substance chimique secrétée par le cerveau nous empêche de  mouvoir notre corps au moment de nos songes nocturnes) et de son rythme languissant dénué de fioriture. Sur ce dernier point, il est vrai que son climat à la fois vaporeux, ombrageux et feutré (qui plus est renforcé de la posture interlope du père de Kathy excellemment endossé par Paul Shenar tout en charisme funeste) peut parfois prêter à la lassitude (on aurait peut-être pu raccourcir le métrage de 20 minutes) et décourager le grand public peu habitué à fréquenter les divertissements languides réfutant une action ostentatoire. 

Mais l'intérêt de l'intrigue en suspens reprend souvent le dessus grâce à la fascination exercée sur le cas de conscience de l'héroïne hantée de culpabilité et qui tentera après moult expériences de s'extirper de son mal-être. Kathy demeurant profondément perturbée après s'être violemment défendue contre un intrus menaçant au sein de son domicile durant une nuit de sommeil. Dès lors, sujette à de fréquents cauchemars malsains, elle finit par accepter de se porter cobaye auprès d'un spécialiste du sommeil afin d'extérioriser ses démons agitant ses nuits de sommeil. Dans la mesure où celui-ci va peu à peu parvenir à modifier les rêves de Kathy (par le mouvement corporel !) alors que cette dernière se laisse dériver par le somnambulisme pour y confondre réalité et illusion. Et ce au point d'intenter à sa propre vie. 

Correctement réalisé par Alan J Pakula (loin d'être un manchot au vu de son illustre carrière) et servi par le surprenant jeu à la fois fébrile et fragile de Kristy McNichol (Dressé pour Tuer), Dream Lover est un intéressant essai psychanalytique (teinté de futile romance quelque peu attachante) par le biais d'un Fantastique éthéré à la fois trouble et imprégné d'étrangeté (qui plus est renforcé d'éclairages limpides assez poétiques). Le récit s'autorisant des séquences fantasmatiques sensiblement fascinantes, inquiétantes ou envoûtantes au gré de la névrose morale de l'héroïne traumatisée par ses pulsions criminelles qu'elle n'aurait jamais soupçonnées. A (re)découvrir donc, tout du moins chez les amateurs de Fantastique dépouillé adeptes du 1er degré.

*Eric Binford.
2èx

mardi 30 novembre 2021

Le Dernier Duel / The Last Duel

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ridley Scott. 2021. U.S.A/Angleterre. 2h33. Avec Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer, Ben Affleck, Harriet Walter, Nathaniel Parker, Sam Hazeldine, Michael McElhatton.

Sortie salles France: 13 Octobre 2021

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus. 2013 : Cartel. 2014 : Exodus: Gods and Kings. 2015 : Seul sur Mars. 2017 : Tout l'argent du monde. 2017 : Alien : Covenant. 2021 : Le Dernier Duel. 2021 : House of Gucci. 2023 : Kitbag. En préproduction : Gladiator 2 (titre provisoire). 


Immense, somptueux, magnifique... Scott se taille une seconde naissance. 
2h32 de cinéma épuré comme on en voit que trop rarement sur nos écrans numérisés ! Voilà ce que nous propose sur un plateau argenté Ridley Scott terriblement inspiré à retranscrire avec réalisme historique le dernier duel survenu en France en 1386. Car du haut de ses 83 ans, cela fait bien des décennies que je n'avais pas assisté à une oeuvre aussi gracieuse, puissante, limpide et maîtrisée venant de sa part. Tant auprès de sa mise en scène studieuse entièrement dédiée à la psychologie de ses protagonistes que de sa direction d'acteurs sobrement dépouillés jouant communément la contrariété au sein d'un triangle amoureux. Car entièrement voué à la cause des femmes en cette époque féodale où le patriarcat, la religion et l'obscurantisme ne laissaient que peu de crédit à la parole féministe, Ridley Scott nous conçoit un rape and revenge scindé en 3 temps. C'est à dire relancer l'histoire du point de vue de nos 3 personnages (les 2 rivaux: le chevalier et l'écuyer, autrefois amis, et leur victime désireuse de dévoiler l'esclandre au grand jour au péril de sa vie) à travers des flash-back subtilement reconsidérés selon l'émotivité de chacun des personnages. Tant masculin que féminin. Le 3è chapitre demeurant le plus violent et éprouvant du point de vue subjectif de la femme que Scott radiographie avec une dramaturgie bouleversante. Le champ-contrechamp ne cessant d'y modifier l'emplacement de tel personnage selon les chapitres évoqués. Passionnant et anxiogène quant aux affrontements psychologiques que s'opposent Jacques Le Gris et Jean de Carrouges ne cessant d'hurler l'arbitraire afin de retrouver sa dignité, Le Dernier Duel jongle dans la juste mesure, entre félonie amicale et violence sexuelle (si actuelle de nos jours, Me Too oblige) en dépit de son action timorée que Scott filme brièvement sans trop s'attarder sur l'impact dévastateur des corps à corps armurés (tant à cheval que lorsqu'ils combattent à pied). Je songe uniquement aux batailles rangées disséminées en intermittence lors de la première heure. 


Le cinéaste faisant plutôt preuve d'une attention infinie pour nous familiariser auprès de ces 3 personnages peu à peu divisés par un évènement dramatique aussi sournois que crapuleux. Le violeur se déculpabilisant au possible pour substituer sa victime en complice afin de la forcer à ne pas ébruiter l'affaire. Quand bien même l'époux, vaniteux, rétrograde et égoïste mais stoïque et pugnace au front (peu de le dire !), songe plus à son ego plutôt que de servir l'amour de sa femme. Et ce en dépit de ses éclairs de prise de conscience que celle-ci tente à plusieurs reprises de lui raisonner dans son sens de l'équité et de la maternité. D'une dramaturgie à la fois latente et éthérée si bien qu'on ne la voit jamais arriver, Le Dernier Duel invoque une vibrante émotion culminant lors du dénouement paroxystique où les 2 hommes se combattront avec une férocité sans égale. Véritable morceau d'anthologie à l'issue si précaire que l'on redoute, comme l'héroïne, en larmes, apeurée et oppressée, avec une appréhension somme toute viscérale. L'enjeu émanant autant du destin de l'époux d'un courage hors-pair à nous laisser pantois (qui plus est rongé par la peur de la trahison !), que de celle-ci potentiellement vouée à brûler vive si Dieu ne permettait pas la victoire à celui-ci. Probablement l'un des plus impressionnants duels vus au cinéma puisque traité avec vérisme névralgique eu égard de son intensité à la limite du soutenable que Scott transfigure sans fioritures en dépit de son immense brutalité primale dévoilée au compte goutte (les échanges des coups, toujours plus lourds, s'impactant lentement sur les corps déchiquetés, faute du poids de leurs armures et de la fatigue corporelle).  


Grand moment de cinéma militant avec tact, pudeur, rigueur et intelligence pour la parole émancipatrice de la femme discréditée par l'autorité patriarcale,
le Dernier Duel nous offre 2h30 durant un affrontement physique et cérébral d'une gravité peu à peu bouleversante à travers les conséquences désastreuses du viol éminemment impardonnable. Matt Damon (habité par ses pulsions frondeuses),  Adam Driver (quel charisme ténébreux à travers sa large carrure !), Jodie Comer (toute en élégance candide presque réservée), Ben Affleck (quasi méconnaissable en comte railleur et dédaigneux, puisqu'il m'a fallu 45 minutes pour m'en apercevoir !) s'opposant mutuellement avec une vérité humaine sobrement expressive jusqu'à la rédemption finale faisant preuve d'acuité émotive incontrôlée. Et s'il ne s'agit pas d'un chef-d'oeuvre selon le public le plus drastique, Ridley Scott l'a probablement effleuré au vu des traces qu'il nous laisse dans la rétine, le coeur et l'encéphale, alors que notre actualité contemporaine ne cesse de tenter de libérer la parole de la femme violentée et bafouée depuis des siècles de machisme comme nous le rappelle ici dignement le cinéaste à travers le motif "fait-divers".

*Eric Binford. 

samedi 27 novembre 2021

976-Evil / La Ligne du Diable

                                            
                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site primatemaster.blogspot.com

de Robert Englund. 1988. U.S.A. 1h32. Avec Stephen Geoffreys, Jim Metzler, Maria Rubell, Pat O'Bryan, Sandy Dennis

Sortie salles France: uniquement en Dvd. U.S: 24 Mars 1989

FILMOGRAPHIERobert Englund est un acteur et réalisateur américain né le 6 Juin 1947 à Glendale, Californie, USA. 2008: Killer Pad. 1989: Freddy, le cauchemar de vos nuits (TV Series) (2 episodes). 1988: 976-Evil.


Le pitch: Après avoir composé un numéro de téléphone leur promettant l'avenir, les citadins d'une bourgade sont victimes des sarcasmes du diable en personne en quête de suppôt influençable. C'est à cet instant qu'intervient Hoax, un jeune ado timoré et mal dans sa peau, délibéré à prendre sa revanche sur ses oppresseurs.

B movie horrifique symptomatique de son époque dans laquelle il fut conçu, 976 Evil fit les beaux jours des vidéophiles des années 80, aussi mineur soit son contenu terriblement maladroit. L'acteur Robert Englund se prêtant pour la première fois au jeu de la réalisation sans prétention aucune au grand dam de son inexpérience pour autant gratifiante. Si bien que sa récréation horrifique bricolée avec futile tendresse demeure aussi charmante qu'attachante. Et rien que d'un aspect purement esthétique, 976 Evil dégage une séduisante atmosphère de "teen movie" à l'orée de la BD macabre, de par sa photo flamboyante émaillée de décors saillants (notamment un impressionnant enfer glacé lors du règlement de compte final). 


Ainsi, à travers la caractérisation approximative de ses personnages franchement caricaturaux (la mère bigote qu'endosse avec plaisante outrance Sandy Dennis à travers sa perruque à bigoudis, le détective privé déambulant durant tout le métrage sans parvenir à faire avancer l'intrigue ni évoluer son personnage, la blonde lunaire maladroitement éprise d'affection pour Hoax), 976 Evil nous illustre la quotidienneté de Spike, jeune charmeur au gros bras batifolant avec sa nouvelle compagne volage (une blondasse qu'incarne Lezlie Deane dans une posture hyper sexy d'avatar de Madonna), accompagné de son cousin Hoax (endossé par le ouistiti Stephen Geoffreys, chieur hystérique de Vampires, vous avez dits Vampires), souffre-douleur auprès d'une bande de marginaux décérébrés. Spike venant fréquemment à sa rescousse tout en encaissant les préceptes religieux de la mère d'Hoax fanatisée par les 10 commandements. Mais un beau soir, (après la prédication mystique d'une pluie de poissons !?), Spike tombe par mégarde sur un étrange lobby-card lui suggérant de composer un numéro de téléphone. La voix du combiné lui prédisant des évènements futurs qui s'avéreront payants. Quand bien même, un peu plus tard, c'est au tour de Hoax d'y composer le fameux numéro du diable afin d'y planifier une vengeance morbide en concertation avec Satan. Hoax affichant lors de l'ultime demi-heure une posture de possédé ricaneur à travers ses exactions gorasses sympathiquement ludiques, pied de nez à la déontologie catholique de sa mégère follingue. 


Méfiez vous quand l'appel est gratuit !
Par conséquent, à travers sa réalisation inexpérimentée, son pitch à la fois décousu et prémâché (en quoi les prédictions de Satan sont elles nécessaires ?, le créateur de la ligne téléphonique, citoyen lambda, est-il complice auprès des forces du Mal ?), son cast stéréotypé et la motivation simpliste mais intègre d'Englund de nous distraire avec fantaisie sardonique, 976 Evil fait son petit effet de spectacle décérébré du Samedi soir. Notamment grâce à sa facture visuelle tantôt fascinante et séduisante (même auprès de décors quelconques), tantôt inquiétante au gré d'un (original) concept débridé loin de passé inaperçu. Ses nombreuses imperfections (indiscutables) extériorisant un charme innocent assez magnétique tout en patientant la vendetta d'Hoax avec une stimulante curiosité. 

Dédicace à Seb Lake

*Eric Binford
01/11/19. 147 v
27.11.21. 3èx

Remerciement au blog "le primate indiscipliné" pour sa version HD. 

mercredi 24 novembre 2021

187: Code Meurtre

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"One Eight Seven" de Kevin Reynolds. 1997. U.S.A. 1h59. Avec Samuel L. Jackson, Clifton Collins Jr., Kelly Rowan, John Heard, Tony Plana, Karina Arroyave.

Sortie salles France: 29 Avril 1998

FILMOGRAPHIE: Kevin Reynolds est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 17 Janvier 1952 à San Antonion, Texas. 1985: Une Bringue d'enfer. Histoires Fantastiques (Epis, vous avez intérêt à me croire). 1988: La Bête de Guerre. 1991: Robin des Bois, prince des voleurs. 1993: Rapa Nui. 1995: Waterworld. 1998: 187 Code Meurtre. 2002: La Vengeance de Monte Cristo. 2006: Tristan et Yseult.

Cri d'alarme nécrosé contre la violence scolaire du point de vue d'une délinquance criminelle sans éthique, 187 Code meurtre nous laisse un goût de souffre dans la bouche au fil du générique de fin. Kevin Reynolds retraçant avec une efficacité vénéneuse le calvaire moral, ou plutôt la résilience d'un enseignant déjà victime de tentative d'homicide sur lui 1 an plus tôt. Acceptant un poste de suppléant dans un lycée aussi difficile puisque soumis à la tyrannie de gangs, Trevor Garfield tente malgré tout d'enseigner ses cours avec une amertume hélas davantage plombante. Samuel L. Jackson portant le film à bout de bras dans sa fonction victimisée recluse sur lui même en dépit de l'amitié quelque peu sentimentale qu'il entame avec sa consoeur, Ellen Henry, elle aussi victime d'intimidation et de menaces au grand dam d'un quelconque appui solidaire du côté de ses pairs. 

Ainsi, à travers une ambiance peu à peu dépressive, malsaine et suicidaire, 187 Code Meurtre demeure insidieux, nihiliste, fétide de par son terrifiant discours sur l'impuissance du corps enseignant ne bénéficiant d'aucun soutien juridique, scolaire et judiciaire à travers un dialogue de sourds où chacun se renvoit la balle sans pouvoir faire preuve d'altruisme et de discernement. Or, c'est à partir de cette impasse insupportable que 187 Code meurtre bifurque peu à peu vers une idéologie réactionnaire lorsque Trevor décide subrepticement de se faire justice à force d'essuyer les menaces et provocations quotidiennes. Le climat inhospitalier demeurant franchement inquiétant, étouffant (environnement solaire à l'appui) et épeurant, notamment auprès du sort précaire de celui-ci ayant inévitablement généré de futurs règlements de compte à la fois criminels et suicidaires. Par conséquent, à travers un drame social assez captivant, ténébreux et parfois clippesque (traversé d'une BO rap envoûtante - très atmosphérique - alors qu'à la base je n'y suis absolument pas fan !), Kevin Reynolds n'y va pas avec le dos de la cuillère pour y dénoncer avec pessimisme et amertume la lassitude de ces enseignants  incapables de diriger leur cours en bonne et due forme, qui plus est discrédités par leur hiérarchie plus préoccupée par leur réputation et leur finance.  


Plus dure sera la chute.
A la fois dérangeant et malsain, poignant et révoltant, désenchanté et sentencieux, 187 Code Meurtre ne nous laisse pas indemne de nous avoir retracé avec force et réalisme parfois poisseux la dérive morale d'un enseignant perdant lentement pied avec sa propre éthique. Quand bien même nous apprenons au cours du générique final que le scénariste fut autrefois professeur dans le système public à Los Angeles. On ne peut plus tristement actuel, c'est donc un cri de désespoir dénué d'illusions que nous assène froidement Kevin Reynolds, notamment quant au devenir d'une jeunesse désoeuvrée abdiquée par leurs parents et la société, alors que quelques enseignants forcément soucieux de leur avenir tentaient de leur éveiller les valeurs de la pédagogie, de la dignité et du respect d'autrui.  

*Eric Binford
3èx

mardi 23 novembre 2021

Nocturnal Animals. Lion d'Or / Grand Prix du Jury, Mostra de Venise 2016

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Tom Ford. 2016. U.S.A. 1h56. Avec Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson, Isla Fisher.

Sortie salles France: 4 Janvier 2017. U.S: 9 Décembre 2016

FILMOGRAPHIE: Thomas Carlyle Ford, dit Tom Ford, né le 27 août 1961 à Austin (Texas), est un styliste, acteur et réalisateur américain. 2009 : A Single Man. 2016 : Nocturnal Animals. 


"Les plus belles histoires d'amour sont celles qu'on a pas eu le temps de vivre."
Douloureux drame conjugal transplanté dans le cadre du thriller noir, Nocturnal Animals dégage un sentiment mélancolique de plus en plus poignant (voir bouleversant à un moment propice) au fil de la dérive existentielle de son héroïne, Susan Morrow, galeriste mal dans sa peau à la suite de son échec marital et celui actuel qu'elle subit dans la félonie d'un époux volage englué dans son confort. Superbement interprété dans une expression humaniste à la fois torturée et prévenante, Amy Adams et Jake Gyllenhaal forment le duo infortuné au gré d'une intensité dramatique dépouillée. Le réalisateur dépeignant scrupuleusement les écrits de Edward Sheffield, l'ex compagnon de Susan délibéré à lui prouver ses talents d'écrivain en herbe à travers le récit d'un thriller sauvage où la vengeance finira par y souiller la victime en quête de rédemption. Sa facture visuelle, Texane, demeurant aussi vénéneuse qu'hypnotique à travers son désert crépusculaire, de jour comme de nuit. A l'instar de la composition faussement fréquentable de l'excellent Michael Shannon en flic mourant adepte d'une violence à la fois expéditive et contagieuse. 

Ainsi donc, au fil de la lecture qu'amorce Susan, entre fascination et appréhension, elle se remémore son passé en établissant un lien étroit avec les états d'âme de son ex époux, Edward Sheffield (que Jake Gyllenhaal compose dans un rôle bicéphale à travers l'exploration de sa culpabilité et de son manque de confiance qu'elle lui reprocha autrefois). Or, au fil de la prise de conscience démunie de Susan en proie au remord et au regret (notamment le fait d'avoir inconsciemment considéré la parole contradictoire de sa mère réfractaire à sa 1ère relation maritale), cette fois-ci trahie par son nouvel époux de la manière la plus sournoise, Nocturnal Animals suscite une pudeur émotive que le spectateur perçoit avec une empathie éprouvée. Tant auprès de la cruauté psychologique exercée sur sa profonde solitude et celle, torturée, d'Edward, que de la sauvagerie des actes des violeurs sans vergogne qu'Edward retranscrit avec un réalisme brute à travers son livre cathartique. 


"Il y aura toujours des histoires d'amour qui se frôleront du bout des doigts et qui prendront vie dans les pensées. Ce sont celles-ci qui durent toute une vie..."
D'une vibrante émotion jamais outrée, puisque contenue et introvertie sous l'impulsion d'une Amy Adams d'une fragilité timorée, Nocturnal Animals exploite brillamment le drame psychologique en disséquant les états d'âme bafoués du couple en quête d'absolution. Spoil ! La conclusion, froide, inquiétante et bouleversante, s'autorisant un parti-pris mélodramatique que le spectateur subira impuissant la gorge nouée au gré du score sensible, sentencieux d'Abel Korzeniowski (résonnant bien au-delà de la projection). Fin du Spoil.

*Eric Binford
2èx

Récompenses:

Mostra de Venise 2016 : Lion d'argent - Grand prix du jury

Golden Globes 2017 : Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle pour Aaron Taylor-Johnson

David di Donatello 2017 : Meilleur film étranger

Festival Polar de Cognac 2017 : « POLAR » 2017 du Meilleur Film Long Métrage International de Cinéma

jeudi 18 novembre 2021

Last night in Soho / Dernière nuit à Soho

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Edgar Wright. 2021. Angleterre. 1h56. Avec Thomasin McKenzie, Anya Taylor-Joy, Matt Smith, Terence Stamp, Sam Claflin, Diana Rigg, Michael Ajao

Sortie salles France: 27 Octobre 2021 (int - 12 ans). U.S: 29 Octobre 2021 (int - 17 ans).

FILMOGRAPHIE: Edgar Wright est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né le 18 avril 1974 à Poole, dans le Dorset (Royaume-Uni). 1994 : A Fistful of Fingers. 2004 : Shaun of the Dead. 2007 : Hot Fuzz. 2010 : Scott Pilgrim. 2013 : Le Dernier Pub avant la fin du monde. 2017 : Baby Driver. 2021 : The Sparks Brothers (documentaire). 2021 : Last Night in Soho. 


"Et le miroir se brisa."
La résurgence du Psycho-killer artisanal au sens le gracieux.
Nouveau maître du divertissement au sens le plus noble enchaînant les surprises à rythme quasi métronomique, Edgar Wright ne déroge pas à la règle qualitative avec son dernier né, Last Night in Soho. Pur thriller Hitchockien mâtiné de Giallo à la Argento taillé sur mesure à travers sa mise en scène capiteuse où rien n'est laissé au hasard, Last Night in Soho est un pur plaisir de cinéma comme on en voit que trop rarement dans le paysage ludique. La réalisateur parvenant méticuleusement à nous introduire dans le conscience paranoïde de l'héroïne sous l'impulsion d'un pitch redoutablement solide pour qui raffole de psycho-killer schizo à l'aura névralgique. Dans la mesure où l'alchimiste Edgar Wright, terriblement inspiré par son récit labyrinthique (c'est peu de le dire), parvient à nous mener par le bout du nez en télescopant admirablement les genres (Fantastique, Musical, Romance, Thriller, Drame psychologique, Horreur) avec une sagacité forçant le respect. L'émotion hybride, à la fois inquiétante et féérique nous emportant dans un vortex de séquences musicales où les tubes des années 60 se mêlent à la pop-rock contemporaine. L'intrigue se focalisant sur l'ambition d'une jeune créatrice de mode partie s'exiler à Londres pour tenter de percer dans le milieu. 


Or, à partir du moment où celle-ci emménage dans le quartier, elle est victime de visions à la fois enchanteresses et cauchemardesques en s'identifiant auprès du personnage de Sandie, chanteuse de music-hall dans les années 60. Peu à peu, au fil d'hallucinations davantage prégnantes et agressives, Eloise perd pied avec la réalité au point de virer vers une dérive potentiellement psychotique. Autant dire que le spectateur, dérouté par cette énigme sinueuse, essaie de disséquer sa psychologie torturée avec une appréhension toujours plus opaque et épeurante. Habitée par son rôle bicéphale auquel nous nous identifions cérébralement à son désarroi (à croire qu'elle finit par nous posséder par la puissance sensorielle des images baroques défilant avec une musicalité Giallesque façon Goblin), Thomasin McKenzie transperce l'écran (et les miroirs !) avec une expression exorbitée à la fois poignante et malaisante. Son parcours moral en perdition s'apparentant à une course effrénée pour la quête de vérité à travers une investigation criminelle toujours plus ombrageuse quant on y cultive le faux semblant. Quand bien même l'illustre Anya Taylor-Joy se fond dans le corps langoureux d'une danseuse de music-hall avec l'élégance charnelle qu'on lui connait à travers ses yeux noirs perçants souillés par Spoil ! l'humiliation, la soumission et la prostitution. Fin du Spoil.


"Terror Eyes.
"
Hommage passionnel aux thrillers psychologiques et psycho-killers macabres que les plus grands cinéastes ont su marquer de leur empreinte infaillible (on peut également évoquer Polanski pour  Répulsion et Nicolas Roeg pour Ne vous retournez pas selon les aveux de Wright jamais à court de références subtilement éthérées), Last night in Soho relève la gageure de les honorer avec un brio formel, émotionnel et technique hypnotisant. L'expérience, à la fois déroutante, fascinante, ensorcelante et dérangeante demeurant d'une intensité dramatique dégingandée. Si bien que le spectateur absorbé par l'étrangeté de cette proposition "pailletée", orange sanguine, ne parvient pas à maitriser ce que déroule lentement le cinéaste sous nos yeux jusqu'au dénouement antithétique (et ce sans argument tarabiscoté), feu d'artifice cathartique à l'émotivité disparate. Futur classique, sans se soucier de son éventuelle dégradation temporelle.     

*Eric Binford

mercredi 17 novembre 2021

Dredd

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Pete Travis. Angleterre/Afrique du Sud. 2012. 1h35. Avec Karl Urban, Olivia Thirlby, Lena Headey, Domhnall Gleeso.

Sortie salles France: 16 Septembre 2012, uniquement en avant-première à l'Etrange Festival. U.S.A. 21 Septembre 2012. Belgique: 21 Novembre 2012

FILMOGRAPHIE: Pete Travis est un réalisateur britannique né à Manchester en Angleterre.
2008: Angles d'attaque. 2009: Endgame. 2012: Dredd. 


Si le nanar Judge Dredd campé par un Stallone cabotin, eut été un échec cuisant lors de sa sortie en 1995, sa réactualisation entreprise aujourd'hui par un réal novice va définitivement inhumer le pudding édulcoré de Danny Cannon. Le pitch: Dans une société futuriste totalitaire régie par des juges pugnaces, Dredd et sa nouvelle recrue, Anderson, doivent faire face à un cartel de la drogue manoeuvré par une psychopathe notoire. Alors qu'ils sont sur le point de mettre sous les verrous l'un de ses alliés, la matriarche "ma-ma" décide de boucler l'immeuble pour les embrigader en invoquant à la population de les assassiner. Ainsi donc, ceux qui attendaient désespérément une version cinématographique emblématique du comics créé par John Wagner risquent bien de jubiler à la vue de cet actionner bourrin dédié à la subversion ultra violente. Caractérisé par un scénario simpliste mais redoutablement haletant de par son enchaînement d'action décomplexée, Dredd nouveau cru est un plaisir innocent à la générosité difficilement perturbable.


Avec peu de décors (l'essentiel de l'action se focalisant derrière les murs anti-atomiques d'une gigantesque tour), le réalisateur Pete Travis réussit à nous immerger de plein fouet dans l'urbanisation d'une cité futuriste en décrépitude. Un monde irradié et déshumanisé où drogue et criminalité sont un fléau permanent sous l'allégeance d'une criminelle sanguinaire (elle dépèce vivant ses adversaires qui empiètent son territoire avant de les droguer et de les éjecter du haut de 200 étages !). Avec sa photo cristalline saturée de teintes fluos, cette mouture hardgore utilise harmonieusement une palette de couleurs criardes afin de mettre en exergue les nombreuses effusions sanguinolentes qui en émanent. Notamment quelques plages de poésie fantasmagorique, tels ces effets hallucinogènes de la nouvelle drogue "slo-mo" produisant chez le sujet un effet de ralentissement sur la notion temporelle ! Pour ce qui concerne les péripéties encourues chez nos deux baroudeurs pourvus d'armes high-tech (gadgets à l'appui !), Pete Travis ne cesse de leur faire subir moult épreuves de survie au sein d'un immeuble infesté de tueurs et de quidams corrompus. Ainsi, à la manière d'une compétition, nos deux héros doivent affronter subterfuges et rixes cinglantes face à des antagonistes toujours plus déterminés (telle cette embuscade furibonde à la sulfateuse, morceau d'anthologie du film !) et tenter d'obstruer la mégère dégénérée.


Dans le rôle titre, Karl urban s'en sort avec les honneurs pour incarner le nouveau justicier impassible. S'il peut paraître au départ un poil rigide dans sa posture héroïque à la mâchoire contractée, il réussit fissa à s'imposer en héros flegmatique, sensiblement épris de conscience humaniste depuis l'indulgence de sa co-équipière. La charmante Olivia Thirlby prêtant son talent pour endosser de façon circonspecte une mutante douée de pouvoirs psychiques, mais aussi de compassion chez les déshérités. Enfin, en baronne de la drogue burinée d'une cicatrice sur le visage, Lena Headey se révèle aussi délectable que méprisable lors de ses agissements sanguinaires afin de prouver son autorité inébranlable à une population disciplinée.


Escape from Mega City One
Ultra violent, bourrin, gore, immersif et assez jouissif, Dredd se coltine en prime d'une bande son électro émoustillante afin de scander les péripéties explosives qui empiètent le récit. Honteusement ignoré en salles dans l'hexagone, ce film d'action furibond, symptomatique de la série B décomplexée, insuffle une vigueur et un charisme animal face à la déliquescence urbaine d'une société en perdition. Juste avant de lever un voile d'espoir en la présence clairvoyante de la mutante clémente. 

Eric Binford
03.01.13
17.11.21.