mardi 30 novembre 2021

Le Dernier Duel / The Last Duel

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ridley Scott. 2021. U.S.A/Angleterre. 2h33. Avec Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer, Ben Affleck, Harriet Walter, Nathaniel Parker, Sam Hazeldine, Michael McElhatton.

Sortie salles France: 13 Octobre 2021

FILMOGRAPHIE: Ridley Scott est un réalisateur et producteur britannique né le 30 Novembre 1937 à South Shields. 1977: Duellistes. 1979: Alien. 1982: Blade Runner. 1985: Legend. 1987: Traquée. 1989: Black Rain. 1991: Thelma et Louise. 1992: 1492: Christophe Colomb. 1995: Lame de fond. 1997: A Armes Egales. 2000: Gladiator. 2001: Hannibal. 2002: La Chute du faucon noir. 2003: Les Associés. 2005: Kingdom of heaven. 2006: Une Grande Année. 2007: American Gangster. 2008: Mensonges d'Etat. 2010: Robin des Bois. 2012: Prometheus. 2013 : Cartel. 2014 : Exodus: Gods and Kings. 2015 : Seul sur Mars. 2017 : Tout l'argent du monde. 2017 : Alien : Covenant. 2021 : Le Dernier Duel. 2021 : House of Gucci. 2023 : Kitbag. En préproduction : Gladiator 2 (titre provisoire). 


Immense, somptueux, magnifique... Scott se taille une seconde naissance. 
2h32 de cinéma épuré comme on en voit que trop rarement sur nos écrans numérisés ! Voilà ce que nous propose sur un plateau argenté Ridley Scott terriblement inspiré à retranscrire avec réalisme historique le dernier duel survenu en France en 1386. Car du haut de ses 83 ans, cela fait bien des décennies que je n'avais pas assisté à une oeuvre aussi gracieuse, puissante, limpide et maîtrisée venant de sa part. Tant auprès de sa mise en scène studieuse entièrement dédiée à la psychologie de ses protagonistes que de sa direction d'acteurs sobrement dépouillés jouant communément la contrariété au sein d'un triangle amoureux. Car entièrement voué à la cause des femmes en cette époque féodale où le patriarcat, la religion et l'obscurantisme ne laissaient que peu de crédit à la parole féministe, Ridley Scott nous conçoit un rape and revenge scindé en 3 temps. C'est à dire relancer l'histoire du point de vue de nos 3 personnages (les 2 rivaux: le chevalier et l'écuyer, autrefois amis, et leur victime désireuse de dévoiler l'esclandre au grand jour au péril de sa vie) à travers des flash-back subtilement reconsidérés selon l'émotivité de chacun des personnages. Tant masculin que féminin. Le 3è chapitre demeurant le plus violent et éprouvant du point de vue subjectif de la femme que Scott radiographie avec une dramaturgie bouleversante. Le champ-contrechamp ne cessant d'y modifier l'emplacement de tel personnage selon les chapitres évoqués. Passionnant et anxiogène quant aux affrontements psychologiques que s'opposent Jacques Le Gris et Jean de Carrouges ne cessant d'hurler l'arbitraire afin de retrouver sa dignité, Le Dernier Duel jongle dans la juste mesure, entre félonie amicale et violence sexuelle (si actuelle de nos jours, Me Too oblige) en dépit de son action timorée que Scott filme brièvement sans trop s'attarder sur l'impact dévastateur des corps à corps armurés (tant à cheval que lorsqu'ils combattent à pied). Je songe uniquement aux batailles rangées disséminées en intermittence lors de la première heure. 


Le cinéaste faisant plutôt preuve d'une attention infinie pour nous familiariser auprès de ces 3 personnages peu à peu divisés par un évènement dramatique aussi sournois que crapuleux. Le violeur se déculpabilisant au possible pour substituer sa victime en complice afin de la forcer à ne pas ébruiter l'affaire. Quand bien même l'époux, vaniteux, rétrograde et égoïste mais stoïque et pugnace au front (peu de le dire !), songe plus à son ego plutôt que de servir l'amour de sa femme. Et ce en dépit de ses éclairs de prise de conscience que celle-ci tente à plusieurs reprises de lui raisonner dans son sens de l'équité et de la maternité. D'une dramaturgie à la fois latente et éthérée si bien qu'on ne la voit jamais arriver, Le Dernier Duel invoque une vibrante émotion culminant lors du dénouement paroxystique où les 2 hommes se combattront avec une férocité sans égale. Véritable morceau d'anthologie à l'issue si précaire que l'on redoute, comme l'héroïne, en larmes, apeurée et oppressée, avec une appréhension somme toute viscérale. L'enjeu émanant autant du destin de l'époux d'un courage hors-pair à nous laisser pantois (qui plus est rongé par la peur de la trahison !), que de celle-ci potentiellement vouée à brûler vive si Dieu ne permettait pas la victoire à celui-ci. Probablement l'un des plus impressionnants duels vus au cinéma puisque traité avec vérisme névralgique eu égard de son intensité à la limite du soutenable que Scott transfigure sans fioritures en dépit de son immense brutalité primale dévoilée au compte goutte (les échanges des coups, toujours plus lourds, s'impactant lentement sur les corps déchiquetés, faute du poids de leurs armures et de la fatigue corporelle).  


Grand moment de cinéma militant avec tact, pudeur, rigueur et intelligence pour la parole émancipatrice de la femme discréditée par l'autorité patriarcale,
le Dernier Duel nous offre 2h30 durant un affrontement physique et cérébral d'une gravité peu à peu bouleversante à travers les conséquences désastreuses du viol éminemment impardonnable. Matt Damon (habité par ses pulsions frondeuses),  Adam Driver (quel charisme ténébreux à travers sa large carrure !), Jodie Comer (toute en élégance candide presque réservée), Ben Affleck (quasi méconnaissable en comte railleur et dédaigneux, puisqu'il m'a fallu 45 minutes pour m'en apercevoir !) s'opposant mutuellement avec une vérité humaine sobrement expressive jusqu'à la rédemption finale faisant preuve d'acuité émotive incontrôlée. Et s'il ne s'agit pas d'un chef-d'oeuvre selon le public le plus drastique, Ridley Scott l'a probablement effleuré au vu des traces qu'il nous laisse dans la rétine, le coeur et l'encéphale, alors que notre actualité contemporaine ne cesse de tenter de libérer la parole de la femme violentée et bafouée depuis des siècles de machisme comme nous le rappelle ici dignement le cinéaste à travers le motif "fait-divers".

*Eric Binford. 

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