Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr
de Paul Verhoeven. 2016. France. 2h10. Avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny,
Charles Berling, Virginie Efira, Judith Magre, Christian Berkel, Jonas Bloquet, Alice Isaaz.
Sortie salles France: 25 Mai 2016
FILMOGRAPHIE: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam.
1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book. 2016: Elle.
10 ans après Black Book, Paul Verhoeven nous revient avec Elle, un thriller singulier à contre courant des codes traditionnels du genre, d'après le roman Oh... de Philippe Djian. Production franco-allemande entièrement tournée avec des acteurs français (selon Verhoeven, il était impossible de localiser l'action à Boston à cause de son sujet jugé trop sulfureux), Elle relate la quotidienneté intime et professionnelle d'une divorcée esseulée après avoir été violée par un mystérieux inconnu. Lors d'une seconde agression, une étrange relation amiteuse va se nouer entre eux. Thriller d'une perversité vénéneuse où se télescope en annexe le drame psychologique, Elle constitue un magnifique portrait de femme torturée aux antipodes des conventions. Car subversif et anticonformiste, le cinéaste milite pour les ambiances licencieuses au travers d'une protagoniste austère en proie à ses fantasmes (la séquence de masturbation et son voyeurisme qui en émane par la fenêtre de sa chambre !) et ses pulsions sadomasochistes (les rapports de soumission/domination avec son agresseur).
Sublimé par la présence diaphane d'Isabelle Hupert, cette dernière parvient à extérioriser une aura malsaine sous l'impulsion d'une personnalité équivoque au sang froid mâtiné de déviance. Profondément marquée par un épisode tragique de son enfance, Michele se glisse aujourd'hui dans la peau d'une directrice autonome au franc-parler parfois vexant ou offensant selon ses humeurs versatiles. Entrepreneuse d'une société de jeu-video, sa forte personnalité lui attire quelques jalousies et rancunes de la part de certains adjoints professionnels. Sournoise lorsqu'elle complote une relation d'adultère avec un ex mari, elle se révèle donc instable pour renouer une vie conjugale équilibrée. Epaulé de personnages secondaires au caractère bien trempé, l'intrigue insuffle parfois un ton fantaisiste décalé lors de leurs postures extravagantes ou désinvoltes que caractérisent l'entourage familial et amical. Ces jeux d'acteurs décomplexés dépeints sans romantisme avivant subtilement le côté dérangeant d'une intrigue déroutante bâtie sur les rapports conflictuels que s'échangent couples et amants. Car sans jamais juger ses personnages, et sous couvert d'une diatribe contre l'intégrisme (le passé traumatique de l'héroïne élevée sous l'autorité d'un père bigot), Verhoven en structure un suspense diffus au fil d'un cheminement tortueux (l'ambivalence psychologique de Michele) sur le fil du rasoir.
D'une perversité vénéneuse indicible par son climat malsain sous-jacent ou contrairement explicite, Elle redore les composantes du thriller avec une provocation iconoclaste. De par l'étude caractérielle de personnages anti manichéens et du portrait lubrique imparti à une femme d'affaire où perce finalement une fragilité humaine (comme le constate son final rédempteur aussi beau que poignant !). Traitant sans fard ni tabou des thèmes de la névrose sexuelle et de l'intégrisme, Elle constitue un grand thriller cérébral n'hésitant pas à dévoiler la face cachée de nos fantasmes les plus intimes.
B-M
Le mot de Jean-Marc Micciche:
Cycle film d'auteur avec ouf enfin un bon film et on dit merci Paulo. Donc disons les choses clairement pour bien situer le dernier opus du filmeur fou aussi bien dans le contexte actuel et dans sa filmo. Si on place Elle dans le contexte du cinéma français et sur celui du film d'auteur, ben c'est clairement ce qu'on voit de mieux à l'heure actuel. A l'inverse si on le place dans son immense filmo (on compte pas Tricked), faut reconnaître que le film n'a pas forcément les épaules pour se mesurer aussi bien sur le terrain du film sulfureux et dérangeant que sur le plan stylistique. Attention je dis pas que le film n'a aucun style mais on sent deux principaux manques. La première c'est bien la place qu'occupait ses deux chef op de prestige à savoir Jost Vacano et Jan De Bont qui réussissait même avec des films intimistes à avoir un style percutant (et parfois il faut bien le dire, certains passages de Elle pourront paraître anodin sur le plan formel). De l'autre la patte d'un vrai scriptwritter qui parviendrait à transfigurer un sujet soyons honnête un thriller de cul du samedi soir sur M6 en quelque chose de plus perver crade. Donc oui Elle pourra sembler comme trop sage et avec le recul on peut comprendre comment le public bourgeois de Cannes et les critiques Dandy des Cahiers ont pu être tenter d'élever le réal Paul Verhoeven à un statut proche horreur de Michael Haneke. Fort heureusement, le film reste du Verhoeven pur souche car il réussit à pervertir l'aspect bourgeois du récit en quelque chose de plus subtil de plus sournois. Et ça passe aussi bien par le jeu en nuance de Huppert, par des choix de montage déconcertant, des dérapages ironiques croustillants. En attendant son probable succès aux oscars et aux césars (et pourquoi pas opportunisme culturel oblige une nomination comme président aux festivals de Cannes, rigolez pas, ils l'ont fait pour George Miller), Elle est donc à sa façon une belle réussite, à relativiser bien évidement, mais concrète. Donc dans mon Top 20 en toute éventualité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire