mercredi 18 janvier 2017

LA TAULARDE

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site dunnozmovie.wordpress.com

de Audrey Estrougo. 2016. France. 1h38. Avec Sophie Marceau, Suzanne Clément, Anne Le Ny, Eye Haidara, Marie-Sohna Condé, Carole Franck, Marie Denarnaud.

Sortie salles France: 14 Septembre 2016 (interdit aux - de 12 ans)

FILMOGRAPHIE: Audrey Estrougo est une réalisatrice et scénariste française. 2007 : Regarde-moi. 2008 : Encore un printemps. (documentaire). 2011 : Toi, moi, les autres. 2014 : Une histoire banale. 2016 : La Taularde. 2017 : Héroïnes (mini série - 3 x 52min).


Film choc s'il en est de par son intensité latente puis exponentielle, la Taularde aborde avec un réalisme documenté l'univers carcéral du point de vue féministe. Par amour pour son mari, Mathilde Leroy décide de prendre sa place en prison après lui avoir permis de s'évader. Alors qu'elle tente de s'insérer dans cet univers sans foi ni loi, elle reste sans nouvelles de ce dernier. Sans misérabilisme ni racolage, la réalisatrice Audrey Estrougo nous assène un coup de poing dans l'estomac pour décrire la quotidienneté d'une taularde en remise en question depuis le silence de son époux. En évitant les clichés du genre carcéral mainte fois traités au préalable de manière souvent ostentatoire, Audrey Estrougo parvient à nous immerger dans cet enfer de détention grâce à la personnalité de sa mise en scène proche d'un style de Pialat ! Autant dire que cette réalisatrice plutôt discrète (si bien que j'ignore l'éventuel label de ses oeuvres antécédentes) me parait brillamment douée pour sa maestria d'une caméra inventive (jamais voyeuriste !) en adoptant le parti-pris d'autopsier les profils de détenues sans effet de manche. Par extension, avec une vérité humaine brut de décoffrage !


L'intensité psychologique qui émane des divergences morales entre elles et des surveillantes s'avérant parfois difficilement supportable (bien que l'on énumère une seule séquence brutale quasi suggérée du hors-champs !) alors que son climat malsain, quasi irrespirable, nous jugule de manière sous-jacente. Habituée aux rôles plutôt glamour, Sophie Marceau casse son image docile avec une remarquable sobriété si bien qu'elle s'affiche à l'écran sans fard pour mettre en exergue un jeu viscéral de dégénérescence morale depuis sa désillusion d'un amour tronqué. Le film illustrant avant tout de quelle façon cette détenue en herbe de prime abord taiseuse et courageuse va lentement céder à la révolte, l'infantilisme et à la haine parmi l'influence de son entourage séditieux en quête de reconnaissance et parmi l'autorité arrogante de gardiennes parfois intransigeantes. Outre l'intensité de sa présence à la fois fragile et déterminée (comme celle de se procurer un portable afin de contacter son mari), les autres seconds-rôles qui l'accompagnent ou la molestent s'avèrent tous sidérants d'authenticité, notamment par leur charisme buriné confondant de naturel ! Pour faire simple, on croirait réellement avoir à faire à de réelles détenues purgeant leur peine entre deux claps de tournage ! On peut autant prôner le jeu impérieux des geôlières quotidiennement impliquées malgré elles dans des conflits d'autorité et de caprice entre taulardes si bien que la réalisatrice s'attarde notamment à souligner leur fragilité tantôt dépressive à gérer leur situation professionnelle au sein d'un climat pernicieux.


Descente aux enfers anxiogène dans les tréfonds d'un milieu carcéral exclusivement féminin, La Taularde prend aux tripes et émeut sous le pilier de sa dramaturgie émotionnelle qu'Audrey Estrougo maîtrise avec virtuosité et dextérité dans son souci documenté de dépeindre la déchéance animale de ces détenues. Sans jamais s'apitoyer sur leur sort précaire, La Taularde constitue un cri d'alarme contre toute hiérarchie pénitentiaire si bien que l'on ne sort pas indemne de son amère constat d'échec.  

B-M 

Audrey Estrougo

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