mercredi 26 juin 2019

Le Professeur / La prima notte di quiete / La première nuit de la Tranquillité

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb

de Valerio Zurlini. Italie/France. 2h12 (version intégrale). Avec Alain Delon, Lea Massari, Monica Dominici, Sonia Petrovna, Giancarlo Giannini, Renato Salvatori, Alida Valli, Adalberto Maria Merli, Salvo Randone, Liana Del Balzo.

Sortie salles France: 18 Octobre 1972 (1er Novembre 1972 selon d'autres sources). Italie: 27 Octobre 1972

FILMOGRAPHIEValerio Zurlini est un réalisateur et scénariste italien, né le 19 mars 1926 à Bologne, décédé le 27 octobre 1982 à Vérone. 1955 : Les Jeunes Filles de San Frediano. 1959 : Été violent. 1961 : La Fille à la valise. 1962 : Journal intime. 1965 : Des filles pour l'armée. 1968 : Assis à sa droite. 1969 : Quand, comment et avec qui ? 1972 : Le Professeur. 1976 : Le Désert des Tartares.

"L’amour, cet impossible lointain."

Romance écorchée vive entre un professeur trentenaire et une étudiante de dix-neuf ans foudroyés par une passion dévorante, Le Professeur désarçonne par son atmosphère sinistrée, traversée d’une mélancolie perméable aux cicatrices morales de deux êtres hantés par le poids de l’échec et de l’insatisfaction sentimentale. Succès retentissant en Italie mais échec en France (allez comprendre), le film transfigure le genre mal-aimé du mélodrame grâce au talent singulier de Valerio Zurlini, qui y imprime sa personnalité transalpine.

Son ambiance glauque, baignée d’une photographie blafarde, et les postures vulgaires de protagonistes peu recommandables - qu’il s’agisse de l’entourage aviné de Daniel ou de celui de Vanina - nous enferment dans un drame conjugal aux faibles lueurs d’espoir.

La grande force de cette œuvre fragile réside dans sa réinterprétation du genre à travers les thèmes éculés mais ravivés de la trahison, de l’infidélité, de la possessivité (notamment les rapports masochistes entre Daniel et son épouse, coexistant dans leur demeure opaque comme dans un tombeau en guise de routine désespérée), de la jalousie et de l’amour insoluble.


Dans un rôle d’amant torturé et taciturne, Alain Delon électrise tranquillement en promenant sa dégaine de chien battu, tel un fantôme infortuné, quasi suicidaire - jusqu’à ce final expéditif où il s’élance dans sa quête désespérée de la muse perdue qu'il doit rejoindre pour toujours.
Face à lui, l’électrisante Sonia Petrovna magnétise l’écran à chacune de ses apparitions sensuelles. Comme Daniel, le spectateur succombe à son charme noir, redoutant pourtant l’aigreur insurmontable d’une relation précaire, noyée d’amertume, de malaise, de remords et de désillusion.
Le Professeur aborde, tantôt par la suggestion des regards et des silences (l'incroyable séquence du night club alternant les échanges de regards en plan serré), tantôt par la brutalité des corps et des étreintes sauvages, la cruauté de l’émoi amoureux à travers des esprits rebelles, victimes de leur propre marginalité et de leur isolement moral. 
Vanina, marquée par l’ombre d’une mère catin et des conquêtes phallocrates qui l’ont façonnée, croise Daniel, lui-même hanté par la disparition du père et surtout par le suicide de sa sœur : deux âmes en ruine, cherchant dans l’autre une impossible réparation.

 
Œuvre atypique, irriguée de spleen et de pessimisme sous la lumière vacillante d’un climat vaporeux, Le Professeur explore la passion amoureuse comme l’ultime sursaut de losers névrotiques, tentant de s’accrocher au fil ténu de la rédemption sentimentale.
Un drame d’une noirceur somptueuse, audacieuse, lucide - où chaque geste, chaque regard, semble s’éteindre dans le désespoir des cœurs trop usés pour aimer encore au coeur d'un no man's land feutré.
Un film personnel et intime qui s’infiltre sous la peau et hante longtemps après la dernière image pudique.

— le cinéphile du cœur noir

3èx. VOSTF

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