mardi 15 septembre 2020

Le Fanfaron

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Il sorpasso" (Le dépassement) de Dino Risi. 1962. Italie. 1h45. Avec Vittorio Gassman, Jean-Louis Trintignant, Catherine Spaak, Claudio Gora, Luciana Angiolillo, Linda Sini.

Sortie salles France: 27 Juin 1963. Italie: 5 Décembre 1962

FILMOGRAPHIE PARTIELLE: Dino Risi (Milan, 23 décembre 1916 - Rome, 7 juin 20081) est un réalisateur et scénariste italien.1952 : Vacanze col gangster. 1953 : Le Chemin de l'espérance. 1953 : Le Signe de Vénus. 1953 : L'Amour à la ville. 1955 : Pain, amour, ainsi soit-il. 1959 : L'Homme aux cent visages. 1959 : Le Veuf. 1960 : L'Inassouvie. 1961 : Une vie difficile. 1961 : A porte chiuse. 1962 : La Marche sur Rome. 1962 : Le Fanfaron. 1963 : Il successo de Mauro Morassi. 1963 : Il giovedì. 1963 : Les Monstres. 1967 : L'Homme à la Ferrari. 1968 : Le prophète. 1970 : La Femme du prêtre. 1971 : Au nom du peuple italien. 1971 : Moi, la femme. 1973 : Rapt à l'italienne. 1973 : Sexe fou. 1975 : Parfum de femme. 1976 : La Chambre de l'évêque. 1977 : Âmes perdues. 1977 : Dernier Amour. 1978 : Les Nouveaux Monstres. 1980 : Je suis photogénique. 1980 : Les Séducteurs. 1981 : Fantôme d'amour. 1982 : Les Derniers Monstres. 1984 : Le Bon Roi Dagobert. 1985 : Le Fou de guerre. 1986 : Il commissario Lo Gatto. 1987 : Teresa. 1996 : Giovani e belli. 1996 : Esercizi di stile, segment Myriam. 2002 : Le ragazze di Miss Italia (TV).


"Tout bonheur est un chef-d'oeuvre : la moindre erreur le fausse, la moindre hésitation l'altère, la moindre lourdeur le dépare, la moindre sottise l'abêtit."

Chef-d'oeuvre de son auteur et du cinéma Italien en prime d'être devenu un film culte grâce à son bouche à oreille lors de sa timide sortie commerciale, Le Fanfaron est une expérience humaine comme on en voit peu dans le paysage sociétal. Car à travers le road trip de Bruno, pèlerin incontinent dénué de complexe, et Roberto, célibataire timoré et introverti trop influençable pour refuser les avances de Bruno, Dino Risi nous fait partager leurs vicissitudes à l'aide d'un humour vitriolé à couper au rasoir. Notamment si je me réfère à la tournure dramatique des effronteries de Bruno en proie à une rage de vivre incontrôlée. Quand bien même Roberto, impressionné par son bagout et son culot jamais à court de carburant, observe son nouvel ami avec une réflexion à la fois lucide et déceptive (dans le sens "trompeur"). Ainsi, en brossant (avec un second degré fallacieux) le portrait d'un fringant fanfaron aussi instable qu'irresponsable, Dino Risi nous laisse un goût acre dans la bouche au fil de l'évolution morale de celui-ci en proie à une émancipation irraisonnée. Et ce quitte à entraîner son entourage vers de fatales désillusions, voir également vers une destination sans retour. Réflexion factuelle sur les mauvaises rencontres et fréquentations du point de vue d'un introverti esseulé incapable de s'affirmer, Le Fanfaron oscille bonne humeur, tendresse tacite, rire grinçant et gravité au fil de mésaventures explosives. Tant et si bien que Bruno semble n'avoir aucune limite pour assouvir son insatiabilité vitale quitte à s'y brûler les ailes.


Et il a beau communiquer sympathie et joie de vivre de façon discontinue, celui-ci demeure derrière son enveloppe de trublion farceur un raté incapable de s'insérer dans la société (il en est d'ailleurs bien conscient malgré ses apparences désinhibées). Au-delà de son climat estival baignant dans une joie de vivre expansive (nous sommes à l'orée des années 60 dans une Italie champêtre et côtière), on reste ébahi par les performances plus vraies que natures des 2 acteurs se familiarisant en direct face écran avec une vérité humaine infiniment attachante. Vittorio Gassman explosant l'écran dans sa vaste carrure de profiteur invétéré ! Un aimable bon vivant aussi capable d'embobiner les plus réfractaires que de s'attirer les ennuis de par ses frasques marginales semées d'écarts de conduite. Transi d'expansivité dans sa posture naturellement décontractée, l'acteur insuffle une énergie à corps perdu au rythme de ses exubérances en roue libre; si bien qu'il s'attire régulièrement une compagnie amicale à la fois huppée et avenante. Autrement placide, constamment dans la réserve mais davantage curieux d'un comportement aussi favorablement insolent, Jean-Louis Trintignant insuffle une pudeur fragile expressive au fil de son initiation à l'émancipation. Spoil ! Tant et si bien que l'on reste scotché par la tournure de son tragique destin que l'on anticipe inévitablement lors d'une course-poursuite erratique. Fin du Spoil. On reste d'ailleurs estomaqué, le souffle coupé, par le réalisme décoiffant de cette poursuite sur bitume fréquemment jalonnée de virages escarpés. Bref, ces 2 acteurs pétris de sentiments contradictoires dans leur caractère distinct restent dans nos mémoires de cinéphile émérite sous l'impulsion d'une intensité dramatique finalement éprouvante.


Regorgeant de joie et de bonne humeur à travers cette fureur de vivre impubère (nos 2 lurons restent de grands enfants pour le meilleur et pour le pire !), le Fanfaron se décline en grand moment de cinéma aussi populaire qu'auteurisant pour un road trip vertigineux à l'acuité émotionnelle jamais programmée. Du cinéma de vibration à l'état brut, oecuménique. 

*Bruno
 3èx

Récompenses:
1963 : prix du meilleur réalisateur au Festival international du film de Mar del Plata.
1963 : Ruban d'argent du meilleur acteur principal pour Vittorio Gassman.

 « Chaque film a une formule chimique qui lui est propre. Le Fanfaron jaillit d'un excellent alambic, où tous les éléments s'étaient facilement fondus. L'amalgame de mon personnage (un jeune type agressif et peu scrupuleux) avec la mélancolie et la réserve de Jean-Louis Trintignant fit merveille ; le symbole de la vrombissante voiture de sport qui lançait notre tandem sur les routes d'une Italie au comble du miracle économique, de la folie immobilière et des chansons, du boom et de la vulgarité, fut également efficace. ». Vittorio Gassman.

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