(Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives)
"L’Impensable Rédemption : le miracle gothique de Luc Besson."
Les bras m’en tombent, béat. À peine remis de ce que je viens d’endurer 2h03 durant (exit le générique), la nouvelle proposition de Luc Besson m’a trituré la raison et les émotions avec un art consommé de la féerie horrifique. Et si, comme on a pu le lui reprocher, la première demi-heure laisse craindre une semi-parodie du Dracula de Coppola - avec un Jonathan Harker encore plus transparent et ridicule que Keanu Reeves, et un vampire sclérosé, à peine caricatural - le climat étrangement baroque, déconcertant, déroutant, décomplexé, et surtout le jeu à la fois infaillible et impassible de l’incroyable acteur texan Caleb Landry Jones (déjà révélé dans le magnifique Dogman, et preuve que ce n’était pas un accident pour remettre sur les rails le Besson des années 80), emportent peu à peu l’adhésion.
Je comprends les puristes renfrognés vouant un amour immodéré au roman de Bram Stoker (que je relis depuis deux semaines, coïncidence oblige !) et les réfractaires aux adaptations libres qui s’approprient sans complexe le mythe de Dracula. Mais comment résister à cette flamboyance formelle à damner un saint ? La photo à se pâmer d'amour, les décors capiteux, les costumes, les paysages, les monuments gothiques, la lumière crépusculaire ; sa structure narrative constamment surprenante et inventive ; l’implication des seconds rôles, modestement décalés… tout nous invite à un spectacle somptueux, aussi fou et audacieux qu’à l’époque du Pacte des Loups.
Et, il faut le répéter, Caleb Landry Jones bouffe l’écran avec une sobriété naturelle qui n’appartient qu’aux grands, donnant chair et sang à son personnage maudit avec une pudeur mélancolique rigoureusement tenue. Car s’il est une qualité que l’on ne peut reprocher à cette adaptation parfois un brin pétulante et même pittoresque, c’est son refus absolu de la mièvrerie. Besson la récuse sans cesse pour transcender la romance intime entre Dracula et Mina, lors d'apartés et d’étreintes subtilement sincères, nobles, presque épurées.
Splendide romance gothique, d’une générosité surprenante, un rien marginale dans son refus des conventions éculées (même s'il s'en approprie parfois), le Dracula de Besson existe aisément par lui-même en toute autonomie, dans un esprit, un parti-pris peut-être sciemment dégingandé (combien de fois me suis-je demandé : mais qu’est-ce que je suis en train de voir ?!), mais irrésistiblement fascinant dans sa folle ambition formelle, technique (FX impeccables, notamment les créatures de pierre frisant au départ le ridicule sans jamais s'y vautrer) et narrative, osant même l’impensable : la rédemption lumineuse, lors d’un épilogue onirique à l’émotion bouleversante, porté par l’impulsion d’un Danny Elfman rigoureusement engagé.
Pour conclure, nous avions affaire à du grand spectacle au souffle épique et luxueux (je n'ai même pas évoqué les combats et batailles aussi hybrides et anachroniques qu'au sein de la pochette surprise: Le Pacte des Loups); du sang frais, furieusement autonome ; de l’émotion tenue sur le fil entre retenue et décadence (je n'ai même pas mentionné le second-rôle dévergondé Maria); une romance pure noblement magnétique; et surtout un sens horrifique baroque et féérique comme on n’en voit jamais dans le paysage français.
— le cinéphile du cœur noir
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