lundi 10 novembre 2025

Le Sang des Innocents / Sleepless / Non ho sonno (je n'ai pas sommeil) de Dario Argento. 2001. 1h57. Italie.

                    (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives) 

"Le dernier frisson d’Argento."

Révision à la hausse (une troisième) du mal-aimé Le Sang des Innocents, bien qu’il ait depuis quelques années retrouvé une juste réévaluation. À raison : ce retour aux sources du Giallo, ranimant ses fantômes du passé - au propre comme au figuré - demeure un plaisir perpétuel tant Argento semble y raviver la flamme de ses débuts. Les vingt et une premières minutes, véritables pages d’anthologie horrifique, nous propulsent dans un train de l’enfer : modèle de mise en scène aussi ambitieuse qu’inventive, où Argento renoue avec l’ivresse émotive d’un Suspiria. Deux victimes féminines y subissent la furie d’un maniaque au couteau, dans un wagon et l’habitacle d’une voiture - séquences d’une intensité sensorielle fulgurante. On applaudit, on rajeunit. 

Mais si ce prologue, aussi jouissif que terrifiant, demeure le sommet du film, Le Sang des Innocents reste ensuite suffisamment efficace, captivant et parfois impressionnant par quelques éclats techniques pour maintenir l’adhésion jusqu’à la révélation finale, fertile en cadavres et détournements. Largement influencé par Les Frissons de l’angoisse (le mannequin, les dessins d’enfant, la comptine, le protagoniste incarné par le même acteur) et d’autres Gialli animaliers, le récit parvient pourtant à se construire seul, sous un vernis baroque, autonome et délicieusement vintage.


On saluera la personnalité formelle de cet hommage giallesque : sa texture visuelle rugueuse assez particulière, sa photographie granuleuse et poussiéreuse, ses demeures gothiques plongées dans l’ombre - tout concourt à une immersion fascinante dans un néo-gothisme de fin de siècle. Le suspense, habilement entretenu, est porté par un Max Von Sydow d’une force tranquille et rassurante, en enquêteur à la retraite cherchant à dénouer les fils d’une sordide affaire criminelle étalée sur dix-sept ans, dominée par la figure grotesque d’un “nain assassin” exhumé de sa tombe. À ses côtés, Stefano Dionisi se montre correctement convaincant en adjoint impliqué malgré lui, hanté par le meurtre de sa mère survenu en 1983.

Pour relever la sauce et nous envoûter, Goblin renoue avec les sonorités d’un rock progressif entêtant, offrant à Argento des séquences clippesques et des instants d’inquiétude palpable qu’il cisèle avec un art consommé de la beauté morbide. 

Très sympathique Giallo mené sans temps mort durant deux heures, Le Sang des Innocents sonne comme la dernière mélodie émotive du genre - un chant funèbre ressuscité des cendres des seventies par l’ultime talent d’un artisan inspiré teinté de mélancolie.


— le cinéphile du cœur noir
01.05.20. 09.11.25. 3èx. Vistfr.

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