samedi 22 novembre 2025

Castle Rock. Série TV créée par Sam Shaw et Dustin Thomason. 2018. U.S.A. 2 saisons de 10 épisodes.

                                                       
                 (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site Imdb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives) 
 
Un mot: "Remarquable."
 
Castle Rock est un puits sans fond. Une brèche dans l('a)normalité, une rumeur de malédiction qui serpente au cœur d’une ville rongée par le passé. Tout est feutré, tout s’y fissure, lentement, comme une cloison fine entre le réel et l’indicible. La série choisit la suggestion plutôt que la démonstration, le non-dit plutôt que le sang - un territoire mortifère où l’horreur se nourrit du silence, des angles morts et des souvenirs à reconstituer tel un puzzle.

Au centre du labyrinthe, Henry Deaver, enfant perdu revenu sur les lieux du crime intime. L’avocat porte sur son corps et dans son regard l’empreinte d’un traumatisme que la ville n’a jamais digéré. Castle Rock n’est pas un décor, c’est un organisme malade ; un lieu qui dévore ses habitants, qui joue avec leurs failles humaines. Les visages sont hantés de secrets, leur geste charrie la culpabilité, comme si le Mal ne venait pas de l’extérieur mais suintait de l’intérieur, depuis les caves, les forêts, la mémoire collective surtout. Le mythe Kingien de la ville maudite. 
 
 
L’arrivée du jeune homme sans nom, trouvé enfermé dans une cage sous la prison de Shawshank, agit comme un catalyseur. Une présence muette, un regard étrangement abyssal, et les destins se désaxent : suicides, accès de folie, accidents absurdes, violence soudaine. Est-il le diable ? victime ? reflet de l’horreur tapie dans les cœurs ? La série ne le dit jamais. Elle préfère laisser le spectateur suffoquer dans l’incertitude, pris dans le même piège mental que les personnages. L’énigme n’est pas là pour être résolue : elle est là pour contaminer, pour nous plonger comme les personnages dans un dédale sans repères. 
 
Les acteurs (surtout le black endossant l'avocat) sont habités de perplexité, d'incompréhension, de doute, de crainte. Le coeur serré. Ils jouent l’égarement, le désespoir, cette incapacité à nommer ce qui les possède. Chacun semble marcher sur la corde raide d’un gouffre métaphysique, avec la sensation que le réel peut s’effondrer à tous moments.

L’esthétique est le prolongement naturel du récit : une mise en scène lente, lourde de sens, qui laisse respirer le vide. Une photographie glacée, un tantinet sépia, où chaque plan résonne d’un pressentiment funèbre. La musique se fait discrète, elle est  insidieuse.
 

Castle Rock travaille la peur la plus profonde : celle de ne pas comprendre, de perdre son identité, de devenir étranger à son propre passé sans jamais nous ennuyer 10 épisodes durant.
La série tend à sous-entendre que le Mal n’est ni surnaturel ni explicable : il est endémique, contagieux, immémorial. Il rampe dans les recoins de Castle Rock comme un poison héréditaire. Une ville condamnée à revivre éternellement sa propre damnation, dans un cycle qui dépasse les frontières de l’espace et du temps.

Remarquable. Fort. Intense. D’une beauté sombre et dévastée, cette tragédie cosmique hypnotise nos sens de manière latente mais passionnante où l’espoir s’étouffe et où la vérité semble appréhender le pire à travers la culpabilité, le destin et l'héritage des secrets familiaux. 
 
En attendant la saison 2 - la dernière - que l'on dit supérieure.
 
— le cinéphile du cœur noir

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