Photo empruntée sur Google, appartenant au site soundtrackcollector.com
"Once Were Warriors" de Lee Thamahori. 1994. Nouvelle-Zélande. 1h42. Avec Rena Owen, Temuera Morrison, Mamaengaroa Kerr-Bell, Julian Arahanga, Taungaroa Emile, Rachael Morris Jr, Joseph Kairau.
Récompense: Meilleur premier film, Mostra de Venise, 1994
Sortie salles France: 10 Janvier 1994
FILMOGRAPHIE: Lee Tamahori est un réalisateur néo-zélandais, né le 17 Juin 1950 à Wellington.
1994: L'âme des Guerriers. 1996: Les Hommes de l'Ombre. 1997: A couteaux tirés. 2001: Le Masque de l'Araignée. 2002: Meurs un autre jour. 2004: XXX 2. 2007: Next. 2011: The Devil's Double. 2015: Emperor.
Uppercut émotionnel comme on en voit rarement à l'écran, l'Ame des Guerriers dépeint avec réalisme à couper au rasoir la descente aux enfers d'une famille de Maoris, faute de l'autorité castratrice d'un père de couleur noir rongé par l'alcool et blasé par l'esclavage de ces ancêtres. Epaulé d'une photo ocre afin d'accentuer le climat irrespirable d'un environnement insalubre, ce premier film laisse une cicatrice indélébile dans l'esprit du spectateur peu habitué à s'incliner devant une expérience aussi brutale !
Prenant pour cadre la banlieue déshéritée d'Auckland en Nouvelle-Zélande, Lee Tamahori aborde les thèmes du chômage, de la délinquance, de la violence conjugale et de la démission parentale, la cellule familiale volant ici en éclat, du point de vue d'une misère sociale sans repères. Les enfants livrés à eux-même, car témoins de la déliquescence parentale, trinquant inévitablement pour se réfugier vers la drogue et la marginalité. Notamment parmi le repère influent d'une bande de guerriers juvéniles grimés de tatouages tribaux à l'instar de leurs ancêtres Maoris. Par le biais de la figure paternelle en déchéance morale, faute de son alcoolisme et de son refus d'assumer son rôle paternel, Lee Tamahori nous assène de plein fouet des discordes conjugales d'une brutalité à la limite du soutenable. Si l'épreuve de force de l'âme des Guerriers s'avère si oppressante par son intensité névralgique, c'est qu'il parvient à distiller un malaise proche du marasme pour la condition déplorable impartie à la femme battue. Humiliée, menacée de mort et molestée sous les coups d'un phallocrate dépendant de sa musculature, de sa lâcheté et de sa médiocrité, cette dernière persévère néanmoins à lui tenir tête avec une dignité féminine. Observant leur condition miséreuse où les orgies d'alcool sont monnaie courante lors de soirées entre amis peu fréquentables, l'âme des guerriers transcende le portrait de cette mère de famille gagnée par la rage de vaincre la tyrannie machiste après avoir assumé son inadvertance maternelle, passée une tragédie inconsolable.
D'une rigueur émotionnelle parfois insupportable mais d'une dignité bouleversante pour la stature vaillante allouée à la femme battue, l'âme des Guerriers transcende ses clichés de sinistrose grâce à son réalisme tranché et à la dimension fragile de ses laissés-pour-compte reconvertis en guerriers conquérants. Un très grand film aussi furieusement épique que bouleversant dans sa dramaturgie opiniâtre, et un vibrant hommage à la communauté spirituelle des Maoris !
Pour public averti
Dédicace à Peter Hooper
Dédicace à Peter Hooper
Bruno Matéï
3èx