vendredi 24 août 2018

La Maison du Diable / The Haunting

                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site horreur-web.forumactif.com

"The Haunting" de Robert Wise. 1963. Angleterre. 1h51. Avec Julie Harris, Claire Bloom, Richard Johnson, Russ Tamblyn, Fay Compton, Rosalie Crutchley, Lois Maxwell, Valentine Dyall, Diane Clare, Ronald Adam.

Sortie en salles en France le 4 Mars 1964. U.S: 18 Septembre 1963.

FILMOGRAPHIERobert Wise est un réalisateur, scénariste, producteur, monteur né le 10 Septembre 1914, décédé le 14 Septembre 2005 à Winchester (Indiana). 1944: La Malédiction des Hommes Chats, 1945: Le Récupérateur de cadavres, 1948: Ciel Rouge. Né pour Tuer. 1949: Nous avons gagné ce soir. 1952: La Ville Captive. 1952: Le Jour où la terre s'arrêta. 1954: Les Rats du Désert. 1957: Marqué par la Haine. 1958: l'Odyssée du sous-marin Nerka. 1962: West Side Story. 1963: La Maison du Diable. 1966: La Mélodie du Bonheur. 1967: La Canonnière du Yang-Tsé. 1972: Le Mystère Andromède. 1975: L'Odyssée du Hindenburg. 1977: Audrey Rose. 1980: Star Trek. 1989: Les Toits. 2000: Une Tempête en été (télé-film)

 
"Les Murmures de Hill House".
Réalisateur prolifique, virtuose de la diversité des genres, Robert Wise s’inspire en 1963 d’un roman de Shirley Jackson pour tenter d’authentifier le cas d’une demeure hantée dans La Maison du Diable. Passionnante psychanalyse des angoisses les plus ravageuses, ce chef-d’œuvre inégalé laisse planer un doute constant sur l’intrusion du surnaturel, nous entraînant dans le vertige d’une interrogation irrésolue.

Le pitch : un professeur en parapsychologie réunit trois auxiliaires autour d’un cas de maison hantée dans la célèbre Hill House. Eleanor, la plus fragile, semble à la fois attirée et terrifiée par la présence diffuse qui hante la demeure. Peu à peu, sa vie bascule dans la paranoïa et la névrose, submergée par le deuil récent de sa mère et par cette bâtisse aux charmes ténébreux qui exerce sur elle une emprise occulte.

Modèle de suggestion d’une richesse vertigineuse, La Maison du Diable est une expérience ultime de la peur subtile, insidieuse, celle du désagrément. Robert Wise y trace avec une émotion feutrée le portrait introspectif d’une femme esseulée, accablée par une existence marquée du sceau de la déréliction. Incapable de supporter sa cohabitation avec une sœur autoritaire, Eleanor vit rongée par la culpabilité du décès de sa mère impotente. Un soir, alors que celle-ci l’implorait de lui apporter ses médicaments, Eleanor, épuisée ou distraite, omet de répondre à l’appel. 

En conteur circonspect, Wise ausculte les tourments mentaux d’une célibataire aguerrie, hypersensible aux mesquineries d’une compagne de chambre qui la provoque, miroir cruel de sa paranoïa naissante. Dans cet environnement trop vaste, baroque et menaçant (l’immense escalier en colimaçon, le jardin de statues figées), Eleanor perçoit une aura maléfique qui la consume. Les premiers phénomènes inexpliqués — un tambourinement assourdissant derrière une porte, des voix enfantines ou caverneuses, des bruits de pas, une porte respirante — viennent aggraver la terreur. Est-ce la maison qui agit ? Ou l’esprit d’Eleanor qui implose ? La mise en scène nerveuse, les cadrages alambiqués, l’hystérie contenue des témoins : tout nous plonge dans une angoisse troublante, où la psychose devient soupçon, et l’architecture même du lieu une incarnation de la peur intérieure.

La force du film émerge du psychisme vulnérable d’Eleanor, témoin d’évènements peut-être paranormaux, ou simple victime de son propre effondrement. La maison pourrait n’être que le catalyseur fantasmatique des angoisses réprimées par les esprits les plus introvertis, les plus brisés. Quand l’autonomie échoue, que l’ego se dissout, que le passé revient hanter — la peur du noir, de la mort, de l’inconnu — il ne reste qu’un gouffre béant. Celui d’une culpabilité inguérissable, née d’une mère mourante que l’on n’a pas su sauver.


"Le Vertige du doute".
Sommet d’angoisse latente, de tension diffuse et de mystère insondable, La Maison du Diable s’impose comme la clef de voûte du gothique psychologique. À travers la hantise d’un manoir sublimement éclairé de contrastes monochromes, Robert Wise transcende la psychanalyse d’une patiente déchue, emportée — malgré elle ou avec un consentement trouble — par une délivrance morbide pour échapper à une solitude invivable. Le doute plane, toujours : hallucination ou réalité ? La maison respire-t-elle ? Ou est-ce Eleanor qui se désintègre ? Le film joue avec brio sur cette ambiguïté, distille une suggestion vénéneuse, jusqu’à devenir une énigme impénétrable, hantée par une entité peut-être fictive, peut-être malveillante. Pour parachever l’expérience, la force expressive du quatuor d’interprètes (à graver dans le marbre) porte le récit à incandescence. Depuis, aucun cinéaste n’a su dépasser ce chef-d’œuvre incorruptible — et c’est un euphémisme.

* Bruno
24.08.18. 5èx
27.09.11. 337 vues

jeudi 23 août 2018

LUNA

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Elsa Diringer. 2017. France. 1h33. Avec Laëtitia Clément, Rod Paradot, Lyna Khoudri, Julien Bodet, Frédéric Pierrot, Juliette Arnaud.

Sortie salles France: 11 Avril 2018

FILMOGRAPHIEElsa Diringer est une réalisatrice et scénariste française née en 1982 à Strasbourg. 2017: Luna.


"Le pardon ne change pas le passé; il élargit les horizons du futur." 
Douloureux drame social dénonçant le viol d'après l'influence du harcèlement et des brimades collectives, Luna y développe une superbe histoire d'amour entre la victime et l'une des coupables secrètement hantée de honte et de remord. Première réalisation d'Elsa Diringer dirigeant son récit avec une sensibilité jamais ostentatoire (on écarte donc toute forme de pathos surtout dans le cadre de la romance expansive), Luna parvient à cultiver une sincère émotion sous l'impulsion du couple Laëtitia Clément (son tout 1er rôle à l'écran !) / Rod Paradot (révélé par la Tête Haute et récompensé pour l'occasion du César du Meilleur Espoir masculin). Car outre l'intelligence de la réalisatrice à transcender les clichés grâce à la fraîcheur des acteurs (la plupart) amateurs et à son réalisme naturaliste (notamment dans sa manière de photographier une campagne solaire à l'expressivité sereine), Luna captive infailliblement grâce à l'osmose progressive des deux acteurs d'une attachante complicité.


L'intérêt du récit émanant du profil torturé d'une jeune fille instable en initiation mature. Car facilement influençable auprès d'un bad-boy sans vergogne et de sa bande délinquante, Luna va pour autant parvenir à s'extraire des mauvaises fréquentations grâce à la rencontre impromptue avec sa victime autrefois traumatisée par une agression aussi lâche que sordide (la séquence empruntant le hors-champs s'avère malgré tout assez crue et dérangeante). De prime abord lâche, couarde, menteuse et perfide, Luna va peu à peu s'écarter de ses malsaines influences, s'y remettre en question puis accuser le remord grâce à son idylle naissante avec Alex. Quant à ce dernier rongé par l'impuissance, l'injustice, la haine et la vengeance, Rod Paradot compte sur l'intégrité de son jeu naturel si dépouillé afin de nous provoquer une empathie jamais démonstrative. Sa manière humble de jouer l'acteur, entre fragilité, perspicacité et fébrilité, provoquant chez nous une émotion toujours plus intense au fil de son cheminement sinueux. Le couple formant à l'écran une complicité amoureuse bipolaire eu égard de la tournure houleuse des révélations lorsque la vérité est mise à nu pour tenter de se libérer du poids de la culpabilité.


Baignant dans le doux climat solaire d'une Province estivale, Luna invoque au fil de son récit précaire une soif de liberté et de joie de vivre de la part de blessures humaines en quête de rédemption. Constamment captivant grâce à la maîtrise personnelle de sa réalisatrice néophyte, parfois même capiteux auprès de ses plages musicales envoûtantes, Luna doit pour autant beaucoup à l'alchimie du couple (sobrement) scintillant Clément / Paradot communément partagé entre le désagrément, le mal être et la rage d'aimer. Et ce jusqu'à nous bouleverser vers une ultime étreinte infiniment symbolique... 

* Bruno

mercredi 22 août 2018

L'EMPRISE DES TENEBRES

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"The Serpent and the Rainbow" de Wes Craven. 1988. U.S.A. 1h38. Avec Bill Pullman, Cathy Tyson, Zakes Mokae, Paul Winfield, Brent Jennings, Conrad Roberts.

Sortie salles France: 11 Mai 1988. U.S: 5 Février 1988

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio, décédé le 30 Août 2015. 1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.


Dans les croyances vaudou, le serpent symbolise la terre et l'arc en ciel le paradis.  Les créatures qui vivent entres les deux vivent, puis meurent. L'homme, dôté d'une âme, peut-être piégé dans un univers impitoyable où la mort n'est qu'un début. L'histoire qui suit s'inspire de faits réels. 

On a beau juger Wes Craven comme un réalisateur inégal capable du meilleur comme du pire, il nous aura tout de même légué une poignée de perles décoiffantes dont l'Emprise des Ténèbres s'y porte en digne étendard. Car il s'agit probablement selon mon jugement de valeur de son oeuvre la plus aboutie et maîtrisée, la plus trouble et terrifiante (avec peut-être les Griffes de la nuit auquel il entretient quelques points communs, telle la démarche oscillatoire de cauchemar et réalité). Tiré d'une histoire vraie, aussi improbable que puisse paraître son concept incongru, l'Emprise des Ténèbres gagne en force dramatique et climat terrifiant au fil d'une investigation endurante qu'un anthropologue obtus s'efforce d'achever afin d'obtenir une poudre ayant le pouvoir de ressusciter un mort. Car ce produit, la tétrodotoxine, pourrait être autrement fructueux entre de bonnes mains afin de sauver des vies lors d'opérations anesthésiques. Sachant qu'aux Etats-Unis 40 000 à 50 000 patients meurent chaque année sur la table d'opération. Non pas à cause de l'intervention mais faute du choc anesthésique ! Après des études poussées, cette poudre pourrait donc sauver 50 000 vies rien qu'aux Etats-Unis s'exclamera un négociant pharmaceutique ! Abordant le thème sulfureux de la magie noire du Vaudou avec un réalisme étonnamment documenté (notamment au niveau des composants de la poudre à Zombies, de la religion haïtienne et de son contexte politique dictatorial en compromis avec une police véreuse), Wes Craven s'avère sacrément inspiré pour nous entraîner dans une descente aux enfers tropicale (décors naturels tantôt édéniques, tantôt oniriques auprès d'une nécropole ornementale) d'une aura méphitique.


Dans la mesure où je me réfère à la trajectoire morale de l'anthropologue ne parvenant plus à distinguer la réalité de ses hallucinations. Wes Craven utilisant judicieusement le surnaturel vaudou par le biais de visions horrifiques aussi bien dérangeantes que terrifiantes que la victime endure dans sa condition humaine puis zombie (notamment l'incroyable séquence de claustration au fin fond d'un cercueil !). Et ce même si on peut déplorer un ultime rebondissement horrifique aussi vain que grotesque à renchérir dans l'horreur festive. Mais c'est bien là le seul reproche que j'appliquerai à cette passionnante intrigue tant Wes Craven, en pleine possession de ses moyens, maîtrise à merveille appréhension et commotion (notamment durant l'agression d'un dîner dandy) avec un réalisme perturbant (les tortures inquisitrices, si viscérales, que perpétue la police lors d'interrogatoires forcés !). Quand au casting 3 étoiles, on y côtoie l'incroyable charisme patibulaire de Zakes Mokae en leader bicéphale sans vergogne, l'élégante Cathy Tyson en faire-valoir sentimentale ou encore l'excellent  Brent Jennings en margoulin sournois faussement avenant mais pour autant solidaire, voir même loyal. Mais c'est bel et bien Bill Pullman qui rafle la mise avec sa spontanéité burnée eu égard de ses prises de risques résolument suicidaires de par ses enjeux à la fois héroïques et cupides si j'ose dire (celui d'exporter la poule aux oeufs d'or d'une poudre miracle révolutionnaire).


Tour à tour étrange, inquiétant, trouble et fascinant, l'Emprise des Ténèbres déstabilise en crescendo à distiller un malaise tangible au fil d'un onirisme macabre déconcertant car abordant lestement le surnaturel sous couvert de poison hallucinogène. D'un réalisme documenté saisissant (le film fourmille en prime de détails visuels saillants), tant auprès de son contexte politique en proie à la sédition que de ses situations d'effroi où l'irruption du cauchemar le plus licencieux s'accapare de la réalité, l'Emprise des Ténèbres est notamment scandé du score si percutant de Brad Fiedel. A redécouvrir fissa si vous daignez vous injecter une bonne dose de (vrais) frissons, notamment pour confirmer aujourd'hui (et donc à la 5è revoyure !) que Wes Craven a bel et bien accomplit ici son oeuvre la plus maîtrisée et cauchemardesque (à 2/3 couacs grand-guignolesques près). 

* Bruno
5èx

"La poudre à zombies et son principe actif, la tétrodotoxine, font  l'objet de recherches scientifiques approfondies en Europe et aux Etats-Unis. A ce jour, son mode d'action reste un mystère." 

mardi 21 août 2018

La Fête est finie. Salamandre d'Or, Festival du film à Sarlat.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Marie Garel-Weiss. 2017. France. 1h33. Avec Zita Hanrot, Clémence Boisnard, Michel Muller, Christine Citti, Marie Denarnaud, Pascal Rénéric.

Sortie salles France: 28 Février 2018

FILMOGRAPHIE: Marie Garel-Weiss est une réalisatrice, actrice et scénariste française.
2017: La Fête est finie.


                             "Tu t'en rappelleras toute ta vie d'ça. Et ça s'ra jamais plus pareil." 
Passé inaperçue à sa sortie salles, la Fête est finie est la première oeuvre indépendante de la réalisatrice Marie Garel-Weiss traitant du thème de la toxicomanie sans pathos ni sinistrose. J'insiste fissa à prévenir les indécis qui soupçonneraient le énième drame social se fourvoyant dans les bons sentiments et les conventions sur un sujet aussi tabou et rebattu. Le métrage parfaitement maîtrisé privilégiant l'hyper vérisme d'un cadre thérapeutique auquel les seconds-rôles aussi criants de vérité que les héroïnes cultivent une émotion névralgique tantôt poignante, à contre emploi du pessimisme outrancier. Décrivant le parcours ardu de deux filles toxicomanes comptant sur leur solidarité amicale afin de s'extraire de leur assuétude au sein d'un centre de désintoxication, La Fête est finie provoque une émotion candide sous l'impulsion névrosée du duo Zita Hanrot / Clémence Boisnard communément habitées par leurs postures d'écorchées vives. Zita Hanrot incarnant avec plus de retenue et de maturité une fille sentencieuse au tempérament contre-intuitif, quand bien même sa partenaire Clémence Boisnard crève l'écran lors de ses interventions spontanées en toxicomane instable et rebelle, en quête éperdue de sens existentiel et de fureur de vivre.


A travers leurs caractères contradictoires émaillés de prises de bec, de réconciliation,  de désillusion mais aussi de joie de vivre, d'espoir et de pugnacité, Marie Garel-Weiss nous entraîne dans un tourbillon d'émotions la plupart du temps délicates. Cette dernière n'appuyant donc jamais sur la corde sensible (j'insiste) afin de rendre dignement hommage à ces toxicomanes sur le fil du rasoir mais pour autant assez déterminés dans leur désir de s'extraire d'une sordide routine, aussi indécises et fébriles soient leurs projets et décisions. On peut d'ailleurs relever certaines séquences fortes, aussi concises soient-elles, lorsque Sihem et surtout Céleste éprouvent en intermittence un manque psychologique difficilement gérable dans leur centre d'une discipline drastique, ou leur défonce subsidiaire lors d'une rechute extatique. Leur cheminement bipolaire alternant le chaud et le froid avec une appréhension parfois inquiétante eut égard de leur humeur versatile et de leur furieux désir d'émancipation (surtout Céleste réfractaire à être exploitée en ouvrière). Et donc si la narration déjà vue n'accorde que peu de surprises (bien que l'esprit le plus résilient n'est pas celui que l'on pense au départ), la personnalité intègre de l'auteur et la force d'expression des deux comédiennes transcendent les facilités. Notamment à travers le pilier d'une redoutable histoire d'amitié de prime abord pointée du doigt par le corps thérapeutique mais finalement fructueuse eu égard de son dénouement précaire pour autant conciliant.


Que la fête commence !
Dirigeant admirablement ses comédiennes juvéniles mises à nu face à une caméra jamais voyeuriste, Marie Garel-Weiss nous livre dans son parti-pris optimisme un témoignage documenté sur la toxicomanie. A savoir, dresser sobrement les profils hétéroclites de malades quasi incurables animés par une étincelle de vie à arpenter un parcours du combattant, aussi endurant soit leur ultime périple. Doublé d'une superbe histoire d'amitié où pointe la tolérance du saphisme, La Fête est Finie se clôt magistralement sur la tendresse de deux sourires complices avec une acuité musicale capiteuse. Tant et si bien que cette dernière image, incandescente, aphone, candide, nous transperce  le coeur et la mémoire dans la pureté de leur lueur sentimentale. 

A Pascal et Poto...

* Bruno

Récompenses:
Salamandre d'or, Prix du Public, Double prix d'interprétation Féminine
Festival de Sarlat / Festival de Saint Jean de Luz

lundi 20 août 2018

JERSEY AFFAIR

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Beast" de Michael Pearce. 2017. Angleterre. 1h47. Avec Jessie Buckley, Johnny Flynn, Geraldine James, Shannon Tarbet, Trystan Gravelle.

Sortie salles France: 18 Avril 2018. Angleterre: 27 Avril 2018

FILMOGRAPHIEMichael Pearce est un réalisateur et scénariste anglais.
2017: Jersey Affair.


Superbe drame psychologique transplanté dans le cadre du thriller, Jersey Affair nous relate une romance vitriolée où la passion des sentiments s'oppose à l'appréhension du doute, de la colère et du désarroi. Issue d'une famille autoritaire, Moll profite de sa rencontre amoureuse avec le jeune marginal Pascal pour fuir le cocon. Alors que des meurtres en série ont lieu dans la région, les soupçons se reportent rapidement sur Pascal depuis son casier judiciaire à sinistre réputation. Pour une première mise en scène plutôt maîtrisée, Michael Pearce surprend beaucoup par sa faculté à instiller une atmosphère diaphane autour de deux amants communément épris de sentiments mais peu à peu gagnés par la crainte de l'échec suite à la potentielle culpabilité de celui-ci. Prenant beaucoup de soin à magnifier un superbe portrait de femme écorchée, faute de ses timides rapports avec sa famille condescendante et surtout de son passé perturbé (sa violente agression contre une de ses camarades de collège), Michael Pearce compte sur le jeu dépouillé de l'étonnante Jessie Buckley pour exacerber sa fébrilité ambivalente.


D'une beauté naturelle singulière auprès de sa rousseur et de son regard indicible, elle parvient à enrichir l'intrigue de par son indépendance pugnace à tenter de démêler le vrai du faux au moment d'y supporter les sermons de son entourage. Car outre l'expectative d'identifier le vrai coupable (et ce jusqu'aux toutes dernières minutes riches en rebondissements successifs), le réalisateur radiographie son portrait fragile sous couvert de l'intolérance d'une population réactionnaire adepte des préjugés. Superbement photographié autour des paysages ouatés d'une nature aphone, Jersey Affair distille une vénéneuse atmosphère d'inquiétude et d'amertume autour des échanges sentimentaux des amants en perdition. On peut également compter sur le jeu inévitablement équivoque de Johnny Flynn se fondant dans le corps d'un marginal braconnier à la fois discret, laconique et empathique, mais aussi instable, voir même violent. Tant auprès de l'entourage local lorsqu'il s'y montre un peu trop menaçant que de sa compagne éperdue se rattachant pour autant sur la valeur de la confiance afin de se préserver contre les esprits contradictoires.


Atmosphérique, envoûtant, cruel et désespérément noir, Jersey Affair nous évoque avec une intensité toujours plus dramatique la sombre romance de deux marginaux exclus de la société et du cocon familial. Un couple introverti qui plus est discrédité par toute une population, et donc communément contraint de se battre contre leur propre morale afin de ne pas céder au Mal. Ou plutôt afin de ne pas réveiller la bête qui est en soi ! Les démons du passé étant difficilement gérables et oubliables faute de pulsions fielleuses incontrôlées. Une oeuvre forte et douloureuse, remarquable de dimension psychologique scabreuse, car éludé de tout manichéisme!

* Bruno

La critique de Frederic Serbource.
Les derniers instants de "Jersey Affair" nous renvoient encore bien plus explicitement à son ouverture et à son monologue de départ sur la fascination pour les orques de son héroïne. En effet, ce premier film de Michael Pearce s'ouvre sur le jour de l'anniversaire de Moll sur l'île de Jersey. Juste avant de descendre rejoindre les convives, la jeune femme se scrute devant un miroir comme si elle recherchait un défaut susceptible de la trahir. Et il est bel et bien là, représenté par un poil qu'elle arrache, une dernière trace de son véritable "moi". Tout en rejoignant la fête en son honneur, Moll nous explique que les orques la passionnent depuis toute petite à cause de leurs sourires inscrits de façon permanente sur leurs visages mais aussi par leur volonté de l'effacer de la manière la plus brutale qu'il soit pour échapper à une captivité les conduisant à la folie.
Une fois parmis les invités et avec son entourage mis en relief, Moll nous apparaît effectivement comme ces orques qu'elle décrit : en captivité. Sous le joug d'une mère psychorigide et d'une soeur qui lui vole la vedette le propre jour de son anniversaire, prisonnière d'un père souffrant de démence et d'une nièce sur lequels on l'oblige à veiller en permanence, bridée par un job de guide qui la condamne à parler inlassablement d'un environnement qu'elle ne supporte plus et, enfin, subissant les avances d'un ami d'enfance policier pour qui elle n'a aucun sentiment, Moll est tout simplement au bord de la rupture. Elle décide alors d'effacer son sourire de façade et fuit soudainement de chez elle, de ce monde qui cherche à annihiler ses aspirations profondes...
Après une nuit libératrice dans une boîte de nuit, cette Alice des temps modernes fait la rencontre de Pascal, son Lapin Blanc, un artisan ironiquement adepte de la chasse aux lapins, celui-ci va la guider dans le Pays des Merveilles d'une liberté tant désirée et de l'amour, le grand, le vrai dans lequel Moll va enfin pouvoir s'épanouir pleinement... dans un premier temps du moins. Car, en parallèle, une affaire de meurtres de fillettes secoue Jersey et, dans la paranoïa ambiante insulaire, les soupçons se portent peu à peu sur Pascal...

Bien plus encore que le clin d'oeil évident à l'oeuvre de Lewis Caroll et comme son titre original "Beast" l'indique (également une référence à la célèbre affaire de "la Bête de Jersey"), "Jersey Affair" est avant tout une relecture moderne du conte de fée "La Belle et la Bête". Mais une relecture qui en reprend certains fondamentaux pour s'amuser à les tordre et les explorer dans leurs méandres psychologiques les plus noirs et inattendus à l'aune d'un contexte contemporain. Le côté thriller de "Jersey Affair" ne sera finalement en aucun cas le sujet principal, il s'agira plutôt d'une toile de fond ayant une importance capitale pour créer les enjeux bouleversant la relation Moll/Pascal, le véritable coeur du film.

En premier lieu, il y a évidemment cette Belle (la révélation Jessie Buckley, fantastique) qui nous est d'abord présentée aussi innocente que la figure du conte. Son besoin d'émancipation apparaît on ne peut plus logique au vu de l'étouffement permanent exercé par ses proches sur elle, la rencontre avec Pascal (Johnny Flynn, charismatique au possible) est donc cette éclaircie qu'elle attendait depuis si longtemps dans son existence. Même si l'ombre des meurtres reste pesante, l'amour naissant entre Moll et Pascal illumine la première partie du film (magnifiée par la caméra de Michael Pearce et la photographie de Benjamin Kracun), la jeune fille revit enfin au contact de ce que son entourage considère comme la fameuse Bête car non-conforme à leurs idéaux sociaux. L'intrusion de Pascal dans le quotidien de Moll se teint même de légèreté lorsque l'homme remet de façon rustre les membres de sa famille choqués par ses manières.À ses côtés, Moll s'affirme de plus en plus mais ne s'épanouit par pour autant totalement car, toute Belle qu'elle est, elle n'en est pas moins elle-même habitée par une noirceur de Bête, venue de son passé et qui ressurgit le temps de quelques rêves...

Lorque les accusations contre Pascal prennent des proportions de plus en plus importantes dans un deuxième temps, l'émancipation de la jeune fille rime désormais avec la lutte du couple contre la vindicte populaire (les habitants de l'île prenant les traits des villageois du conte prêts à condamner tout ce qui leur apparaît différent). La tempête dans laquelle se trouve prise Moll la fait plonger dans une quête de ses blessures les plus profondes pour comprendre sa véritable nature, son isolement à la fois voulu et contraint en devient ainsi jusqu'au-boutiste face la colère globale (à l'image, elle en viendra à se fondre à la nature elle-même pour se retrouver). L'acceptation de son passé par la jeune femme et leurs conséquences en viendront incidemment à nous faire remettre en perspective le comportement de ses proches depuis les premiers instants : au fond, n'étaient-ils pas le couvercle qui empêchait la cocotte-minute Moll d'imploser face à une introspection qu'elle ne pourrait supporter ou, même pire, dans le cas contraire ?

Lorsque l'émotion de la masse de la population insulaire retombera quelque peu, le fameux poil évoqué au début aura repoussé comme un symbole et, dans une dernière partie certes plus faible dans son déroulement (les rebondissements annexes sont toujours prévisibles) mais passionnante au regard de l'ampleur qu'elle fait prendre à la relation du couple, Moll devra faire un choix crucial.
La question sera de savoir si, en dehors d'un dépassement mutuel, une ombre peut en accepter une autre bien plus grande ou si elle doit nécessairemment s'en détacher pour ne pas s'y perdre ? Jusqu'à sa conclusion, "Jersey affair" fera douter le spectateur, pris sous le poids anxiogène de la décision de Moll à venir...

Michael Pearce revisite donc de manière quasi-psychanalytique "La Belle et la Bête" à travers la relation d'un couple mis au ban de la société pour sa différence. En détournant les ressorts du matériau de base pour en faire un duel littéral de noirceurs dans un cadre contemporain policier un poil prévisible (seule petite ombre au tableau sans mauvais jeu de mots), il livre un premier film réussi et simplement passionnant à suivre au vu du chemin parcouru par la mèche allumée du bâton de dynamite issue de la rencontre de ce couple fascinant.

vendredi 17 août 2018

Mutant / Forbidden World. Grand Prix du Public, Prix des Effets-Spéciaux au Rex de Paris.

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site lesineditsvhs.blogspot.com

d'Allan Holzman. 1982. U.S.A. 1h17 (1h22, Director's Cut). Avec Jesse Vint, Dawn Dunlap, June Chadwick, Linden Chiles, Fox Harris. Produit par Roger Corman.

Sortie salles France: 15 Décembre 1983

FILMOGRAPHIEAllan Holzman est un réalisateur, monteur, producteur, scénariste américain né en 1946 à Baltimore, Maryland, U.S.A. 1982: Mutant. 1985: Out of Control. Grunt ! The Wrestling Movie. 1987: Programmed to kill. 1991: Intimate Stranger (télé-film). 1996: Survivors of the Holocaust (télé-film). 1998: Old Man River. 2002: Sounds of Memphis (télé-film). 2003: JonBenet Messages from the Grave. 2004: Invisible Art/Visible Artists. 2007: Gullah. 2009: C-C-Cut. 2009: My Marilyn. 2010:  Invisible Art/Visible Artists. 2011: Sheldon Leonard's Wonderful Life.

 
"Gore cosmique et tumeur salvatrice : l’amour fou de la série B".
1980/1981. Contamination et Inseminoid se disputent l’écran dans une course effrénée à l’imitation, pour détrôner le monstre sacré de Ridley Scott : Alien. En 1981, Roger Corman, déjà aux commandes de la très sympathique Galaxie de la terreur, revient à la science-fiction horrifique en dénichant un jeune réalisateur encore inconnu : Allan Holzman. Présenté au Festival du Film Fantastique de Paris, Mutant décroche le Grand Prix du Public ainsi que celui des Meilleurs Effets Spéciaux. Et, malgré son budget famélique et son casting de seconde zone, ce petit outsider gagne rapidement le cœur du public jusqu’à être sacré meilleur ersatz d’Alien.

Le pitch : Dans une galaxie lointaine, très lointaine… À bord d’un vaisseau spatial, une équipe de scientifiques tente de neutraliser un métamorphe carnivore, fruit de leurs expériences douteuses, destiné à éradiquer la famine sur Terre. Mais en changeant d’apparence au fil de son évolution, le spécimen Subject 20 devient incontrôlable. Les cadavres s’empilent, les couloirs se teintent de rouge.

 
Revoir Mutant aujourd’hui, dans une version HD immaculée, relève de l’aubaine inespérée tant cette production bricole, empile et transcende les situations cauchemardesques avec une énergie formelle ensorcelante. Comment réussir, avec trois francs six sous, un scénario éculé porté par des acteurs cabotins au charme presque involontaire ? En convoquant un melting-pot de références aux grands succès horrifiques des années 70/80, Mutant tire son épingle du jeu. Il impose un cache-cache insolent entre une poignée de scientifiques (au rabais) et un monstre hybride tapi dans les entrailles de leur cocon stellaire.

Avec des moyens dérisoires, Allan Holzman accomplit le petit miracle de tout magnifier : la photo flamboyante semble jaillie d’une BD psychotronique, les décors futuristes suintent l’imagination à bout touchant, les synthés entêtants signent des envolées quasi-érotiques, et les effets gore, soignés jusqu’à la moelle, n’ont rien à envier aux artisans transalpins. L’ambiance glauque s’épaissit au rythme des exactions d’un métamorphe affamé de chair humaine. Le résultat : un survival trépidant et faussement naïf, porté par une sobriété délicieusement cocasse.


Le scénario, certes basique, n’invente rien. Mais la mise en scène, à la fois maladroite et inspirée, scande chaque danger avec une jubilation macabre. Mention spéciale à cette idée démente : éliminer la créature avec… des cellules cancéreuses ! Il fallait oser. Le rythme, vigoureux, balance entre action, érotisme léché et horreur cradingue, porté par des protagonistes aussi attachants qu’ineptes. Et pour couronner le tout, un final hallucinatoire digne d’anthologie : spoiler alert — le savant azimuté (mon chouchou, tant sa verve et sa gestuelle flirtent avec le grotesque sublime) demande qu’on lui éventre l’estomac pour extraire sa tumeur et la jeter dans la gueule du monstre. Une séquence ubuesque, à la fois ignoble et hilarante, gore et tragique, grotesque et sacrée. Fin du spoil.

 
"Jeter sa tumeur à la gueule du monstre – ode à la série B".
Condensé d’influences SF, pillant joyeusement Alien comme Star Wars (dont le prologue est un clin d’œil malicieux), Mutant incarne l’archétype idéal de la série B du samedi soir. Avec ses comédiennes dénudées (anciennes gloires de Penthouse), son gore cracra, son casting aussi improbable qu’attachant et ses péripéties barrées, le film séduit par une beauté plastique un brin baroque. Holzman, avec passion et malice, transforme son bric-à-brac cosmique en fresque interstellaire bricolée avec amour. Pétri d’affection pour le genre, Mutant est un amour de série B comme on n’en fait plus à l’ère du tout-numérique. Et bon sang, que ce genre de pépite nous manque…
 
* Bruno
21.08.23. 5èx. Vostfr. 473
17.08.18. 
27.01.12. (387)

La Chronique de la Galaxie de la Terreurhttp://brunomatei.blogspot.fr/…/la-galaxie-de-la-terreur.ht…
La Chronique des Monstres de la Merhttp://brunomatei.blogspot.fr/…/06/les-monstres-de-la-mer.h…

RécompensesGrand Prix du PublicPrix des Effets-Spéciaux au festival du film fantastique au Rex à Paris en 1982.

jeudi 16 août 2018

PIRANHAS 2, LES TUEURS VOLANTS

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdtoile.com

"Piranha Part Two: The Spawning" de James Cameron et Ovidio G. Assonitis (non crédité). 1981. U.S.A/Hollande/Italie. 1h35. Avec Tricia O'Neil, Steve Marachuk, Lance Henriksen, Ricky Paull Goldin

Sortie salles France: 5 Janvier 1983 (Int - 13 ans). U.S: 5 Novembre 1982. Italie: Décembre 1981.

FILMOGRAPHIE: Ovidio Gabriel Assonitis est un homme d'affaires, scénariste, réalisateur et producteur indépendant, né le 18 janvier 1943. 1974 : Beyond the Door (co-réalisé avec Robert Barrett, scénariste). 1977 : Tentacules. 1979 : The Visitor. 1981 : Desperate Moves. 1981 : Piranha 2 : Les Tueurs volants (co-réalisé avec James Cameron, co-scénariste).
James Francis Cameron est un réalisateur, scénariste et producteur canadien, né le 16 Août 1954 à Kapuskasing (Ontario, Canada). 1978: Kenogenis (court-métrage). 1981: Piranhas 2, les Tueurs Volants. 1984: Terminator. 1986: Aliens, le Retour. 1989: Abyss. 1991: Terminator 2. 1994: True Lies. 1997: Titanic. 2003: Les Fantomes du Titanic. 2005: Aliens of the Deep. 2009: Avatar.


Si on excepte 2/3 séquences gores timidement sympas (avec une touche latine pour les gros plans sur les chairs déchiquetées), ses FX plutôt convaincants et un cadre édénique radieux (une station balnéaire jamaïcaine), il n'y a rien à sauver de ce naufrage aquatique d'une platitude exaspérante. Un navet démanché auquel James Cameron et Ovidio G. Assonitis s'y sont disputés la réalisation avec une inspiration en berne. Quand au scénario étique et son concept saugrenu, on ne peut que se lamenter de ses fariboles un brin décomplexées (seconds-rôles ballots en sus pour tenter d'amuser la galerie). En revanche, sa splendide affiche continue de nous faire fantasmer !

* Bruno
3èx

mercredi 15 août 2018

THE KEEPING HOURS

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Karen Moncrieff. 2018. U.S.A. 1h35. Avec Lee Pace, Carrie Coon, Sander Thomas, Ray Baker, Amy Smart, Julian Latourelle, Ana Ortiz co.

Sortie salles U.S: 24 Juillet 2018 (vod)

FILMOGRAPHIE: Karen Moncrieff est une réalisatrice, scénariste, productrice et actrice américaine, né le 20 Décembre 1963 à Sacramento, Californie. 2018: Escaping the Madhouse: The Nellie Bly Story (téléfilm).  2018: The Girl in the Bathtub (téléfilm).  2018: 13 Reasons Why (TV Series) (2 episodes).  2018: The Quad (série TV: 1 episode). 2017: The Keeping Hours. 2014: Les enfants du péché: Nouveau départ (Téléfilm). 2013 The Trials of Cate McCall.  2006: The Dead Girl. 2004 Touching Evil (série TV). 2003: Six feet under (série TV: 1 episode). 2002: Blue Car.


Synopsis: Après avoir divorcé, un couple tente de se reconstruire grâce au témoignage du fantôme de leur jeune fils disparu tragiquement 7 ans plus tôt dans un accident de voiture. 

Si un second visionnage s'avère tout à fait dispensable et que l'émotion s'y perd en cours de route, faute d'une intrigue sans véritable surprise (notamment au niveau de son final dramatique d'une intensité atone), The Keeping Hours est un honnête DTV jouant la carte de l'intimisme mystique  avec sobriété et sensibilité. On apprécie donc à travers ce parti-pris infiniment prude (absence de tension éprouvante et d'esbroufe horrifique au profit du drame psychologique) le jeu dépouillé du couple Lee Pace / Carrie Coon assez convaincant dans leur désagrément moral en quête de rédemption. Enfin, les fervents catholiques devraient beaucoup apprécier son message spirituel résolument optimiste, pour ne pas dire lénifiant.

* Bruno

mardi 14 août 2018

UPGRADE

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Leigh Whannell. 2018. U.S.A. 1h40. Avec Logan Marshall-Green, Betty Gabriel, Harrison Gilbertson, Richard Anastasios, Rosco Campbell, Richard Cawthorne.

Sortie salles France: Inconnue. Australie: 14 Juin 2018. U.S: 1er Juin 2018

FILMOGRAPHIE: Leigh Whannell est un réalisateur, scénariste et producteur australien né le 17 Janvier 1977 à Melbourne, Victoria. 2015: Insidious 3. 2018: Upgrade.


La nouvelle chair ! 
Si Leigh Whannell se fit connaître avec son premier essai, l'inoffensif Insidious 3 (ça n'engage que moi), il vient sacrément de redresser la barre en terme d'originalité, voir même de novation avec Upgrade. Tant et si bien qu'il vient d'inventer le "cyber vigilante-movie" avec autant de dérision caustique que de réalisme hardcore (les quelques séquences gores qui parsèment la vendetta s'avèrent incroyablement percutantes par le biais d'FX optimaux). Car à travers le schéma canonique d'une banale histoire de vengeance (à la suite d'une agression l'ayant rendu tétraplégique et après avoir assisté à l'assassinat de sa femme, Grey décide de se venger avec l'aide d'un savant lui ayant transplanté une puce informatique douée d'intelligence et de fonction motrice dans sa colonne vertébrale), Leigh Whannell ne cesse de renouveler l'action avec une inventivité jouissive.  Notamment au niveau de la surveillance aérienne des drones que les méchants contournent à l'aide de pare-feux, de deux poursuites - lisibles- en voiture et des gadgets électroniques de certains antagonistes transformés en arme humaine ! Alternant l'intensité dramatique d'une 1ère partie d'un réalisme poignant et la fulgurance d'images surréalistes d'une avancée technologique, Upgrade  crédibilise son univers dystopique pas si éloigné de Blade Runner (certains panoramas urbains nous le rappellent, et ce même si les moyens sont ici largement plus discrets et limités).


Ainsi, le cheminement criminel du justicier s'avère non seulement constamment captivant (il est habité d'une voix informatique lui dictant ses faits et gestes et aiguillant son corps doué de vélocité tout en l'incitant à mieux anticiper ses prochaines actions) mais il s'enrichit en prime d'une enquête policière afin de retrouver le véritable responsable d'un mystérieux contrat. Upgrade abordant les thématiques si inquiétantes de l'intelligence informatique, des univers virtuels (se confiner dans la fantaisie parce que la vie réelle, déshumanisée, est devenue un fardeau) et surtout de la fusion entre l'homme et la machine (façon Robocop, voir plus précisément Tetsuo) sous couvert de divertissement alarmiste. A l'instar de son étonnant épilogue d'une audace nihiliste qui risquera sans doute de déplaire à une frange de spectateurs trop habitués à la convenance du happy-end. Au niveau du casting, outre la photogénie d'un méchant chafouin assez détestable (Benedict Hardie) et la trouble présence du chercheur équivoque (Harrison Gilbertson provoque une inquiétude sous-jacente dans sa posture timorée), on retrouve avec bonheur l'excellent Logan Marshall-Green (sosie de Tom Hardy auquel il serait bien capable de lui voler la vedette un jour futur !) dans celui d'une victime vindicative se fondant dans le corps d'un humanoïde avec une gestuelle habilement irrégulière. Et si ses premières confrontations musclées semblent effleurer sur le moment le ridicule, le caractère jouissif de ces techniques de combat et surtout son profil de "cyber humain" expérimental parviennent au final à nous convaincre grâce à l'ingénieux alibi d'une intelligence informatique en voie d'indépendance.


"Quand l'homme devient machine, et vice-versa."
Mené sans temps mort au fil d'une investigation crépusculaire semée d'éclairs de violence tranchés, Upgrade détonne diablement dans sa combinaison d'action gore et d'enquête policière nous alarmant en background sur les dangers d'une cyber-intelligence (et des loisirs virtuels) en ascension d'asservissement. Un thriller d'anticipation rondement mené donc si bien que Leigh Whannell s'avère particulièrement inspiré dans sa fonction de visionnaire défaitiste et que Logan Marshall-Green porte le métrage sur ses épaules, entre pugnacité orgueilleuse et humanisme torturé en perdition morale. 

* Bruno

lundi 13 août 2018

UNE SI GENTILLE PETITE FILLE

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site gigglepedia.com

"Cauchemares/Cathy's Curse" de Eddy Matalon. 1977. France/Canada. 1h31. Avec Alan Scarfe, Randi Allen, Dorothy Davis, Beverly Murray, Sylvie Lenoir, Roy Witham.

Sortie salles France: 3 Août 1977. Canada: 30 Juillet 1977

FILMOGRAPHIEEddy Matalon est un producteur, réalisateur et scénariste français, né le 11 septembre 1934 à Marseille. 1954 : À propos d'une star. 1966 : Le Chien fou. 1968 : Quand la liberté venait du ciel. 1968 : Spécial Bardot. 1970 : L'Île aux coquelicots coréalisé avec Salvatore Adamo. 1970 : Trop petit mon ami. 1975 : La Bête à Plaisir sous le pseudonyme de Jack Angel. 1977 : Une si gentille petite fille. 1978 : Teenage Teasers. 1978 : Black-Out à New York. 1979 : Brigade mondaine: La secte de Marrakech. 1980 : T'inquiète pas, ça se soigne. 1983 : Prends ton passe-montagne, on va à la plage. 1993 : Deux doigts de meurtre. 1994 : De Serge Gainsbourg à Gainsbarre de 1958 - 1991.


Production franco-canadienne réalisée par un cinéaste de seconde zone originaire de Marseille (on lui doit d'ailleurs le sympathique et oublié New-York Blackout et quelques comédies franchouillardes au rabais), Une si gentille petite fille se fit connaître auprès des vidéophiles lors de son exploitation Vhs à l'orée des années 80. Editée par IRIS télévision, sa jaquette locative à l'illustration maléfique accrocheuse m'avait d'ailleurs beaucoup fasciné durant mes premiers pas au vidéo du coin. Série B au budget limité surfant sur les succès de l'Exorciste et la Malédiction, l'intrigue relate la possession démoniaque d'une fillette après qu'elle eut découvert une poupée au fond d'un grenier. Venant d'emménager avec ses parents dans une vétuste demeure au passé tragique (le beau-père de sa mère et la fille de celui-ci périrent dans un incendie à la suite d'un accident de voiture), Cathy possède la faculté de déclencher des forces surnaturelles en intentant à la tranquillité de sa mère dépressive, d'un vieillard geôlier et d'une medium. Les forces démoniaques s'enchaînant autour d'eux dans une série d'humiliations, d'hallucinations et d'incidents criminels. 


En dépit d'un pitch minimaliste sans surprise exploitant à tout va nombre de péripéties grand-guignolesques, et du manque de cohérence de certains personnages (particulièrement la mère borderline parfois difficilement convaincante lorsqu'elle assiste aux pouvoirs occultes de sa fille), Une si gentille petite fille dégage pour autant un charme horrifique assez glauque (à l'instar de cette fameuse situation d'ébriété que le vieillard encaisse dans une série d'épreuves hallucinatoires). Son climat inquiétant et sa partition musicale aussi lugubre qu'atmosphérique appuyant l'aspect délétère de ce cas d'enfant diabolique que la petite Randi Allen retransmet avec un charisme assez magnétique. On peut d'ailleurs s'amuser de son insolence effrontée et de ses réparties grossières lorsqu'elle se met à insulter son entourage dans un esprit de provocation goguenard. Eddy Matalon se chargeant de cumuler ses exactions à rythme assez métronomique pour rendre le récit constamment divertissant, à défaut d'originalité narrative et de brio technique.


Prioritairement réservé à la génération 80 ayant été bercée par sa location Vhs, Une si gentille petite fille demeure un sympathique plaisir coupable, aussi mineur et facile soit son parti-pris racoleur. Outre quelques séquences saugrenues gentiment réussies (alors que d'autres effleurent parfois le ridicule sous l'impulsion d'une bande-son outrancière), on retient surtout le visage angélique de Randi Allen (assez dérangeante dans sa trouble innocence bafouée) et son ambiance horrifique malsaine symptomatique des années 70. Ses défauts précités lui ajoutant d'ailleurs un charme naïf assez attachant. 

Bruno
13.08.18. 3èx
25.11.16. 208 vues

vendredi 10 août 2018

Meurtres à la Saint-Valentin / My Bloody Valentine. Uncut Version.

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site cultreviews.com

de George Mihalka. 1981. Canada. 1h33 (Uncut). Avec Paul Kelman, Lori Hallier, Neil Affleck, Keith Knight, Alf Humphreys, Cynthia Dale, Helene Udy, Rob Stein, Thomas Kovacs, Terry Waterland, Carl Marotte...

Sorti en France le 10 Mars 1982. U.S.A: 11 Février 1981.

FILMOGRAPHIE: George Mihalka (1953 en Hongrie - ) est un réalisateur et producteur québécois.    
1980 : Pick-up Summer, 1981 : Meurtres à la St-Valentin (My Bloody Valentine) 1982 : Scandale, 1983 : Le Voyageur (The Hitchhiker) (série TV) 1985 : The Blue Man (TV) 1986 : Adventures of William Tell (TV)1988 : Hostile Takeover, 1987: Midnight Magic, 1988 : Le Chemin de Damas, 1988 : Crossbow (série TV) 1989 : Straight Line, 1990 : Wish You Were Here (série TV) 1991 : The Final Heist (TV) 1992 : Scoop (série TV) 1992 : Psychic, 1993 : La Florida, 1994 : Relative Fear, 1995 : Bullet to Beijing, 1995 : Deceptions II: Edge of Deception, 1996 : Windsor Protocol (TV) 1996 : L'Homme idéal, 1998 : Thunder Point (TV) 1999 : Omertà - Le dernier des hommes d'honneur (série TV) 2000 : Haute surveillance (série TV) 2000 : Dr Lucille - La remarquable histoire de Lucille Teasdale (Dr. Lucille) (TV) 2001 : Watchtower, 2001 : "Undressed" (1999) TV Series, 2002 : Galidor: Defenders of the Outer Dimension (série TV) 2005 : Charlie Jade (série TV) 2005 : Les Boys IV.
                                         

Sorti en pleine vogue du psycho-killer natif d'Halloween et de Vendredi 13Meurtres à la St-Valentin s'attelle à l'académisme pour emprunter le schéma du film de Sean S. Cunningham. Là encore, le succès en salles est au rendez-vous à la surprise générale des créateurs alors que Meurtres à la St-Valentin sort en version hélas tronquée de ses effets sanglants partout dans le monde. Pour autant, sa réputation d'honnête divertissement horrifique va gentiment accroître au fil des ans. Or, tant en France qu'Outre-Atlantique, ce fort sympathique whodunit n'eut jamais l'honneur de voir le jour dans sa version rigoureusement intégrale. Chose réparée aujourd'hui chez nos voisins ricains à l'occasion de ses sorties Dvd et Blu-ray certifiée Uncut. Et cela change la donne !

Le PitchLe jour de la St-Valentin, lors d'un bal local, cinq mineurs se retrouvent coincés dans leur carrière à la suite d'une violente explosion. Seul, un survivant, Harry Warden, est parvenu à s'extraire des décombres. Depuis, chaque année, il décide de se venger des jeunes étudiants qui auront l'audace de renouveler la fête des amoureux durant la sauterie promotionnelle. 


Lorsque l'on assiste pour la première fois à la version non censurée de Meurtres à la St-Valentin, on est heureux de constater avec une certaine stupeur la teneur malsaine de ces homicides graphiques ! Les nombreux meurtres qui émaillent l'intrigue s'avérant incisifs dans leur violence gore, non exempts d'inventivité dans l'art et la manière de décimer la prochaine victime. Pioche perforant un sein ou un gosier, femme empalée par la bouche d'un robinet, écorchement d'un coeur bien frais, pratique de cannibalisme, tranchage de bras en guise d'épilogue sardonique, tête vivante ébouillantée dans une marmite ou transpercée de clous, et enfin corps brûlé dans une lessiveuse. Ainsi, grâce à cette surenchère épique au stylisme morbide, Meurtres à la St-Valentin se pare d'une texture autrement plus insolente. Par cette occasion, on se rend compte que parfois un métrage bénéficie d'un ton racoleur pour rendre l'aventure plus sombre et délétère, de manière aussi à accentuer la crainte redoutée du tueur, faute de sa cruauté ostentatoire. En dehors de l'aspect fun des FX artisanaux, on retrouve les clichés habituels du psycho-killer routinier avec son meurtrier exterminant de manière méthodique une victime tous les quarts d'heure. Notamment la caricature impartie aux étudiants stéréotypés, du dragueur insolent au plaisantin farceur, de l'aguicheuse au rondouillard médiateur, du flic protecteur au fameux tenancier sollicité à mettre en garde tous ces garnements risquant un grave danger.

                                         

Pour autant, ces protagonistes s'avèrent moins superficiels que de coutume même si une sirupeuse amourette entre trois amants viennent légèrement ternir l'esprit mature de leur posture héroïque (notamment si je me réfère à sa formidable dernière partie claustro de plus de 30 mns). Ainsi, durant les 2/3 du récit, le cheminement balisé ne fera donc que dépeindre les réunions amicales et étreintes amoureuses de nos jeunes étudiants pendant qu'un tueur les décimera un à un lors d'exactions grands-guignolesques. Quand bien même ses 38 dernières minutes, plus vigoureuses à travers son suspense haletant et son atmosphère nocturne agréablement insécure, confinera l'essentiel de l'action dans l'environnement opaque d'une ancienne mine. Une dernière partie atmosphérique car utilisant judicieusement ses corridors lugubres à l'ambiance inquiétante tout en distillant un suspense latent aussi immersif que captivant. L'aspect patibulaire du meurtrier n'est pas non plus à négliger si bien qu'il ajoute un charme singulier à son accoutrement vestimentaire (alors qu'il aurait pu sombrer dans le ridicule). Affublé d'une combinaison de mineur, d'un casque de lampiste sur la tête et d'un masque à gaz constamment imposé sur son visage, sa présence obscure nous inspire fascination, appréhension et révolte, notamment de par sa détermination si fourbe à décimer un à un tous les étudiants en liesse sans faire preuve de concession.


Réalisé sans génie particulier mais honnêtement troussé et plein de charme car sincère, 1er degré et efficace si bien que l'action rebondit agréablement lors de sa dernière partie confinée dans un huis-clos caverneux, Meurtres à la St-Valentin mérite l'attention des fans, aussi mineur soit-il (jeu de mot à l'appui). Quand bien même ses effets-gores audacieux au sein de sa version Uncut vont permettre d'y insuffler une aura malsaine étonnamment couillue en guise de cerise sur le gâteau sanguin. Enfin, le concept inédit d'ironiser sur la fête sirupeuse des amoureux est savoureusement détourné au profit d'un humour noir caustique (rictus outrancier à l'appui en guise de clin d'oeil morbide faisant écho avant le lever de rideau). 

*Bruno
19.04.24. 4èx
10/08/18
19.03.11 (382 vues)

jeudi 9 août 2018

Le Justicier de Minuit / Ten to Midnight

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com
 
de Jack Lee Thomson. 1982. U.S.A. 1h41. Avec Charles Bronson, Lisa Eilbacher, Andrew Stevens, Gene Davis, Geoffrey Lewis, Wilford Brimley, Robert F. Lyons, Bert Williams, Iva Lane, Ola Ray, Kelly Preston.
 
Sortie salles France: 13 Juillet 1983 (Int - 18 ans). U.S: 11 Mars 1983

BIO: Jack Lee Thomson, de son vrai nom John Lee Thompson, est un réalisateur, scénariste et producteur britannique né le 1er août 1914 à Bristol (Royaume-Uni), décédé le 30 août 2002 à Sooke (Canada). Avec 47 longs-métrages, le cinéaste aborda tous les genres avec plus ou moins de bonheur dont certains sont qualifiés de chefs-d'oeuvre. Pour ses titres les plus notoires, on peut citer Les Canons de Navarone, Les Nerfs à vif, la Conquête de la planète des singes, la Bataille de la Planète des singes, le Bison Blanc, l'Empire du Grec, Monsieur St-Yves, Passeur d'hommes et Happy Birthday (son unique incursion dans le slasher). Il signera en outre une illustre série de films d'action particulièrement violents, le "vigilante movie" parmi son acteur fétiche Charles Bronson (Le Justicier de Minuit, l'Enfer de la Violence, la Loi de Murphy, le Justicier braque les dealers, le Messager de la mort et Kinjite, sujets tabous).

 
"Justice à nu".
Un an après le second volet d’Un Justicier dans la ville, et en attendant son troisième opus cartoonesque toujours signé Michael Winner, Charles Bronson renfile le costume du vindicateur meurtrier dans Le Justicier de Minuit. Interdit aux moins de 18 ans à l’époque, cette solide série B fit son petit effet auprès d’un public friand de thrillers horrifiques, si bien que Jack Lee Thompson (Les Canons de Navarone, Les Nerfs à Vif) orchestre avec efficacité un savant dosage de suspense policier et d’angoisse sourde, jusqu’à un dénouement d’une rare brutalité.

Un psychopathe sème la terreur dans une contrée ricaine en assassinant de jeunes innocentes à l’arme blanche… dans son plus simple appareil. L’inspecteur Leo Kessler s’efforce de le coffrer, quels que soient les moyens. 

Après les éclairs de violence expéditive des Death Wish, Bronson perpétue la tradition d’une justice personnelle, incarnant cette fois un flic véreux prêt à tout pour envoyer dans la chambre à gaz un maniaque impuni.

Ça commence fort, avec un préambule poisseux clairement influencé par le psycho-killer : notre tueur, entièrement nu, épie par la vitre d’un camping-car un couple en plein coït avant de les trucider de sang-froid. Les meurtres, bien que hors champ, n’en restent pas moins saisissants de violence crue : poignardés, éventrés - la nudité du tueur accentue son caractère nauséeux, trouble, dérangeant.

Inspiré et habile, Jack Lee Thompson maîtrise son intrigue, nourrie par des personnages attachants et spontanés (le duo Laurie Kessler / Paul McAnn apporte une touche de fraîcheur sentimentale). L’enquête, captivante, est régentée par un Bronson implacable et son jeune collègue, Paul McCann, face à un tueur affublé d’un alibi en béton : lors de ses meurtres, Warren Stacey s’était réfugié dans une salle de cinéma, avec témoins à l’appui avant, pendant et après la projection… 

A travers une fraude couillue, Thompson interroge la légitimité d’une justice illégale, incarnée par un inspecteur notable prêt à tout pour neutraliser un monstre. Persécutions, pressions morales, preuves trafiquées… Le jeu du chat et de la souris peut commencer -  mesquin, cruel, avec la vengeance en point de convergence. Jusqu’à ce que le psychopathe récidive, une ultime fois.
Le massacre final : une séquence d’une intensité rare, horrifique, terrifiante, rehaussée par le réalisme sordide, les cadrages tranchants, la nervosité du montage. Et pour clore le tout sur un goût amer (le score tragique du générique pèse de tout son poids sur l’erreur morale de Kessler, aveuglé par la haine), le réalisateur enfonce le clou avec un épilogue radical.

Au-delà de l’affrontement tendu - parfois railleur - entre Kessler et le tueur, et de la dramaturgie implacable, notamment dans ses première et dernière parties aux relents tranchants de réalisme, Le Justicier de Minuit se distingue aussi par sa bande-son électro/pop/disco typique des eighties.

Réalisé avec une redoutable efficacité - rythme haletant, concept incongru (un gynophobe nu comme un ver), ambiance poisseuse et réflexion trouble sur la folie criminelle et les droits juridiques du coupable - Le Justicier de Minuit explore la figure du psycho-killer avec une brutalité frontale et une résonance réactionnaire : ce flic qui perd pied dans un dernier geste de bravade. Le charisme magnétique de Bronson se heurte à la présence ombrageuse de Gene Davis (frère de Brad Davis !), inoubliable psychopathe monolithique, silhouette sculptée dans l’acier, perversité glaciale en bandoulière.

Une morale douteuse, militante, prônant à demi-mot l’auto-défense... De quoi faire jaser — ou fantasmer - une frange du public déjà bien secouée par cet inhabituel cocktail de vigilante movie et de psycho-killer bien gras. Et pour les enfants des années 80, sachez-le : ce spectacle tendu comme un nerf n’a pas pris une ride, surtout du côté de son atmosphère viciée flirtant dangereusement avec le malsain.

P.S. : À noter la courte apparition de la chanteuse Jeane Manson dans le rôle d’une prostituée (poitrine dénudée à l’appui, s’il vous plaît !).

Box office France: 578 000 entrées

* Bruno
09.08.18. 5èx
20.03.12 (305 vues)