vendredi 11 mai 2012

SANS RETOUR (Southern Comfort)

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site tvclassik.com

de Walter Hill. 1981. U.S.A. 1h44. Avec Keith Carradine, Powers Boothe, Fred Ward, Franklyn Sweales, T. K. Carter, Peter Coyote, Brion James.
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Sortie salles France: 9 Mars 1983. U.S: 25 Septembre 1981
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FILMOGRAPHIE: Walter Hill est un producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 10 janvier 1942 à Long Beach, en Californie (États-Unis). 1975 : Le Bagarreur (Hard Times),1978 : Driver,1979 : Les Guerriers de la nuit, 1980 : Le Gang des frères James,1981 : Sans retour, 1982 : 48 heures, 1984 : Les Rues de feu,1985 : Comment claquer un million de dollars par jour,1986 : Crossroads, 1987 : Extrême préjudice, 1988 : Double Détente, 1989 : Les Contes de la crypte (1 épisode),1989 : Johnny belle gueule,1990 : 48 heures de plus,1992 : Les Pilleurs,1993 : Geronimo,1995 : Wild Bill, 1996 : Dernier Recours,1997 : Perversions of science (série TV),2000 : Supernova, 2002 : Un seul deviendra invincible, 2002 : The Prophecy, 2004 : Deadwood (série TV)
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Dans la lignée de Délivrance, Walter Hill signe en 1981 un survival racé et sauvage, radiographie nerveuse de l’ambition compétitive bien avant toute analogie guerrière avec le Vietnam. 

Le pitch : neuf militaires partis en manœuvre dans les marais de Louisiane sont traqués par des rednecks revanchards après qu’un des leurs a joué les bravaches. Dans ce labyrinthe aquatique hostile, une chasse à l’homme s’enclenche — inéquitable — contre des soldats aux armes chargées à blanc. 

Voyage au bout de l’enfer marécageux pour une poignée de troufions en exercice, violemment pris à partie par les autochtones d’une contrée qui suinte la défiance. Trois canoës volés, une provocation puérile, et la traque s’ouvre, inlassable, sinuant dans la vase, les ronces, et la paranoïa.
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Au cœur de ce théâtre d’eaux stagnantes, Walter Hill orchestre un cauchemar dérisoire, une débâcle où des militaires sans cap sombrent dès que leur leader tombe sous les balles. Il dresse alors le tableau d’une coalition belliqueuse, incapable, livrée à ses failles, multipliant les bourdes à un rythme infernal. Déchus de toute autorité structurante, ces soldats dérivent, mus par leur égo, leur orgueil — refusant de plier face à un ennemi qu’ils ne comprennent pas. Arrogants, perfides, aveugles au terrain qu’ils foulent, ils s’embourbent dans un dédale sanglant. Hill expose, avec une aisance glaçante, la faillite humaine face à l’épreuve : inexpérience, opportunisme, paranoïa… Et bientôt, le poison s’infiltre : dissensions, affrontements internes, éclatement du groupe. La peur s'inverse en violence. Et la menace, invisible, les démonte, pièce par pièce.
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Durant plus d’une heure quinze, le film laisse serpenter la terreur, tapie dans les ombres d’une forêt vaseuse. Aucune échappatoire pour ces anti-héros condamnés à errer dans leur propre charnier. Un à un, les membres de la garde nationale tombent, fauchés par les pièges et les tirs d’un chasseur vindicatif, bien décidé à effacer ces étrangers arrogants. Le climax, sauvage et abrupt, modèle de mise en scène et de tension viscérale, pousse jusqu’au bout son regard nihiliste : les agresseurs, déshumanisés, éliminent les derniers témoins. Et lors d’une kermesse hallucinée, les survivants, hallucinés eux aussi, cèdent à une violence nue, instinctive, à l’arme blanche, pour tenter de s’extraire du cauchemar.


Haletant, brutal, poisseux et captivant, Sans Retour s’impose comme un emblème du survival, porté par l’arrogance humaine gangrenée par l’orgueil. À travers les nappes visqueuses du bayou, cette chasse à l’homme hallucinée imprime dans la chair et l’esprit une épreuve de survie ravagée par la vengeance primale. Grand classique.

11.05.12.
Bruno Dussart

jeudi 10 mai 2012

La Maison des Damnés / The Legend of Hell House

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de John Hough. 1973. Angleterre. 1h34. Avec Clive Revill, Roddy McDowall, Pamela Franklin, Gayle Hunnicutt, Roland Culver, Peter Bowles.

Sortie salles France: 17 Avril 1974

FILMOGRAPHIE (Info Wikipedia): John Hough est un réalisateur anglais, né le 21 Novembre 1941 à Londres. 1969: Wolfshead : The Legend of Robin Hood. 1970: Eyewitness. 1971: Les Sévices de Dracula. 1972: l'île au Trésor. 1973: La Maison des Damnés. 1974: Larry le dingue, Mary la garce. 1975: La Montagne Ensorcelée. 1978: Les Visiteurs d'un Autre Monde. 1978: La Cible Etoilée. 1980: Les Yeux de la Forêt. 1981: Incubus. 1982: Le Triomphe d'un Homme nommé Cheval. 1986: Biggles. 1988: Hurlements 4. 1988: American Gothic. 1989: Le Cavalier Masqué (télé-film). 1990: A Ghost in Monte Carlo (Télé-film). 1992: Duel of Hearts (télé-film). 1998: Something to Believe In. 2002: Bad Karma.


L'histoire de ce film, tout en étant imaginaire, expose une suite d'évènements et de phénomènes psychiques qui sont, non seulement dans le domaine du possible, mais pourraient fort bien être vrais. 
Tom Corbett / Doué de clairvoyance et extralucide britannique renommé. 

Dans la mouvance de La Maison du Diable et bien avant la saga Amityville, John Hough se livra en 1973 au thème de la demeure hantée avec la Maison des Damnés. Et de livrer sa plus belle réussite d'une carrière aussi passionnante que fluctuante épaulée ici d'un solide scénario du célèbre écrivain Richard Matheson

Le PitchQuatre convives sont mis à l'épreuve pour participer à une expérience paranormale dans l'ancienne demeure du tyran Belasco. 5 jours durant, ils vont être les témoins d'évènements surnaturels et tenter de démanteler une potentielle supercherie avant de pouvoir potentiellement approuver une existence après la mort. 


D'après une nouvelle de Richard Matheson, La Maison des Damnés est une oeuvre particulièrement ambitieuse de par son affectation assidue à renouer avec les ambiances gothiques éludées d'effets-chocs outranciers ou plutôt gratuits. Car à l'instar du modèle du genre, La Maison du Diable, John Hough utilise à bon escient le décor anxiogène d'un vieux manoir où d'étranges phénomènes vont se produire parmi le témoignage d'experts en parapsychologie. D'un côté, nous avons deux éminents médiums, Miss Taner et Benjamin Fisher, persuadés que des forces surnaturelles sont à l'origine des incidents meurtriers causés depuis des lustres par la demeure Belasco. De l'autre, le Dr Barret, spécialiste en parapsychologie accompagné de sa femme. Un cartésien réfractaire à l'idée qu'une potentielle puissance maléfique hanterait la maison. Ensemble, ils vont tenter de découvrir la vérité par l'entremise de la science et de l'occulte pour exorciser finalement la maison avec un appareil technique révolutionnaire. En effet, le Dr Barret est convaincu que le corps humain émet une forme d'énergie invisible à l'oeil nu en produisant des phénomènes mécaniques, chimiques et physiques (tels bruits et déplacements d'objets que nos protagonistes furent témoins lors de la première partie aussi trouble qu'inquiétante). Cette énergie étant un champ de radiations électro-magnétiques, Barret conçoit qu'une vigueur destructrice résiduelle serait emmagasinée à travers les murs. La maison serait donc de son point de vue rationnel un accumulateur géant régit par une force aveugle et sans but. Ainsi, avec l'aide d'un appareil à radiations, le Dr souhaite renverser la polarité de l'atmosphère afin de la dissiper et ainsi l'exorciser.


Mais bien avant cette tentative d'exorcisme peu commune, le réalisateur John Hough nous aura donc façonné avec une efficience quelque peu déconcertante nombres d'évènements perturbants et violents intentés aux invités de la maison. Des objets se déplaçant dans les airs pour les agresser, les portes s'ouvrant violemment sans raison, un chat noir devenant inexplicablement agressif, les femmes dénudées étant sous emprise de la luxure. Ces successions de péripéties troubles et délétères, remarquablement structurées dans une mise en scène géométrique ne sombrent jamais dans le ridicule, une fois n'est pas coutume. Elles sont en outre renforcées de la sobre conviction des comédiens, d'une atmosphère d'angoisse particulièrement tangible et d'un score monocorde discrètement envoûtant. Esthétiquement raffinée par son pouvoir d'étrangeté magnétique, la demeure des damnés est agrémentée de pièces picturales. Chambres de velours d'un pourpre flamboyant, immense salle de séjour azurée émaillée d'un mobilier aristocratique, tout comme ces longs corridors aux teintes sépia. Mais la salle la plus hermétique émane du refuge mystique d'une chapelle opaque, sombre lieu de tragédie érigé en interne de l'établissement et réponse à la clef d'un terrible secret ! Parmi la prestance notoire des comédiens, la charmante Pamela Franklin endosse à mes yeux le jeu le plus prédominant et extravertie. Son charisme de médium imperturbable, sa détermination à persister à ses confrères que la maison s'avère possédée par l'esprit du rejeton de Belasco s'avérant aussi incisive que tranchante auprès de son jeu d'expression littéralement déterminée. Enfin, par leur présence mature raffinée, le génial cabotin Roddy McDowall, la délicieuse Gayle Hunnicutt et le robuste Clive Revill (aux faux airs de David Warner !) renforcent communément l'attrait crédible des situations surnaturelles avec une autorité somme toute conflictuelle.


D'un gothisme rutilant à damner un saint, La Maison des Damnés est sans conteste un chef-d'oeuvre de l'épouvante aussi trouble et angoissant que passionnant et terrifiant (les agressions contre le Dr Barret, l'attaque du chat noir, l'épilogue révélateur confiné dans la chapelle est anthologique !). Un habile concentré d'appréhension et de fascination auprès de son thème spirituel dont l'ambiance ombrageuse et l'évolution psychologique des personnages importent plus que la facilité du gore mainstream ici quasi absent. Sans plisser d'une ride, il peut sans rougir entrer dignement au privilège des classiques incontournables du genre tant il continue d'ensorceler l'esprit (avec moult questions en suspens) sitôt le générique clos. 

*Bruno
Un grand merci à Filesdrop.com
10.05.12. 
23.11.23. 5èx


HELL

Photo empruntée sur Google, appartenant au site khimairaworld.com   
de Tim Fehlbaum. 2011. Allemagne. 1h32. Avec Hannah Herzsprung, Lars Eidinger, Stipe Erceg, Lisa Vicari.

FILMOGRAPHIE: Tim Fehlbaum est un réalisateur, scénariste, directeur de la photo allemand.
2003: Für Julian (court)
2004: Nicht meine Hochzeit (court)
2006: Wo is Freddy ? (court)
2011: Hell

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Pour son premier long-métrage, le réalisateur germanique Tim Fehlbaum souhaite élaborer une rigueur formelle à son récit apocalyptique d'une écologie désincarnée. Par sa volonté esthétique probante jalonnée de décors sporadiques, Hell approuve également son intérêt par la dimension cafardeuse de survivants livrés à un despotisme primaire.

2016. En 4 ans, la température de l'atmosphère a augmenté de 10 degrés. Les réserves d'eau et de nourriture s'épuisent. Les structures sociales ont disparu...
Un quatuor de rescapés tentent de survivre dans ce monde désuni, asservi par une horde de cannibales. 
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Après avoir salué le soin esthétique accordé à son univers aride d'un climat solaire en décrépitude, le réalisateur réussit la gageure de nous convaincre que notre planète n'est qu'un amas de terre décharnée auquel une poignée de survivants tentent d'y survivre en interne des forêts clairsemées. Pour mieux subir une chaleur suffocante, nos derniers héros ont endossé des vêtements soyeux, casquettes et lunettes de soleil en guise de camouflage. A bord de leur véhicule, Philippe, Marie, Léonie et un quidam solitaire traversent les routes bucoliques en quête d'une contrée plus harmonieuse, où la nourriture et l'eau seraient une aubaine inespérée. Par malchance, ils vont se confronter durant leur itinéraire à une confrérie de cannibales planqués dans un bâtiment agricole. Dénués de moralité (même si rattaché à leur semblant de foi catholique) et en proie à une sauvagerie éperdue, faute d'une existence primitive, ces barbares sont délibérés à appréhender de la chair humaine pour subvenir à leur besoin nutritif. Tout aussi assoiffés et affamés, nos résistants blottis dans leur véhicule blindé vont finalement devoir porter assistance à l'une de leur camarade, Léonie, subitement séquestrée par ces antagonistes faméliques.


Le scénario orthodoxe éludé de surprise ne souhaite pas renouveler la prescience du "Jour d'après". Avec pudeur et économie de moyens, le réalisateur souhaite retranscrire au mieux (mais sans esbroufe spectaculaire) la photogénie chaotique d'un climat solaire asphyxiant. Ce sentiment tangible de claustration est d'autant plus rendu prégnant par la fébrilité humaine des interprètes tentant désespérément de se soustraire à l'allégeance d'insurgés sans éthique. C'est cette ambiance désespérée d'isolement et désolation et les faibles enjeux de survie octroyés à nos protagonistes qui rendent l'aventure continuellement efficiente.
La dernière partie, beaucoup plus vigoureuse laisse place à une action cinglante parfois violente dans l'évasion improvisée de nos protagonistes. Cet échappatoire encouru de prime abord par notre héroïne esseulée n'est pas non plus exempt d'un certain suspense oppressant quand elle se réfugie dans le refuge restreint d'un abattoir suintant la mort et la puanteur. ATTENTION POILER !!! Enfin, pour parachever, son point d'orgue capital se culmine vers une traque échevelée à travers champs pour nos fuyards essoufflés, pourchassés par la horde primitive, et aveuglés par la lumière écrasante d'un soleil terrassant. FIN DU SPOILER.


Au final, Hell est une série B germanique au scénario convenu mais transcendé par la vraisemblance d'un univers aride et suffocant, de personnages convaincants ancrés dans un frêle désespoir et d'un argument pessimiste efficacement troussé. 
Dispensable mais mérite néanmoins le coup d'oeil pour sa réalisation appliquée et son climat dépaysant. 
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Un grand merci à Khimairaworld.com
09.05.12
Bruno Matéï

lundi 7 mai 2012

LES CRIMES DE SNOWTOWN (Snowtown). Prix du Jury au festival d'Adélaïde.

Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemovies.fr
de Justin Kurzel. 2011. Australie. 2H00. Avec Daniel Henshall, Lucas Pittaway, Craig Coyne, Richard Green, Louise Harris, Anthony Groves, Brendan Rock, Frank Cwiertniak, Bob Adriaens, Bryan Sellars.

Sortie salles France: 28 Décembre 2011. Australie: 19 Mai 2011

Récompenses: Prix du Jury au festival du film d'Adélaïde
Prix FIPRESCI au Festival de Cannes 2011 pour Justin Kurzel

FILMOGRAPHIE: Justin Kurzel est un réalisateur et scénariste australien.
2005: Blue Tongue (court)
2011: Les Crimes de Snowtown
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D'après un fait divers notoire survenu entre 1992 et 1999, le réalisateur Justin Kurzel nous retrace avec Les crimes de Snowtown la dérive meurtrière d'un serial-killer, John Bunting. Avec l'aide de complices, il commit une douzaine de meurtres dans une banlieue désoeuvrée de l'Australie par simple esprit de vengeance et d'homophobie. Dans une contrée du nord d'Adelaïde en Australie, Jamie et ses frères vivent de manière précaire avec leur mère divorcée. Molesté d'attouchements sexuels par l'un de leur voisin, les trois frères se réfugient dans le mutisme, faute d'humiliation contrariée. Mais un jour débarque John Bunting, un homme à l'apparence affable et accueillant, épris d'affection pour leur mère. Jamie voit en lui le père idéal qu'il n'a jamais pu connaître. 
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Dans l'ambiance blafarde d'une contrée isolée du nord de l'Australie, Les Crimes de Snowtown nous relate le triste quotidien d'une famille désoeuvrée laminée par le chômage et la fréquentation miteuse d'une population marginale. A travers le désespoir toujours plus abrupt d'un adolescent introverti sexuellement abusé, le réalisateur souhaite mettre en exergue sa déchéance morale par la faute d'un conjoint faussement indulgent. Verdeur d'un hyper réalisme proche du documentaire et terne photographie plongent nos protagonistes incultes dans la grisaille de leur commune insalubre. Cette tragédie sordide côtoyant le marasme auprès du spectateur incommodé par tant de haine relate une dégénérescence mentale d'un jeune garçon timorée. Un souffre-douleur solitaire et fragile, livré à la paternité d'un sociopathe adepte de torture barbare. De manière jusqu'au-boutiste, nous allons suivre son implication au meurtre par la volonté drastique d'un justicier expéditif, déversant sa haine sur les handicapés, drogués et homos. Sa vocation essentielle: nettoyer l'agglomération des quidams pervertis par la pédophilie, l'alcool ou la drogue, tout en stigmatisant une profonde aversion pour les homosexuels.
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Par sa condition sociale infortunée et l'absence de tous repères moraux et affectifs (en dehors de la bonhomie aigrie de sa mère taciturne), Jamie va peu à peu se laisser happer par la folie meurtrière d'un exterminateur et ses complices décérébrés. Un insurgé habité par son intolérance, dictant sa loi réactionnaire pour restaurer une justice laxiste. Au départ réfractaire d'être le témoin malgré lui d'actes de tortures et de meurtres infligés sur les victimes molestées, l'adolescent finira néanmoins par accepter cet endoctrinement en mettant fin aux douleurs d'un supplicié moribond (la séquence insoutenable de sadisme est d'un réalisme si viscéral qu'elle provoque successivement malaise et nausée). Avec l'interprétation exceptionnelle de comédiens amateurs (Daniel Henshall et Lucas Pittaway sont époustouflants de déshumanisation déchue dans leur complicité antinomique), le film de Justin Kurzel nous éprouve implacablement jusqu'à l'asphyxie par son atmosphère irrespirable d'une misère humaine laissée pour compte. Ce sentiment d'abandon, d'injustice et de désoeuvrement soumis à la précarité de citoyens incultes, la banalité de leur quotidien morne et désenchanté vont finalement mener certains individus au meurtre crapuleux régit par une idéologiste fasciste. La lourdeur du score ténébreux d'Emilio Kauderer décuplant une rythmique de pulsations angoissées doit également beaucoup à l'intensité monolithique de cette besogne mortuaire.
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Toute société à les crimes qu'elle mérite
D'un naturalisme rugueux, viscéralement cafardeux et noyé d'amertume par l'abdication d'une misère sociale livrée à elle même, Les Crimes de Snowtown est un drame sordide dont il est difficile de s'en extraire. L'histoire vraie et poisseuse d'un cas de serial-killer utilisant de manière perfide une doctrine vindicative pour avilir l'innocence d'un rejeton désorienté. La verdeur putassière et l'impact émotionnel qui émanent du désoeuvrement immoral de nos protagonistes nous laissent dans l'obscurité sitôt le générique bouclé. Un classique à en devenir pour ce premier essai dont la maîtrise acérée de la mise en scène laisse pantois !
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La Sentence de la juridiction
Le 20 Mai 1999, la police découvre des cadavres dans des barils, dans une banque désaffectée à Snowtown. Deux autres corps sont retrouvés enterrés dans un jardin.
Le 21 Mai 1999, plusieurs personnes sont arrêtées. Robert Wagner plaide coupable de trois meurtres. Il est reconnu coupable de dix. Mark Haydon est coupable d'avoir été complice de sept meurtres.
Le pire tueur en série d'Australie, John Bunting, coupable de onze meurtres et condamné à perpétuité. Le 6 Septembre 2001, Elisabeth Harvey meurt d'un cancer. Elle n'a jamais été condamnée pour sa participation au meurtre de Ray Davies. Jamies Vlassakis plaide coupable de quatre meurtres. Il est condamné à vie, dont 26 ans incompressibles. Ayant témoigné contre ses co-accusés, il purge sa peine sous un faux nom dans un lieu secret. En 2025, les autorités décideront s'il doit être relâché ou non. Il aura 45 ans.
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Un grand merci à Cinemovies.fr
07.05.12
Bruno Matéï

vendredi 4 mai 2012

L'Invasion des Araignées Géantes / The Giant Spider Invasion


                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site movi.ca

de Bill Rebane. 1975. U.S.A. 1h27. Avec Robert Easton, Leslie Parrish, Steve Brodie, Barbara Hale

Sortie salles U.S: 01 Octobre 1975            

FILMOGRAPHIE (info wikipedia): Bill rebane est un réalisateur, producteur, scénariste, auteur américain, né le 8 février 1937 à Riga en Lettonie.
1965: Monster A Go-go. 1974: Invasion from inner Earth. 1975: l'Invasion des Araignées Géantes. 1975: Croaked: Frog Monster from hell. 1978: The Alpha Incident. 1979: The Capture of Bigfoot
1983: The Demons of Ludlow. 1984: The Game. 1987: Twister's revenge ! Blood Harvest


"Les Joyeux Ravages de la Toile Géante".
En pleine vogue du film de terreur catastrophiste lancé par Spielberg avec Les Dents de la mer, un tâcheron adepte du mini-budget et du film de monstres prend le risque, la même année — et à quatre mois à peine de la sortie du tout premier blockbuster de l’histoire ! — de réaliser une série Z mettant en vedette des arachnides extraterrestres. Avec l’attirail risible de trucages aussi bricolés que nos vieilles productions fifties, L’Invasion des Araignées Géantes s’embourbe dans un grotesque hilarant, tentant de nous terrifier avec des monstres articulés. 

Synopsis: Une météorite s’écrase près d’une contrée bucolique des États-Unis. De son cratère jaillissent des cocons, libérant d’étranges araignées venues d’ailleurs. En prime : des diamants enchâssés dans les coquilles. Peu après, un couple de fermiers découvre leur bétail atrocement mutilé. Pendant ce temps, des scientifiques s’évertuent à découvrir l’origine de cette météorite.


Amateurs d’authentiques nanars du samedi soir, ne ratez pas ce fleuron bisseux, qui se vautre avec une bonhomie irrésistible dans la nullité la plus franche. Le scénario évoqué ci-dessus tient de l’aberration du troisième type, tant il semble avoir été écrit sous influence psychotrope. La mise en scène aseptisée aligne maladresses et non-sens dans un florilège désopilant. Mais la palme du ridicule revient sans conteste à ces charmantes arachnides, conçues avec les moyens préhistoriques des années 50, ainsi qu’à une galerie de personnages décervelés cabotinant sans retenue. Entre les rednecks alcooliques ou érotomanes, le couple de chercheurs divaguant en théorie farfelue, le prédicateur bavard prophétisant à l’infini l’apocalypse, ou encore le shérif déconcerté à l’idée qu’une araignée de quinze mètres sème la terreur dans sa région... on atteint des sommets. Au paroxysme de la panique urbaine, ce même shérif lâche une réplique dont seule la série Z a le secret : "Tu te souviens du film Les Dents de la mer ? Ce requin, à côté, c’est un poisson rouge !"

Certes, la première partie laborieuse — deux chercheurs s’échinant à trouver une solution rationnelle — a de quoi faire craindre le pire. Mais les mésaventures suivantes, confiées à une flopée de crétins en roue libre, instillent un climat extravagant, joyeusement débridé. Le réalisateur s’attarde sur les batifolages de métayers occupés à flâner, picoler ou copuler, quand ils ne revendent pas des diamants ou planquent des cadavres mutilés dans leurs champs. Pendant cette torpeur provinciale, l’invasion prend une tournure plus alarmante : les araignées s’infiltrent dans les maisons campagnardes pour agresser leurs occupantes dénudées. D’abord de taille ordinaire, ces créatures venues d’une galaxie lointaine atteignent une dimension gargantuesque, déchirent les cloisons, capturent les habitants blottis dans leurs foyers.

Paradoxalement, et pour accentuer l’horreur, les effets-chocs font preuve d’une violence sanguine gentiment effrontée. Les scènes de panique s’enchaînent à un rythme régulier jusqu’au fameux climax catastrophiste — à la Jaws. Une araignée géante, articulée par câbles et fixée sur une voiture camouflée pour simuler sa course folle, sème le chaos dans un parc d’attractions, fonçant sur une horde de bambins affolés. Séquence d’anthologie, mise en scène avec une nervosité grotesque, constituant un moment de défouloir aussi halluciné qu’hilarant.


"Arachnocalypse Now".
Avec sa musique monocorde saturée de sonorités spatiales, ses personnages nigauds aux trognes hébétées, ses dialogues absurdes et ses araignées géantes surgies de cocons diamantifères, L’Invasion des Araignées Géantes transcende l’échec pour atteindre les cimes du nanar cartoonesque — un "craignos monster" à inscrire dans les annales de la série Z galactique. Bref, inratable. 

*Bruno
10.06.25. 04.05.12.
 


jeudi 3 mai 2012

Le Masque du Démon / La maschera del demonio

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Intemporel.com

de Mario Bava. 1960. Italie. 1h23. Avec Barbara Steele, John Richardson, Andrea Checchi, Ivo Garrani, Arturo Dominici, Enrico Olivieri, Antonio Pierfederici, Tino Bianchi, Clara Bindi.

Sortie salles France: 29 Mars 1961. U.S: 15 Février 1961
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FILMOGRAPHIE:  Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie).
Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo.
1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte1947 : Legenda sinfonica1947 : Anfiteatro Flavio1949 : Variazioni sinfoniche1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire  , 1972 : Quante volte... quella notte1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).

"Noir et blanc comme la mort".
En 1960, alors que les succès de la Hammer culminent au firmament (deux ans plus tôt, Le Cauchemar de Dracula ensorcelait les écrans), un directeur de la photographie entreprend de concurrencer la célèbre firme anglaise avec un long-métrage en noir et blanc, tiré d’un conte russe de Nicolas Gogol (Vij). Le Masque du Démon révèle aussi, au détour de ses ténèbres, une jeune débutante nommée Barbara Steele. Cinquante ans plus tard, ce chef-d'œuvre du gothique transalpin demeure le plus beau film en noir et blanc jamais photographié.

Le Pitch: Au XVIIe siècle, une sorcière et son amant, condamnés au bûcher, jurent de se venger. Deux siècles plus tard, par la faute d’un médecin et de son assistant, les revenants brisent leur tombe pour venir hanter les héritiers de la famille Vadja.

Dans une atmosphère typiquement latine, saturée de sensualité morbide, Le Masque du Démon incarne la quintessence du cinéma d’épouvante. Un génie de la photographie s’y essaie pour la première fois au long-métrage horrifique, et ce, dans un florilège d’images flamboyantes où l’esthétisme charnel épouse un baroque ténébreux. Le film se contemple comme un livret d’images un soir d’hiver, sous la pleine lune. Dès l’ouverture, le ton est donné : sous une nuit automnale, brumeuse, où les arbrisseaux faméliques se dressent, décharnés, des bourreaux encapuchonnés préparent leur rituel. Deux amants, accusés de vampirisme, sont attachés à un pilier ; leur visage sera transpercé d’un masque de bronze hérissé de pointes. Cette ambiance macabro-onirique, née de la lumière crépusculaire et d’un cadrage pictural, confine à l’art gothique pur.

La suite est un enchaînement d’images dantesques, conçues pour happer le spectateur dans un cauchemar somptueux, chargé de références au mythe vampirique. Chaque péripétie semble ciselée pour graver dans la mémoire des plages d’onirisme saisissantes : la découverte d’une chapelle décharnée par deux voyageurs égarés ; la première apparition de Katia, escortée de deux dobermans ; la promenade inquiète d’une fillette troublée par un bruissement de bosquet ; ou encore la résurrection d’Asa dans une crypte archaïque. Tout ici n’est qu’effervescence, splendeur, apparat — au sein d’une horreur séculaire.

Passées ces plages de poésie rutilante, après l’exhumation des amants maudits, la narration se recentre sur un chassé-croisé entre les morts et les vivants, enfermés dans un château truffé de pièges. Un à un, les membres de la famille Vadja sont persécutés ou possédés par l’esprit d’Asa et d’Igor. L’assistant du Dr Kruvajan, secrètement épris de Katia (double vivant d’Asa), tentera tout pour la sauver.

Impossible d’ignorer la prestance magnétique de l’icône de l’horreur vintage, Barbara Steele. D’une beauté ténébreuse, avec sa physionomie sensuelle et son regard d’encre, elle ensorcelle l’écran dans son rôle de sorcière délétère. Mais l’actrice se paie aussi le luxe de nous charmer avec suavité en incarnant la princesse Katia, victime asservie par sa propre ascendance. Divine et opaque à en mourir.

Parfois audacieux dans ses effets chocs, Mario Bava transgresse l’horreur avec une poésie morbide et viscérale : un cadavre découvert au bord d’une rivière ; le visage putréfié d’Igor s’exhumant de sa tombe ; la résurrection d’Asa, ses orbites grouillant d’insectes ; un crapaud sautillant dans la boue ; l’immolation du prince Vadja… Et ce trucage remarquable, lorsque Katia se voit possédée par Asa : son visage se fane, vieillit sous nos yeux — un prodige de lumière colorée, hérité du Dr Jekyll and Mr Hyde de Mamoulian, et uniquement réalisable en noir et blanc.

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"Les Amants d'outre-tombe".
Sans jamais singer ses illustres aînés de la Hammer, Mario Bava imprime au mythe vampirique sa propre empreinte, fulgurante, macabre, à damner un saint. D’une beauté sépulcrale ensorcelante, Le Masque du Démon ne ressemble à rien d’autre. Œuvre d’un cinéaste expérimental, il ose la photo monochrome à l’instant même où la Hammer fait éclater ses couleurs. Le noir et blanc devient ici sortilège.

Un grand merci à Intemporel.com
03.05.12.
Bruno Matéï


mercredi 2 mai 2012

Fragile (Fragiles). Prix du Jury à Gérardmer, 2006

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site forum.plan-sequence.com

de Jaume Balaguero. 2005. Espagne. 1h41. Avec Calista Flockhart, Elena Anaya, Yasmin Murphy, Gemma Jones, Richard Roxburgh, Colin McFarlane, Michael Pennington, Daniel Ortiz.

Sortie salles Espagne: 14 Octobre 2005. France: 14 Avril 2006

FILMOGRAPHIEJaume Balaguero est un réalisateur et scénariste espagnol d'origine catalane, né le 2 Novembre 1968 à Lérida. 1999: La Secte sans Nom. 2002: Darkness. 2005: Fragile. 2006: A Louer (moyen métrage). 2007: REC (co-réalisé avec Paco Plaza). 2009: REC 2 (co-réalisé avec Paco Plaza). 2011: Malveillance.


Trois ans après Darkness, hommage nihiliste au Shining de Kubrick, Jaume Balaguero s'entreprend avec Fragile de nous conter une délicate ghost story sur fond de maltraitance infantile. Ovationné à Gérardmer à sa sortie (4 Prix, rien que ça), ce conte macabre s'enrichit en prime d'une intensité émotionnelle en crescendo lors d'un final faste plutôt bouleversant. 

Le Pitch: Après un grave accident ayant causé la mort d'un enfant, une infirmière renoue avec sa profession en acceptant un poste de nuit dans un hôpital reculé. Sur place, parmi la communauté d'enfants malades, elle fait la rencontre de Maggie, une fillette introvertie atteinte de mucoviscidose. Celle-ci lui confie qu'une étrange personne du nom de Charlotte les importune durant leur nuit de sommeil. 
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Prenant pour cadre l'ambiance inquiétante d'un centre hospitalier, Fragile nous relate une sombre histoire d'enfants molestés par une présence diabolique. Une infirmière affable, Amy, tentera de découvrir la vérité par l'entremise de Maggie, une fillette gravement malade et terrifiée par la menace invisible d'une "présence mécanique". Prénommée Charlotte, ce fantôme errant semble daigner embrigader les enfants au sein de l'hôpital en leur fracturant violemment l'ossature corporelle. D'autant plus que chaque patient doit prochainement être transféré vers une autre clinique, faute de délabrement industriel. Avec sensibilité prude et un humanisme fébrile, Jaume Balaguero nous dépeint la relation maternelle d'une infirmière particulièrement attentive au sort précaire des enfants malades. Déjà fustigée par un passé tragique ayant coûté la vie à un enfant contre sa négligence, Amy redouble d'attention et d'amour à daigner préserver chaque vie innocente. Durant une large majorité de l'intrigue, le réalisateur s'attacher à compromettre la rationalité de son héroïne davantage impliquée dans une suite d'incidents inexpliqués. Ayant pour seul témoignage la parole candide de Maggie, l'infirmière mènera une véritable investigation autour de l'établissement pour connaître le véritable mobile de ces sombres évènements. Avec une émotion vulnérable portant atteinte au sort candide de l'enfance estropiée, Fragile accorde beaucoup d'intérêt psychologique au traitement anxiogène de ces personnages tourmentés. Renforcé d'une narration intelligente réfutant l'esbroufe grand-guignolesque, le réalisateur souhaite de prime abord nous attendrir sans fioriture vers une délicate ghost story aussi angoissante que poignante.


Sa dernière partie haletante et oppressante, car laissant libre court à une terreur cinglante (l'apparence spectrale est physiquement glaçante) rivalise de coups de théâtre inopinés, de péripéties virulentes avant de nous précipiter vers une sublime rédemption philanthrope. C'est son point d'orgue poétique célébrant un magnifique hommage au baiser salvateur d'un illustre film d'animation, la Belle au bois dormant, qui achemine Fragile au rang d'oeuvre solennelle. Si la petite comédienne Yasmin Murphy demeure surprenante de naturel dans le rôle d'une infirme incurable, Calista Flockhart décuple un pouvoir émotionnel dans celle d'une sobre infirmière délibérée à transcender son passé galvaudé. Une héroïne pugnace entièrement dévouée à préserver la vie des bambins tourmentés, parfois même physiquement maltraités (notre spectre brime à sa guise vindicative les os fracturés de certains d'eux), ce qui renforce sa dramaturgie escarpée au gré d'estocades concises aussi percutantes qu'effroyablements viscérales.  


Fantôme d'amour
Baignant dans un climat d'inquiétude et d'angoisse latente, Fragile est une superbe ghost story bien ancrée dans l'humanité de ses personnages fragiles caressant une foi spirituelle. Renforcé par la conviction d'une narration ombrageuse à la tension grandissante, ce poème sur l'amour maternel provoque autant d'appréhension que d'émotion gracile pour l'innocence sacrifiée. 

*Bruno
06.08.24. 3èx. Vostfr
02.05.12.

RécompensesMeilleure Photographie et Meilleur Montage au Festival du film de Barcelone, 2006
Meilleurs effets spéciaux au Prix annuel de l'Académie Goya, 2006.
Prix du JuryPrix du Jury Jeunes, Prix du Public l'Est Républicain, Prix 13è Rue à Gérardmer, 2006


lundi 30 avril 2012

MALVEILLANCE (Mientras duermes, Sleep Tight)

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Cinemovies.fr

de Jaume Balaguero. 2011. Espagne. 1h42. Avec Luis Tosar, Marta Etura, Alberto San Juan, Iris Almeida, Petra Martinez, Carlos Lasarte, Pep Tosar, Margarita Roset, Oriol Genis, Amparo Fernandez.

Sortie salles France: 28 Décembre 2011. U.S: 23 Septembre 2011. Espagne: 14 Octobre 2011

FILMOGRAPHIE: Jaume Balaguero est un réalisateur et scénariste espagnol d'origine catalane, né le 2 Novembre 1968 à Lérida.
1999: La Secte sans Nom. 2002: Darkness. 2005: Fragile. 2006: A Louer (moyen métrage). 2007: REC (co-réalisé avec Paco Plaza). 2009: REC 2 (co-réalisé avec Paco Plaza). 2011: Malveillance.

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Après sa quadrilogie Rec, Jaume Balaguero revient en solo pour nous convier à un suspense hitchcockien dans la tradition respectueuse du genre. Ambiance angoissante sous-jacente, gestion minutieuse d'un suspense implacable, densité narrative et portrait incisif d'un tueur abordable sont agencés pour nous engendrer un thriller studieux. Un gardien d'immeuble dépité d'une existence morne comble son ennui en molestant ses locataires par rancoeur vindicative. Secrètement épris d'affection pour la jeune Clara, César décide de planifier une combine machiavélique pour parfaire son désir.  
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Dans le huis-clos d'un immeuble serein, Malveillance nous illustre la solitude d'un gardien aigri incapable d'accéder au bonheur, faute de l'intransigeance d'une société déloyale. Pour apporter un sens à la miséricorde de son destin, il occupe son temps à perpétrer des actes frauduleux envers les citadins prospères qu'il côtoie aimablement. Et cela en dépit de l'arrogance d'une gamine effrontée, opérant sur lui le chantage d'une extorsion d'argent sous la menace de révéler au grand jour des infos compromettantes. Mais depuis quelques jours, César se focalise sur l'une de ses folichonnes locataires pour l'asservir durant ses nuits de sommeil. En effet, chaque soir, il s'insinue sous le lit de sa victime, attendant avec un flegme impassible qu'elle puisse s'endormir pour la droguer contre son gré grâce à une drogue anesthésiante. César semble donc délibéré à daigner détruire la vie de cette séduisante célibataire. Mais l'arrogance d'une fillette un peu trop curieuse et la nouvelle idylle de Clara entamée avec un amant circonspect vont compromettre ses ambitions.
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Dans une ambiance lourde et subtilement inquiétante, Jaume Balaguero nous concocte un oppressant suspense autour d'un personnage austère bâti sur son caractère particulièrement insidieux. L'habileté du scénario remarquablement élaboré émane de cette attitude couarde d'un tueur infortuné perpétrant des exactions délétères afin de se justifier un but existentiel. Un script efficient puisant sa force par cette confrontation inhabituelle entre la victime, persécutée dans son sommeil par un tortionnaire combinard. C'est ce sentiment d'impuissance pour le spectateur d'assister au calvaire récursif d'une victime immolée contre son gré qui exacerbe un suspense haletant en constante ascension. En prime, le réalisateur nous dépeint le portrait subversif d'un tueur contestataire. Un gardien d'immeuble dépressif mais lucide d'un monde terni par l'égocentrisme, l'affabulation et la cupidité. Pour interpréter ce personnage psychologiquement renfrogné, Luis Tosar se révèle parfait de fourberie mesquine dans la peau d'un tueur impassible. Il faut le voir se recueillir dans une chambre d'hôpital auprès de sa mère mourante pour lui débiter sans faillir ses confessions intimes liées à une rancoeur misogyne. Spoiler ! Profondément dépité d'une civilisation irréductible, sa déroute le mènera par ailleurs jusqu'au suicide rédempteur, avant de pouvoir se raviser in extremis grâce au retour précipité de Clara Fin du Spoiler. La force du personnage découle donc de ses états d'âme lamentés et de son affliction à ne pouvoir s'accepter soi même. On se surprend alors à éprouver une certaine compassion pour sa solitude meurtrie, cette défaite intrinsèque à n'avoir pu s'insérer dans une société égotiste..

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Son bonheur, c'est votre malheur
Mis en scène sans esbroufe car privilégiant un climat ombrageux dans la conduite narrative d'un script machiavélique, Malveillance est un thriller à suspense beaucoup plus finaud qu'il n'y parait. Pour s'en convaincre, il faudra attendre l'immoralité d'un épilogue audacieux pour comprendre les tenants et aboutissants d'un tueur miséricordieux acheminé vers une quête salvatrice du bonheur. La sobriété des comédiens, renforcée par le portrait cynique du criminel et les multiples rebondissements qui émaillent l'intrigue sont autant d'atouts solides pour tenir en haleine l'amateur de suspense cérébral. 

30.04.12
Bruno Matéï

vendredi 27 avril 2012

Chronicle

                                                     Photo empruntée à Google, appartenant au site Allocine.fr

de Josh Trank. 2012. U.S.A. 1h29 (version longue). Avec Dane DeHaan, Alex Russell, Michael B. Jordan, Michael Kelly, Ashley Hinshaw, Anna Wood, Rudi Malcolm, Luke Tyler, Armand Aucamp.

Sortie salles France: 22 février 2012. U.S: 3 Février 2012

FILMOGRAPHIE: Josh Trank est un réalisateur, scénariste, monteur, acteur, producteur américain, né le 19 Février 1985 à Los Angeles, Californie. 2012: Chronicle
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           Avertissement ! Il est préférable de visionner le film avant de lire ce qui va suivre.

Empruntant le concept en vogue du Found footage avec une efficacité perpétuelle, Josh Trank, cinéaste novice puisqu'il s'agit de son 1er long, exploite avec autant d'intelligence que d'originalité la thématique du super-héros afin de nous alerter sur le malaise existentiel d'une jeunesse pro real TV avide de reconnaissance populaire. Le PitchTrois lycéens se découvrent des super-pouvoirs après avoir été en contact avec une matière insolite confinée dans une grotte. Si au départ leur don surhumain est un jeu de distraction pour épater ou brimer leurs camarades, l'un des trois acolytes se laisse peu à peu influencer par une folie autodestructrice.  


Chronicle prend pour thème ludique le mythe du super-héros à travers la quotidienneté d'adolescents en quête identitaire. Cela débute par des blagues de potaches, tel le fait de retrousser à distance les jupes des filles, faire flotter dans les airs un ours en peluche ou encore déplacer la voiture d'un parking à un autre emplacement. C'est ensuite qu'intervient le premier incident commis par Andrew, le plus fragile du trio, faute d'un père alcoolique abusif. Sur une aire d'autoroute, après avoir été contrarié par un conducteur empressé, Andrew lui causera volontairement un accident en le faisant dévier de sa trajectoire. C'est à cet instant précis que le trio prend soudainement conscience du danger létal que peut causer leur pouvoir potentiellement destructeur. Ce qui n'empêchera pas Steve de réussir quelques instants plus tard l'exploit de se maintenir dans les airs jusqu'à entreprendre de voler, tel Superman, en amont des nuages. Nos comparses stimulés par le rêve et l'évasion élaboreront ensuite quelques numéros prodiges lors d'un spectacle de magie afin d'épater et gagner la popularité du public. Quand bien même Andrew escompte enfin son premier rapport sexuel avec une jeune courtisane lors d'une rave party, et ce avant de se heurter à l'abus d'alcool.


C'est donc du côté du profil complexé d'Andrew que la narration amorce une tournure beaucoup plus radicale et alarmiste. Faute d'une relation parentale tempétueuse, d'une mère mourante et surtout d'un père condescendant, le rejeton profitera de ses facultés télékinésiques pour extérioriser sa haine punitive en provoquant des actes violents de vandalisme puis blesser son entourage. De son mal-être existentiel et névrosé en quête de reconnaissance affective, le réalisateur y extrait une réflexion sur l'avilissement du pouvoir le plus souverain. De par son sentiment mégalo de se prétendre indestructible, son aptitude à pouvoir contrôler et régir son entourage par sa volonté cérébrale émane sa suprématie d'annihiler la terre ! Ainsi, à travers une violence visuelle ultra homérique, la colère préalablement introvertie d'Andrew  explose littéralement lors d'un fracas de destruction urbaine massive ! Et niveau pyrotechnie, les séquences apocalyptiques de dévastation métropolitaine sont transfigurées d'FX inventifs soumis à la psychologie torturée de l'anti-héros, alors que les fans du genre se remémoreront facilement le manga culte Akira de Katsuhiro Ōtomo.


L'Enfant Cauchemar
Original et fun par son traitement ultra réaliste, puis davantage inquiétant et anxiogène au fil d'un récit à la progression dramatique implacable oscillant malaise et terreur, Chronicle détonne par son vérisme documenté d'une intensité borderline (de par ses sentiments dichotomiques de réjouissance et d'appréhension que le spectateur ressent face à un pouvoir aussi absolu). La prestance spontanée des comédiens d'autant plus inconnus et la mise en scène ambitieuse déployant des séquences hallucinées de destruction massive nous acheminant à la cacophonie la plus cauchemardesque. Enfin, sa réflexion sur la solitude d'une jeunesse virtuelle ("j'ai décidé de tout filmer", dixit le héros en préambule !) obnubilé par le pouvoir de l'image et la célébrité nous laisse un goût aigre dans la bouche. 

* Bruno
27.04.12
11.09.23


jeudi 26 avril 2012

Les Machines du Diable / The Losers


de Jack Starrett. 1970. U.S.A. 1h35. Avec Fran Dinh Hy, Vic Diaz, Paraluman, Lillian Margarejo, Ana Corita, John Garwood, Paul Koslo, Eugène Cornelius, Houston Savage, Adam Roarke, Bernie Hamilton, William Smith.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE (IMDB): Jack Starrett est un réalisateur américain, né le 2 Novembre 1936 au Texas, décédé le 27 Mars 1989, en Californie. 1969: La Cavale Infernale. 1970: Les Machines du Diable. Le Dernier des Apaches. 1972: Slaughter. 1973: Dynamite Jones. 1974: The Gravy Train. 1975: Course contre l'Enfer. 1976: La Vengeance aux Tripes. Hollywood Man. 1977: Justice Sauvage, chapitre final. 1982: Kiss My Grits


Réalisé 3 ans avant les accords de paix de Paris de 1973 qui permis à l'armée des Etats-Unis de se retirer du conflit vietnamien, Les Machines du Diable est une production sacrément couillue, pour ne pas dire incongrue. Car il fallait oser entreprendre un projet de film de guerre aussi débridé alors que les soldats américains étaient partis au front. D'autant plus que cette première défaite de l'histoire des Etats-Unis impliqua plus de 3,5 millions de jeunes américains entre 1965 et 1972 et traumatisa toute une génération ! Un escadron de Bikers sont recrutés en pleine guerre du Vietnam avec pour ordre de mission de récupérer un technocrate, retenu prisonnier dans un camp de vietcongs.
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Par le réalisateur de Dynamite Jones et de l'excellent road movie sataniste Course contre l'enfer (de loin son meilleur film !), Les Machines du Diables est un film de guerre aberrant tirant son originalité dans la caractérisation de marginaux affiliés à la culture hippie. Imaginez une seconde le concept ! En pleine guerre du Vietnam, un groupe de Hells Angels se retrouvent enrôler pour libérer un technocrate de la CIA, retenu en otage dans un camp cambodgien ! Ces panoplies de grandes gueules marginales ont en outre rappliqué avec leur grosse pétoire cylindrée pour s'en aller sauver l'autre gus en costard dans le fin fond d'une jungle asiatique ! Sur le papier, ça donne l'impression de se retrouver face à une BD live, sorte d'ascendant indirect des aventures du colonel James Braddock (Portés Disparus) accouplé avec l'équipée motorisée de Max le fou ! Seulement voilà, durant une bonne partie du récit, nos hippies libertaires passent leur temps à sa bourrer la gueule dans les bars malfamés, s'envoyer en l'air avec des putes juvéniles et provoquer des bagarres de rue avec des agitateurs récalcitrants. Tandis que d'autres renouent avec leur ancienne copine asiatique rencontrée avant la guerre pour flâner sous les palmiers. Il faut donc quand même avouer qu'à part deux, trois scènes ludiques et son prologue pétaradant, les Machines du Diable peine à trouver son rythme plutôt rébarbatif.


Néanmoins, ce nanar émaillé de trognes sympathiques (Bernie Hamilton, le capitaine Dobey de la série TV Starsky et Hutch, ainsi que William Smith, l'immonde Falconnetti de la série Le Riche et le Pauvre !) rattrape ses plages d'ennui par une dernière partie littéralement hallucinée ! Pour preuve, nos 5 bikers envoyés en mission de sauvetage débutent enfin leur intervention après avoir trafiqué leur bécane (de marque japonaise Yamaha !!!) en véritable engins futuristes sortis tout droit de Mad-Max 2 !!! Du délire à l'état pur ! D'autant plus que l'action spectaculaire et les explosions en tous genres sont exécutées avec compétence (revalorisées par moments en slow motion pour agrémenter les chorégraphies). Le point d'orgue risible vaut également son pesant de cacahuètes quand nos motards retenus à leur tour prisonniers parmi l'otage américain décident de s'évader de leur cabane de bambou. Et de quelle manière ! Après avoir fortement abusé de Marijuana, nos irréductibles mal rasés, rendus complètement hilares sous l'effet de la drogue, réussissent (avec facilité déconcertante !) à se libérer de leur tanière en supprimant un à un les geôliers disposés autour de la hutte. ATTENTION SPOILER ! Mais leur déroute se clos dans un bain de sang inéquitable quand nos patriotes sont pris à parti avec les vietcongs repliés en masse, mais aussi l'armée américaine réfutant de leur porter assistance ! FIN DU SPOILER


Longuet et pesant mais rattrapé par une dernière partie proprement hallucinée, Les Machines du Diable est un nanar amical finalement fréquentable. On peut même le considérer comme le précurseur de la saga Portés Disparus, Rambo ainsi que Mad-Max 2 dans son alliage hétéroclite des genres. Cette plaisanterie insensée laisse surtout en mémoire le profil improbable de ses Bikers d'apocalypse ainsi que quelques généreuses scènes d'action, jouissives et trépidantes, où les impacts de balle font voler en éclat les chairs déchiquetées en slow-motion ! (pour rappel, le film était interdit au moins de 18 ans à l'époque !)
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Dédicace à Videopartymassacre et Daniel Aprin
26.04.12
Bruno Matéï