Photo empruntée sur Google, appartenant au site cultreels.net
de Ruggero Deodato. 1980. 1h32. Italie/Colombie/Etats-Unis. Avec Robert Kerman, Carl Gabriel Yorke, Francesca Ciardi, Perry Pirkanen, Luca Barbareschi.
Sortie salles France: 22 Avril 1981. Italie: 7 Février 1980
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Ruggero Deodato est un réalisateur italien, né le 7 Mai 1939.
1977: Le Dernier monde Cannibale. 1979: SOS Concorde. 1980: Cannibal Holocaust. 1980: La Maison au fond du parc. 1983: Les Prédateurs du Futur. 1985: Amazonia, la jungle blanche. 1987: Les Barbarians. 1987: Body Count. 1988: Le Tueur de la pleine lune. 1993: The Washing Machine.
"Il faut parfois montrer au monde l’enfer pour qu’il se rende compte de son bonheur."
"Voyeurs de l’abîme : l’hallucinante cruauté de Cannibal Holocaust".
Classé X dans certains pays, interdit dans une soixantaine, Cannibal Holocaust garde intact son pouvoir de réalisme sordide, provoquant chez les spectateurs du monde entier une violente aversion ou une fascination dérangée. Réputé comme l’un des films les plus controversés de l’histoire du cinéma, il fut saisi dès sa sortie par un magistrat italien pour délit d’obscénité et suspicion de snuff movie. Ruggero Deodato s’est taillé au fil des décennies la réputation d’un cinéaste scandaleux, notamment pour sa culpabilité assumée d’avoir osé assassiner face caméra des animaux sauvages. Un acte impardonnable qu’il regrette aujourd’hui.
Mais le réalisateur poussa encore le vice à sa sortie officielle, en nourrissant une folle rumeur autour du sort des comédiens principaux, exilés hors d’Italie pendant un temps, complices avec lui pour simuler leur disparition auprès de la populace italienne.
Découvrir Cannibal Holocaust aujourd’hui reste une expérience aussi traumatisante qu’inoubliable. Deodato redouble de provocation putassière, jouant de l’illusion entre fiction et authenticité, avec le principe avant-gardiste du found footage. La caméra portée à l’épaule suit quatre journalistes avides d’images-chocs, filmant en pleine cambrousse amazonienne une succession de mises à mort hyper racoleuses : dépeçage d’une tortue, massacre d’un porcinet, viol d’une indigène, incendie de la hutte des Yacumos. Ils filment aussi une fausse couche suivie d’une lapidation, un rituel barbare, une femme empalée sur un pieu (séquence souvent censurée en VHS), le meurtre d’un des leurs et le viol collectif de la petite amie du cameraman.
Au-delà de cette boucherie primitive, Cannibal Holocaustdresse une charge corrosive contre notre société dite civilisée. Nos quatre reporters, en expédition amazonienne, s’abandonnent à la débauche et à l’assassinat, guidés par l’appât du scoop et la mégalomanie. Leur cruauté délibérée vise à prouver aux « primitifs » la suprématie de la loi du plus fort. En juxtaposant ces barbaries aux coutumes cannibales, aux meurtres d’animaux réels et aux jouissances meurtrières des « civilisés », Deodato sème un profond malaise. Son désir de choquer, d’écœurer le spectateur, l’enferme dans un maelström d’images morbides, crues, édifiantes. Entre fiction et réalité, on perd ses repères : l’illusion se transcende en vérité palpable. Combien, à l’époque, crurent assister à un véritable shockumentaire ?
Cette aversion viscérale à la cruauté, le réalisateur la transforme en une réflexion sur notre propre voyeurisme, cette curiosité instinctive à observer la mort sous son aspect le plus sordide. Le score élégiaque, tragique, amplifie avec provocation notre dégoût, révélant l’animalité tapie en nous. La mort et la souffrance, qu’elles soient sentence vindicative ou violence gratuite, demeurent des rituels universels, témoins d’une civilisation aussi moderne qu’inhumaine.
"Le festin de l’horreur : quand le cinéma révèle notre part d’ombre". De ce chaos primitif émane un grand film malade, viscéralement éprouvant, hyper dérangeant, mais d’un pouvoir de fascination révulsif et d’une puissance émotionnelle rare. Cette accumulation explicite de barbarie suggère que nous sommes tous complices, coupables de notre voyeurisme, osant contempler la cruauté indissociable du monde sauvage qui nous entoure. Que l’on adhère ou rejette ce témoignage intolérable, Cannibal Holocaustprovoquera toujours polémiques et débats passionnés sur la nature humaine, son instinct meurtrier, et notre morbide soif d’images choc.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site newageamazon.buzznet.com
de Rob Zombie. 2007. U.S.A. 1h50. Avec Scout Taylor-Compton, Malcolm McDowell, Tyler Mane, Danielle Harris, Kristina Klebe, Daeg Faerch, Brad Dourif, Sheri Moon Zombie, Hanna Hall, Dee Wallace Stone.
Sortie salles France: 10 Octobre 2007. U.S: 31 Août 2007
FILMOGRAPHIE: Rob Zombie est un chanteur, musicien et réalisateur américain, né le 12 Janvier 1965 à Haverhill, dans le Massachusetts. 2003: House of 1000 Corpses. 2005: The Devil's Rejects. 2007: Werewolf Women of the S.S. (trailer). 2007: Halloween. 2009: Halloween 2. 2012: The Lords of Salem.
Deux ans après sa horde sauvage contemporaine (The Devil’s Rejects), Rob Zombie s’attelle, en 2007, à la conception d’une préquelle/remake du chef-d'œuvre inoxydable Halloween. En s’attardant sur l’enfance meurtrie de Michael Myers dans la première partie, il transcende le portrait glaçant d’un psychopathe juvénile, dénué de conscience et de morale, enfant avorté d’une cellule familiale corrompue. À coups d’ultraviolence tranchante, Zombie adopte une démarche explicite : figurer les exactions d’un enfant raillé, molesté, déterminé à passer à l’acte vindicatif — le premier meurtre, commis sur un camarade de classe, en reste une preuve éprouvante. Le jeune Daeg Faerch, avec sa bouille innocente et son regard de marbre, impressionne par un jeu diaphane : prestance austère, alternance d’accalmies et de fulgurances, sans logique apparente. Son fétichisme des masques, pour renier sa propre humanité, est une idée brillamment exploitée. Quant au Dr Loomis, incarné par Malcolm McDowell : s’il n’atteint pas l’aura hantée de Donald Pleasence, il insuffle une présence solide, vacillante — psychologue indécis, incapable de saisir le cœur du mal, il se résout à l’abstraire : Michael devient symbole pur, entité du Mal.
À contre-courant de l’horreur suggérée et du suspense latent magnifiés dans le modèle initial, cet Halloween 2007 opte pour l’action cuisante, les péripéties échevelées, la rage frontale. Sans concession, avec un désir assumé de heurter le spectateur, Zombie réinvente le mythe dans une veine crue, crapoteuse, hyperréaliste. Si la première partie convainc pleinement en exposant l’enfance saccagée de Michael, la seconde retombe dans une mécanique plus conventionnelle, reproduisant fidèlement les jalons du film original. Évadé de sa cellule, Myers, devenu adulte, poursuit l’obsession de renouer avec sa sœur. On bascule alors dans un psycho-killer dégénéré, enchaînant les meurtres fulgurants à cadence soutenue, avec une sauvagerie sèche qui n’aurait pas déplu à Massacre à la tronçonneuse, que Zombie convoque ouvertement. En assumant cette provocation — pied de nez au classicisme clinique de Carpenter — le film tétanise par la vigueur de sa mise en scène, la présence terrifiante du molosse inébranlable, et l’impact foudroyant des assassinats, lâchés en roue libre. À noter, geste singulier : ici, Michael ne cherche pas à tuer sa sœur — il tente de la préserver, de la garder pour lui, comme une ultime attache brisée.
Impitoyable, nihiliste, enragé et terrifiant dans ses deux segments où le Mal semble nous fixer droit dans les yeux, Halloween 2007 délivre, avec une maîtrise certaine, des séquences de terreur sèche et incisive, aux confins du vérisme. D’une audace décomplexée à désacraliser la figure mythique de Michael Myers — bourreau du Mal des temps modernes — Rob Zombie façonne un cauchemar ultra-violent, furibond, insolent. Une relecture à rebrousse-poil, en totale contradiction avec le matériau d’origine, mais qui redessine, dans le sang, la silhouette d’un Mal autrement bestial, mortifère et primitif.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site in.com
de Albert et Allen Hughes. 1995. U.S.A. 2h00. Avec Larenz Tate, Keith David, Chris Tucker, Bokeem Woodbine, Freddy Rodriguez, Rose Jackson, N'Bushe Wright.
FILMOGRAPHIE: Albert et Allen Hughes sont des frères jumeaux producteurs, scénaristes et réalisateurs américains, né le 1er Avril 1972 à Détroit (Michigan).
1993: Menace II Society. 1995: Génération Sacrifiée. 1999: American Pimp (doc). 2001: From Hell. 2009: New-York, I love you (un segment d'Allen Hughes). 2009: Le Livre d'Eli. 2013: Broken City (d'Allen Hughes).
Inédit en salles dans l'hexagone, Génération Sacrifiée avait néanmoins pu bénéficier d'une édition en Dvd quelques années après sa sortie officielle. Un paradoxe d'autant plus regrettable que le premier long-métrage des Hughes Brothers, Menace II Society, eut été salué pour la maîtrise de sa mise en scène et sa peinture abrupte d'une jeunesse afro-américaine en déclin, opposée aux règlements de compte meurtriers entre bandes rivales. En l'occurrence, les frères Hughes traite des conséquences dramatiques de la guerre du Vietnam après que les survivants ont pu rejoindre leur bercail. En particulier, la réinsertion de la communauté noire si dépréciée par leur société que certains n'hésiteront pas à sombrer dans le banditisme ou des mouvements anarchistes afin de tenter de survivre. Outre le portrait émis à une poignée de délinquants fraternels, Génération Sacrifiée s'intéresse au parcours d'Anthony Curtis (Larenz Tate, étonnant d'innocence galvaudée !), jeune garçon de 18 ans délibéré à s'inscrire dans la marine pour occulter ses études de lycée. Après avoir combattu vaillamment durant 4 ans au Vietnam, notre vétéran retrouve son cocon familial dans un quartier défavorisé par le chômage et la drogue. Après avoir été viré de son job de boucher, Anthony décide de planifier l'attaque d'un fourgon avec la complicité de quelques comparses.
Violent réquisitoire contre la guerre du Vietnam qui eut entraîné la première défaite militaire des Etats-Unis (toute la partie se déroulant au champ de bataille met en exergue la déficience mentale de certains soldats et l'inanité d'un conflit à la stratégie anti-communiste !), Génération Sacrifiée dénonce le traitement infligé aux vétérans afro-américains. Par l'influence d'un mouvement de crise contestataire en ascension (le fameux séminaire des Black Panthers prônant la violence des armes à feu en guise de rébellion !) et par la faute d'un chômage en recrudescence, certains anciens combattants vont donc se compromettre au brigandage afin de subvenir à leur famille. Dans une mise en scène stylisée et incisive, les frères Hughes n'y vont pas avec le dos de la cuillère pour illustrer la descente aux enfers irréversible d'une poignée de délinquants utopistes. Parmi le fiasco d'un braquage sanglant (séquence d'anthologie magnifiquement chorégraphiée !), les réalisateurs dénoncent également les conséquences désastreuses d'une jeunesse révoltée en perdition, largement influencée par l'illusion des drogues et de l'argent facile. Si on présage l'issue inévitable de cette tragique déroute, c'est que la guerre préalablement imposée au Vietnam aura engendré chez certains jeunes fragiles et sans repère une forme d'immoralité. La violence et la haine inculquées au front les ayant avili jusqu'à ce qu'ils reproduisent cette déchéance destructrice au sein de leurs quartiers urbains du Bronx.
Au rythme d'une pléthore de tubes Soul entraînants, Génération Sacrifiée juxtapose critique sociale d'une Amérique hautaine tournant le dos à leurs anciennes recrues et courant culturel de la Blaxploitation par l'entremise implacable d'une narration nihiliste. De par son ultra violence cinglante et son intensité dramatique, on sort secoué et aigri pour le portrait infligé à sa génération immolée.
12.07.13. 3èx
Bruno Dussart
Warning ! Le trailer contient beaucoup de spoilers !
Photo empruntée sur Google, appartenant au site movieposters.2038.net
de Harmony Korine. 1997. U.S.A. 1h35. Avec Jacob Reynolds, Nick Sutton, Lara Tosh, Jacob Sewell, Darby Dougherty, Chloë Sevigny.
Sortie salles France: 9 Juin 1999
FILMOGRAPHIE: Harmony Korine est un réalisateur et scénariste américain, né le 4 Janvier 1973 à Bolinas, Californie.
1997: Gummo. 1999: Julien Donkey-Boy. 2007: Mister Lonely. 2009: Trash Humpers. 2013: Spring Breakers.
La célébration des anonymes
Bien avant l'ovni Spring Breakers, Harmony Korine avait débuté en 1997 avec un premier film indépendant sorti dans l'indifférence mais dont le bouche à oreille lui aura tout de même valu d'accéder au rang de film-culte. Tranches de vie d'une poignée de marginaux après qu'une tornade eut dévasté leur petite banlieue, Gummo se livre en expérience humaine où l'hyper réalisme documenté nous déconcerte et nous émeut par ses élans d'onirisme blafard. Sans voyeurisme ni misérabilisme, le réalisateur nous dresse ici le portrait d'une Amérique profonde endeuillée par une catastrophe naturelle mais livrée depuis toujours dans une immense solitude. Ce tableau peu reluisant d'une population livrée au chômage ausculte de façon aléatoire la quotidienneté triviale de petites gens désoeuvrés, déficients ou alcooliques tentant de survivre et tuer l'ennui dans un monde qu'ils ne comprennent pas. S'y côtoient devant notre témoignage et de manière désordonnée, deux adolescents tueurs de chats, une trisomique, un nain africain, une albinos, un travelo, un couple de gay et de lesbiennes, deux soeurs jumelles, deux boxeurs de sang ainsi que la faune éclectique des habitants de Xenia.
Avec divers procédés photographiques et une caméra vacillante, Harmony Korine nous pénètre à l'intérieur de cette ville sinistrée avec une véracité perturbante si bien qu'il semble filmer en temps réel l'existence primaire de laissés-pour-compte avec une improvisation gênante. Cette sensation de malaise persistant et cette inévitable empathie que l'on éprouve pour ces quidams névrosés souvent livrés à la déchéance ou la perversité nous remettent en question sur notre situation sociale, le bien-être de notre cocon rassurant et notre éthique à accepter la différence la plus hétérodoxe. Transportés dans un tourbillon de séquences intimes d'une pudeur dérangée (la drague improvisée entre le gay refoulé et le nain timoré) ou d'une violence animale (la table de cuisine réduite en pièces détachées par une famille avinée !), Gummo se positionne en expérience humaine où l'émotion trouble nous accapare avec une acuité poignante. L'aspect amateuriste des comédiens néophytes ou inexpérimentés au langage rustre machinal renforce cet (étrange) sentiment de crudité désespérée où la tendresse se mêle à la colère de la partialité.
La monstrueuse parade.
Avec dignité et sans jamais se moquer de leurs extravagances, Harmony Kroine livre avec Gummo un portrait inoubliable d'une parade de paumés inadaptés sans jamais juger de leurs agissements erratiques. Dérangeant et perturbant mais débordant d'humanité fébrile et de poésie infantile (le garçonnet aux oreilles de lapin traversant le film avec une discrétion aphone), cette errance existentielle nous confronte finalement à leur désillusion de reconnaissance et d'amour.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com
de Michael Crichton. 1984. U.S.A. 1h40. Avec Tom Selleck, Cynthia Rhodes, Gene Simmons, Kirstie Alley, Stan Shaw, G.W Bailey.
Sortie salles France: 7 Août 1985. U.S: 14 Décembre 1984
FILMOGRAPHIE (source Wikipedia): Michael Crichton est un écrivain, scénariste, producteur et réalisateur américain, né le 23 Octobre 1942, décédé le 4 Novembre 2008 à Los Angeles. 1972: Pursuit (télé-film inédit en France). 1973: Mondwest. 1978: Morts Suspectes. 1979: La Grande Attaque du Train d'or. 1981: Looker. 1984: Runaway, l'évadé du futur. 1989: Preuve à l'appui (Physical Evidence).
Un bijou d'anticipation crépusculaire par son incroyable photogénie nocturne.
Trois ans après Looker, Michael Chrichton renoue avec le thème de la robotique qu'il eut auparavant traité avec le cultissime Mondwest. Thriller futuriste mettant en garde le danger des nouvelles technologies (ici, la micro-électronique utilisée à des fins terroristes), Runawaypuise sa force dans son traitement visionnaire et son extrême efficacité au sein d'un récit orthodoxe rondement mené. Synopsis: Dans un avenir proche, un flic et sa partenaire sont confrontés à un inventeur de génie capable de transformer les robots ménagers en véritables machines à tuer. De par l'entremise d'idées futuristes aussi ingénieuses que débridées (le robot preneur d'otage, les araignées métalliques, les missiles à tête chercheuse utilisés par un flingue novateur), Michael Crichton nous concocte un solide divertissement fertile en péripéties si bien que l'action ne cesse de rebondir à travers une narration savamment planifiée.
Aucune esbroufe racoleuse donc mais des séquences d'action haletantes (telle cette poursuite automobile entamée contre des mines coureuses !) au service d'une trame simpliste rigoureusement captivante. En outre, les effets-spéciaux confectionnés par Mark Dornfeld tiennent encore la route de par leur côté inventif et s'avèrent donc crédibles pour l'élaboration des robots insidieux jamais vus au préalable ! Enfin, le duo formé par la charmante Cynthia Rhodes et l'excellent Tom Selleck (très à l'aise dans son rôle musclé de flic circonspect sujet au vertige !) est d'autant plus attachant qu'il ne manque pas de densité humaine à travers leur complicité attendrie (l'instant alarmiste où Karen se retrouve grièvement blessée à l'avant-bras par une micro bombe s'avère si intense qu'il demeure anthologique !). On n'en dira pas autant de notre terroriste du futur incarnée par l'ex chanteur de Kiss, Gene Simmons tant il cabotine avec sa gouaille sardonique. Pour autant, son charisme israélo-américain se prête plutôt bien à sa personnalité frondeuse et finit même pas nous amuser auprès de son outrecuidance mégalo. Sa présence demeure donc finalement aussi bien marquante qu'iconique avec soupçon de dérision tacite.
Si Runaway possède aujourd'hui un cachet rétro évident, il ne manque ni de style, ni de classe, ni de vigueur si bien qu'il continue de susciter une réelle fascination (les différents spécimens de robots ménagers et les gadgets destructeurs) au sein d'une intrigue remarquablement troussée. Enfin, la solide présence de Tom Selleck décuple sa facture attachante auprès de sa fonction sagace de flic dévoué en initiation héroïque, quand bien même son climat nocturne nous ensorcelle la vue avec soupçon de surréalisme tantôt onirique (on peu même prêter une petite allusion à New-York 1997 par son climat futuriste crépusculaire saturé d'un score électro subtilement discret), tantôt horrifique (l'incroyable final vertigineux au sommet d'une cage de chantier s'avère lui aussi un moment anthologique à travers son action inventive et sa tension infiniment oppressante). Désormais un classique des années 80 toujours aussi fun et fascinant.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site paperblog.fr
de Danny Boyle. 2013. Angleterre. 1h43. Avec James McAvoy, Rosario Dawson, Vincent Cassel, Simon Kunz.
Sortie salles France: 8 Mai 2013. Angleterre: 27 Mars 2013 FILMOGRAPHIE: Danny Boyle est un réalisateur Britannique, né le 20 Octobre 1946 à Manchester.
1994: Petits Meurtres entre amis. 1996: Trainspotting. 1997: Une Vie moins Ordinaire. 2000: La Plage
2002: 28 Jours plus tard. 2004: Millions. 2007: Sunshine. 2008: Slumdog Millionaire. 2010: 127 Hours. 2013: Trance
Pour son nouveau long-métrage, Danny Boyle renoue avec le thriller cynique préalablement exploité avec son premier essai, Petits meurtres entre amis.
Le Pitch: Durant une mise aux enchères, un commissaire-priseur est témoin d'un vol de tableau perpétré par le leader Franck. Au moment d'une altercation pour la disparition subite de la toile, Simon est frappé à la tête par son agresseur et se retrouve amnésique. Accusé par Franck et ses sbires d'avoir dérobé la peinture, il est contraint de contacter une hypno-thérapeute afin de retrouver la mémoire pour pouvoir dévoiler sa fameuse planque.
Thriller à suspense d'une efficacité exponentielle, Trance est façonné à l'instar d'un puzzle dans un dédale de faux semblants, jeu de miroirs et jeu de pouvoir où la manipulation cérébrale est reine. Toute l'intrigue se focalisant essentiellement autour d'un trio d'amants véreux. Deux rivaux compromis au charme d'une énigmatique thérapeute, délibérés à retrouver sous son allégeance le fameux magot d'un tableau d'art. Dans une mise en scène stylisée hyper travaillée, Danny Boyle véhicule une imagerie high-tech au design moderniste où les teintes polychromes se parent d'une élégance expressionniste. Avec l'habile emploi d'une structure narrative déstructurée, il nous projette dans une intrigue tortueuse auquel trois antagonistes n'auront de cesse de nous triturer les méninges, à savoir qui est le véritable imposteur tirant véritablement les ficelles de cette énigme à tiroirs. Avec plaisir masochiste, le réalisateur use et abuse de rebondissements fortuits afin de semer doute et confusion et semble notamment expérimenter un semblant d'hypnose avec le spectateur. A savoir que durant la projection, la plupart des épisodes suspicieux qui traversent le récit découlent des expériences d'un sujet mis sous sommeil artificiel. Par des séances récurrentes de transe, l'un de nos antagonistes va se retrouver compromis à un état de conscience altéré impliquant un dédoublement psychique de sa personnalité. Cet état second, Danny Boyle en profite pour semer l'illusion de la réalité sans jamais nous avertir de sa rationalité. En combinant hallucinations, rêve et réalité, il nous égare donc dans un dédale de simulacre où le mensonge et la manipulation d'esprits cupides vont engendrer une paranoïa collective.
C'est dans sa dernière partie échevelée que Trance va redoubler d'intensité haletante pour enfin nous dévoiler sa supercherie dans un maelström d'émotions rudes (on passe de l'angoisse et la panique au malaise viscéral et l'empathie poignante.
Jeu de pouvoir Original, surprenant, déroutant et retors, Trance intrigue et captive avec l'élaboration d'un scénario machiavélique où chaque antagoniste n'est jamais celui que l'on pense connaître. Pourvu d'une mise en scène inventive et d'un esthétisme pictural aux figures géométriques, ce thriller parano culmine sa chute dans un point d'orgue étourdissant de révélations. C'est justement au moment propice de cette délivrance que le film peut enfin négocier un nouveau défi !
Photo empruntée sur Google, appartenant ausite pariscine.com
de Harmony Korine. 2012. 1h34. US.A. Avec James Franco, Vanessa Hudgens, Selena Gomez, Ashley Benson, Rachel Korine, Heather Morris.
Sortie salles France: 6 Mars 2013. U.S: 22 Mars 2013
FILMOGRAPHIE: Harmony Korine est un réalisateur et scénariste américain, né le 4 Janvier 1973 à Bolinas, Californie. 1997: Gummo. 1999: Julien Donkey-Boy. 2007: Mister Lonely. 2009: Trash Humpers. 2013: Spring Breakers.
Le "Breakfast Club" des années 2000. Jean Baptiste-Thoret.
Déjà responsable d’un authentique film culte indépendant (Gummo), Harmony Korine nous projette, avec Spring Breakers, dans l’univers factice d’un congé printanier où une jeunesse insouciante s’abandonne sans réserve à la décadence. Cette parenthèse, née en Amérique du Nord, offre à des milliers d’étudiants l’ivresse de fêtes sans limites avant l’angoisse des examens. Le phénomène, baptisé Spring Break, s’est répandu au-delà des frontières (jusqu’en France), symbole estival où sexe, drogue et alcool débordent, malgré les tragédies : overdoses, comas éthyliques, viols sur corps trop vulnérables. Avec son affiche racoleuse et son trailer explosif, Spring Breakers pouvait inquiéter le cinéphile averti, flairant un Projet X déguisé en provocation putassière. Que nenni ! L’expérience se révèle un gouffre bipolaire : impossible de savoir où se raccrocher pour échapper au malaise.
Le pitch : quatre godiches braquent un fast-food pour financer des vacances féeriques en Floride. Sur place, elles croisent un rappeur crapuleux qui les guidera vers une délivrance suicidaire.
Voici, en quelques lignes, une trame classique, taillée pour ados. Mais sous l’avalanche des clichés attendus (sea, sexe, sun, alcool and coke !), la réalisation expérimentale de Korine — au montage frénétique, digne parfois de Tueurs Nés — dynamite tout. Les conventions s’effritent : place à un bad trip onirique, frôlant la métaphysique. Peu importe la minceur du scénario : seule compte l’expérience sensorielle, l’aura insolite, la respiration spirituelle, l’atmosphère de torpeur qui irrigue l’âme de ces filles égarées. Avec une force émotionnelle piquante car hybride et contradictoire, Spring Breakers raconte leur dérive, leur soif d’un ultime paradis pailleté face à la grisaille d’une vie sans saveur. Leur faim de bonheur, leur appétit d’épanouissement, leur rêve d’un avenir insouciant les poussent vers le vice, sous la coupe d’un « penseur » névrosé (James Franco, hypnotique dans sa cool attitude triviale). Transgresser la morale, consumer chaque seconde, brûler la vie à coups de poudre, de sexe et d’adrénaline : bâtir son paradis artificiel. Cette atmosphère de poésie crue et de désillusion imprègne la pellicule, jusqu’à nous immerger dans une transe hypnotique où le néant crépusculaire culmine à la déroute. No future pour une innocence sans boussole, papillonnant vers un no man’s land.
"Fleurs vénéneuses sous le soleil de Floride". On ne sort pas indemne de la contemplation de Spring Breakers : une léthargie diffuse nous endeuille tout du long. Constat amer d’une jeunesse muette, éblouie par les paillettes et l’extase éphémère, le film est un voyage métaphysique au bout d’une nuit sans aube. Sa flamboyance formelle, sa mise en scène virtuose et la bande-son — à la fois cotonneuse et tonitruante — infusent malaise, aigreur, et une mélancolie poignante. Beaucoup, déboussolés, n’y verront qu’un écran vide ; d’autres, le cœur entrouvert, auront du mal à se relever du cri de révolte de cette jeunesse sans morale ni repentance.
10/10
*Bruno
03.07.13. 25.22.20
«Spring Breakers», poétique de l’idiotie
Par Jean-Baptiste THORET, Historien et critique de cinéma — 2 avril 2013 à 19:06
Des images d’étudiantes en bikini, trémoussant leur booty au ralenti sur des plages bondées, et tout autour, des grappes de jeunes mâles bronzés comme des homards, tous pectoraux sortis, versant sur elles de la bière comme s’ils urinaient en hurlant des «Yeah !». Ainsi s’ouvre le film Spring Breakers, sorti le mois dernier : par un gigantesque rêve (ou cauchemar) éthylique et partouzard, un précipité génial des images industrielles qui composent ce qu’on appelle, faute de mieux, la pop culture mondiale. Spring Break ! Moins le refoulé d’une société occidentale d’autant plus puritaine qu’elle s’est intégralement sexualisée - ici, plus besoin d’un psy pour vous expliquer que le gun, c’est le phallus, «Look at My Shit !» glapit le dealer gangsta-midinette du film qui pianote du Britney Spears (Disney et Snoopy Dog, même combat) - qu’une forme de convivialité fantôme et autistique : le rêve de l’identité s’achève ici dans l’indifférence. «Yeah !» version originale de notre «Yes !» national, interjection performative qui évoque le «Eureka !» crié par le héros de la nouvelle éponyme d’Edgar Poe : «J’ai trouvé !» Mais quoi ?
Spring Breakers se branche à merveille sur l’humeur et la folie absurde de notre époque, fascinée par le fun et le rien, la performance (corporelle, sexuelle, éthylique) et l’agitation, la surface et l’idiotie, au sens où Clément Rosset l’entend : «La rencontre d’un but absolument déterminé et d’une motivation absolument manquante.» Comme le zombie, autre icône de notre époque, passée en quarante ans des marges du genre et de la critique politique, les créatures de la Nuit des morts-vivants, encore dépositaires d’une utopie alternative, au centre d’une société de consommation qui les décline, les dévitalise ad nauseam en séries, clips, films, publicités et happenings familiaux. Soit ces fameuses zombie walks au cours desquelles papa, maman et le fiston déambulent dans les rues, déguisés en morts-vivants friendly. Les morts-vivants, canal historique, voulaient dévorer l’ancienne société parce qu’ils portaient (à leurs corps défendant) un désir de changement. Quatre décennies plus tard, le processus s’est inversé : c’est nous qui imitons les zombies, manière de pastiche qui masque surtout une formidable dénégation de ce que nous sommes devenus. Le Spring Break ou comment se délester du poids de ce qu’on est pour embrasser l’identité nulle d’un collectif de zombies fêtards. En 1988, un slogan publicitaire vantant les mérites d’une célèbre marque de sport - «Just Do It» - avait pointé l’essence de ce consumérisme idiot. «Do It For What ?». Faire la preuve de sa propre vie, sans autre finalité que de montrer qu’on est capable d’y arriver, tel un canard (un zombie ?) sans tête qui continue d’avancer (de bouffer ?), mais pour rien, au-dessus du vide, jusqu’à l’épuisement physique.
L’hédonisme insignifiant que célèbre en accéléré le Spring Break, la forme souvent grotesque que prennent les plaisirs recherchés (fumer un joint par l’anus d’un nourrisson en plastique) découle de cette jouissance contrainte imposée par la logique capitaliste et sa hantise de ne pas consommer comme et avec les autres. Spring Breakers est, à n’en pas douter, un film en avance sur son temps, autrement dit à l’heure, pour reprendre la belle expression de Serge Daney à propos du Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone. A l’heure des années 2000 comme Easy Rider le fut à celle des années 60, Scarface des années 80 et Tueurs nés dix ans plus tard. Regarder Spring Breakers, c’est se retrouver au bord d’un gouffre, essoufflé, à se demander comment on en est arrivé là (Woodstock 2.0 ?) mais c’est surtout se demander pourquoi la contemplation du vide et du mauvais goût, du niveau zéro de la culture de masse, produit malgré tout une forme d’envoûtement, de poésie, voire de fascination. S’agit-il de cette extase que Baudrillard, dans les Stratégies fatales, décrivait comme «cette qualité propre à tout corps qui tournoie sur lui-même jusqu’à la perte des sens et qui resplendit alors dans sa forme pure et vide» ?
Si Harmony Korine a su trouver la bonne distance par rapport à son sujet, à la fois empathique et excentré, c’est qu’il a compris une chose, essentielle : pas de meilleur commentaire sur les images et le monde contemporain que le remake de ces mêmes images. Au fond, le tract, le pastiche, l’indignation, la satire, la dénonciation sont des armes critiques d’un autre temps. La querelle byzantine n’est plus : l’iconodule est aujourd’hui le meilleur des iconoclastes. L’intelligence critique du réalisateur de Gummo consiste à avoir embrassé exactement la forme de son objet. Le baiser est là, mais envoûtant et froid comme celui du tueur. Parties de rien et arrivées nulle part, les quatre adolescentes du film rêvent de pouvoir mettre sur pause ce présent perpétuel, de s’y installer pour toujours («Forever»), à l’abri de l’Histoire et du monde. Mais grâce au montage (effets de retard et de bégaiement du récit qui semble ne jamais décoller), Korine introduit au sein de cette irréalité amniotique et immersive, le sentiment du temps qui passe : l’accumulation des signes du bonheur ne fait pas le bonheur et la satisfaction virtuelle («Just Do It») bute bientôt sur un principe de réalité.
Au fond, les images industrielles se consomment sans rétribution, même symbolique : finir par tuer un dealer qu’on connaissait à peine, reprendre la route, et après ? Et alors ? C’était donc ça ? Au terme de toutes ces images, un objet perdu nous aveugle. Et la plus violente des critiques prend la forme de la mélancolie qui étreint celui, ou celle, qui réalise qu’il n’y a pas de secret. Heureux sont les zombies ?
Jean-Baptiste THORET Historien et critique de cinéma
L'avis deMathias Chaput:
"Spring breakers" est avant tout un film choc, bien plus malin et intelligent qu'il pourrait paraître...
Un piège se referme sur les jeunes filles, aussi bien que sur le spectateur, appâtées par le gain et le sexe, pensant se "trouver" alors qu'au final elles se "perdent"...
Le folklore du gangster à la Tony Montana est de nouveau perpétré dans le film avec un côté moins viscéral que fun, doublé par l'inconscience de personnes désoeuvrées et paumées dans l'âme, ne pouvant qu'observer une issue funeste d'une noirceur absolue...
Il y a un côté pathétique et touchant en même temps dans "Spring breakers" au carrefour du polar moderne et de l'étude de moeurs ciselée, où s'articulent des thématiques comme la consommation de produits addictifs (la drogue, l'alcool mais aussi la vénalité et la perversion sexuelle) et la désespérance d'une jeunesse prise entre le marteau de l'intégration et l'enclume de la tentation d'une vie festive...
D'une réalisation fluide et rapide mais parfaitement lisible, "Spring breakers" est un métrage hybride, à mi chemin entre film expérimental et traditionnel, doté de comédiens en roue libre qui semblent "vivre" leurs rôles comme dans le réel...
Cauchemar crédibilisé par l'émotion des trois héroïnes qui perdent pied rapidement et se "réfugient" dans la violence comme d'autres trouveraient un exutoire afin de pallier à leurs angoisses, Korine trouve la force nécessaire pour insuffler de l'innocence à ces créatures qui en sont dépourvues, sorties de l'adolescence et en mutation transitoire entre l'âge adulte affirmé et les repères éclatés, se cherchant et pensant se trouver dans cette vie anarchique et superficielle, que leur propose Alien...
A la fois axé sur la tentation et le délabrement, il manquerait juste un côté initiatique au film, il est exempt de la moindre rédemption vis à vis des héroïnes, ce qui accentue et amplifie de fait le malaise provoqué chez le spectateur et fait ressortir ce dernier collapsé à la fin du visionnage...
"Spring breakers" est assurément un grand film qui laisse une empreinte, qui s'ancre bien dans son époque et qui ose toutes les transgressions pour appuyer son propos de manière très rigoureuse...
Une belle réussite !
Note: 9/10
Photo empruntée sur Google, appartenant au site aceshowbiz.com
Photo empruntée sur Google, appartenant au site horror-movies.ca
de Sion Sono. 2002. Japon. 1h43. Avec Ryo Ishibashi, Akaji Maro, Masatoshi Nagase, Saya Hagiwara, Hideo Sako, Takashi Nomura, Tamao Sato, Mai Hosho.
FILMOGRAPHIE: Sion Sono (園 子温, Sono Shion) est un écrivain, poète, réalisateur et scénariste japonais, né en 1961 à Toyokawa.
1990: Bicycle Sights. 1992: Heya. 1997: Keiko desu kedo. 1998: Kaze. 1998: Dankon: The Man. 2000: Seigi no Tatsujin Nyotai Tsubo saguri. 2000: Utsushimi. 2002: Suicide Club. 2005: Comme dans un rêve. 2005: Noriko's Dinner Table. 2005: Strange Circus. 2005: Hazard. 2006: Jikô Keisatsu (série TV). 2007: Exte: Hair Extensions. 2008: Love Exposure. 2009: Be sure to share. 2010: Cold Fish. 2011: Guity of Romance. 2011: Himizu. 2012: The Land of Hope.
Le Japon est perçu en Occident comme le pays du suicide. Depuis une quinzaine d'années, on assiste à une moyenne annuelle de 30 à 35 000 suicides faisant du pays l'un des taux les plus importants pour les pays industrialisés. Le suicide touche toutes les catégories sociales. Les enfants ne sont pas épargnés et les femmes sont de plus en plus touchées depuis quelques années. Si chez nous le suicide est considéré comme un pêché absolu et un tabou, au Japon il est une méthode honorable pour se sortir de problèmes ou pour faire face à l'adversité (à l'image séculaire des anciens samouraïs qui pratiquaient le fameux Hara-kiri !).
Pour les 40/60 ans, il s'agit principalement de raisons liées au travail ou d'ordre économique.
Depuis les années 90, le taux de chômage a augmenté au Japon même si celui ci reste globalement en dessous de ce que l'ont peut connaître en occident. De nombreux hommes japonais en ont néanmoins décidé que la seule façon de faire face à la paresse était de se suicider.
Pour comprendre ce phénomène il faut savoir que pour le japonais le travail c'est la vie et la vie c'est le travail. Une existence sans travail ne rime à rien, c'est pourquoi les hommes de 70 à 80 ans continuent de travailler. Les enfants travaillent plus que leur mère et ne peuvent pas jouer. ils pèsent sur eux une volonté de réussite très importante de la part de leurs géniteurs et des professeurs. La société japonaise fonctionne sur le groupe, il est très difficile pour des jeunes de trouver leur place au sein de cette société ou prime l'effet de groupe. Internet a favorisé le suicide chez certains jeunes et il existe même un manuel du suicide écrit par un illustre japonais. Le suicide en groupe s'inspire parfois de ce manuel et privilégie la mort par brique de charbon. En inhalant les émanations toxiques, ils finissent par mourir d'une manière apparemment moins douloureuse que les autres méthodes traditionnelles.
Voilà donc ce que nous révèle Julien Sévéon dans les bonus du dvd, Suicide Club. Une oeuvre choc filmée à la manière d'un documentaire au vitriol, un coup de poing cuisant, un cri de révolte contre le malaise existentiel d'une jeunesse déboussolée. Avec beaucoup de provocations, une ironie macabre dérangeante et l'intrusion de comptines caustiques chantonnées par des enfants ou des frondeurs extrémistes, Suicide Club provoque un malaise anxiogène grandissant au fil de sa narration impromptue. Si le film ne peut faire l'unanimité et rebuter le spectateur non averti ou réfractaire à tant de sarcasme morbide, sa charge incisive sur le constat social d'un Japon déshumanisé ne peut laisser indifférent et nous laisse dans un état d'aigreur asphyxiant. A l'image caustique de son épilogue salvateur militant pour l'harmonie amoureuse d'une union conjugale afin de se débarrasser de nos souffrances inhérentes et pouvoir renouer avec l'existence.
La réalisation bricolée de manière désordonnée et le jeu improvisé des acteurs s'unifient afin de transporter le spectateur dans une expérience insolite, entre éclaboussures de sang et fragments de tendresse désespérés. C'était une impulsion, une fureur punk évoquera le réalisateur qui avait préalablement connu une enfance particulièrement douloureuse !
Profitez tous de la vie !
Nous savons si peu de choses. Qu'arriverons nous à savoir, en fin de compte ? Tous les jours, nous appuyons sur des boutons qui déclenchent un million de commandes différentes. Si seulement tu voulais bien te confier à moi et me dire ce que tu ressens vraiment. Peut-être saurais-je alors te tendre la main. C'est à la fois effrayant et si exaltant de s'ouvrir aux autres et de sentir la richesse de la vie. La notre et celle des autres. Laisse toi aller à la vie, abandonne toi à l'amour. Laisse toi guider par les souvenirs. Il te faudra juste un peu de sensibilité et de courage ! Reviens sur tes pas et n'hésite pas à tout recommencer, même si tu sens que tu n'es pas toujours dans le coup ou que tu crains que ta vie soit entre de mauvaises mains. Si par chance, tu partages les sentiments que j'éprouve pour toi, viens te nicher au creux de mon coeur. Ensemble, nous saurons affronter les ténèbres. C'est à la fois si effrayant et si exaltant. Alors, veux-tu vraiment me dire "au revoir" et me laisser toute seule et malheureuse ? Laisse toi aller à la vie, abandonne toi à l'amour, laisse toi guider par les souvenirs.
En avançant ensemble, nous finirons par oublier la douleur. Et nous saurons retrouver la vie.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site shockya.com
de David Schmoeller. 1989. U.S.A. 1h29. Avec Paul Le Mat, William Hickey, Jemmie F. Skaggs, Robin frates, Irene Miracle.
FILMOGRAPHIE: David Schmoeller est un acteur, monteur, producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 8 décembre 1947 à Louisville, dans le Kentucky (Etats-Unis).1976: The Spider will kill you (Court-Metrage). 1979: Le Piège (Tourist Trap). 1982: The Seduction. 1986: Fou à Tuer. 1988: Catacombs. 1989: Puppet Master. 1991: The Arrival. 1992: Le Rebelle ("Renegade"). Série TV. 1992: Netherworld. 1998: The Secret Kingdom. 1999: Please Kill Mr Kinski. 1999: Search for the Jewel of Polaris: Mysterious Museum (télé-film).
Premier volet d'une série inégale répartie en 5 volets, Puppet Master renoue avec le conte horrifique sous l'égide de poupées de bois surnaturelles ! En 1939, André Toulon se suicide d'une balle dans la tête après avoir redouté l'arrivée de deux nazis daignant s'emparer de son fameux secret. Pour cause, selon un rite égyptien, ce fabriquant de poupée aurait réussi à insuffler la vie à quelques uns de ces modèles. 1989. Une équipe de parapsychologues sont invités dans l'ancienne demeure d'André Toulon. Les puppet master ne vont pas tarder à persécuter ces nouveaux hôtes. Après sa pièce maîtresse Tourist Trap et l'excellent Fou à Tuer, David Schmoeller nous offre avec Puppet Master une attachante série B bonnard. Car à partir d'un scénario académique dépourvu de surprises, le réalisateur nous concocte un simple divertissement fondé avant tout sur l'efficacité de ces agressions sanglantes et d'un climat étrange tantôt surréaliste (les séquences de rêves que l'un des héros perpétue à deux reprises).
Mais surtout, parmi la physionomie inédite de ces poupées diaboliques douées de vie, Puppet Master renoue d'une certaine manière avec la tradition féerique du conte de notre enfance. Le soin consciencieux imparti à l'apparence bien distincte de ces personnages de bois nous provoque une fascination renouant avec nos réminiscences infantiles. Les effets spéciaux mécaniques, souvent réalisés en stop motion, s'avèrent scrupuleusement réalisés si bien qu'ils renouent avec l'outil artisanal afin d'extérioriser une forme de poésie vétuste. Tant auprès de la fillette cracheuse de limaces, la tête d'épingle aux énormes poings, le polichinelle à tête perforeuse ou encore le tueur giallesque au couteau acéré. Tous ayant comme particularité de décimer leur partenaire d'une manière aussi bien spécifique qu'insolite, et ce à travers leur esprit autonome bâtie sur l'extravagance. Enfin, sa mélodie entêtante composée par A. David Marshall accentue agréablement son cachet de séduction en insistant sur l'attrait enchanteur de ces poupées irrésistiblement insidieuses.
Si Puppet Master est loin de laisser un souvenir impérissable, faute d'un scénario sommaire et d'un jeu d'acteurs conventionnel pour autant attachant (la présence monolithique de Paul Le Mat nous amuse autant qu'elle nous agace dans ses exclamations inexpressives), il reste néanmoins un bon divertissement à travers la fonction belliqueuse de ces poupées tueuses décomplexées.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com
de Michael Crichton. 1981. U.S.A. 1h33. Avec Albert Finney, James Coburn, Susan Dey, Leigh Taylor-Young, Dorian Harewood, Terri Welles, Kathryn Witt, Ashley Cox.
Sortie salles France: 6 Juin 1984
FILMOGRAPHIE (source Wikipedia): Michael Crichton est un écrivain, scénariste, producteur et réalisateur américain, né le 23 Octobre 1942, décédé le 4 Novembre 2008 à Los Angeles.
1972: Pursuit (télé-film inédit en France). 1973: Mondwest. 1978: Morts Suspectes. 1979: La Grande Attaque du Train d'or. 1981: Looker. 1984: Runaway, l'évadé du futur. 1989: Preuve à l'appui (Physical Evidence).
"Publicité pour un monde sans âme".
Thriller d’anticipation préoccupé par les dérives technologiques,Looker préfigurait déjà l’ère de la réalité virtuelle et les dangers insidieux de l’audiovisuel. En l’occurrence, le pouvoir de la publicité et sa tentative, toujours plus pernicieuse, d’« hypnotiser » le spectateur à l’aide d’un procédé révolutionnaire destiné à mieux l’asservir à une politique totalitaire. Le “looker”, pulsation optique générée par ordinateur et synchronisée au rythme cortical, induit un état de transe auto-hypnotique, suggestive. Pour leurs projets publicitaires, les scientifiques de la Reston Industries exploitent cette animation pour intégrer des pulsions lumineuses narcotiques dans les pupilles des acteurs, utilisés comme des lasers. À partir d’un pitch bâti sur les meurtres inquiétants de top models, Michael Crichton orchestre un mélange explosif de thriller high-tech, d’érotisme chic et d’anticipation alarmiste avec une redoutable efficacité. Fort de thèmes avant-gardistes et fascinants — réalité numérisée, pouvoir de l’image, aliénation médiatique — le cinéaste alerte, avec un sens affûté du spectacle, sur les dangers d’un simulacre technologique. À l’image du “looker”, ce pistolet qui émet des éclairs de lumière pour créer l’illusion d’invisibilité chez l’agresseur, dès lors que la victime en devient la cible.
À la manière d’un flash incandescent, le projectile plonge le regard dans un état de transe, faisant vaciller la notion de temps. Cette arme de gros calibre donne lieu à des séquences d’action percutantes, parfois teintées de cocasserie — comme cette course-poursuite en voiture, où le chirurgien s’échappe, pour finir projeté au cœur d’une fontaine — ou d’humour noir, lorsque les règlements de compte sanglants éclatent sur un plateau virtuel, où les cadavres se mêlent aux acteurs de synthèse. À travers ce cocktail original d’action et de science-fiction, Looker nous alerte sur notre rapport addictif, presque inconscient, aux méfaits pervers de la télévision. Cette publicité omniprésente, au volume brutalement surélevé, nous hurle le devoir de consommer. Le directeur de Reston Industries le dira sans détour : l’Américain moyen passe plus d’un an et demi de sa vie à regarder des publicités — cinquante minutes chaque jour à observer de la réclame. « Voilà le pouvoir ! », s’exclame-t-il.
En prime, avec le défilé sensuel de mannequins standardisés, Crichton aborde la chirurgie esthétique, et anticipe cette mode aujourd’hui tristement banalisée que la société s’efforce d’ancrer dans les mœurs : influencer la jeunesse avide de célébrité à concourir pour une beauté sophistiquée, taillée au scalpel. Tous ces thèmes sont traités avec l’intelligence d’un scénario retors, émaillé d’ironie, et éveillent en nous une inquiétude fascinante face à l’avenir des médias, obsédés par le pouvoir, l’audimat et les nouvelles technologies virtuelles.
"Hypnose cathodique".
Ludique et captivant, pessimiste et troublant, Looker n’a rien perdu de sa force ni de son pouvoir d’attraction. Par son obsession de l’image et la prolifération des écrans, il garde intacte sa portée critique. Et, au rythme d’une partition électronique stylisée, il continue — non sans dérision — de nous charmer au sein d’un défilé de mannequins immaculés. Une œuvre majeure des années 80, à trôner aux côtés de son complice visionnaire : Vidéodrome.
Photo empruntée sur Google, appartenant au site grindhouseposters.tumblr.com
de Lucio Fulci. 1980. Italie. 1h37. Avec Fabio Testi, Ivana Monti, Enrico Maisto, Marcel Bozzuffi, Saverio Marconi, Ferdinando Murolo, Tommaso Palladino.
Sortie salles Italie: 8 Août 1980
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996.
1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 :L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio,1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.
C'est un an après son fameux poème putrescent, l'Enfer des Zombies, que Lucio Fulci bifurque de genre pour s'orienter cette fois-ci du côté du "poliziesco", polar d'ultra-violence particulièrement prisé dans les années 70. Sans doute inspiré par l'imagerie gore abondamment explicite qui avait fait (en partie) la renommée de son oeuvre charnière, le maître du macabre va transformer son polar italien en sommet d'ultra violence à la brutalité tranchée. Torture au chalumeau sur le visage d'une passeuse de drogue, supplice au tournevis sur la poitrine d'un contrebandier, viol en réunion sur une otage, moult gunfights canardés sur la chair d'autres victimes (tandis que certaines se feront littéralement éclater la boite crânienne ou les intestins sous l'impact des balles !). La Guerre des Gangs, c'est du sévère, ça ne fait pas de quartier, c'est du polar hardgore qui carbure au règlements de compte crapoteux pour la contrebande de drogue.
Luca, contrebandier de cigarettes, vient de perdre son frère lors d'un guet-apens. Fou de colère, il décide de mener son enquête pour se venger du responsable. Après avoir été berné par la fausse piste d'un illustre rival, son investigation l'amène à identifier un nouvel étranger surnommé "le marseillais". Ce leader opiniâtre est délibéré à détruire le marché de Lucas afin de mieux gérer son juteux trafic de drogue et ainsi imposer sa dictature sur Naples.
Comme souvent, Lucio Fulci ne s'embarrasse pas de subtilité scénaristique pour élaborer un polar classique dénué de surprise. Néanmoins, avec l'efficacité d'une réalisation nerveuse et d'un montage retors (notamment l'habileté d'alterner les plans pour intensifier l'attente d'une torture infligée !), le réalisateur réussit à maintenir l'intérêt dans un conflit de rivalité entre clans mafieux. Par l'esprit de vengeance d'un héros transgressif, La Guerre des gangs suit la dangereuse destinée de ce bandit loyalement intègre envers la couverture de sa famille ainsi que la hiérarchie de ses hommes de main. Avec l'arrivée d'un baron de la drogue, notre trafiquant va devoir faire face à son autorité drastique et ne pas se laisser intimider pour oser se compromettre au trafic expansif du marché de la drogue. En dépit du charisme viril de ces illustres comédiens transalpins (Fabio Testi et Marcel Bozzuffi se tiennent tête avec une pugnacité impassible !), ce dense chassé-croisé est fertile en action belliqueuse et violence acerbe pour provoquer une certaine intensité exponentielle. Par ailleurs, en quelques brèves occasions, on peut souligner le caractère documentaire imparti à l'oeuvre politique. Puisque Lucio Fulci vamettre en exergue la condition difficile des ghettos de Naples, où chacun des habitants livrés à une vie marginale sont contraints de tolérer une illégalité commerciale. En l'occurrence la transaction illicite du marché de la cigarette auquel une descente de police va subitement intervenir pour appréhender toute la population. Avec une provocation assumée et un esprit jusqu'au-boutiste, Fulci va apporter un cachet subversif (plutôt douteux diront ses réfractaires) à l'ambiance diaphane de ce polar blafard. Cette forme ostentatoire de violence sanguine réussit à provoquer un impact spectaculaire et une intensité horrifique rarement étalées dans un film dit policier. Ce désir d'exploser les barrières de la bienséance culmine l'oeuvre de commande en véritable ovni frénétique où la moralité n'a plus lieu d'être (pendant que les gangs s'entretuent, les forces de l'ordre observent de manière impuissante à la dégénérescence de leur ville avec une ironie caustique !).
Apre, tendu, spectaculaire et méchamment cinglant, la Guerre des Gangs démontre une nouvelle fois la preuve irréfutable que notre artisan du Bis était capable de oeuvrer dans tous les genres, en y incluant une fois encore sa touche raffinée de sadisme et de perversité. Plus de 30 ans après sa sortie, il reste en l'état un solide polar aussi foudroyant et malsain qu'irrésistiblement attrayant.