vendredi 11 avril 2014

La Mouche 2 / The Fly 2

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviegoods.com

de Chris Wallas. 1989. U.S.A. 1h45. Avec Eric Stoltz, Daphne Zuniga, Lee Richardson, John Getz, Frank C. Turner, Ann Marie Lee, Gary Chalk.

Sortie salles France: 26 Avril 1989. U.S: 10 février 1989

FILMOGRAPHIE: Chris Wallas est un réalisateur américain, né en 1955 à Chicago, Illinois, U.S.A.
1989: La Mouche 2. 1990: Les Contes de la Crypte (Série TV, épisode: Till Death). 1992: Psychose Meurtrière.


Trois ans après le succès de La Mouche, remake plus humaniste/organique/romantique/discursif que le classique de Kurt NeumannChris Wallas entreprend une séquelle afin d'exploiter le filon commercial. Pure série B à nouveau bâtie sur les thèmes de la téléportation et de la mutation génétique, La Mouche 2 réussit à entretenir l'intérêt grâce prioritairement à la bonne volonté de son réalisateur néophyte et des comédiens en herbe particulièrement crédibles. Et ce en dépit d'un accueil public et critique plutôt défaitiste lors de sa sortie controversée. Le pitch: Cinq ans après les évènements dramatiques qui coûtèrent la vie à Seth Brundle, sa compagne accouche d'un enfant physiquement ordinaire mais à la croissance anormale. Elevé par le docteur Bartok et sujet à divers expériences pour déjouer une éventuelle mutation, Martin Brundle doit tenter dès son plus jeune âge de déchiffrer les secrets de la téléportation préalablement étudiée par son père. Utilisé comme cobaye et épié dans son foyer factice, il ne tarde pas à découvrir qu'il est le fruit d'une machination. Pourvu d'une certaine efficacité dans son cheminement narratif dénué de temps mort et mené avec savoir-faire par son action encourue, La Mouche 2 ne s'embarrasse ni de réflexion métaphorique ni d'intensité dramatique (en dépit de la scène anthologique du chien moribond) pour tenter de concourir avec son modèle. Or, de par son intrigue futile dénuée de surprises, le film aurait pu rapidement sombrer dans la séquelle standard si les comédiens n'avaient su faire preuve d'éloquence.


Et bien que son scénario s'articule autour des secrets de la téléportation pour renouer avec les transformations génétiques auquel le héros tentera de trouver une solution à sa dégénérescence, l'implication des acteurs ainsi que son savoir-faire technique pallient en partie son manque d'ambition. Si bien que dominé par la présence juvénile d'Eric Stolz, le comédien parvient à insuffler une réelle fragilité dans sa condition de victime gagnée par la maladie, alors qu'un peu plus tard, sa métamorphose le conduira en monstre vindicatif afin de réprimander ses oppresseurs. Reflet de son adolescence, la pudeur et l'innocence qu'il nous véhicule de prime abord culmine d'ailleurs vers une séquence véritablement poignante, pour ne pas dire insupportable, lorsqu'il doit faire face à l'agonie de son compagnon canin réduit à la difformité monstrueuse ! (une séquence éprouvante d'une rigueur dramatique quasi insupportable par son réalisme escarpé). Epaulé de la jeune Beth Logan auquel ils finissent par amorcer une liaison amoureuse, Daphne Zuniga joue avant tout sur son charme corporel pour nous convaincre mais sait aussi se montrer sincère dans sa compassion portée à Martin. Quand à Lee Richardson il incarne avec hypocrisie l'autorité d'un leader mégalo dénué de vergogne pour la vie humaine car trop avide de cupidité pour parfaire son entreprise professionnelle. Pour clore l'interprétation, si les rôles secondaires impartis aux méchants s'avèrent parfois caricaturaux, leur exubérance renforce le caractère ludique des situations, à l'instar des effets gores gratuits mais spectaculaires qui émanent des agressions de la mouche ! Et même si on aurait préféré une créature plus mobile lors de ses déplacements et exactions meurtrières elle parvient néanmoins à fasciner sous l'impulsion d'FX artisanaux rigoureusement soignés, stylisés même, mais aussi inventifs. 


Dénué d'ambition, La Mouche 2 joue honnêtement la carte de l'exploitation dans son format traditionnel de série B du samedi soir. Sauvé par la prestance attachante des comédiens et de l'efficacité de sa réalisation d'autant plus novice, le film bénéficie en outre d'effets-spéciaux artisanaux saillants et d'une action homérique parfois débridée (gore à l'appui, particulièrement lors de sa dernière partie effrénée parfaitement menée). Une séquelle franchement sympathique donc, en toute humilité, dégageant aujourd'hui un charme rétro que les nostalgiques accueilleront avec une émotion gratifiante nullement réservée. 

La Chronique de la Mouche: http://brunomatei.blogspot.fr/…/la-mouche-prix-special-du-j…

*Bruno
01.04.23. 4èx

jeudi 10 avril 2014

THE MIST

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Frank Darabont. 2007. U.S.A. 2h07. Avec Thomas Jane, Marcia Gay Harden, Laurie Holden, Andre Braugher, Toby Jones, William Sadler, Jeffrey DeMunn.

Sortie salles France: 27 Février 2008. U.S: 21 Novembre 2007

FILMOGRAPHIE: Frank Darabont est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur de cinéma américain, d'origine hongroise, né en France le 28 Janvier 1959 à Montbéliard (Doubs).
1990: Enterré vivant (télé-film). 1994: Les Evadés. 1999: La Ligne Verte. 2001: The Majestic. 2007: The Mist.
SERIES TV: 2007: Raines (saison 1 épisode 1). 2007: The Shield (saison 6 épisode 6). 2010: The Walking Dead (saison 1 épisode 1). 2013: Mob City (4 épisodes).


Adapté d'une nouvelle de Stephen King, The Mist (la brume) relate l'épreuve de force d'un groupe d'individus pris à parti avec des insectes mutants planqués sous un épais brouillard. Calfeutrés dans un supermarché afin de se prémunir de la menace externe, une fanatique religieuse encore plus pernicieuse va semer la zizanie au sein de leur communauté ! Par le réalisateur de La Ligne Verte et des Evadés, rien ne nous laissait présager que Frank Darabont allait élever le genre horrifique à son niveau le plus abrupt, dans le sens où The Mist transcende un cauchemar ultra réaliste où sa dramaturgie est mise à rude épreuve ! Car ici, le thème éculé de l'insecte mutant venu d'une autre planète est réexploité dans un contexte contemporain afin de renforcer la véracité des évènements vécus. Avec l'aide d'effets spéciaux numériques plutôt convaincants et une horreur viscérale éprouvante, The Mist distille un vrai malaise et implique intimement le spectateur dans une situation de claustration des plus névrosées !


A travers les sentiments de peur et de panique, le réalisateur dénonce le fanatisme religieux invoqué par une intégriste et sa capacité à endoctriner les personnes les plus influentes vers l'expiation. En s'attardant sur l'évolution des personnages en constante remise en question et aux rapports de force contradictoires, il traite notamment de notre incommunicabilité et l'impossible alliance de pouvoir s'adapter à une situation alerte. Ces affrontements récurrents que nos protagonistes se disputent pour l'enjeu de survie et celui de la liberté nous amènent donc à une étude psychologique sur la peur, la lâcheté qui en émane et notre folie paranoïaque. Avec cette dynamique de groupe en perpétuelle divergence, il nous démontre que l'homme est asservi depuis toujours par le culte religieux et les stratégies politiques, principales engeances des conflits de nos sociétés. Alors qu'au sein de ce microcosme, les plus solidaires et les plus érudits vont devoir disserter en catimini afin de trouver une solution fructueuse pour sortir de la crise. Avec l'efficacité de sa réalisation studieuse et le jeu argumenté des comédiens, Frank Darabont n'oublie jamais le sens du genre horrifique en émaillant son intrigue d'agressions sanglantes que les insectes perpétuent quand elles réussissent à s'infiltrer dans le supermarché. Avec son intensité exponentielle et ses mises à mort inopinées, le réalisateur n'y va pas avec le dos de la cuillère pour illustrer notamment des altercations ultra violentes entre nos protagonistes en perdition. Quand bien même son point d'orgue apocalyptique va venir nous accabler d'émotion pour l'audace impartie au sens du sacrifice, notamment le cynisme nihiliste qui s'en extrait, même si une issue de secours est finalement promulguée !


"Quoi de plus inhumain qu'un sacrifice humain ?"
Avec The Mist, Frank Darabont a signé une pierre angulaire du genre horrifique et transcendé par la même occasion l'une des meilleures adaptations de Stephen King. Son ambition jusqu'au-boutiste à avoir su exploiter la peur, le malaise et la terreur dans un contexte purement psychologique (les vrais monstres restent humains !) est d'autant plus bouleversante que sa conclusion nous laisse dans un état de déprime injustifiable (il s'agit d'ailleurs à mes yeux d'une des fins les plus effroyables du cinéma !).  

Bruno Matéï
2èx 

mercredi 9 avril 2014

Hitcher / The Hitcher. Grand Prix du Jury, Cognac 86.

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Robert Harmon. 1986. U.S.A. 1h37. Avec C. Thomas Howell, Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh, Jeffrey DeMunn, John M. Jackson.

Sortie salles France: 25 Juin 1986. Sortie salles U.S: 21 Février 1986

FILMOGRAPHIE: Robert Harmon est un réalisateur américain. 1986: Hitcher. 1993: Cavale sans issue. 1996: Gotti (télé-film). 2000: The Grossing. 2002: Astronauts (télé-film). 2002: Le Peuple des Ténèbres. 2004: Highwaymen. 2004: Ike: opération overlord (télé-film). 2005: Stone Cold (télé-film). 2006: Jesse Stone: Night Passage (télé-film). 2006: Jesse STone: Death in paradise (télé-film). 2007: Jesse Stone: Sea Change (télé-film). 2009: Jesse Stone: Thin Ice (télé-film). 2010: Jesse Stone: sans remords (télé-film). 2010: Une lueur d'espoir (télé-film). 2012: Jesse Stone: Benefit of the Doubt (télé-film).

Échec commercial à sa sortie, comparé à l’époque à un vulgaire plagiat de Duel, Hitcher parvient néanmoins à séduire les membres du jury de Cognac, qui lui décernent trois récompenses. C’est surtout au fil des décennies que cette série B, nerveusement emballée, s’est taillée une réputation de film culte auprès d’une frange de cinéphiles. Le redécouvrir aujourd’hui prouve combien l’œuvre modeste de Robert Harmon conserve toute son efficacité, dans cet alliage fébrile de thriller anxiogène, de suspense et d’action, sur fond d’atmosphère irréelle. Car par l’attrait ésotérique de son postulat, et grâce au jeu nuancé de l’inquiétant Rutger Hauer, Hitcher effleure les cimes du fantastique, distillant un climat doucement hanté.

Des routes désertes du sud californien, baignées de lumière crépusculaire, aux notes lancinantes du score mélancolique de Mark Isham, tout dans ce film respire l’étrangeté capiteuse. Si la filiation avec Duel est inévitable, Hitcher affirme pourtant sa propre personnalité – marginale, trouble – en révélant frontalement la nature équivoque du lien entre le tueur et sa proie. Après avoir embarqué un auto-stoppeur sur son trajet de convoyage, un étudiant s’enlise dans un piège : ce passager, silhouette énigmatique, semble résolu à le harceler jusqu’à la mort. Si Jim Halsey parvient d’abord à le jeter hors de sa voiture, le cauchemar ne fait que commencer : l’étranger revient, toujours, traquant son ombre comme un prédateur joue avec sa proie.

Là où le récit prend de l’ampleur, c’est dans l’acharnement avec lequel Jim tente de prouver son innocence à une police aveugle. Non content de fuir un tueur retors, il doit aussi échapper aux forces de l’ordre qui le prennent pour cible ! Ce double enjeu offre à Harmon l’occasion de déployer de superbes cascades automobiles, filmées avec un sens aigu de la chorégraphie et du tempo. Le rythme soutenu du récit, fertile en rebondissements et en visions macabres (hormis un écart un peu abrupt, lorsque la serveuse décide d’aider le fugitif), trouve aussi sa force dans la présence insidieuse de ses interprètes.

Rutger Hauer incarne un tueur étrangement placide, habité d’un cynisme glacial et de silences dérangeants. Son regard, méprisant et narquois, exerce un pouvoir d’attraction troublant. On ne saura jamais ce qui motive sa traque : c’est là tout le vertige du film, ce sentiment d’un mal sans cause, d’une menace aussi impalpable qu'inéluctable. C. Thomas Howell partage sobrement l’affiche avec une intensité douloureuse, mêlant désespoir et combativité. Tourmenté, il tente désespérément de briser la logique absurde de cette traque. L’acteur impose une sensibilité à fleur de peau, traduisant l’amertume et la colère vengeresse avec une force contenue, poignante. Enfin, en tenancière compatissante, la lumineuse Jennifer Jason Leigh vient apaiser, par instants, la tension brute du récit, offrant au jeune héros un rare éclat de tendresse – jusqu’à en payer le prix.


"Le passager sans visage".
Intense et captivant, baigné d’une langueur funèbre, Hitcher déploie avec brio ses oripeaux de série B sur fond de désert urbain et d’errance mentale. Et si sa confrontation entre proie et chasseur réserve son lot de violence, elle recèle aussi d’étranges moments d’intimité suspendue, de silence face à l’inconcevable. Un classique au charme noir, au goût de sable et de sang séché.

*Bruno 
5èx. 11.02.21

Récompenses: Grand prix du jury, Prix de la critique et Prix TF1 au Festival du film policier de Cognac, 1986.

mardi 8 avril 2014

Massacre à la Tronçonneuse (2003) / The Texas Chainsaw Massacre.

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site apercucinephilia.wordpress.com

de Marcus Nispel. 2003. U.S.A. 1h38. Avec Jessica Biel, Jonathan Tucker, Erica Leerhsen, Mike Vogel, Eric Balfour, R. Lee Ermey, David Dorfman, Lauren German.

Sortie salles France: 21 Janvier 2004.

FILMOGRAPHIE: Marcus Nispel est un réalisateur, producteur allemand, né le 15 avril 1963 à Francfort-sur-le-Main en Allemagne.
2003: Massacre à la Tronçonneuse. 2004: Frankenstein. 2007: Pathfinder. 2009: Vendredi 13. 2011: Conan. 2014: Backmask.

 
"Massacre à la Tronçonneuse : L’horreur réinventée dans la fureur du silence". 
Sorti un an avant la vague du torture porn initiée par Saw et Hostel, Massacre à la Tronçonneuse, remake, surprend par son refus de la surenchère gore, contrairement au légendaire chef-d’œuvre de Tobe Hooper. Marcus Nispel évite le copier-coller et glisse quelques clins d’œil malins — la jeune auto-stoppeuse perdue au milieu de la route, le chauffeur de camion qui refuse d’aider la survivante, Leatherface se coupant accidentellement la jambe. Louable sobriété, il privilégie la suggestion et la terreur poisseuse, rendant la première partie, axée sur l’attente, déjà anxiogène grâce à une atmosphère lourde et sépia, annonciatrice d’un déchaînement imminent. Le repère des tueurs, où Erin et Kemper sont accueillis par un handicapé en fauteuil roulant, installe cette tension sourde. La première apparition de Leatherface frappe par son effet de surprise brutal, et quand la violence explose, l’assassin révèle son visage de cuir et brandit sa tronçonneuse avec une rage déchaînée. 
 

Les cinq adolescents traqués par la famille de meurtriers ont, eux aussi, une fragilité taillée dans la douleur. Des jeunes timorés, effrayés par un flic obtus et la dramaturgie implacable qui les broie. Jessica Biel, impeccable, offre un jeu névrosé, multipliant les risques pour sauver ses amis, dans une course haletante pour la survie. Après la mort de l’auto-stoppeuse, les victimes subissent l’humiliation sadique d’un shérif odieux — R. Lee Ermey jubile dans ce rôle autoritaire, glaçant par sa perversité. Parqués dans une chaufferie, ils deviennent proies de Leatherface, où la torture du crochet dans les côtes, plus cruelle encore que dans l’original, marque les esprits : la plaie cicatrisée au gros sel, une cruauté glaçante. L’irruption d’antagonistes secondaires — le couple dans la caravane, l’enfant sauvage — ajoute une ironie noire, renforçant la spirale cauchemardesque. La dernière victime, traquée à travers bois et entrepôts, déchaîne des courses-poursuites d’une intensité terrifiante, sublimées par la maîtrise réaliste de Nispel, qui fait de son tueur une présence aussi insaisissable que menaçante.


Méchant, tendu, malsain et poisseux, ce Massacre à la Tronçonneuse s’impose comme un remake intelligent et respectueux, terrifiant sans jamais céder au gore facile. C’est la rigueur de la mise en scène et la force de l’ultra-violence qui décuplent la tension, où les hurlements et le rugissement strident de la tronçonneuse déchaînent une panique palpable. Une réussite, voire un miracle, qui distille une peur vraie avec une efficacité trépidante.


La Chronique de son modèle, Massacre à la Tronçonneuse (1974): http://brunomatei.blogspot.fr/…/massacre-la-tronconneuse-te…

*Bruno 
19.04.25. 4èx. Vost

lundi 7 avril 2014

CASSE TETE CHINOIS. Prix du Jury jeune à Sarlat, 2013

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Cédric Klapisch. 2013. France. 1h57. Avec Romain Duris, Kely Reilly, Audrey Tautou, Cécile De France, Sandrine Holt, Flore Bonaventura.

Récompense: Prix du Jury jeune au Festival du film de Sarlat, 2013.

Sortie salles France: 4 décembre 2013

FILMOGRAPHIE:Cédric Klapisch est un réalisateur, scénariste et producteur français, né le 4 Septembre 1961 à Neuilly-sur-Seine (France).
1989: Maasaïïtis. 1991: Riens du tout. 1994: Le Péril Jeune. 1996: Chacun cherche son chat. 1996: Un air de famille. 1999: Peut-être. 2001: L'Auberge Espagnole. 2002: Ni pour ni contre. 2005: Les Poupées Russes. 2008: Paris. 2011: Ma part du Gâteau. 2013: Casse-tête chinois.


Après l'Auberge Espagnole et Les Poupées Russes, Cédric Klapisch amorce une suite à son diptyque avec Casse-tête chinois. Titre on ne peut mieux approprié puisque le héros du film, Xavier, entreprend l'écriture de ce roman afin d'exorciser l'échec de sa rupture amoureuse. Comédie légère entièrement bâtie sur le concept amoureux, Casse Tête chinois renoue avec le vent de fraîcheur et de tendresse des précédents opus pour traiter aujourd'hui du mal-être de la quarantaine chez un père de famille. Xavier vient de rompre avec sa femme anglaise après 10 ans de vie commune. Alors qu'elle rentre à New-York parmi ses enfants, il décide également de la rejoindre et cherche un appartement pour assurer la garde de ses rejetons. Après avoir renouer contact avec son amie lesbienne Isabelle, cette dernière lui trouve une location et lui propose par la même occasion de devenir son donateur de sperme par insémination artificielle. En effet, elle aimerait devenir mère d'un enfant avec sa nouvelle compagne, Ju. Au même moment, Martine, l'ex de Xavier, lui annonce qu'elle vient lui rendre visite à New-York.


Treize ans séparent l'Auberge Espagnole de Casse-tête Chinois et le moins que l'on puisse dire c'est que c'est un réel bonheur de retrouver Xavier, Isabelle, Martine et Wendy du haut de leur quarantaine. Outre l'inventivité de sa réalisation aux touches de poésie fantaisiste, sa nouvelle réussite est une fois encore imputée au talent spontané de ces interprètes, successivement incarnés par Romain DurisCécile De FranceAudrey Tautou et Kely Reilly. Des comédiens à la bonhomie pleine de fougue réussissant à nous faire partager leur vicissitudes dans une cohésion amicale. Exit donc la caricature traditionnellement imposée dans ce genre de comédie légère si bien que Cédric Klapisch dessine ces personnages avec l'autorité de leur caractère et un jeu d'improvisation inscrit dans le naturel. En traitant avec simplicité des thèmes contradictoires de l'amour et de l'infidélité, le réalisateur scande un hymne à l'existence (et à la cohésion cosmopolite) auquel le hasard des circonstances rachète toutes les incertitudes. Emaillé de quiproquos irrésistibles (la visite des agents de l'immigration chez Xavier), de rencontres impromptues (le chauffeur de taxi molesté, sa fille asiatique compromise au mariage blanc) et de situations amusées (l'échange verbal difficilement établi entre le nouvel ami de Wendy et Xavier, ou encore l'étreinte sexuelle de ce dernier avec Martine), Casse-tête chinois réussit à combiner tendresse et humour Spoiler ! jusqu'à l'harmonie d'un happy-end renouant avec le bonheur conjugal. Fin du Spoiler. Cet épilogue d'une belle intensité émotionnelle boucle l'idéologie optimiste du réalisateur dans son audace prodiguée et nous suscite l'envie d'affronter la vie sentimentale avec autant de persuasion.  


Léger, frais, pétillant, décomplexé et pittoresque, Casse-Tête Chinois renoue avec la verve de ces précédents modèles (même si on peut déplorer une première partie un peu laborieuse) et peut se targuer d'être un antidépresseur à tous les désillusionnés de l'amour et ceux concevant leur destinée comme scellée d'avance. Comme le prouve la vie compliquée de Xavier, les aléas de l'existence restent ouvertes et attendent de se cristalliser, quand bien même votre meilleur(e) ami(e) pourrait bien un jour bouleverser votre perplexité ! A condition d'y croire et de pratiquer le goût du risque et de l'évasion ! 

Bruno Matéï

vendredi 4 avril 2014

Délivrance / Deliverance

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site dpstream.net
 
de John Boorman. 1972. U.S.A. 1h49. Avec John Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty, Ronny Cox, Ed Ramey, Billy Redden.

Sortie salles France: 1er Octobre 1972. U.S: 30 Juillet 1972

FILMOGRAPHIE: John Boorman est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur américain, né le 18 Janvier 1933 à Shepperton (Royaume-Uni). 1965: Sauve qui peut. 1967: Le Point de non-retour. 1968: Duel dans le pacifique. 1970: Leo the last. 1972: Délivrance. 1974: Zardoz. 1977: L'Exorciste 2. 1981: Excalibur. 1985: La Forêt d'Emeraude. 1987: Hope and Glory. 1990: Tout pour réussir. 1995: Rangoon. 1998: Le Général. 2001: Le Tailleur de Panama. 2003: In my Country. 2006: The Tiger's Tail.

 
Délivrance – L’enfer en eaux troubles.
 Précurseur du survival pur et dur, Délivrance est une plongée en enfer, une épreuve implacable, autant pour le spectateur – lourdement éprouvé – que pour ces quatre hommes livrés à un marathon de douleur et d’endurance. Alors qu’une rivière s’apprête à rendre l’âme, sacrifiée par la main de l’homme pour la construction d’un barrage, quatre citadins décident de lui rendre un dernier hommage, en la descendant en canoë. Ce qui s’annonçait comme un week-end idyllique glisse peu à peu vers un cauchemar absolu, lorsque l’un d’eux subit un viol brutal perpétré par deux rednecks. En ripostant, ils tuent l’un des agresseurs. Dès lors, traqués par un ennemi invisible tapi dans l’écrin menaçant de la forêt, ils devront puiser dans les tréfonds de leur être, entre patience, bravoure et terreur sourde.

Et pendant qu’ils tentent désespérément de rejoindre la ville, la rivière elle-même – impitoyable – les soumet à une autre forme de violence, celle d’une nature brute, indomptée, avec ses rapides assassins et ses montagnes tranchantes. Délivrance, à la fois survival cauchemardesque et drame psychologique au cordeau, dresse un constat glaçant : face à une nature hostile, l’homme se dépouille de ses vernis sociaux et renoue avec son instinct primal.

Comme si cette rivière humiliée, bafouée par notre irrévérence, se rebellait. Comme si, dans un dernier râle, elle prenait en otage ces hommes pour les livrer à leur ultime combat contre la mort. Même un autochtone déficient viendra compliquer la donne, s’érigeant en menace supplémentaire, dans une logique d’extermination totale. D’une noirceur sans concession mais jamais complaisant, John Boorman orchestre un récit de survie d’une rare âpreté, dont la violence – frontale – n’est jamais gratuite. L’horreur y est sous-jacente, mais constante, viscérale, et finit par nous broyer la gorge.

Soutenu par un scénario tendu à l’extrême et un casting sans faille, le film tire sa force d’un réalisme cru et d’une montée en tension organique, où chaque personnage – distinct, complexe – se débat avec sa propre éthique. Faut-il dissimuler un cadavre, ou se livrer à la justice et plaider la légitime défense ? Isolés, acculés, ces hommes – réduits à l’état de bêtes traquées – affrontent tour à tour la peur, le courage, la culpabilité. Et pour l’un d’eux, l’expiation se frayera un chemin dans les eaux noires du suicide.


"Un cauchemar écolo, au bord du néant".
Désespéré, impitoyable, dérangeant, Délivrance redéfinit le survival avec une intelligence acérée. On peut y voir, en filigrane, une métaphore sur la guerre du Vietnam, que Cimino prolongera dans Voyage au bout de l’enfer. L’intensité psychologique de ces hommes brisés – marqués à jamais – culmine en un verdict terrible : l’humanité, livrée à elle-même, vacille sur le fil du gouffre. Confrontée à l’injustice et à la violence, elle révèle ses pulsions les plus inavouables. Et face au déchaînement d’une nature vengeresse, elle reste, tragiquement, sans recours.

Un cauchemar écolo, poisseux, vertigineux… dont on ne revient jamais tout à fait. Et dont le souvenir, à jamais hanté, résonne encore dans le grincement sinistre d’un banjo devenu totem de la peur.

*Bruno
4èx

jeudi 3 avril 2014

RENCONTRES DU 3E TYPE (Close Encounters of the Third Kind)

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineclap.free.fr

de Steven Spielberg. 1977. U.S.A. 2h17 (director's cut). Avec Richard Dreyfuss, François Truffaut, Teri Garr, Melinda Dillon, Bob Balaban, J. Patrick McNamara.

Sortie salles France: 24 Février 1978. U.S: 15 Novembre 1977

FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis).1971: Duel , 1972: La Chose (télé-film). 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode), 1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad, 1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004: Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, 2011: Les Aventures de Tintin, cheval de guerre. 2012: Lincoln.


                                         Rencontre du premier type: Observation d'un Ovni
                                         Rencontre du second type: Evidence Physique
                                         Rencontre du troisième type: Contact


Deux ans après avoir semé la panique sur les plages du monde entier grâce aux Dents de la mer, Steven Spielberg prend le contre-pied du film de terreur mâtiné de catastrophe pour illustrer le féerique Rencontres du 3è type. Passionné par le phénomène des ovnis et tout ce qui entoure le mythe des extra-terrestres, le cinéaste aborde son sujet avec sérieux tout en jouant sur le caractère merveilleux d'une telle situation quand des étrangers venus d'ailleurs décident de débarquer pacifiquement sur terre. Sans faire preuve d'esbroufe dans l'action conventionnelle, Steven Spielberg ne nous ressasse pas une énième invasion d'E.T hostiles dans le but de provoquer (bien qu'il le fera plus tard avec la Guerre des Mondes !), mais au contraire nous émerveille en déclarant un hymne à l'existence extraterrestre. 


Message d'espoir et de pacifisme où le besoin d'entrer en communication s'avère le centre des intérêts, réflexion spirituelle sur la foi, Rencontres du 3è type accorde autant d'intérêt à l'aspect scientifique d'une découverte révolutionnaire que la dimension humaine d'un père de famille obsédé par la quête de vérité. C'est d'abord par le langage auditif que nos scientifiques vont tenter d'entrer en communication avec les ovnis afin d'établir un premier rapport. De son côté, après en avoir été témoin parmi la présence d'autres citadins, le père de famille, Roy Neary, s'évertue à reconstituer au sein de sa demeure un monolithe en terre après avoir été inconsciemment obsédé par cette étrange vision. De manière erratique mais déterminé, il n'aura plus que cette obsession en tête pour essayer de la comprendre et la déchiffrer. C'est avec l'aide de Jillian Guiler, une mère esseulée dont l'enfant vient d'être enlevé par les ovnis, qu'il pourra compter sur son soutien afin d'entamer une excursion vers Devils Tower. D'autres témoins de la région auront cette même révélation, cette ambition imperturbable à tenter de démystifier cette forme distendue et dépister le fameux point de rencontre. Spoiler ! Leur investigation culmine donc avec la découverte d'une base secrète, lieu de séjour afin d'accueillir l'éventuelle venue de nos visiteurs ! Celle d'engins volants illuminés de néons polychromes auquel des extraterrestres finiront par dévoiler leur apparence pour nous prodiguer leur pacifisme ! Fin du spoiler.


En jouant sur la suggestion et l'expectative, Steven Spielberg élabore un scénario infaillible d'autant plus réaliste pour l'aspect scientifique imparti à la recherche et profondément humaniste dans sa réflexion sur la communication et le respect d'autrui. Spectacle de féerie visuelle mené de main de maître à l'aide d'FX toujours aussi modernistes, ballet musical que Steven Spielberg culmine dans un point d'orgue édénique, Rencontres du 3è type nous achemine vers un message universel, celui de la communion avec toute forme de vie étrangère. Prestigieux moment de cinéma !

Bruno Matéï


mercredi 2 avril 2014

LES VIERGES DE LA PLEINE LUNE (Il Plenilunio delle Vergini)

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site vampyres-online.com

de Luigi Batzella. 1973. Italie. 1h22. Avec Mark Damon, Rosalba Neri, Francesca Romana Davila, Esmeralda Barros, Xiro Papas, Sergio Pislar...

FILMOGRAPHIE: Luigi Batzella est un réalisateur italien né le 27 Mai 1924 à San Sperate, en Sardaigne, décédé le 18 Novembre 2008.
1966: Tre franchi di pietà. 1969: Les Mille et une nuits d'Istamboul. 1970: Quand explose la dernière grenade. 1971: Pour Django les salauds ont un prix. 1971: Les Ames damnées de Rio Chico. 1972: Le poulain était fils Dieu. 1972: Confessioni segrete di un convento di clausura. 1973: Les Vierges de la pleine lune. 1974: Les Nuits perverses de Nuda. 1974: Lo Strano ricatto di una ragazza par bene. 1977: Les Tigres du Désert. 1977: Holocauste Nazi. 1978: Symphonie de l'amour. 1979: La Guerre du Pétrole. 1980: l'Implacable Défi (non crédité).


Cinéaste mineur responsable du scandaleux et très Z Holocauste Nazi, Luigi Batzell réalise en 1973 son meilleur film avec Les Vierges de la pleine lune. On est d'autant plus surpris par la qualité du produit que sa rareté nous avait porté préjudice au sein de l'hexagone. Chose réparée aujourd'hui puisque le film bénéficie enfin d'une sortie Dvd digne de son support sous l'égide d'Artus Film !
A la recherche d'un anneau précieux conférant richesse et pouvoir à celui qui le possède, deux frères décident de partir en Transylvanie pour tenter de se l'approprier dans l'ancien château du comte Dracula. Attisé par la cupidité, Franz arrive d'abord le premier et se voit accueilli par une étrange comtesse férue de messe noire. 


Ce qui frappe d'emblée avec cette série B bien ancrée dans l'expression "Bis", c'est le soin accordé à la poésie de ces images contrastant avec des éclairages limpides. Notamment la richesse de sa photographie transcendant une scénographie gothique pour composer des séquences picturales axées sur la sensualité féminine et le rituel de sacrifices. Le réalisateur pallie donc son budget minimaliste par le sens esthétique d'un univers funeste où le rouge, le blanc et le noir prédominent l'assemblée des suceurs de sang. Si le scénario n'est pas un modèle d'intelligence, il s'avère bien conté, assez captivant, parfois surprenant (la relation insidieuse des frères jumeaux, l'épilogue nihiliste relégué en farce macabre) et d'autant mieux rythmé par son lot de rebondissements (la dernière demi-heure multiplie actions imprévisibles et retournements de situation !). Qui plus est, la caractérisation des personnages s'avère également attachante dans le jeu de séduction alloué entre Franz et la veuve de Dracula. Ponctué de séquences érotiques vertueuses et de quelques scènes gores graphiques, les Vierges de la pleine lune est une plongée fantasmatique dans la demeure intimiste d'une femme vampire adepte de solitude. Possédant une bague conférant tous les pouvoirs, elle décide de régir sa vie sous la mainmise des ténèbres en exploitant le sang des jeunes vierges et en séduisant les mâles imprudents. A travers sa mise en scène stylisée, Luigi Batzella emprunte donc les thèmes du vampirisme, de la beauté éternelle et du satanisme en mettant en exergue les pouvoirs surnaturels d'une amulette et d'un anneau, symboles antinomiques du Bien et du Mal. Sur ce point, la confrontation finale (à la lisière du grotesque !) instaurée entre Karl et la comtesse réussit à nous y impliquer, non sans une certaine ironie dans leurs efforts surmontés.


Sans aucune prétention que de divertir modestement, Luigi Batzell compose avec les Vierges de la peine lune une série B finalement originale dans son thème éculé du vampirisme d'où plane l'ombre de la comtesse Bathory (douche de sang à l'appui !), d'autant plus formelle dans le sens du cadrage hérité de l'art pictural. 

Bruno Matéï


mardi 1 avril 2014

LA VENGEANCE DE LADY MORGAN (La Vendetta di Lady Morgan)

                                                                                Photo personnelle appartenant à Bruno Dussart.

de Massimo Pupillo. 1965. Italie. 1h25. Avec Barbara Nelli, Erika Blanc, Gordon Mitchell, Paul Muller, Michel Forain, Carlo Kechler.

Sortie salles Italie: 16 Décembre 1965

FILMOGRAPHIE: Massimo Pupillo est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 7 Janvier 1929 à San Severo, Italie.
1961: Teddy, l'osacchiotto vagabondo. 1965: Cinq tombes pour un médium. 1965: Vierges pour le bourreau. 1965: La Vengeance de Lady Morgan. 1967: Django, le taciturne. 1970: L'amore, questo sconosciuto. 1970: Giovane Italia, Giovane Europa. 1984: Sajana, l'audace impresa


Exhumé de l'oubli grâce à l'éditeur français Artus Films, La Vengeance de Lady Morgan renoue avec la tradition du gothisme italien en s'inspirant de Danse Macabre de Margheriti. Joliment mis en scène dans un noir et blanc ciselé, le film relate l'histoire d'amour impossible entre deux amants, tour à tour victimes du complot d'Harold Morgan et de ses sbires. Persuadée que son ancien amant est mort d'une noyade accidentelle, Susan s'est donc résolue à épouser le comte Morgan en désespoir de cause. Divisé en deux parties, le premier segment joue la carte de la sobriété pour dépeindre les tourments psychologiques de la jeune fille, sévèrement persécutée par son mari cupide, et victime d'hypnose de la part d'une des domestiques. Sa vie conjugale vire donc rapidement au cauchemar depuis que d'étranges évènements influent sur son état mental et depuis que son époux infidèle a manigancé un complot communautaire en guise d'héritage.


Dans un souci esthétique, Massimo Pupillo compose des images gracieuses (voires aussi baroques à certains moments) en harmonie avec le style gothique du château hanté, des couloirs inquiétants éclairés aux candélabres, du cimetière brumeux et d'une crypte à torture. Outre l'aspect envoûtant de la scénographie, le film tire également parti de la caractérisation des personnages sournois au charisme évocateur. Que ce soit le majordome au visage buriné qu'incarne avec démence le vétéran Gordon Mitchel, le compte orgueilleux Harold Morgan qu'interprète Paul Muller dans une posture longiligne, ou encore la domestique aguicheuse qu'Erika Blanc endosse avec charme pernicieux ! Enfin, compromise par l'infortune de la mort, la personnalité de Lady Morgan plane sur le récit à l'instar du fantôme en robe blanche que Barbara Nelli retranscrit avec autant de fragilité que d'empathie pour la destinée de son compagnon. La deuxième partie, beaucoup plus exubérante, emprunte le thème du vampirisme (la condition des fantômes mécréants contraints de boire du sang afin de survivre dans notre monde !) et joue avec les forces du surnaturel lorsque Susan décide d'entamer une vengeance diabolique conçue sur le subterfuge SPOILER ! puisque les responsables de sa mort finiront maladroitement par s'entretuer fin du SPOILER. Emaillé de séquences chocs éculées mais efficaces (les procédés spectaculaires de l'esprit frappeur imposent l'artillerie usuelle des portes qui claquent, des objets qui se déplacent, du vent violent et de l'embrasement du feu ), Massimo Pupillo se laisse notamment aller à l'horreur graphique lorsque l'un des antagonistes grièvement blessé est sévèrement pris à parti avec les sabots d'un cheval !


Scénario structuré, noir et blanc formel, gothique raffiné, érotisme sensuel et personnages fielleux, La Vengeance de Lady Morgan se porte en digne représentant de l'horreur italienne dans sa texture séculaire liée à l'architecture moyenâgeuse. Une belle surprise et une aubaine que les aficionados pourront découvrir pour la première fois en Dvd chez Artus Films

Bruno Matéï

lundi 31 mars 2014

LE CIRQUE DES VAMPIRES (Vampire Circus)

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site projectdeadpost.com

de Robert Young. 1972. Angleterre. 1h27. Avec Laurence Payne, Domini Blythe, Lynne Frederick, Thorley Walters, Adrienne Corri, Robert Tayman.

Sortie salles: 23 Août 1973

FILMOGRAPHIE: Robert (William) Young est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 16 Mars 1933 à Cheltenham.
1972: Le Cirque des Vampires. 1979: Le monde est plein d'homme mariés. 1993: Grandeur et descendance. 1997: Créatures Féroces.


Bien étrange film que ce Cirque des Vampires produit par la célèbre firme Hammer et réalisé par un cinéaste peu prolifique. En dépit du côté daté de certains fx et du jeu cabotin de quelques antagonistes (Robert Tayman force un peu trop le trait dans sa posture vampirique mais se rattrape avec son charisme délétère rehaussé d'un regard vicieux !), cette série B trépidante tire parti de son originalité grâce au décor alloué au cirque forain ! En 1810, le Comte Mitterhouse vient d'être assassiné par les villageois après son kidnapping intenté sur une mère et sa fille. Juste avant de mourir, il promet de revenir se venger auprès de leurs descendants. Quinze ans plus tard, un cirque vient de s'installer dans la région sous la direction du cousin du comte. D'étranges meurtres sanglants vont ébranler la population qui ira rapidement suspecter l'étrange confrérie !


A partir d'un postulat classique (la vengeance d'un vampire pour parfaire sa malédiction !), Robert Young réussit à éviter l'impression de déjà vu grâce à l'efficacité de nombreuses scènes d'action et surtout à l'onirisme des tours de prestidigitation. Sur ce dernier point, je pense au premier spectacle de la femme-tigre et surtout à l'épreuve du miroir de la vie auquel certains villageois vont en faire l'expérience pour se retrouver projeter contre leur gré vers une autre dimension. Il y a aussi le saut crépusculaire dans le vide de ces funambules préalablement métamorphosés en chauve-souris sous l'oeil médusé du public ! Par ailleurs, cette communauté gitane entièrement soumise à l'autorité du mal regroupe des personnages extravagants dans leur physique hétéroclite (l'Hercule, l'homme panthère, les jumeaux vampires, le nain), et ayant tous une fonction particulière pour élaborer leur combine ! La manière surnaturelle dont les villageois sont confrontés à leurs stratagèmes pour les offrir en sacrifice permet de relancer une action alerte lorsqu'ils tentent de se débattre de la mort. Pour le reste, et afin respecter la déontologie de la Hammer, les décors flamboyants sont à l'avenant (le cirque de la nuit installé au sein d'un bois, la chapelle, la crypte), l'horreur graphique vire souvent au gore rutilant et les jeunes filles aux poitrines charnelles dégagent une sensualité timorée !


D'une étrange beauté, Le Cirque des Vampires doit beaucoup de son ironie macabre et de sa fascination grâce au décor du chapiteau dirigé par une obscure alliance. Il en émane une oeuvre singulière, non exempt de maladresses dans sa réalisation archaïque, mais transcendée par ces plages de poésie, au point que certaines images restent inconsciemment gravées dans la mémoire du spectateur. 

Bruno Matéï
3èx

vendredi 28 mars 2014

HIDDEN (The Hidden). Grand Prix Avoriaz 1988.

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site backtothemovieposters.blogspot.com

de Jack Sholder. 1987. U.S.A. 1h36. Avec Kyle MacLachlan, Michael Nouri, Claudia Christian, Clarence Felder, Clu Gulager, Ed O'Ross, William Boyett.

Sortie salles France: 23 Mars 1988. U.S: 20 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE (source wikipedia): Jack Sholder est un réalisateur américain, né le 8 juin 1945 à Philadelphia. 1973: The Garden Party (court-métrage). 1982: Alone in the dark. 1985: Le Revanche de Freddy. 1987: Hidden. 1988: Vietnam War Story 2. 1989: Flic et Rebelle. 1990: By Dawn's Early Light (télé-film). 1993: 12H01: prisonnier du temps (télé-film). 1994: Sélection naturelle (télé-film). 1994: The Omen (télé-film). 1996: Generation X (télé-film). 1997: Panique sur l'autoroute (télé-film). 1999: Wishmaster 2. 2001: Arachnid. 2002: Beeper. 2004: 12 Days of terror.


Déjà auteur de l'excellent Alone in the dark (psycho-killer sardonique où des fous s'évadaient d'un asile pour semer la panique dans une banlieue !) et du sympathique second opus, La Revanche de Freddy, Jack Sholder réalise en 1987 son meilleur film avec Hidden auréolé du Grand Prix à Avoriaz. Si on peut néanmoins contester la remise de cette prestigieuse récompense, on ne peut nier l'incroyable efficacité du récit alternant action explosive et science-fiction horrifique, quand bien même la vigueur de sa réalisation et du montage précis nous laisse sur les rotules. Partant d'un pitch complètement délirant, un parasite féru de gros flingues, de Rock and Roll et de vitesse en Ferrari, investit le corps de citadins pour foutre le zouc dans une bourgade de Los-Angeles, le réalisateur exploite une pure série B ludique conçue sur le fun des situations. Inspiré des classiques notoires parmi lesquels Alien The Thing, il reprend le thème éculé de l'extra-terrestre inhospitalier en dédiant ses confrontations belliqueuses avec les autorités de la police où l'action et les cascades n'auront de cesse d'y rebondir d'une séquence à l'autre ! 


Mené sur un rythme sans faille donc, l'efficacité du scénario émane des stratégies récurrentes que le parasite est contraint d'exercer afin de se glisser dans la peau d'une victime puis d'en dégoter rapidement une autre dès que le corps eut été abîmé ! L'idée retorse d'éradiquer la chose à l'aide d'une arme futuriste est notamment bien exploitée puisque l'adversaire doit attendre qu'elle s'extirpe de l'enveloppe corporelle de la victime, le pistolet ne produisant aucun dommage sur la chair humaine ! Au même moment, deux inspecteurs sont dépêchés sur le terrain afin d'enquêter sur cette vague de crimes inexpliqués alors que de modestes quidams sont subitement atteints de démence ! Pour ajouter un peu de consistance à l'intrigue, l'un des deux flics s'avère un agent du FBI investi d'une mission secrète que son chef tente vainement de percer jusqu'au moment où ce premier décidera d'avouer sa fonction de sauveur de l'humanité. D'ailleurs, on peut saluer le jeu diaphane de Kyle MacLachlan incarnant à merveille un humanoïde flegmatique au regard étrangement angélique. Son comparse endossé par Michael Nouri s'avère notamment persuasif dans la peau du flic expéditif, tentant de démystifier les aboutissants d'une improbable enquête ! Outre la violence incisive des scènes spectaculaires et de son humour noir décomplexé, Hidden est notamment favorisé par la confection d'effets spéciaux modestes mais tout à fait impressionnants ! (la grosse limace s'extirpant en temps réel de la bouche d'une victime pour en infiltrer une autre !). 


Fun et jouissif de par son lot ininterrompu d'action explosive où les gunfights confinent au carnage (la dernière demi-heure pétaradante se rapproche des excès destroy d'un Terminator !), Hidden s'érige en leçon de mise en scène pour son sens de l'efficacité où les altercations n'auront de cesse de redoubler d'intensité ! Enfin, la complicité formée par le duo de flics ajoute une certaine densité psychologique (voire une dimension humaine dédiée au sens du sacrifice) à leurs rapports de divergence où la confiance mutuelle finira par porter ses fruits. 

Bruno 

RécompensesGrand Prix au Festival d'Avoriaz, 1988
Prix du Jury de la critique internationale et prix du meilleur acteur pour Michael Nouri, lors du Festival du film de Catalogne en 1987.
Prix du meilleur réalisateur et nomination au prix du meilleur film au festival Fantasporto en 1988.

jeudi 27 mars 2014

La Guerre du Feu / Quest for Fire. César du Meilleur Film

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site relamovies.com

de Jean Jacques Annaud. 1981. France/Canada. 1h36. Avec Everett McGill, Ron Perlman, Nicholas Kadi, Rae Dawn Chong.

Récompenses: César du Meilleur Film, César du Meilleur Réalisateur

Sortie salles France: 16 Décembre 1981. Canada: 10 Février 1982

FILMOGRAPHIE: Jean-Jacques Annaud est un réalisateur et scénariste français, né le 1er Octobre 1943 à Juvisy-sur-Orge (Essonne). 1976: La Victoire en Chantant. 1979: Coup de Tête. 1981: La Guerre du Feu. 1986: Le Nom de la Rose. 1988: L'Ours. 1992: L'Amant. 1995: Guillaumet, les ailes du courage. 1997: 7 ans au Tibet. 2001: Stalingard. 2004: Deux Frères. 2007: Sa Majesté Minor. 2011: Or Noir. 2015: Wolf Totem.


Il y a 80 000 ans se levait l'aube de l'humanité. L'homme préhistorique savait conserver le feu offert par les hasards de la nature: foudre, éruptions volcaniques. Mais il ne savait pas le créer artificiellement. Ce feu, pour nous, si banal, était l'enjeu de rivalités impitoyables. En ces âges farouches, le feu assurait la survie de notre espèce. Il servait à l'homme pour se protéger des froids terribles des glaciations, écarter les animaux féroces, cuir les viandes. Les hordes s'organisaient autour de sa claire puissance bienfaitrice. Ceux qui le possédaient possédaient la vie. 

Succès mondial lors de sa sortie, auréolé chez nous du César du Meilleur Film, La Guerre du Feu est une gageure à vocation pédagogique et ludique que Jean-Jacques Annaud relève dignement afin de reconstituer l'époque du Paléolithique. Une première dans l'histoire du cinéma puisque le réalisateur traite son sujet avec souci de réalisme dans sa configuration géographique (décors naturels du Canada, de l'Ecosse et du Kenya), dans sa violence graphique imposée (affrontements sanglants assez brutaux) mais aussi dans la physionomie des acteurs au faciès simiesque ! On est donc loin ici des ersatz transalpins qui exploiteront rapidement le filon dans une précarité de système Z à but foncièrement mercantile.


Notre aventure débute donc avec l'expédition de trois guerriers de la tribu des Ulam contraints de quitter leur contrée pour partir conquérir le feu après l'avoir égaré dans un récipient. A partir de ce simple canevas, le réalisateur nous dépeint un captivant récit d'aventure chargé de souffle épique lors de ces batailles adverses que nos trois héros vont devoir braver durant leur périple. Récit initiatique, leçon de vie pour l'évolution humaine, La Guerre du Feu se porte en humble témoignage afin de rendre hommage à nos ancêtres où leur destinée de survie s'avérait particulièrement précaire. Incessamment confrontés à l'hiver climatique d'une nature sauvage, aux rivalités des tribus et à l'hostilité d'animaux affamés, nos héros vont devoir évaluer leur sens de bravoure afin de s'approprier la denrée du feu et pouvoir le créer indépendamment. De par leur épreuve de survie, leur désir de préserver leur dynastie mais aussi leur esprit de curiosité, ils vont défier la peur et apprendre les sens du mot amour, respect, fraternité et humour en se mesurant à la culture des tribus étrangères. Ainsi, à travers le tempérament primitif de l'homme, capable de perpétrer impunément un viol sur une étrangère, Jean Jacques Annaud illustre notamment notre instinct machiste et phallocrate avant de nous inculquer la valeur essentielle de l'amour. Car à travers la relation empathique partagée entre Naoh et Ika, le réalisateur dépeint avec poésie la prémices amoureuse lorsque deux amants sont communément épris de sentiments avant de procréer leur descendance (l'épilogue tacite au clair de lune).


Projet casse-gueule réputé inadaptable, voir peu convaincant du point de vue de certains scientifiques, La Guerre du Feu réussit pourtant l'exploit de retranscrire le Paléolithique avec souci de réalisme studieux. Esthétiquement magnifique à travers ces décors montagneux, bercé d'une partition envoûtante à la flûte de Pan et épaulé du jeu intense des comédiens, Jean-Jacques Annaud accorde autant de crédit au sens du mot spectacle dans cette aventure lyrique où le feu reste la convoitise pour nos ancêtres afin de prémunir leur destinée. Chef-d'oeuvre au demeurant. 

Bruno Matéï
4èx