mardi 19 mars 2013

LA FERME DE LA TERREUR (Deadly Blessing)

                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site manisthewarmestplacetohide.com

de Wes Craven. 1981. U.S.A. 1h40. Avec Maren Jensen, Sharon Stone, Susan Buckner, Jeff East, Colleen Riley, Douglas Barr, Lisa Hartman, Lois Nettleton, Ernest Borgnine, Michael Berryman.

Sortie salles France: 14 Avril 1982. U.S: 14 Août 1981

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio.
1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1978: l'Eté de la peur. 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.


Sorti 4 ans après l'Eté de la peur, la Ferme de la terreur renoue avec la série B horrifique matinée de sorcellerie. L'action du film prend pour cadre une campagne clairsemée auquel une communauté intégriste de Hittites se partagent les terrains avec deux familles issues de la société moderne. Alors qu'un meurtre vient d'être commis, la veuve Martha Schmidt est témoin d'étranges évènements inexpliqués. Deux proches amies viennent la rejoindre afin de la soutenir.


Production modeste au casting féminin particulièrement séduisant, la Ferme de la Terreur empreinte le schéma du slasher au sein d'une bourgade champêtre d'où plane l'ombre de l'incube. Si le film réserve peu de surprises narratives en dehors de son point d'orgue révélateur, il gagne en efficacité par son habileté à insuffler une angoisse diffuse. De manière intense, Wes Craven nous concocte des petits moments de frissons parfois percutants (le serpent venu s'introduire entre les jambes de Martha durant son bain, l'araignée précipitée dans la bouche de Lana pendant un cauchemar onirique, le meurtre cinglant du couple en étreinte à l'intérieur de leur véhicule) en misant d'abord sur une notion de suspense savamment distillée. Son climat ombrageux rehaussé de choeurs d'outre-tombe instaure une inévitable inquiétude alors qu'un rituel de meurtres est perpétré auprès des campagnards. Mais qui peut bien commettre ces crimes gratuits dénués de mobile ?
Par ailleurs, le réalisateur insiste à dépeindre les activités archaïques des Hittites gouvernés par un leader fanatique. Une communauté sectaire comparable aux Amish présents en Amérique du Nord, vivant exclusivement en autarcie pour leur éthique catholique. Sous couvert d'incidents morbides où plane l'influence de Satan, Wes Craven dénonce le totalitarisme de cette confrérie obsédée par la superstition du Mal. Si les hommes dociles s'avèrent sexuellement refoulés, faute de leur dictature imposée, nos héroïnes issues du monde moderne s'émancipent dans une liberté sexuelle assumée. On appréciera également le portrait asséné à ces femmes autonomes beaucoup moins potiches que dans les produits standardisés, car ici pourvues de caractère et de bravoure, surtout quand il s'agit d'affronter le danger (mention spéciale aux harmonieuses Susan Buckner et surtout Maren Jensen).


En dépit d'un épilogue peu crédible faisant intervenir inutilement les forces surnaturelles, La Ferme de la terreur est un excellent slasher à l'ambiance bucolique assez insolite dans son aura de mysticisme frelaté. Le caractère attachant des personnages, le charme lascif de nos héroïnes et l'angoisse distillée avec efficacité confinant au petit classique du genre. 

19.03.13. 4èx
Bruno Matéï

lundi 18 mars 2013

Rollerball

                            Photo empruntée sur Google appartenant au site certifiedoriginals.blogspot.com

de Norman Jewison. 1975. U.S.A. 2h05. Avec James Caan, John Houseman, Maud Adams, John Beck, Moses Gunn, Pamela Hensley, Barbara Trentham, Ralph Richardson.

Sortie salles France: 12 Novembre 1975. U.S: 25 Juin 1975

FILMOGRAPHIE: Norman Jewison est un réalisateur, acteur, producteur et scénariste canadien, né le 21 Juillet 1926 à Toronto (Canada). 1962: Des ennuis à la pelle. 1963: Le Piment de la vie. 1964: Ne m'envoyez pas de fleurs. 1965: The Art of love. 1965: Le Kid de Cincinnati. 1966: Les Russes Arrivent. 1967: Dans la chaleur de la nuit. 1968: l'Affaire Thomas Crown. 1969: Gaily, gaily. 1971: Un violon sur le toit. 1973: Jésus Christ superstar. 1975: Rollerball. 1978: F.I.S.T. 1979: Justice pour tous. 1982: Best Friends. 1984: A Soldier Story. 1985: Agnès de Dieu. 1987: Eclair de lune. 1989: Un Héros comme tant d'autres. 1991: Larry le liquidateur. 1994: Only you. 1996: Bogus. 1999: Hurricane Carter. 2003: Crime contre l'humanité.


"La brutalité est en chaque être humain. Plus un sport est violent, plus il paraît attirant. Notre histoire suit simplement la logique de cette tendance. Plus les gens sont à l'aise, plus leur besoin de violence augmente. D'ici la fin de ce siècle, la société aura donné aux gens le plus de confort possible, mais elle leur aura également ôté toute liberté personnelle. A l'instar de Rome, lorsqu'elle était au sommet de sa gloire tant au niveau politique, économique qu'artistique. C'était à cette période que, dans l'arène, le samedi après-midi, la violence éclatait."
Norman Jewison

Film culte générationnel, chef-d'oeuvre d'anticipation dystopique, Rollerball traite de notre rapport émotif face à la violence dans le milieu du spectacle. En l'occurrence, il s'agit d'un jeu sportif le "Rollerball". Sorte de football américain combiné au hockey où chaque adversaire doit récupérer une boule d'acier projetée à vive allure pour la déposer dans un panier aimanté. Chaussés de patins à roulette et affublés de casques et gants cloutés, les joueurs circulent à pied ou en moto autour d'une piste afin de marquer le plus de points. Dans une société corporatiste sans guerre ni pauvreté, un jeu est créé afin de satisfaire les instincts pervers de sa population. Faute de son immense popularité, Jonathan, champion américain du Rollerball, est subitement contraint de démissionner sous les conseils du dirigeant Bartholomew. Déjà contrarié par la séparation orchestrée de sa femme, le joueur décide de braver les règles pour comprendre la raison de son expulsion et imposer sa dignité humaine. 


Film d'action illustrant sans concession des matchs sportifs ultra violents sous couvert de réflexion alarmiste stigmatisant la société spectacle, Rollerball fascine autant qu'il inquiète sur ces dérives primitives. Car comparable aux jeux cruels du cirque romain, Norman Jewison conçoit ce jeu futuriste afin de mettre en exergue notre rapport voyeuriste face à la violence et notre goût addictif pour le risque du danger. Ainsi, à travers ce loisir dont les normes y sont sans cesse remaniées afin de dissuader le joueur d'accéder au rang de héros, le spectateur moderne y éprouve son intérêt après avoir été comblé dans le confort matériel grâce à une corporation impérialiste. Dans une ambiance austère rythmée d'une mélodie classique élégiaque, le réalisateur met en lumière les effets pervers de cette multinationale déshumanisant ses honnêtes citoyens par le divertissement trivial. Avec ces séquences d'action d'une intensité rigoureuse, Rollerball oppose de furieuses rixes sanglantes et explosives que se disputent chaque membre de l'équipe au sein des matchs internationaux. Les combats échevelés s'avérant davantage homériques au fil d'un enjeu où les règles deviennent plus intolérantes afin d'acheminer ces gladiateurs au sacrifice. De par son habileté à façonner un spectacle bougrement excitant, Norman J. Warren souhaite donc nous interpeller sur notre rapport intrinsèque au loisir épique et le pouvoir de fascination qu'il exerce sur notre inconscient. La force du film résidant aussi dans cette ambivalence que nous entretenons face à l'imagerie violente d'un spectacle stimulant mais oh combien cynique, vulgaire, complaisant, gratuit


Bloodsport: tous les coups sont permis
Toujours aussi actuel et donc prophétique, Rollerball n'a rien perdu de sa fulgurance visuelle et de son impact psychologique pour dénoncer l'avilissement de l'être humain conditionnée par la suprématie des médias. Au-delà de sa mise en scène sagace transcendant des combats anthologiques dans toutes les mémoires, il faut louer la prestance de James Caan dégageant une belle densité cérébrale à travers sa réminiscence existentielle sur la notion d'amour et de regain humanitaire. Indétrônable. 

*Bruno
18.03.13. 3èx

jeudi 14 mars 2013

FRANKENSTEIN JUNIOR (Young Frankenstein)

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site cine-sanctuary.com

de Mel Brooks. 1974. U.S.A. 1h46. Avec Gene Wilder, Marty Feldman, Peter Boyle, Madeline Kahn, Cloris Leachman, Teri Garr, Kenneth Mars, Gene Hackman, Richard Haydn.

Sortie salles U.S: 15 Décembre 1974

FILMOGRAPHIE: Mel Brooks (Melvin Kaminsky) est réalisateur, acteur, scénariste, compositeur et producteur américain, né le 28 Juin 1926 à New-York. 1968: Les Producteurs. 1970: Le Mystère des 12 Chaises. 1974: Frankenstein Junior. 1974: Le Shérif est en prison. 1976: La Dernière folie de Mel Brooks. 1977: Le Grand Frisson. 1981: La Folle Histoire du monde. 1987: La Folle Histoire de l'Espace. 1991: Chienne de vie. 1993: Sacré Robin des Bois. 1995: Dracula, mort et heureux de l'être.


Classique de la parodie réalisé par un spécialiste en la matière, Frankenstein Junior reste l'éternel chef-d'oeuvre de Mel Brooks d'avoir su combiner humour débridée et tendresse élégiaque pour son hommage sincère emprunté au roman de Shelley. D'une drôlerie extravagante irrésistible, l'académisme de l'oeuvre, admirablement photographiée en noir et blanc, est notamment une réussite esthétique prégnante. Car terriblement consciencieux, Mel Brooks a véritablement effectué un travail d'orfèvre pour restituer à merveille l'ambiance chère de la Universal héritée de la trilogie gothique des Frankenstein. D'ailleurs, dans son souci perfectionniste, il réutilisa le même château et laboratoire qui servirent préalablement de décors aux classiques précités. Si en l'occurrence Frankenstein Junior n'a rien perdu de son pouvoir attractif à travers sa succession de sketchs parodiques, il le doit autant à ces protagonistes excentriques jamais irrévérencieux pour tourner en dérision les vicissitudes du monstre bourru.


Tant auprès du Dr Frankenstein (prononcez Frankensteen !) et de sa créature pourvue d'un cerveau "anormal", de sa fiancée prude Elisabeth, de l'assistant Igor à la bosse amovible, de la servante Frau Blücher (dont les chevaux hennissent à la moindre exclamation de son patronyme !) que de Inga, l'assistante docile secrètement amoureuse du docteur. Oserai-je oublier l'intervention de l'inspecteur Han Wilhelm Friederich Kem affublé d'un bras mécanique et s'exclamant avec un accent autrichien quasi inaudible ! Pour incarner ses rôles délurés, Gene Wilder, Peter Boyle, Marty Feldman, Madeline Kahn, Cloris Leachman, Teri Garr et Kenneth Mars débordent de fougue et de bonhomie pour nous communiquer leurs pitreries impayables. Sans oublier la présence inopinée de Gene Hackman en aveugle empoté lors d'une confrontation anthologique avec la créature ! Si Frankenstein Junior regorge d'inventivité pour provoquer l'hilarité, Mel Brooks n'oublie pas pour autant d'insuffler une véritable tendresse afin de rendre hommage au monstre de son enfance. La séquence du music-hall au sein de l'auditoire (clin d'oeil évident à King-Kong pour l'exploitation de la créature) en est un exemple révélateur. Le Docteur et son modèle infantile swinguant avec éloquence un concours de claquettes devant un public médusé ! Il y a notamment cette manière doucereuse (au son des cordes d'un violoncelle) dont Frankenstein s'applique afin de refréner la colère du monstre.


Chef-d'oeuvre parodique (parmi ses acolytes Le Bal des Vampires et Dr Jerry et Mr Love) et hommage poétique à une trilogie légendaire, Frankenstein Junior allie avec juste équilibre fantaisie et tendresse parmi la complicité de comédiens expansifs. Si bien qu'en réalisateur tatillon épris de nostalgie, Mel Brooks n'aura jamais fait preuve d'autant d'influence et d'inspiration pour déclarer sa flamme à la créature candide de la Universal. 

14.03.14. 4èx
Bruno Matéï


mercredi 13 mars 2013

RUNAWAY TRAIN (A bout de course)

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site journalcinephilelyon.com

d'Andrei Konchalovsky. 1985. U.S.A. 1h51. Avec Jon Voight, Eric Roberts, Rebecca De Mornay, John P. Ryan, Kyle T. Heffner, T.K. Carter, Kenneth McMillian.

Sortie salles France: 21 Mai 1986. U.S: 6 Décembre 1985

FILMOGRAPHIE: Andreï Sergueievitch Mikhalkov-Kontchalovski (en russe : Андрей Сергеевич Михалков-Кончаловский), est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et compositeur russe, né le 20 août 1937 à Moscou. 1965: Le Premier Maître. 1966: Le Bonheur d'Assia. 1969: Le Nid de Gentilshommes. 1970: Oncle Vania. 1974: Romans o vlioublionnykh. 1979: Sibériade. 1984: Maria's Lovers. 1982: Split Cherry Tree. 1985: Runaway Train. 1986: Duo pour un soliste. 1987: Le Bayou. 1989: Voyageurs sans permis. 1989: Tango et Cash. 1991: Le Cercle des intimes. 1994: Riaba ma poule. 2002: La Maison de fous. 2007: Gloss. 2010: The Nutcracker in 3D.


"La bête la plus féroce connait la pitié". "Mais je ne la connais point, et ne suis donc pas une bête". Richard III - William Shakespeare. 

En 1985 déboule un film d'action réfrigérant élaboré par un réalisateur russe, d'après un scénario du grand Akira Kurosawa ! En têtes d'affiche, le vétéran John Voight se partage la vedette avec Eric Roberts ainsi que la jeune débutante Rebecca De Mornay. A l'arrivée, ce film d'aventures tourné dans les contrées neigeuses de l'Alaska emprunte le schéma du genre catastrophe pour nous confiner vers un (inépuisable) survival auquel trois individus vont finir par se confronter en interne ferroviaire. Manny et Buck sont deux évadés de prison ayant réussi à embarquer à bord d'un train. Le hic, c'est que l'engin se retrouve sans conducteur depuis que ce dernier succomba à une crise cardiaque. Avec l'entremise d'une employée, les deux hommes vont tenter par tous les moyens de stopper le train lancé à vive allure vers une destination inconnue. La réussite majeure de ce métrage aussi homérique qu'éprouvant réside dans l'intelligence de son scénario réfutant à tous prix l'esbroufe gratuite en se focalisant sur l'étude caractérielle de ses personnages. Mené sur un rythme effréné et pourvu d'un souffle épique vertigineux, Andrei Konchalovsky nous illustre une confrontation au sommet entre un taulard opiniâtre, véritable légende marginale, et son directeur de prison drastique.


Parmi le réalisme d'une succession de péripéties impromptues, Runaway Train demeure une course contre la mort culminant la destination des prisonniers vers un ultime baroud d'honneur. Le combat pour la survie de deux évadés burnés mais au caractère distinct, embarqués malgré eux à bord d'un monstre d'acier ! L'un est un jeune loup fort en gueule, l'autre un baroudeur inflexible à la bravoure surhumaine ! Au centre de leur dissension fondée sur l'esprit de dignité et le courage de vaincre la peur, la présence inopinée d'une jeune employée va tenter d'apaiser leur rancoeur. Dans le rôle du taulard forcené, Jon Voight livre une performance inoubliable dans sa verdeur viscérale. L'acteur déployant une énergie proprement primitive afin de justifier ses excès de haine parfois erratiques et son sens noble du sacrifice. Dans celui du jeune rebelle obtus et empoté, Eric Roberts insuffle une franche spontanéité à imposer ses choix contradictoires contre l'autorité de son associé. La néophyte Rebecca De Morney endosse une femme loyale à la spontanéité humaniste afin d'assagir l'animosité de ces deux rivaux. Enfin, John P. Ryan excelle dans celui du gardien-chef présomptueux incapable d'accepter une quelconque défaite et donc délibéré à neutraliser son pire ennemi. Si l'humanisme désespéré des personnages véhicule une forte intensité, le réalisateur exacerbe leurs enjeux en exploitant à merveille le cadre de son environnement naturel. Nos héros se démenant sans cesse à combattre le blizzard auquel la vitesse effrénée du convoi va décupler sa basse température (- 35 à - 50 degrés !). On sent que les conditions de tournage devaient être particulièrement houleuses par ce climat hivernal atypique, sachant notamment qu'un pilote d'hélicoptère aura tragiquement expiré durant un repérage en amont d'un glacier.


Film d'action catastrophiste tourné au sein d'une nature sauvage indomptable, Runaway Train décoiffe en diable pour mettre les nerfs à rude épreuve avant de nous achever lors d'un baroud d'honneur inconsolable. Un des plus grands films d'action des années 80 illustrant avec intelligence une parabole humaniste sur le sens de la bravoure et du sacrifice. 

13.03.13. 4èx
Bruno Matéï


mardi 12 mars 2013

LE DOCTEUR ET LES ASSASSINS (The Doctor and the devils)

                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site backtothemovieposters.blogspot.com

de Freddie Francis. 1985. U.S.A/Angleterre. 1h33. Avec Timothy Dalton, Jonathan Pryce, Twiggy, Julian Sands, Stephen Rea, Phyllis Logan, Lewis Fiander, Beryl Reid.

Sortie salles France: 29 Janvier 1986. U.S.A: 4 Octobre 1985

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Freddie Francis est un réalisateur, directeur de photographie et scénariste britannique, né le 22 Décembre 1917 à Londres, décédé le 17 Mars 2007 à Isleworth (Royaume-Uni). 1962: La Révolte des triffides. 1963: Paranoiac. 1964: Meurtre par procuration. 1964: l'Empreinte de Frankenstein. 1965: Le Train des Epouvantes. 1965: Hysteria. 1965: The Skull. 1966: The Deadly Bees. 1966: Poupées de cendre. 1967: Le Jardin des Tortures. 1968: Dracula et les Femmes. 1970: Trog. 1972: Histoires d'Outre-Tombe. 1973: La Chair du Diable. 1973: Les Contes aux limites de la folie. 1974: Son of Dracula. 1975: La Légende du Loup-Garou. 1975: The Ghoul. 1985: Le Docteur et les Assassins. 1987: Dark Tower.


Mon nom est flétri, ridiculisé par les enfants. Me suis-je placé comme dieu au dessus de la mort ? Me suis-je placé au dessus de la pitié ? Oh mon dieu, je savais ce que je faisais...

Avant dernier film du notable Freddie Francis qui se solda par un flop commercial cinglant, le Docteur et les Assassins est la sixième adaptation de l'histoire véritable des tueurs en série William Burke et William Hare. Si John Gilling avait magistralement illustré ce fait divers sordide dans son chef-d'oeuvre l'Impasse aux Violences, Freddie Francis livre également une pièce maîtresse de l'horreur réaliste sous l'entremise d'un médecin humaniste entièrement voué aux progrès de la recherche scientifique. Sous l'époque anglaise du 19è siècle, un médecin ambitieux s'entreprend de payer des déterreurs de cadavres afin de pouvoir les disséquer pour sa cause scientifique. Appâté par un gain fructueux s'il s'agit de ramener des cadavres frais, deux ivrognes sans vergogne vont se transformer en odieux assassins. 


Il y a des oeuvres essentielles qui marquent durablement les esprits dans le paysage du cinéma horrifique. Et en dehors d'une ambition artistique, certains réalisateurs s'engagent à nous interpeller par leur réflexion existentielle sur le sens du Bien et du Mal, tout en délivrant un constat amer sur une société obscurantiste. Totalement oublié de nos jours, Le Docteur et les Assassins fait parti de ses perles noires injustement méprisées, alors que l'intelligence du propos et sa densité psychologique forcent autant de respect que d'admiration. Avec sa photo sépia flamboyante et sa scénographie historique fidèlement reconstituée, on se croirait revenu à la période faste des productions Hammer de l'ancienne époque ! Mais ce qui intéresse avant tout Freddie Francis, outre de nous relater avec souci de réalisme un fait divers crapuleux, c'est de délivrer le portrait déchu d'un médecin humaniste entièrement consacré à sa recherche médicale. Un anticonformiste délibéré à enfreindre les lois séculaires faisant obstacle à ses progrès scientifiques. En tant que frondeur autonomiste, le docteur Rock (Timothy Dalton, voué corps et âme dans un rôle poignant et équivoque) décide finalement de déterrer la dépouille de cadavres sous l'entremise de lurons habitués à fréquenter les bars malfamés. Seulement, ses ambitions immorales (se placer au dessus de Dieu en violant l'âme des défunts reposant sous terre) vont le conduire à un terrible préjudice par la cupidité de deux alcooliques ignares. Par leurs exactions crapuleuses uniquement motivées par le gain, le réalisateur dépeint sans concession le portrait glaçant de deux tueurs impitoyables tributaires de leur dégénérescence morale. Des marginaux englués dans leur condition désoeuvrée et donc mieux aptes à perpétrer sans scrupule leurs homicides sur des vieillards et catins défavorisés. Incarnés par Jonathan Ryce et Stephen Rea, les deux acteurs campent à merveille un duo d'assassins impassibles, davantage épris d'un penchant pour le sadisme engendré par la folie meurtrière.


Sous le mode de l'horreur réaliste (et chirurgicale), Le Docteur et les Assassins est avant tout un drame profondément humain, fort et poignant, d'un anatomiste trop ambitieux finalement rongé par le remord d'une conscience pervertie. Magnifiquement photographié et fidèlement reconstitué, le film nous replonge avec une flamboyante âpreté à l'aube de l'Angleterre victorienne, sous son aspect le plus dépravé. Là où l'alcoolisme, la prostitution et le crime (payant) faisaient partis du morne quotidien des petites gens réduits à leur déchéance et la mendicité. 

Dédicace à Sebastien De Jesus
12.03.13
Bruno Matéï



lundi 11 mars 2013

DRACULA. Licorne d'Or au Festival du Film Fantastique de Paris

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site forum.nanarland.com

de John Badham. 1979. U.S.A/Angleterre. 1h49. Avec Frank Langella, Laurence Olivier, Donald Pleasence, Kate Nelligan, Trevor Eve.

Sortie salles U.S.A: 20 Juillet 1979

Récompense: Licorne d'Or au Festival du film fantastique de Paris

FILMOGRAPHIE: John Badham est un réalisateur et producteur britannique, né le 25 Août 1939 à Luton.
1976: Bingo. 1977: La Fièvre du samedi soir. 1979: Dracula. 1981: C'est ma vie après tout. 1983: Tonnerre de feu. 1983: Wargames. 1985: Le Prix de l'exploit. 1986: Short Circuit. 1987: Etroite Surveillance. 1990: Comme un oiseau sur la branche. 1991: La Manière Forte. 1992: Nom de code: Nina. 1993: Indiscrétion Assurée. 1994: Drop Zone. 1995: Meurtre en suspens. 1997: Incognito. 1998: Road Movie.


Couronné de la Licorne d'Or au Festival du film fantastique de Paris, le troisième film de John Badham est une énième transposition du célèbre roman de Bram Stoker. Honteusement occulté aujourd'hui et réduit à l'indifférence par la nouvelle génération, Dracula est pourtant l'une des plus belles variations du mythe vampirique. Epris de romantisme lyrique dans la relation sensuelle entretenue avec le prince des ténèbres et sa muse, et pourvu d'un esthétisme onirique prégnant, ce conte baroque est notamment transcendé par la présence magnétique de Frank Langella, époustouflant de charisme en dandy maléfique. Alors qu'un bateau échoue au large des côtes anglaises, une femme sauve de l'équipage l'unique survivant. Ce miraculé n'est autre que le Comte Dracula, délibéré à trouver sa nouvelle maîtresse et ainsi procréer sa race diabolique. Après la mort mystérieuse de sa fille, le professeur Van Helsing décide de se rendre sur place auprès du docteur Jack Sward, Jonathan Harker et sa fiancée Lucy. 


Avec la splendeur d'une photo désaturée aux teintes sépia et blafardes, John Badham s'éprend d'une ambition formelle pour nous livrer un spectacle flamboyant mené sur un rythme sans faille. Déployant des images poétiques diaphanes ou limpides à travers sa nature crépusculaire, mais aussi dans l'antre d'un vaste château illuminé de bougies, Dracula est une véritable invitation au voyage jusqu'au bout de la nuit. La force de ces images picturales, la richesse de ces décors tributaires d'une réalisation rigoureuse ainsi que le souffle exaltant qui en émane sont notamment exacerbés par la conviction d'illustres comédiens. Que ce soit le notable  Laurence Oliver dans le rôle d'un Van Helsing faillible, Donald Pleasance dans celui, secondaire mais attachant, du dirigeant d'un asile psychiatrique, la ravissante Kate Nelligan pourvue de volupté charnelle pour endosser la maîtresse corrompue, ou encore l'assistance vigoureuse de Trevor Eve dans celui de l'amant téméraire ! Mais c'est indéniablement la personnalité de Frank Langella qui marque durablement les esprits dans sa posture de prince des ténèbres à l'apparence beaucoup plus élégante que de coutume. Avec son regard noir étrangement trouble, l'acteur impose un jeu perfide et délétère accentuant avec un naturel confondant le pouvoir de séduction qui enveloppe le film. Jalonné de péripéties bondissantes (l'héroïsme pugnace dont nos héros font preuve pour annihiler le comte) ou d'évènements parfois insolites (le prologue meurtrier que l'équipage du bateau est contraint de subir, la découverte du tunnel construit sous le cimetière et la première apparition spectrale de Mina !), Dracula s'alloue aussi d'une teneur érotique baroque (l'étreinte sexuelle des deux amants illustrée sous la texture rutilante d'un crépuscule carmin !). Enfin, il culmine sa traque intrépide vers un point d'orgue diaboliquement cruel (et oh combien inventif !) pour la mise à mort du vampire réfugié en interne d'un bateau !


D'une beauté plastique fulgurante dans son gothisme épuré et mené de main de maître par un John Badham particulièrement ambitieux, Dracula est un conte horrifique à la charge romantique irrésistiblement fascinante. L'une des meilleures déclinaisons du célèbre mythe, aussi moderne qu'archaïque, injustement passée dans l'oubli. A (re)découvrir d'urgence !

11.03.13. 4èx
Bruno Matéï

samedi 9 mars 2013

Vampyres (Daughters of Darkness)

                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site melonesoldmovie.blogspot.com

de José Ramón Larraz. 1974. Angleterre. 1h27. Avec Marianne Morris, Anulka, Murray Brown, Michael Byrne, brian Deacon, Sally Faulkner, Karl Lanchbury.

FILMOGRAPHIE: José Ramón Larraz, dit parfois Gil, Dan Daubeney ou Watman (né en 1929 à Barcelone en Espagne) est un auteur de bande dessinée et réalisateur espagnol. 1970: l'Enfer de l'Erotisme. 1971: Déviation. 1973: La Muerte Incierta. 1974: Emma, puertas oscuras. 1974: Les Symptomes. (Symptoms/The Blood Virgin). 1974: Vampyres. 1974: Scream... and die ! 1977: Luto Riguroso. 1977: Le Voyeur. 1977: La Fin de l'Innocence. 1978: l'Occasion. 1978: La Visita del vicio. 1979: The Golden Lady. 1979: l'Infirmière a le feu aux fesses. 1980: Estigma. 1981: Las Alumnas de madame Olga. 1981: La Momia Nacional. 1982: Les Rites sexuels du diable. 1983: Polvos Magicos. 1983: Juana la loca... de vez en cuando. 1987: Repose en paix. 1988: Al filo del hacha. 1990: Deadly Manor. 1992: Sevilla connection.


La Chair et le Sang.
Auteur de bandes dessinées, l'espagnol José Ramon Larraz est aussi le cinéaste méconnu de plusieurs longs-métrages quasi introuvables en France comme le souligne le film qui nous intéresse ici. D'ailleurs, l'un de ses premier essais présenté à cannes, Les Symptomes, reste une oeuvre aujourd'hui invisible car faisant partie du Top 10 des 75 films les plus recherchés par le FBI. La même année, il entreprend  donc Vampyres, un film d'exploitation alliant sans vergogne sexe et horreur sous un mode auteurisant. Largement occulté depuis des décennies par les spécialistes du genre, cette série B british demeure pourtant une véritable perle d'étrangeté à situer entre le cinéma onirique de Jean Rollin (voir aussi de Jess Franco pour son érotisme à l'orée de la pornographie) et celui, plus trivial, de Norman J. Warren (notamment pour sa dernière partie étonnamment plus violente et gorasse). Ainsi, le scénario linéaire est un prétexte pour aligner des séquences érotico-gores particulièrement corsées. Deux femmes autrefois assassinées par un mystérieux individu reviennent sous l'apparence de vampires pour assassiner les automobilistes égarés. Propriétaires d'un manoir, nos châtelaines entraînent quelques quidams esseulées dans leur gothique demeure pour s'adonner au plaisir de la chair et du sang. Ce qui frappe d'emblée dans ce conte fantasmatique où le temps semble dilué, c'est le soin alloué à l'atmosphère opaque irrésistiblement envoûtante. Tant auprès de sa nature crépusculaire en clair-obscur, de l'intérieur du manoir gothique où les chambres tamisées y prédominent le cadre, ou du sous-sol étroit d'une cave éclairée de bougies. Avec l'apparition onirique de deux beautés charnelles entr'aperçues aux abords d'une forêt mais natives de nulle part, José Ramon Larraz joue la carte de la poésie lascive. 


Bien que ce soit l'érotisme ardent qui prédomine toute l'intrigue si bien que ces femmes vampires vêtus de cape noire (mais éludées de canines aiguisées !) occupent leur temps à l'échangisme d'ébats sexuels au sein de leur manoir reculé. La mise en scène soignée palliant la minceur de l'intrigue au gré d'une ambition formelle à façonner un climat d'étrangeté particulièrement prégnant. En prime, la verdeur des attaques sanglantes commises par les lesbiennes sur les mâles démunis s'avèrent davantage cruelles auprès de leur hargne incontrôlée. Superbement campées par Marianne Morris et Anulka (que l'on  retrouve par ailleurs quelques décennies plus tard en interview croisé dans le Blu-ray Blue Underground), nos deux nymphettes impudentes parviennent aisément avec un naturel trouble à nous aguicher par leur silhouette voluptueuse, leur regard magnétique et leur poitrine opulente. Les séquences érotiques généreusement explicites accusant une certaine redondance que le spectateur contemple sans jamais se laisser distraire par l'ennui. Leur efficacité renouvelée résultant surtout dans la variante des victimes masculines, dans l'élaboration d'un climat gothique chargé de mystère diffus, dans ses éclairs de violence inopinés et dans le pouvoir de fascination imparti aux maîtresses insatiables avides d'étreintes sanglantes. Spoil !!! Quant au final caustique, il surprend une ultime fois pour sa teneur fantaisiste et son originalité à justifier les motivations revanchardes des vampires réduites à l'état d'ectoplasme comme le sous-entendait son prologue criminel. Fin du Spoil


Erotisme de la mollesse offerte.
En dépit d'un cheminement narratif tantôt elliptique (mais facilement pardonnable de par son vénéneux charme rétro de nos jours révolus), le jeu perfectible de quelques rôles masculins (pour autant attachants) et ces dialogues standards (non préjudiciables), Vampyres fascine, trouble et envoûte sans modération le spectateur plongé dans un enivrant rêve érotico-sanglant régi par des nymphomaniacs ! A découvrir sans hésiter donc auprès des fans d'OVNI indépendant avides d'ambiance ésotérique à la sauce British.  

Eric Binford
01.12.21
09.03.13

jeudi 7 mars 2013

AGUIRRE, LA COLERE DE DIEU (Aguirre, der Zorn Gottes)

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdclassik.com

de Werner Herzog. 1972. Allemagne. 1h33. Avec Klaus Kinski, Helena Rojo, Del Negro, Ruy Guerra, Peter Berling, Cecilia Rivera.

Sortie salles France: 26 Février 1975 (Cannes: 16 Mai 1973). Allemagne: 29 Décembre. 1972. U.S: 3 Avril 1977

FILMOGRAPHIE: Werner Herzog (Werner Stipetic) est un réalisateur, acteur et metteur en scène allemand, né le 5 Septembre 1942 à Munich (Allemagne).
1968: Signes de vie. 1970: Les Nains aussi ont commencé petits. 1972: Aguirre, la colère de Dieu. 1974: l'Enigme de Kaspar Hauser. 1976: Coeur de verre. 1977: La Ballade de Bruno. 1979: Nosferatu, fantôme de la nuit. 1979: Woyzeck. 1982: Fitzcarraldo. 1984: Le pays où rêvent les fourmis vertes. 1987: Cobra Verde. 1991: Cerro Torre, le cri de la roche. 1992: Leçons de ténèbres. 2001: Invincible. 2005: The Wild Blue Yonder. 2006: Rescue Dawn. 2009: Bad Lieutenant: escale à la Nouvelle-Orléans. 2009: Dans l'oeil d'un tueur.


Film phare au sein de la carrière de Werner Herzog, Aguirre est une expérience sensorielle peu commune dans le paysage cinématographique. Filmé dans les décors naturels du Perou, cette odyssée humaine menée par un mégalomane totalitaire est une aventure épique de la démesure, un voyage naturaliste hors du temps. Dans le sens où le héros principal, conquistardor espagnol rempli d'ego, conduit ses hommes de main en plein coeur d'une jungle hostile, tout en remontant un fleuve sur radeau pour la conquête d'un Eldorado irréel. Filmé à la manière d'un documentaire contemplatif examinant sa faune et sa flore sous l'époque du 16è siècle, Werner Herzog nous fait partager l'introspection d'un dictateur fermement convaincu que son destin est voué à une ambition divine. La mise en scène expérimentale s'impartie à l'hyper réalisme de l'improvisation, comme ces cadrages immobiles fixant le regard impassible de certains seconds-rôles, ou épiant, caméra à l'épaule, leurs conversations secrètes. On immagine notamment les risques entrepris par l'équipe technique, les figurants et les comédiens, convoyés de mammifères et de chevaux, parcourant communément des sentiers infranchissables dans une végétation inhospitalière. Autant dire que le tournage fut particulièrement houleux (la séquence du radeau pris dans les rapides ou l'inoubliable prologue aérien auquel nos conquistadors descendent à pied une montagne nappée de brouillard), sans compter les crises de conflits provoquées par Herzog et son compère opiniâtre Kinski !


Habité par son rôle névrosé, ce dernier incarne le rôle d'Aguirre avec une foi inébranlable dans sa posture de roi orgueilleux, son regard halluciné et ses colères irascibles. Sa présence quasi surnaturelle renforce le caractère baroque, insolite de cette expédition suicidaire hantée par sa propre folie. Alors que l'ennemi invisible, tapi dans l'ombre des feuillages, frappe sans crier garde pour mieux conduire à la mort ses visiteurs colonialistes. Le final mystique dépeint à merveille l'arrogance de ce mégalomane devenu solitaire par son utopie démesurée. Perdu au milieu d'un fleuve sur son radeau jonché de singes capucins, Aguirre perdure sa destination vers la cité d'or sans se soucier un seul instant que la mort lui sera un jour irréversible !


Illuminé par la musique ensorcelante de Popol Vuh et l'interprétation démentielle de Klaus Kinski, Aguirre est un morceau de cinéma hypnotique d'une rare puissance formelle. Une expérience sensitive inoubliable transcendant la folie intrinsèque de l'homme assoiffé de puissance et de gloire. Aguirre symbolisant la dictature du leader fasciste.  

07.03.13. 3èx
Bruno Matéï

mercredi 6 mars 2013

LE CONVOI (Convoy)

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmscoremonthly.com

de Sam Peckinpah. 1978. U.S.A/Angleterre. 1h47. Avec Kris Kristofferson, Ali MacGraw, Burt Young, Ernest Borgnine, Seymour Cassel, Franklyn Ajaye.

Sortie salles France: 16 Août 1978. U.S: 28 Juin 1978

FILMOGRAPHIE: Sam Peckinpah est un scénariste et réalisateur américain, né le 21 Février 1925, décédé le 28 Décembre 1984.
1961: New Mexico, 1962: Coups de feu dans la Sierra. 1965: Major Dundee. 1969: La Horde Sauvage. 1970: Un Nommé Cable Hogue. 1971: Les Chiens de Paille. 1972: Junior Bonner. Guet Apens. 1973: Pat Garrett et Billy le Kid. 1974: Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia. 1975: Tueur d'Elite. 1977: Croix de Fer. 1978: Le Convoi. 1983: Osterman Week-end.


Avant dernier film de Peckinpah, Le Convoi est un pur western moderne conçu pour nous divertir avec l'entremise d'un sous-texte social contestataire. Puisqu'ici, le réalisateur s'intéresse à la condition des prolétaires tributaires d'une politique éminemment insidieuse (un gouverneur profite de la renommée d'un routier pour s'attirer la sympathie des ouvriers afin de remporter les élections). Largement sous-estimé depuis sa sortie à cause de son côté décalé et cartoonesque, Le Convoi a considérablement déconcerté une partie du public qui s'attendait à une "horde sauvage" contemporaine. Il s'agit pourtant d'un road movie homérique bougrement jouissif de par sa dérision insolente (les flics sont constamment raillés et à bout de course dans leur désir d'oppression !). Alternant sans répit baston de saloon, cascades et poursuites intrépides, le film est notamment l'occasion de retrouver d'anciens briscards du cinéma de genre comme notre baroudeur Kris Kristofferson, les vétérans Ernest Borgnine et Burt Young ainsi que le charme lascif d'Ally McGraw (toujours sexy dans sa trentaine assumée !). 


Bourré d'humour et de péripéties échevelées, le pitch part d'une simple infraction d'excès de vitesse commise par un camionneur notoire sur une route de l'Arizona. A partir de cette altercation avec un flic bourru rempli de rancune, le routier Duck va être contraint de s'exiler vers le Nouveau-Mexique. Seulement, durant sa destination, notre frondeur attise la sympathie d'autres routiers qui décident de le rejoindre pour former une alliance contestataire. De son côté, le flic irascible toujours plus pugnace alerte toutes les forces de police afin de contrecarrer le convoi sauvage multipliant les infractions. Au fil de la notoriété grandissante de Duck, s'attirant notamment la sympathie de la population, un politicard vénal profite de ce mouvement de crise pour s'attirer les votes des prolétaires.
Si le scénario mal structuré et assez improbable se contente d'illustrer une longue traque automobile entre un cow-boy marginal et un shérif imbus de son pouvoir, son sens de l'efficacité, la bonhomie attachante des protagonistes et surtout l'humour débridé qui en émane procurent un spectacle stimulant inévitablement attachant.


Pamphlet contestataire contre l'autorité déloyale au sein d'une Amérique raciste, le Convoi est une forme d'hommage à tous ces routiers exploités par un gouvernement mégalo où seul le pouvoir reste l'unique dessein. Si on pouvait espérer un spectacle plus dense et substantiel de la part de Sam Peckinpah, il n'en demeure pas moins un sympathique moment de détente bourré de dérision et d'action. Un western sur bitume où les gros camions sont pilotés par des trognes aussi téméraires qu'amicales. Shérif fait moi peur n'est pas loin !

06.03.13. 4èx
Bruno Matéï

mardi 5 mars 2013

Carrie au bal du diable. Grand Prix Avoriaz, 1977.


de Brian De Palma. 1976. U.S.A. 1h38. Avec Sissy Spacek, Piper Laurie, Amy Irving, Nancy Allen, John Travolta, William Katt, Betty Buckley.

Sortie salles France: 22 Avril 1977. U.S: 3 Novembre 1976

FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted.


Un film d'horreur qui fait pleurer, une fois n'est pas coutume.
Auréolé du Grand Prix à Avoriaz un an après sa sortie triomphante (33 millions de dollars de recette pour un budget de 1 800 000 !), Carrie est sans nulle doute l'une des meilleures adaptations cinématographiques de Stephen King. Un chef-d'oeuvre du Fantastique moderne d'une rare émotivité pour un genre traditionnellement assujetti à terrifier ! Littéralement envoûté par la prestance iconique de Sissy Spacek incarnant une souffre douleur timorée, Carrie demeure avant tout un drame psychologique transplantant dans le cadre d'une épouvante satanique sous l'allégeance d'une mégère fondamentaliste. Ainsi, à travers la tragédie de cette lycéenne introvertie, soudainement confrontée à sa puberté et raillée par ses camarades de classe, Brian De Palma traite avant tout du fanatisme religieux sous l'intégrisme d'une mère castratrice. Avec une grande attention psychologique intentée à la dimension humaine de son héroïne, le réalisateur bâtit une intrigue baroque fondée sur la télékinésie si bien que Carrie est contrainte d'y remédier afin d'accomplir une vengeance démoniale. Alternant romantisme éperdu pour la relation chétive entre Carrie et son compagnon, et puritanisme sectaire pour l'enseignement drastique inculqué par sa mère, Brian De Palma allie compassion fébrile et angoisse sous-jacente. Toute cette charge de sentiments contradictoires compromis entre l'amour maternel d'une catholique intolérante et de sa fille aussi fragile qu'indignée convergeant vers un suspense hitchcockien au sein de l'assemblée lycéenne d'un bal de promotion, et ce avant l'explosion du déchaînement de l'enfer !


Si en l'occurrence ce drame horrifique garde intact son pouvoir d'émotion et de fascination, il le doit donc beaucoup à l'interprétation sensorielle de la révélation Sissy Spacek ! Car d'une sensibilité à fleur de peau pour son portrait alloué à une adolescente craintive constamment persécutée par son entourage, l'actrice extériorise une fragilité candide particulièrement élégiaque. A l'image de cette danse imposée par son compagnon lors du bal, moment d'étreinte vertigineuse (utilisation d'un travelling circulaire à l'appui) quand celle-ci semble enfin épanouie d'une gratitude légitime. Mais lorsqu'une blague de potache achève à la perfection une diabolique conjuration, la stupeur déchue de Carrie, réduite à l'état de "reine ensanglantée", culmine sa rancune vers une vengeance surnaturelle ! Dans celle de la mégère opiniâtre obsédée par la candeur, Piper Laurie excelle à réciter machinalement ses versets religieux pour livrer une interprétation malaisante transie d'émoi !


Un crève-coeur inconsolable, bouleversant cri d'horreur contre l'intégrisme. 
Sublimé du score envoûtant de Pino Donnagio et de la présence (oh combien) gracile de Sissy SpacekCarrie constitue la quintessence du fantastique contemporain de par son alliage d'émotion bouleversée et d'horreur cinglante sous couvert de fanatisme religieux. Métaphore sur l'altération de la puberté et tableau cruel infligé au cap difficile de l'adolescence, cette tragédie funèbre est notamment transcendée par sa mise en scène virtuose d'une précision Hitchcockienne (l'anthologique "bal maudit" couronné d'une science du suspense parmi la technique binaire du split screen  !).

* Bruno
05.03.13. 5èx

Récompense: Grand Prix à Avoriaz et Mention Spéciale pour Sissy Spacek en 1977




samedi 2 mars 2013

JUST LIKE A WOMAN


de Rachid Bouchareb. 2012. France / Angleterre. 1h46. Avec Sienna Miller, Golshifteh Farahani, Bahar Soomekh, Tim Guinee, Roschdy Zem, Chafia Boudraa.

Récompense: Prix d'interprétation Féminine pour Sienna Miller et Golshifteh Farahani au Festival de la Fiction TV de La Rochelle.

Diffusé le 14 Décembre 2012 sur Arte

FILMOGRAPHIE: Rachid Bouchared est un réalisateur et producteur franco-algérien, né le 1er Septembre 1953 à Paris.
Longs métrages / 1985: Bâton Rouge. 1991: Cheb. 1994: Poussières de vie. 2001: Little Senegal. 2006: Indigènes. 2009: London River. 2010: Hors la loi
Télé-films / 1992: Des Années déchirées. 1997: l'Honneur de ma famille. 2012: Just like a woman.


Deux amies désespérées, l'une américaine, l'autre arabe, décident de quitter leur foyer conjugal pour partir à l'aventure, vers les contrées isolées des Etats-Unis proches de la frontière indienne. Durant leur itinéraire semé de rencontres impromptues, elle vont devoir faire face à l'intolérance et au racisme d'une Amérique puritaine, réfractaire à la religion musulmane. Soudées aux valeurs de l'amitié et de la solidarité, elles décident de rester ensemble pour tenter leur chance vers d'autres horizons. 


Un road movie naturaliste transcendé par le talent de deux actrices touchées par la grâce (Sienna Miller et Golshifteh Farahani). De jeunes épouses désemparées au bord du marasme, débordantes de fragilité humaine mais aussi de persévérance dans leur envie de vaincre. La filiation avec Thelma et Louise est évidente (elles sillonnent les routes des Etats-Unis parce que l'une est accusée de meurtre alors que l'autre est trahie par son mari infidèle) mais le réalisateur ne le plagie à aucun moment tant le parcours des héroïnes diffère dans leur requête professionnelle. Illustrant l'amertume de ses aventurières remplies d'humilité, couramment jugées et incriminées par des quidams machistes ou xénophobes, Rachid Bouchareb délivre un superbe portrait de femmes stimulées par la danse orientale. Mais derrière cette fuite en avant, il dresse également un tableau peu reluisant d'une Amérique indépendante engluée dans l'orgueil et l'égoïsme sous le témoignage pacifiste des amérindiens. Les blancs préférant juger l'apparence des étrangers que d'accepter la tolérance pour leur différence culturelle.


Un drame social profondément humain et désenchanté mais aussi une aventure pleine d'espoir pour la postérité de ces femmes soumises, tributaires de mentalités réactionnaires au sein d'un monde en crise identitaire. 
Préparez vos mouchoirs pour l'épilogue bouleversant, sa conclusion éludant habilement le défaitisme dans la bravoure d'oser défier ces propres responsabilités.

Bruno Matéï
02.03.13





vendredi 1 mars 2013

L'HOMME DE L'ATLANTIDE : L'ARRIVEE (The Man From Atlantis)

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site space1970.blogspot.com

Télé-film "pilote" de Lee H. Katzin. 1977. U.S.A. 1h32. Avec Patrick Duffy, Belinda Montgomery,Victor Buono, Alan Fudge, Jean Marie Hon, J. Victor Lopez, Robert Lussier, Dick Anthony Williams.

Diffusion d'origine: 4 Mars 1977 - 6 Juin 1978. 1ère diffusion en France: 29 Janvier 1979

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lee H. Katzin est un réalisateur américain né le 12 Avril 1935 à Détroit, Michigan (Etats-Unis), décédé le 30 Octobre 2002 à Beverly Hills (Californie).
1959: Bonanza (série). 1965: Le Proscrit (série). 1965: Les Mystères de l'Ouest (série). 1966: Brigade Criminelle (série). 1968: Opération vol (série). 1969: Qu'est-il arrivé à tante Alice. 1970: Along came a spider (télé-film). 1971: Le Mans. 1973: Police Story (série). 1974: Chasse Tragique (télé-film). 1976: Alien Attack (télé-film). 1976: The Quest (télé-film). 1977: L'Homme de l'Atlantide (télé-film / Série TV). 1977: Chips (série). 1982: Chicago Story (série). 1984: Deux Flics à Miami (sais 1. Epis 4 et 7). 1985: MacGyver (série. Sais 1, Epis 3/4/5). 1987: Les 12 Salopards, mission suicide (télé-film). 1992: Raven (série). 1992: Le Rebelle (série).  1999! Restraining Order.


Série culte pour toute une génération de spectateurs alors qu'elle fut boudé outre-atlantique, L'Homme de l'Atlantide bénéficia d'une seule saison de 13 épisodes précédée de 4 télé-films.
Mélange de science-fiction et de fantastique militant pour l'écologie, ce feuilleton créé par Herbert F. Solow doit sa réussite à un argument plutôt original, la découverte du dernier homme de l'atlantide !
Des experts en océanographie découvrent sur une plage un homme agonisant qu'ils réussissent à sauver d'une mort certaine. Après l'avoir étudié, il s'agirait d'un humanoïde aquatique pourvu de mains palmés et de yeux fluorescents afin de vivre sous l'eau. Le gouvernement décide de l'exploiter pour une mission de sauvetage. C'est à dire retrouver un appareil de plongée et ses deux occupants ayant disparu du fond de l'océan.  


Pour ce premier télé-film, l'Homme de l'Atlantide attise sans peine la sympathie et la curiosité dans sa sobre habileté à nous convaincre que le dernier survivant d'une île mythologique a réussi à survivre depuis des millénaires. Ce qui frappe d'emblée quand on revoit ce pilote (diffusé pour la 1ère fois dans le cadre de la célèbre émission "l'avenir du futur !), c'est l'intégrité à laquelle le réalisateur s'emploie pour nous concocter une intrigue d'espionnage et de science-fiction fertile en suspense et péripéties. En prime, le soin octroyé aux effets spéciaux simplistes (les fameux doigts palmés, la couleur de ses yeux, sa rapidité à nager sous l'eau) s'avèrent crédibles et aussi efficaces que sa structure narrative.
Porté à bout de bras par l'interprétation de Patrick Duffy pour le rôle titre, l'acteur insuffle aisément une présence mutique aussi étrange que réellement attachante. Sa capacité à pouvoir respirer dans l'eau, sa manière de nager comparable à celle du dauphin, son acuité visuelle à pouvoir pénétrer l'obscurité, ainsi que sa force agile nous fascinent de ces exploits surnaturels. A contrario, s'il s'expose plus de 12 heures hors de l'eau, des signes de détérioration apparaissent comme la coloration bleue de l'épiderme. Pire encore, s'il reste entre 12 et 20 heures éloigné de tout environnement aquatique, il souffrira de craquèlement de la peau, d'insuffisance pulmonaire et enfin d'arrêt cardiaque l'entraînant vers l'inéluctable ! Tous ces détails richement documentés par nos scientifiques renforcent donc le  caractère crédible du personnage, peu à peu épris d'altruisme pour les êtres humains. En fin de mission, le réalisateur aborde d'ailleurs une réflexion sur la mémoire, notre rapport émotif aux réminiscences et à l'amitié. Mark Harris souffrant d'une légère amnésie va réussir à éprouver de l'empathie puis davantage s'humaniser en se remémorant ces souvenirs les plus intenses par le biais d'une femme attristée de son départ.  
Dans le rôle du médecin pacifiste éprise de sentiments pour Mark, le charme docile de Belinda Montgomery ajoute un cachet romanesque à l'aventure même si l'actrice cède parfois à un sentimentalisme un peu trop appuyé dans un final néanmoins émouvant. Enfin, qui pourrait oublier la mémorable apparition de Victor Buono dans celui du savant Schubert. En héritier du capitaine Nemo, l'acteur bedonnant campe avec ironie sardonique un utopiste mégalo planqué à l'intérieur d'un sous-marin pour s'entreprendre d'annihiler la terre. Avec esprit d'arrogance, le comédien éprouve un malin plaisir à s'exclamer de manière mesquine dans une posture totalitaire.


Renouer aujourd'hui avec les aventures de l'Homme de l'atlantide, ne serait-ce que pour distinguer l'implication sincère de ce télé-film pilote, prouve à quel point certaines séries des seventies possédaient cette alchimie à nous faire rêver en toute modestie. L'efficacité de son intrigue habilement troussée, la caractérisation attachante des personnages et surtout la présence magnétique de Patrick Duffy dégagent un charme vintage aussi naïf que mélancolique. A l'écoute de son paisible score musical concocté par Fred Karlin.

01.03.13
Bruno Matéï