jeudi 10 juin 2021

Lantana. Prix spécial du jury et prix de la critique, Cognac, 2002.

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ray Lawrence. 2001. Australie/Allemagne. 2h01. Avec Anthony LaPaglia, Geoffrey Rush, Rachael Blake, Kerry Armstrong, Manu Bennett, Melissa Martinez.

Sortie salles France: 24 Juillet 2002. Australie: 4 Octobre 2001

FILMOGRAPHIE: Ray Lawrence est un réalisateur australien né en 1948. 1985 : Bliss. 2001 : Lantana. 2006 : Jindabyne, Australie. 


Avant-propos: (wikipedia)
Le genre Lantana comprend environ 150 espèces de plantes à fleurs de couleurs variées (jaunes, marron, blancs, etc.) de la famille des Verbénacées.
Le lantana est un arbrisseau vivace pantropical originaire d'Amérique du Sud adapté aux conditions méditerranéennes. Cela signifie que dans certaines régions, il n'est pas nécessaire de les mettre hors gel mais dans d'autres il faut absolument les rentrer pour l'hiver. Il est possible de les trouver sous différentes formes : arbustive, pour parterre ou encore en tiges. Leur parfum est légèrement poivré et attire particulièrement les papillons et les abeilles.

Réalisé par l'australien Ray Lawrence à qui l'on doit 3 uniques longs-métrages, Lantana est probablement son oeuvre la plus puissante et réussie sous couvert de drame psychologique déguisé en thriller. Multi récompensé dans son pays initial (voir en fin d'article) et auréolé de 2 récompenses à Cognac (Prix Spécial du Jury, Prix de la Critique), Lantana n'a point dérobé ses trophées de par son intensité dramatique discrètement envoûtante que son cast irréprochable génère avec fébrile émotion. Oeuvre chorale nous caractérisant au compte goutte quatre couples en perdition conjugale, Lantana  demeure sensiblement capiteux à travers son score lancinant jamais envahissant et le vérisme de sa mise en scène au plus près des sentiments des personnages anti-manichéens se débattant avec leur propre démon. Tant et si bien qu'à travers leurs confidences et adultère rongées de remord ou d'indécision, nous témoignions de leur faiblesse avec une empathie de prime abord mesurée. Tout du moins lors de sa première partie attentionnée nous illustrant chaque point de vue avec souci d'humanisme torturé. 


Mention spéciale à Anthony LaPaglia dans le rôle irascible du détective Leon Zat trompant son épouse avec une voisine fraîchement séparée. L'acteur imposant une carrure massive d'autant plus impressionnante dans celui de l'infidèle davantage irrité par le poids de sa culpabilité se répercutant sur sa quotidienneté professionnelle. D'ailleurs, le final rédempteur finit par nous arracher des larmes lorsqu'il finit par moralement craquer dans l'habitacle de sa voiture après avoir entendu la suite des confidences de son épouse enregistrée sur une cassette audio. Pièce à conviction que celui-ci est parvenu à soutirer chez le mari de la thérapeute que son épouse consultait secrètement. Kerry Armstrong incarnant la femme trahie avec un naturel à la fois faussement attendrissant et timidement contrariée, si bien que la comédienne demeure la plus émouvante du cast à travers sa posture quelque peu introvertie, douce et amiteuse. Mais lorsque la partie thriller se met en place de manière fluide et escomptée (le prologue débutant par le flash-forward d'une découverte macabre faisant référence à Blue Velvet), la compassion éprouvée pour la plupart des personnages gagne du terrain au fil de l'investigation douloureuse de Léon (toujours aussi irascible) en proie à de troublantes coïncidences. Qui plus est au moment de tenter de résoudre cette découverte macabre auquel les témoins conjugaux de son entourage y seront plus ou moins impliqués. 


Jouant intelligemment sur le faux-semblant et sur l'emprise de la séduction à travers les conséquences du mensonge, de la trahison ou de la délation, Lantana y engendre de manière aussi intime que prude une réflexion sur l'intégrité du couple lorsque la routine, la lassitude, une identité sexuelle refoulée ou un décès inconsolable viennent ternir leur fiabilité maritale. Magnifiquement incarné par des comédiens criants de vérité dans leur commun désagrément et désillusion vulnérable, Lantana s'illumine au fil de ces fragiles portraits de couple à la dérive dont certains parviendront toutefois à remonter à la surface face au poids de leur culpabilité morale saturé d'une découverte macabre dont nul ne sortira indemne. Une oeuvre intime désargentée à deux doigts d'effleurer le chef-d'oeuvre, tout du moins un grand classique conjuguant avec une surprenante harmonie les composants du mélo, du drame et du thriller. 

*Bruno
2èx


Récompenses:
Australian Film Institute Awards 2001: meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur acteur pour Anthony LaPaglia, meilleure actrice pour Kerry Armstrong, meilleur acteur dans un second rôle pour Vince Colosimo et meilleure actrice dans un second rôle pour Rachael Blake
IF Awards 2001: Meilleur film, meilleur acteur (Anthony LaPaglia), meilleure actrice (attribué collectivement à Barbara Hershey, Kerry Armstrong, Leah Purcell, Rachael Blake et Daniella Farinacci), meilleur réalisateur, meilleur scénario, prix du box-office
Festival du Film de Melbourne 2001: Prix du film le plus populaire
Prix 2001 de la National Board of Review (USA): Reconnaissance spéciale pour l'excellence de la réalisation
Prix Awgie 2001 de l'Australian Writers' Guild: meilleure adaptation pour un long métrage au cinéma
Prix ASSG 2001 de l'Australian Screen Sound Guild: meilleur enregistrement son sur un tournage de long métrage
Festival du film policier de Cognac 2002: Prix spécial du jury et prix de la critique
Prix 2002 de la Film Critics Circle of Australia Awards: Meilleur film, meilleur acteur (Anthony LaPaglia), meilleure actrice (Kerry Armstrong), meilleur second rôle féminin (Daniella Farinacci), meilleur scénario d'adaptation
ARIA Music Awards 2002: Meilleur album de bande originale
Prix 2002 de l'Australian Cinematographers Society: Meilleure photo pour un long métrage au cinéma
British Independent Film Awards 2002: Meilleur film étranger en langue anglaise
Chlotrudis Awards 2003: Meilleur scénario d'adaptation

mercredi 9 juin 2021

Bullitt

                                                          Photo empruntée sur google, appartenant au site Allocine.fr

de Peter Yates. 1968. U.S.A. 1h54. Avec Steve Mc Queen, Robert Vaughn, Jacqueline Bisset, Don Gordon, Simon Oakland, Norman Fell, Robert Duvall.

Sortie salles France: 17 Mars 1969

FILMOGRAPHIEPeter Yates, né le 24 juillet 1929 à Aldershot et mort le 9 janvier 2011 à Londres1, est un réalisateur britannique. 1964 : One Way Pendulum. 1967 : Trois milliards d'un coup. 1968 : Bullitt. 1969 : John et Mary. 1971 : La Guerre de Murphy. 1972 : Les Quatre Malfrats. 1973 : Les Copains d'Eddie Coyle. 1974 : Ma femme est dingue. 1976 : Ambulances tous risques. 1977 : Les Grands Fonds. 1979 : La Bande des quatre. 1981 : L'Œil du témoin. 1983 : L'Habilleur. 1984 : Krull. 1985 : Eleni. 1987 : Suspect dangereux. 1988 : Une femme en péril. 1989 : Délit d'innocence. 1992 : Year of the Comet. 1995 : Un ménage explosif. 

Référence du genre ayant influencé une pléthore de classiques à venir (French Connection, L'Inspecteur Harry pour citer les plus notoires), Bullitt prouve bien que les classiques sont imputrescibles à la revoyure. Tant et si bien que s'il parvient toujours à captiver et à fasciner un demi-siècle plus tard, il le doit avant tout à la personnalité novatrice de Peter Yates privilégiant un réalisme documenté au sein du genre policier dénué de fioriture. A l'instar de son anthologique poursuite automobile dénuée d'accord musical et de trucages afin de mieux nous immerger dans cet intense affrontement (de vitesse vertigineuse !) souvent réalisé en caméra subjective. Quand bien même les infrastructures de San Francisco (ville, hôpital, morgue, commerces) nous sont illustrées de manière détaillée, notamment en insistant sur les bruitages des pots d'échappement ou d'un avion, et des allers et venues des citadins et passagers étrangers. Et si l'intrigue linéaire n'a pas pour ambition de s'y transcender, le tact de sa mise en scène posée prenant son temps à décrire les situations de danger et confrontations psychologiques insuffle une ampleur insoupçonnée. 


Et pour parachever, Bullitt ne serait pas aussi iconique sans la présence virile de Steve Mc Queen en lieutenant circonspect prenant peu à peu conscience de sa moralité galvaudée, faute de ses inlassables traques envers les criminels les plus dangereux (comme le souligne si bien sa partenaire empathique endossée par la sublime Jacqueline Bisset dans un rôle discret). Le plan final m'aura d'ailleurs évoqué la conclusion équivoque de Cruising lorsque Pacino, se regardant dans le miroir, s'interrogeait sur sa déchéance morale d'avoir côtoyer d'aussi près le Mal. Et Mc Queen a beau jouer un rôle plutôt taiseux, il demeure absolument expressif à travers l'intensité de son regard responsable face à des supérieurs pédants abusant de leur autorité. D'ailleurs, on reste aussi surpris qu'interloqué par la violence rigoureuses de Bullitt privilégiant un parti-pris hyper réaliste à travers les postures cadavériques à la fois ensanglantées et délibérément macabres. J'imagine donc bien le public de l'époque (nous sommes en 68) particulièrement choqué par ses gunfights tranchés et visions macabres qui infectent le récit sans toutefois se complaire dans une quelconque outrance comme on a tant coutume de voir de nos jours dans les produits Hollywoodiens. Quand bien même le score jazzy de Lalo Schifrin cultive une envergure supplémentaire à la scénographie urbaine en prenant soin de ne pas trop envahir l'espace des évènements décrits au plus près d'une quotidienneté (tacitement) insécure.   

Leçon de mise en scène délibérée à bouleverser les codes afin de s'écarter de l'ornière du "policier imberbe", Bullitt perdure son aura de fascination grâce à ce parti-pris documenté parfois saturé d'incroyables moments stylisés (son générique liminaire si classieux nous laissant béat d'admiration). Et puis rien que pour le charisme indétrônable de Mc Queen (ridiculisant sans modération nos héros musclés et tatoués actuels, tributaires d'un cinéma Fast-Food), Bullitt est à revoir fissa !

*Bruno
2èx

Récompenses:
Oscar du meilleur montage en 1969.
Prix Edgar-Allan-Poe du meilleur scénario.
National Film Preservation Board en 2007.

mardi 8 juin 2021

Le solitaire de Fort Humboldt

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site m.cinemagia.ro

"Breakheart Pass" de Tom Gries. 1975. U.S.A. 1h35. Avec Charles Bronson, Ben Johnson, Richard Crenna, Jill Ireland, Charles Durning, Ed Lauter, Bill McKinney.

Sortie salles France: 7 Janvier 1976. U.S: 5 Mai 1976

FILMOGRAPHIETom Gries est un producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 20 décembre 1922 à Chicago, dans l'Illinois, et mort le 3 janvier 1977 à Pacific Palisades, en Californie (États-Unis). 1954 : Serpent Island. 1955 : Hell's Horizon. 1958 : Girl in the Woods. 1968 : Will Penny, le solitaire. 1969 : Les 100 fusils. 1969 : Number One. 1970 : Fools. 1970 : Le Maître des îles. 1971 : Earth II (TV). 1972 : The Glass House (TV). 1972 : Journey Through Rosebud. 1973 : Call to Danger (TV). 1973 : Manhattan poursuite (TV). 1973 : Lady Ice (en). 1974 : Les Vagabonds du nouveau monde (TV). 1974 : QB VII (feuilleton TV). 1974 : The Healers (TV). 1975 : L'Évadé. 1975 : Le Solitaire de Fort Humboldt. 1976 : Helter Skelter (TV). 1976 : Hunter (TV). 1977 : Le Plus Grand. 


Thriller à suspense transplanté dans le cadre du western dit classique, Le Solitaire de Fort Humboldt plaira aux amateurs d'objet hybride conçu avec amour du travail bien fait. Dans la mesure où le vétéran Tom gries (habile faiseur entre autre de nombreuses séries TV des années 50 à 70) s'y entend pour nous emballer un super divertissement avec une efficacité en roue libre. Tant auprès de l'ossature narrative fertile en rebondissements et revirement violents (dont une scène catastrophe artisanale et un final homérique relativement jouissif) que de la présence de ces acteurs vintage que Charles Bronson monopolise avec un flegme biaisé à travers sa fonction à contre-emploi de tricheur recherché par la police. Celui-ci se retrouvant en bien mauvaise posture auprès des joueurs suspicieux n'hésitant pas ensuite à le rouer de coups après y avoir découvert son identité peu recommandable. Une stupeur, pour ne pas dire (avec ironie) un choc pour le spectateur n'ayant jamais assister à l'apathie de leur star impliquée dans une posture aussi couarde ! 


Si bien que Charles Bronson n'hésitera pas à répliquer verbalement à ses rivaux qu'il ne supporte aucune forme de violence ! Ainsi, 1h35 durant, le récit reptilien nous piège (comme les protagonistes) au sein d'un huis-clos ferroviaire auquel les passagers (et notre tricheur de cartes donc) auront à faire avec un mystérieux tueur les décimant un à un. Solitaire, comme le titre français le souligne, John Deakin s'efforce alors en catimini de retrouver le ou les coupables de cette mystérieuse série de meurtres sans mobile apparent. Quand bien même le train poursuit sa destination en compagnie d'un médecin afin de sauver la population du Fort d'une mystérieuse épidémie de choléra. Par conséquent, durant son investigation de longue haleine, et avec l'appui de la jolie Marica, épouse du gouverneur (endossée par la radieuse et filiforme Jill Ireland);  Deakin ira progressivement de surprise en surprise au gré de découvertes à la fois macabres et plus ambitieuses. On n'en dira pas plus sur ses indices et révélations narratives qui émaillent le récit si bien que Le Solitaire de Fort Humboldt en regorge habilement tout en y injectant de savoureuses scènes d'action aussi nerveuses que percutantes au fil d'une tension plutôt métronome.  


Formidable spectacle disparate n'hésitant pas à y allier les genres pour s'extirper du classicisme cher au western, Le Solitaire de Fort Humboldt est une heureuse surprise aussi attachante que passionnante sous l'impulsion d'un Charles Bronson génialement magnétique en détective à double visage (quel putain de regard félin imperturbable !). 

*Bruno

lundi 7 juin 2021

Chasse à mort

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Death Hunt" de Peter Hunt. 1981. U.S.A. 1h37. Avec Charles Bronson, Lee Marvin, Carl Weather, Andrew Stevens, Ed Lauter, Angie Dickinson, Scott Hylands.

Sortie salles France: 1er Juillet 1981

FILMOGRAPHIEPeter Roger Hunt est un réalisateur, producteur, monteur et acteur britannique né le 11 mars 1925 à Londres et décédé le 14 août 2002 à Santa Monica en Californie. 1969 : Au service secret de Sa Majesté. 1974 : Gold. 1976 : Parole d'homme. 1977 : Les Voyages de Gulliver. 1980 : Le lion sort ses griffes. 1981 : Chasse à mort. 1985 : Les Oies sauvages 2. 1986 : Hyper Sapien: People from Another Star. 1987 : Protection rapprochée.

Série B dénuée de prétention prêtant plusieurs allusions à Rambo réalisé 1 an plus tard, Chasse à mort est un bon film d'action au sein d'un cadre aventureux magnifiquement exploité. Les vastes paysages montagneux faisant office de second-rôle lorsqu'un trappeur s'efforce de les parcourir faute d'une chasse à l'homme contre lui. Outre l'efficacité de ses scènes d'action se renouvelant avec inventivité; notamment auprès de ses situations offensives et de survie plutôt crédibles et censées (en dépit d'un montage maladroit), Chasse à mort se taille une solide carrure de série B à l'ancienne sous l'impulsion du duo Lee Marvin / Charles Bronson. Nos vétérans s'affrontant mutuellement avec une noble autorité de par l'indulgence et la fascination du Sergent Edgar Millen pour son fugitif utilisant les armes en guise de légitime défense. 

Au-delà de cet intense affrontement entre 2 monstres sacrés épatants de virilité striée, les agréables seconds-rôles familiers se prêtent lâchement aux règlements de compte dans le refus de reconnaître leur responsabilité à condamner dans l'outrance un homme qui eut de prime abord l'audace de sauver un animal lors d'un combat de chiens. On peut également rajouter que les gunfights particulièrement sanglants détonnent parfois par leur impact fulgurant et que l'action jamais gratuite s'élance dans de multiples directions plus vastes et étendues lorsque Albert Johnson s'enfonce dans la nature avec un héroïsme tranquille. Bronson cultivant comme de coutume une posture à la fois placide et taiseuse dans sa fonction de justicier de dernier ressort en proie à une redoutable faculté de survie en milieu hostile. 

Si Chasse à mort n'a pas pour ambition d'y transcender le genre à travers son classicisme éprouvé; il demeure suffisamment intense, magnétique (surtout auprès de ses vraies gueules d'acteurs utilisées à bon escient), carré, dépaysant et divertissant pour y garder un souvenir attachant. 

*Bruno 
2èx

jeudi 3 juin 2021

Trois jours et une vie

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Nicolas Boukhrief. 2019. France. 2h00. Avec Sandrine Bonnaire, Charles Berling, Jérémie Senez, Pablo Pauly, Philippe Torreton, Margot Bancilhon, Dimitri Storoge

Sortie salles France: 18 Septembre 2019

FILMOGRAPHIE: Nicolas Boukhrief est un réalisateur et scénariste français né le 4 juin 1963 à Antibes. 1995 : Va mourire. 1998 : Le Plaisir (et ses petits tracas). 2003 : Le Convoyeur. 2008 : Cortex. 2009 : Gardiens de l'ordre. 2015 : Made in France. 2016 : La Confession. 2017 : Un ciel radieux (téléfilm). 2019 : Trois jours et une vie. 

“On ne force pas le secret. Ou le secret vient comme de lui-même à soi, ou bien le secret vous est interdit.”
Ancien fondateur de la sacro-sainte revue Starfix, Nicolas Boukhrief n'en finit plus de me surprendre à travers sa passionnante filmographie même s'il n'est pas reconnu comme l'un des plus brillants cinéastes français faute probable de son incursion dans le cinéma des genres que les bien-pensants ont tendance à discréditer par leur côté trop ludique, marginal et accessible. Ainsi, Trois jours et une vie ne déroge pas à la règle d'y conjuguer (si) efficacement drame psychologique et film noir à travers la disparition brutale d'un enfant auquel l'assassin reste introuvable. Et ce sur une période temporelle épouvantablement prolixe. On a d'ailleurs l'impression d'assister à 2 oeuvres en une si bien que lors de sa seconde partie le film noir prend toujours un peu plus le pas sur le drame psychologique au gré d'un suspense irritable que l'on ne cesse de redouter tout en acceptant l'inévitable châtiment à venir. Toujours aussi inspiré et affectionné à travers sa mise en scène chiadée, Nicolas Boukhrief se passionne pour ce qu'il filme avec un amour immodéré du travail stylisé. Mais pas que car celui-ci s'avère également un excellent directeur d'acteurs (dénué de diction théâtrale qui plus est !) à travers un cast irréprochable faisant intervenir 2 générations distinctes. 


Tant et si bien que le méconnu Pablo Pauly demeure tout bonnement brillant d'ambiguïté à exprimer ses émotions taiseuses et autrement chaleureuses (ses rapports étroits avec sa mère que campe dignement la tendre Sandrine Bonnaire !) dans sa nouvelle fonction de praticien au passé lourd de secret. Quand bien même la ravissante Margot Bancilhon lui partage la vedette avec un naturel fraîchement spontané en compagne sentimental, autrefois amie d'enfance d'Antoine qu'il n'eut jamais pu conquérir. C'est donc un drame épouvantable qui s'esquisse sans esbroufe sous nos yeux au sein d'un petit village nordiste soudainement accablé par le chagrin et l'incompréhension d'une disparition infantile. Sachez toutefois qu'en l'occurrence l'intérêt ne réside pas à tenter de dénicher l'identité du meurtrier puisque Nicolas Boukhrief nous le dévoile ouvertement après 15 minutes de métrage. Son ambition demeurant auprès des profils psychologiques de l'entourage du coupable auquel son passé finira par le rattraper au fil de rebondissements assez solides. Ce qui converge à un final terriblement déconcertant et frustrant puisque amoral et irrésolu, notamment en y observant de manière particulièrement dérangeante la complicité (tacite ou factuelle) de l'entourage du meurtrier acceptant de préserver le silence pour leur propre intérêt professionnel, sentimental ou familial. Et ce en faisant preuve d'une clémence que l'on peut inévitablement juger discutable selon la réflexion éthique du spectateur impliqué dans une connivence assez malsaine. 


Hantise.
Remarquablement mené et interprété sans faille, Trois jours et une vie risque de faire grincer des dents à une frange du public pour son final anti-manichéen que certains rejetteront assurément de manière disgracieuse. Quoiqu'il en soit, le voyage amoral mérite largement le détour (à défaut de sa destination équivoque) tant le récit, infiniment insidieux et vénéneux, ne cesse de captiver lors d'une chronologie constamment tendue. Un dernier mot sur la séquence (brièvement) catastrophiste d'une météo tempétueuse que Nicolas Boukhrief dirige de main de maître avec un réalisme effarant d'intensité cauchemardesque. Une scène crépusculaire anthologique tributaire de l'intrigue dramatique, aussi concise soit-elle, comparable à une pyrotechnie ricaine, l'outrance en moins. 

*Bruno

mercredi 2 juin 2021

Le Convoyeur

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Nicolas Boukhrief. 2004. 1h35. Avec Albert Dupontel, Jean Dujardin, François Berléand, Claude Perron, Julien Boisselier, Gilles Gaston-Dreyfus.

Sortie salles France: 14 Avril 2004

FILMOGRAPHIE: Nicolas Boukhrief est un réalisateur et scénariste français né le 4 juin 1963 à Antibes. 1995 : Va mourire. 1998 : Le Plaisir (et ses petits tracas). 2003 : Le Convoyeur. 2008 : Cortex. 2009 : Gardiens de l'ordre. 2015 : Made in France. 2016 : La Confession. 2017 : Un ciel radieux (téléfilm). 2019 : Trois jours et une vie. 

Sorti discrètement en salles à l'époque si je ne m'abuse, Le Convoyeur n'est point une partie de séance ludique à travers sa forme radicale d'y exploiter le film noir par le truchement d'une violence à couper au rasoir. Car inexplicablement conseillé pour tous publics (avec "avertissement pour le jeune spectateur" dixit le CNC !), Le Convoyeur se rapproche d'un Taxi Driver pour sa violence à la fois vitriolée et tranchée atteignant son paroxysme lors d'un final apocalyptique littéralement affolant. Tant et si bien que les affrontements barbares et primitifs heurtent lourdement l'esprit du spectateur impliqué dans une folie criminelle dénuée de déontologie. C'est dire si Nicolas Boukhrief s'y entend pour ébranler son public immergé dans un voyage au bout de l'enfer dénué d'illusion ou d'issue de secours. Le récit, âpre, tendu, et quelque peu sarcastique auprès des convoyeurs désaxés, borderline ou décalés retraçant la vengeance désespérée d'un père de famille endossant la fonction de convoyeur néophyte afin de retrouver les responsables de la mort de son fils. Crevant littéralement l'écran à chacun de ses mouvements instables ou autrement placides; Albert Dupontel délivre peut-être le rôle de sa vie en justicier suicidaire à deux doigts de flirter avec la folie au fil de son cheminement moral noyé de nostalgie paternelle. 

Poignant à travers son humanisme torturé et sa solitude irrévocable, l'acteur insuffle une force d'expression magnétique de par son regard monolithique hanté de déchéance, de déshumanisation et de peur du vide. Fort d'une mise en scène chiadée, pour ne pas dire alambiquée (avec quelques figures géométriques), Nicolas Boukhrief ne cesse d'y soigner le cadre de l'action avec un amour immodéré pour le travail stylisé. Un cinéma parfois expérimental (les soirées techno vaporeuses dans l'enceinte de l'établissement), parfois baroque, parfois référentiel comme le souligne le prologue, hommage à Réservoir Dogs avec ses discussions éphémères tournant autour de la pop music et du rock. Mais si Le Convoyeur demeure aussi électrisant que terriblement pessimiste, il le doit au vérisme de sa réalisation tantôt documentée (les attaques de fourgon blindées font froid dans le dos pour se rapprocher d'un cinéma vérité) et à la présence de ses comédiens communément impliqués dans des rôles primaires de convoyeurs sur la corde raide. Nicolas Boukhrief les caractérisant pour la plupart comme des alcoolos, fumeurs de joint et dépressifs afin d'encaisser leur profession smicarde dénuée de reconnaissance et de dignité. Un tableau dérisoire donc que cette profession mal reconnue que le réalisateur entend bien décrier à travers ses profils névrosés au bord de la crise de nerf, voir du suicide pour les plus fragiles d'entre eux ravagés par leur solitude et leur précarité sociale. 


Le souffle de la tempête.
Série B coup de poing aussi cinglante qu'hargneuse à ne pas mettre entre toutes les mains, Le Convoyeur insuffle une intensité dramatique nécrosée au fil d'une descente aux enfers aussi hypnotique que dérangeante. Les protagonistes, anti-manichéens, se livrant au jeu expéditif du gendarme et du voleur avec une dangereuse éthique réactionnaire. A redécouvrir d'urgence, à l'heure où son remake hollywoodien compromis par Guy Ritchie s'affiche sur les écrans dans la trivialité des convenances et d'une violence racoleuse.  

*Bruno 
2èx

mardi 1 juin 2021

Les Apparences

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Marc Fitoussi. 2020. France/Belgique. 1h50. Avec Karin Viard, Benjamin Biolay, Pascale Arbillot, Lucas Englander, Lætitia Dosch. 

Sortie salles France: 23 Septembre 2020

FILMOGRAPHIEMarc Fitoussi est un réalisateur et scénariste français né le 20 juillet 1976. 2007 : La Vie d'artiste. 2010 : Copacabana. 2012 : Pauline détective. 2014 : La Ritournelle. 2016 : Maman a tort. 2019 : Selfie, segment Le Troll. 2020 : Les Apparences. 


Excellent suspense hitchcockien fondé sur le thème éculé de l'adultère, les Apparences nous dévoile en filigrane un superbe portrait de femme trompée qui, par son parcours précaire, apprendra finalement à s'émanciper après avoir naïvement accordé trop d'importance aux apparences pour préserver sa réputation. Bien que n'ayant jamais eu l'occasion de découvrir un métrage de la part de son auteur Marc Fitoussi, je dois avouer que j'ai été ici séduit par l'élégance de sa mise en scène prenant son temps, sans ennuyer, à nous broder son vénéneux récit du point de vue désabusé d'Eve, la femme félonne. D'ailleurs, si les Apparences demeure incessamment captivant et intriguant, notamment à travers ses sentiments d'impuissance et d'injustice, il le doit beaucoup au talent assez charnel de Karin Viard irréprochable dans sa fonction d'investigatrice perfide afin de se venger de la maîtresse envahissante. Sobrement expressive et d'un naturel spontané, Karin Viard parvient élégamment à s'imposer à l'écran avec une force d'esprit aussi vaillante qu'attendrissante eu égard de son épreuve morale à subir l'infidélité sans daigner quitter l'être aimé. 


D'un charisme acrimonieux de par sa posture monolithique et par son regard impassible, Benjamin Biolay demeure assez convaincant (à défaut de s'y transcender) en mari volage à la fois insidieux et nonchalant dans son refus d'avouer sa double vie sentimentale auprès de son épouse en quête d'une main secourable. C'est d'ailleurs à travers un compagnon d'un soir que Les Apparences laisse transparaître son potentiel Hitchockien en mettant en exergue les thèmes (si actuels) de la possessivité, de la jalousie et surtout du harcèlement moral. Je peux toutefois comprendre que le jeu hagard, introverti et taiseux de Benjamin Biolay puisse irriter une certaine frange du public. Pour autant, sa sombre présence à l'écran possède un certain magnétisme à travers la vigueur du regard noir souvent dénué de compassion pour l'être (autrefois) aimé. Quand bien même une scène de dialogue en aparté impartie à l'épouse trahie lui permet d'exprimer un jeu plus persuasif, plus authentique quant à sa franchise de lui exprimer ouvertement ses pensées sur son attitude servile, clémente de vouloir à tous prix pardonner (même après un évènement aussi grave que dramatique !).  


Romance sournoise assujettie au suspense criminel, Les Apparences renoue avec un certain cinéma posé, adulte, mesuré, classieux, sans fioriture pour contenter l'amateur d'intrigue Hitchockienne prenant son temps à caractériser ses personnages afin de mieux nous familiariser à leur contrariété commune. Karin Viard monopolisant l'écran avec une grâce affirmée (dénuée d'élocution théâtrale) en quinqua responsable férue de reconnaissance et de soif d'amour auprès de son partenaire effacé. A découvrir.

*Bruno

Info WIKIPEDIA: En raison de la pandémie de Covid-19 et des mesures de confinement, les salles de cinéma sont fermées à partir du vendredi 30 octobre. L'exploitation du film a été interrompue à cette date, mettant fin à sa carrière en salles.

lundi 31 mai 2021

Cruella

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinehorizons.net

de Craig Gillespie. 2021. U.S.A. 2h15. Avec Emma Stone, Emma Thompson, Joel Fry, Paul Walter Hauser, Emily Beecham, Kirby Howell-Baptiste, Mark Strong. 

Sortie salles France: 23 Juin 2021

FILMOGRAPHIE: Craig Gillespie (né le 1er septembre 1967 à Sydney) est un réalisateur et producteur australien. 2007 : Mr. Woodcock. 2007 : Une fiancée pas comme les autres. 2011 : Fright Night. 2014 : Million Dollar Arm. 2015 : The Finest Hours. 2017 : Moi, Tonya. 2021 : Cruella. 


Formidable adaptation ciné d'un personnage de Disney issu des 101 Dalmatiens, Cruella demeure un divertissement familial idoine pour qui apprécie qu'on ne le prend pas pour un imbécile. Dans la mesure ou Cruella possède suffisamment de punch, de tempérament, de caractère et de personnalité pour s'extirper du produit standard prétentieux. Suffit d'ailleurs de contempler l'incroyable premier quart d'heure s'attachant à nous dépeindre avec un sens du montage cinétique l'enfance de Cruella que Craig Gillespie imprime avec autant d'invention que d'efficacité en roue libre. Les séquences à la fois cocasses et plus graves s'enchaînant à un rythme effréné sous l'impulsion d'une BO d'enfer issue de la pop anglaise. Une BO omniprésente insufflant au récit une énergie galvanisante donnant la pêche jusqu'au générique de fin. Un générique d'une beauté aussi rutilante que baroque comme si le réalisateur daignait à nouveau une ultime fois nous combler de bonheur exaltant à travers ses figures stylisées. Nous voilà averti. Ainsi, c'est lors de son jeune âge adulte que l'intrigue peut débuter avec, comme point central, ses rapports houleux avec la Baronne von Hellman pour qui elle exerce un emploi de créatrice de mode, et la manière retorse dont elle parviendra à exproprier son empire après avoir misé sur une concurrence professionnelle. 


Craig Gillespie prenant soin de nous brosser ses deux personnages distingués avec une certaine intensité eu égard de leur affrontement  de longue haleine virant à une vengeance diaboliquement agencée. Nanti de magnifiques décors (naturels / domestiques) et de costumes, Cruella soigne donc autant la forme que le fond en prenant soin de dessiner le profil de ce personnage orphelin sombrant peu à peu dans une rancoeur vindicative. On peut d'ailleurs même prêter une certaine allusion au personnage du Joker lors d'un passage d'une grave intensité poignante quant à la remise en question morale de cette dernière (nous délivrant ses propres pensées internes en s'adressant à nous) se laissant influencer par ses sentiments d'injustice et d'infortune en lieu et place de discernement. Emma Stone crevant l'écran comme si ce personnage lui était instinctivement destiné, et ce sans jamais céder à une quelconque outrance expressive mais en misant aussi et surtout sur sa dimension humaine afin de nous susciter l'empathie escomptée. Quant à l'illustre Emma Thompson, celle-ci demeure également prodigieuse en baronne altière dénuée de scrupule à travers sa posture de duchesse proprement narcissique. 


Servi par des seconds-rôles aussi attachants que décomplexés (le duo Jasper / Horace) et de deux p'tits canins d'un héroïsme finaud sans faille, Cruella fait office d'excellente surprise dans sa conjugaison d'humour, d'invention et d'action sarcastique d'après l'évolution morale d'Estella en proie à des projets aussi ambitieux que probablement pernicieux. Divertissement sémillant d'une énergie en roue libre à travers sa pléthore de stratégies rocambolesques, Cruella ne décevra pas les fans pour qui le genre est un sacerdoce. Tant et si bien que l'on a bel et bien l'impression d'assister à un anime de chair et d'os à travers une insolence punky endiablée irradiant toute l'intrigue. 

*Bruno

vendredi 28 mai 2021

Kalifornia

                                                 
                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Dominic Sena. 1993. U.S.A. 1h58. Avec Brad Pitt, Juliette Lewis, David Duchovny, Michelle Forbes, Sierra Pecheur, John Dullaghan, John Zarchen, David Rose.

Sortie salles France: 8 Septembre 1993 (Int - 16 ans). U.S: 3 Septembre 1993

FILMOGRAPHIEDominic Sena est un réalisateur américain, né le 26 Avril 1949 à Niles, Ohio.
1993: Kalifornia. 2000: 60 Secondes Chrono. 2001: Opération Espadon. 2009 : Whiteout. 2011 : Le Dernier des Templiers.


Thriller horrifique ayant frappé les esprits à l'orée des années 90 en dépit de son échec commercial international, Kalifornia demeure une troublante odyssée (in)humaine parmi les présences improvisées de David Duchovny / Michel Forbes et Brad Pitt / Juliette Lewis formant 2 couples totalement opposés dans leur statut social. J'oserai même avouer qu'il fait presque office d'ovni à la revoyure à travers la manière hybride dont Dominic Sena s'y emploie pour instiller terreur et fascination dans un alliage de maladresses, d'habileté et d'efficacité. Rien que le pitch, singulier, demeure aussi improbable qu'original ! Brian et Carrie ont décidé de sillonner diverses scènes de crime afin d'y compiler un bouquin sur les serial-killer ayant autrefois sévit en Californie. Sur leur chemin, et à la suite de leur annonce d'y recruter un couple en guise de compagnie, ils acceptent d'embarquer avec eux Early et Adèle. Deux amants décervelés issus de l'Amérique profonde vivants reclus dans leur caravane poussiéreuse au milieu de carcasses de voiture. Or, Early s'avère un authentique tueur en série aux pulsions incontrôlées ! Interdit chez nous aux moins de 16 ans de par sa violence rugueuse et de son atmosphère à la fois malsaine et dérangeante irriguant les pores de l'intrigue, Kalifornia a de quoi déconcerter le public peu habitué à fréquenter des péloches aussi licencieuses, qui plus est natives d'Hollywood ! Car si le métrage assez poisseux parvient 30 ans plus tard à préserver son aura malsaine perméable, il le doit prioritairement à sa distribution aussi perfectible que prodigieuse. 


David Duchovny
se fondant dans la peau du jeune étudiant respectable avec une expression délibérément terne de par sa maladresse d'embarquer un serial-killer sans se douter de sa véritable identité. L'acteur demeurant aussi convaincant que sciemment effacé à travers sa posture innocente peu à peu avilie par des actions primaires d'un goût douteux. Tant auprès de son témoignage voyeuriste que de son passage à l'action. Quand bien même Michelle Forbes se glisse dans la peau de sa maîtresse avec une autorité autrement affirmée dans sa lucidité d'observer scrupuleusement l'entourage marginal sombrant dans une complicité sordide. Son ambitieux partenaire s'adonnant au fil de leur virée champêtre à une déchéance morale à travers le mauvais esprit influençable d'Early dénué de complexe à perpétrer l'irréparable. Brad Pitt se taillant une carrure insidieuse de tueur sans vergogne de par sa défroque de plouc insalubre se vautrant dans une vulgarité morbide. Cassant sans ambages son image de bellâtre en crapule ignorante (même si à l'époque il n'était pas encore bankable), Brad Pitt demeure franchement impressionnant de bestialité tacite à travers son regard acrimonieux laissant toujours plus transparaitre des yeux viciés englués dans une médiocrité asociale. Enfin, on reste aussi épaté que contrairement touché par la performance de Juliette Lewis en femme enfant d'une candeur déficiente à y chérir son amant sans pouvoir distinguer les notions de Bien et de Mal. Un personnage infantile d'une fragilité teintée de détresse humaine au fil de son impuissance (et de son aveuglement) à témoigner de l'animosité de son compagnon aussi machiste qu'indomptable.  


Un objet d'étrangeté poisseuse qui ne laisse pas indifférent. 
Drôle de métrage donc que ce road movie dérangeant parfois nappé de plages envoûtantes à travers son score idoine magnifiant le sentiment d'abandon que véhiculent ses déserts arides. Parfois maladroit de par ses convenances (notamment ce final éculé par si répréhensible car finalement concis dans les affrontements criminels) ou déconcertant à travers la posture de seconds-rôles monolithiques renforçant pour autant un charme indicible qui ne laisse pas indifférent; Kalifornia laisse la sensation d'avoir assisté à un voyage au bout de l'enfer parmi ces couples de fortune impliqués dans une déchéance immorale que le spectateur endure, entre dégoût, perplexité et fascination. Quant à ses réflexions sur l'influence des armes, de la perversité du meurtre et des arcanes cérébrales du tueur dénué de scrupule, elle est théorisée selon la conscience morale de Early épris de culpabilité et de remord de s'être adonné au meurtre malgré lui. 

*Bruno
22.10.14. 93 v
28.05.21
4èx

RécompensesPrix FIPRESCI et meilleure contribution artistique au Festival des films du monde de Montréal, 1993.
Meilleur Scénario au Festival international du film de Thessalonique, 1993

mercredi 26 mai 2021

La Légende du Lac

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdfr.com

"Sui woo juen / The Water Margin" de Chang Cheh. 1972. Hong-Kong. 2h04. Avec David Chiang, Ti Lung, Chen Kuan-tai, Wong Chung, Tetsurô Tanba

Sortie salles France: 17 Mars 1972

FILMOGRAPHIE: Chang Cheh (張徹 en chinois, Zhāng Chè en hànyǔ pīnyīn) est un réalisateur chinois hongkongais, né en 1923 à Hangzhou en Chine et mort le 22 juin 2002 à Hong Kong. 1966 : Le Trio magnifique. 1967 : Un seul bras les tua tous. 1968 : Le Retour de l'hirondelle d'or. 1969 : The Singing Thief. 1969 : Le Bras de la Vengeance. 1969 : The Flying Dagger. 1969 : Le Sabreur solitaire. 1970 : Vengeance. 1970 : Les Treize Fils du Dragon d’Or. 1971 : La Rage du tigre. 1971 : Duel aux poings. 1971 : Duo Mortel. 1972 : Le Justicier de Shanghaï. 1972 : La Légende du lac. 1972 : Le Nouveau justicier de Shanghaï. 1973 : Frères de sang. 1974 : Ceinture noire contre kung-fu. 1974 : Les Cinq Maîtres de Shaolin. 1978: 5 Venins Mortels. 1982 : The Brave Archer and His Mate. 1984 : Shanghai 13. 1993 : Ninja in Ancient China. 

Avec une affiche aussi rutilante, un titre aussi alléchant que légendaire, un casting en or et un réalisateur aussi notoire, j'étais en droit d'espérer un (énième) chef-d'oeuvre de la Shaw Brothers natif des Seventies. Cruelle déception à l'arrivée, faute d'une intrigue peu captivante s'appuyant sur une certaine redondance (captivité/évasion et vice versa à 3 reprises auprès du même prisonnier, ça fait quand même beaucoup !) et d'une multitude de personnages au physique similaire dont on peine à reconnaître leur fonction hostile ou héroïque. Reste quelques bonnes scènes d'actions, un début aussi sanglant qu'étonnamment barbare, un final épique, un score westernien agréablement décalé et quelques splendides images d'un crépuscule ocre. 

*Bruno


Critique publiée par Ninesisters le 16 mars 2012
Parmi les productions de la Shaw Bros, celle-ci fait certainement parti des plus ambitieuses, puisqu'elle se propose d'adapter un passage de Au Bord de l'Eau, un classique de la littérature chinoise au même titre que la Romance des Trois Royaumes et l'Investiture des Dieux.

Au Bord de l'Eau est une œuvre extrêmement vaste, comptant pas moins de 108 personnages principaux qui ont tous leur histoire et leurs spécificités. Transposer ne serait-ce qu'un chapitre tout en conservant le matériel d'origine et en le rendant compréhensible, c'est un projet casse-gueule. Et en effet, les critiques assez moyennes à son sujet témoignent de la difficulté du réalisateur a transformer l'essai ; en multipliant les personnages introduits de manière sommaire, puis en allongeant à deux heures la durée du film malgré des enjeux difficiles à saisir pour le néophyte, Chang Cheh commet des erreurs qui lui seront fatales et perd le spectateur au passage.

Adaptation de roman oblige, le scénario donne plus d'importance à l'histoire qu'aux combats, même si ceux-ci restent présents - en particulier sur la fin - avec pas moins de quatre chorégraphes dont Lau Kar-Wing et Chia-Liang Liu ; ce qui témoigne une fois encore du côté ambitieux de cette production. Seulement, comme indiqué plus haut, les enjeux de cette histoire paraitront probablement ténus pour qui ne connait pas Au Bord de l'Eau, et le faible nombre d'affrontements ne permettra pas de compenser ce défaut chez les spectateurs qui s'attendent à du grand spectacle. Ce roman raconte comment de braves guerriers, en raison de trahisons personnelles ou du pouvoir malhonnête en place, seront obligés de passer dans la clandestinité, et finiront par se réunir sous la forme d'une bande de brigands capable d'ébranler le gouvernement ; l'histoire de Lu Chun-I, qui sert de fil conducteur au film, est représentative de cette situation, et le personnage lui-même incarne les idéaux mais aussi les doutes qui assaillent ces combattants redoutables considérés comme des rebelles. Malheureusement, il faut le savoir pour apprécier ce film à sa juste valeur.

L'aspect du film à mon sens le plus remarquable, c'est la musique. Loin des compositions traditionnelles - même si la bande-son en contient quelques-unes - La Légende du Lac propose de nombreux thèmes à consonance funk, à grand renfort de basse, et d'autres lorgnant dangereusement du côté du western italien et de ses compositeurs cultes, tels Luis Bacalov et bien entendu Ennio Morricone. Un style étonnant pour un film hong-kongais en costume, voire même détonnant. Tantôt, la musique semble ne pas du tout coller à l'action, tandis qu'à d'autres instants, elle lui permet un rendu saisissant.

En dehors de la musique, rien de bien mémorable en soi. Chang Cheh fait le travail demandé, avec un scénario légèrement bancal car tombant dans plusieurs pièges classiques de l'adaptation.

La Légende du Lac, en raison d'une adaptation mal équilibrée, ne plaira hélas! qu'à ceux qui connaissent au minimum l'histoire et ses personnages. Pour les autres, cela ne sera qu'un film trop long et trop lourd. Dommage, car s'il n'atteint pas le niveau des meilleurs productions Shaw Bros, il s'avère plus que regardable. Je voulais le voir malgré des échos peu élogieux justement car je connais l'histoire - à travers un manga de Mitsuteru Yokoyama - et, rien que parce qu'il met en scène le personnage de Vipère d'une Toise (incarnée par Lily Ho), je n'ai pas été déçu.

A noter que pour ce long-métrage, Chang Cheh dispose de l'assistance de deux jeunes réalisateurs qui finiront par voler de leurs propres ailes : Godfrey Ho et John Woo. Ce-dernier s'attaquera bien des années plus tard à l'adaptation d'un chapitre d'une autre œuvre majeure, la Romance des Trois Royaumes, mais sans répéter les erreurs de Chang Cheh ; apparemment, il avait bien retenu la leçon après le semi-échec de La Légende du Lac.

6/10

Critique publiée par AMCHI le 7 avril 2015
Légèrement déçu par La Légende du lac car ce film manque de grandeur et le côté épique est assez faible de plus au niveau des combats la Shaw brothers m'avait habitué à mieux mais le spectacle est malgré tout assuré notamment avec la présence de toutes les vedettes de l'époque jouant dans ce type de productions.

5/10.

lundi 24 mai 2021

Adieu les cons

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Albert Dupontel. 2020. France. 1h27. Avec Virginie Efira, Albert Dupontel, Nicolas Marié, Jackie Berroyer, Philippe Uchan, Bastien Ughetto.

Sortie salles France: 21 Octobre 2020 

FILMOGRAPHIE: Albert Dupontel (Philippe Guillaume) est un acteur, réalisateur, scénariste et humoriste français, né le 11 janvier 1964 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). 1992 - Désiré (court-métrage). 1996 - Bernie. 1999 - Le Créateur. 2006 - Enfermés dehors. 2009 - Le Vilain. 2013 - 9 mois ferme. 2017 - Au revoir là-haut. 2010: Adieu les Cons. 


Albert Dupontel / Virginie Elfira ouvrent leur coeur à ciel ouvert dans un bouleversant requiem à l'amour parental et conjugal. 
Comédie dramatique transplantée dans le cadre du mélo (alors que l'on était loin de s'y attendre de la part de son auteur), Albert Dupontel ouvre son coeur avec Adieu les cons à travers le périple investigateur d'une femme condamnée par la maladie faisant équipe avec un solitaire recherché par la police après son suicide raté. Ainsi, lors d'un commun accord, Jean-Baptiste Cuchas accepte d'aider Suze Trapet à retrouver son fils qu'elle n'a pas vu depuis sa naissance sous X. Celui-ci ayant été envoyé à la DASS par les parents de cette dernière alors qu'elle n'avait que 15 ans. Comédie décalée ponctué de moments cartoonesques à travers une galerie de marginaux en fuite, Adieu les Cons insuffle une surprenante intensité dramatique auprès de ses plages de tendresse que Virginie Efira transcende avec une expression craintive et démunie à fleur de peau. Absolument bouleversante, l'actrice ouvre littéralement son coeur face écran pour s'y tailler une fluette carrure de maman dépressive s'efforçant d'accomplir un ultime voeux en désespoir de cause. Lumineuse et vulnérable, de par son physique girond et surtout son regard humide hanté de chagrin, Virginie Efira aurait tant mérité un César pour sa prestation d'une justesse si imparable car l'émotion capiteuse qui se dégage d'Adieu les Cons est dû en grande partie à sa fragilité humaine. 


Un petit bout de femme pétrie de regret pour son involontaire démission parentale mais déterminée à accomplir un dernier acte de bravoure afin de bouleverser le destin de son fils. Et par la même occasion de nous livrer la meilleure séquence du film, la plus onirique, la plus tendre et insolite dans le cadre exigu d'une cage d'ascenseur. Quant à la mise en scène inventive, on sent bien que Dupontel voue un amour immodéré au 7è art à travers son imagination débordante d'y soigner l'image au gré d'une caméra fluide en constante recherche stylisée (notamment cet époustouflant traveling circulaire effectué autour d'un escalier en colimaçon). Quant à Albert, l'acteur, il demeure parfaitement à sa place en informaticien distrait, esseulé et réservé si bien que la société technologique qui l'entoure ne lui offre que peu de place à la compassion et l'écoute de l'autre. On peut d'ailleurs remarquer que le réalisateur étrille à diverses occasion notre carcan technologique que constituent internet et les smartphones auquel nous dépendions quotidiennement dans l'addiction. 


"Un geste comme le suicide se prépare dans le silence du coeur au même titre qu'une grande oeuvre."
Bien que le cheminement investigateur du duo improvisé ne demeure pas si passionnant que prévu (on peut même révéler 2/3 petites longueurs pas franchement répréhensibles), la tendresse immodérée qui se dégage du tempérament des acteurs cède place à de magnifiques moments d'émotions d'une intensité dramatique bouleversante. Comme le souligne cet audacieux final anti happy-end, splendide love story impossible au sein du monde des vivants, ou plutôt au sein du monde des Cons comme le révèle si bien le couple en berne uni dans une dévastatrice mélancolie. D'une tristesse infinie, même si toutefois rédemptrice, Adieu les Cons laisse donc un goût amère dans la bouche à travers le tableau dérisoire de notre société élitiste n'accordant que peu d'affection aux individus différents qui ne rentrent pas dans le moule de la convenance. Clairement l'oeuvre personnelle la plus émouvante de son auteur.  

*Bruno

Prix remportés aux Césars:
Meilleur film
Meilleure réalisation pour Albert Dupontel
Meilleur acteur dans un second rôle pour Nicolas Marié
Meilleur scénario original pour Albert Dupontel
Meilleure photographie pour Alexis Kavyrchine
Meilleurs décors pour Carlos Conti
César des Lycéens

samedi 22 mai 2021

L'Homme de l'Ouest

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Man of the West" de Anthony Mann. 1958. 1h40. Avec Gary Cooper, Julie London, Lee J. Cobb, Arthur O'Connell, Jack Lord, John Dehner 

Sortie salles France: 26 Décembre 1958 

FILMOGRAPHIEAnthony Mann, de son vrai nom Emil Anton Bundsmann, est un réalisateur et scénariste américain, né le 30 juin 1906 à San Diego (Californie) et mort le 29 avril 1967 à Berlin (Allemagne). 1950 : La Porte du diable. 1950 : Winchester '73. 1951 : Quo vadis de Mervyn LeRoy (Anthony Mann tourne les scènes de l'incendie de Rome). 1952 : Les Affameurs. 1953 : L'Appât. 1960 : Spartacus. Film terminé et signé par Stanley Kubrick probablement en raison de désaccords avec Kirk Douglas, producteur du film. 1960 : La Ruée vers l'Ouest. 1961 : Le Cid. 1964 : La Chute de l'Empire romain. 1965 : Les Héros de Télémark. 1968 : Maldonne pour un espion. 


Etonnant de découvrir un western aussi sombre, aussi crépusculaire et aussi violent en cette année 1958 qu'Anthony Mann (quelle pléthorique filmo !) réalise froidement dans son refus de concession. Incarné par un Gary Cooper aussi glaçant qu'étonnamment aigri (pour ne pas dire acrimonieux à travers l'expression de son regard dépité), l'Homme de l'Ouest s'alloue d'une surprenante noirceur au fil d'un vénéneux récit y fustigeant la violence expéditive. Ainsi, l'intrigue se tisse autour du profil taciturne de Link Jones (Gary Cooper), ancien hors la loi en cavale recherché depuis 15 ans mais qui s'avère aujourd'hui humaniste (comme il l'avoue si bien lors d'une réplique avec un partenaire) après avoir déclarer forfait avec les armes. Or, lors de l'attaque d'un train par 3 bandits, Link est contraint de poursuivre sa route à pied en compagnie d'une chanteuse et d'un joueur professionnel. C'est dans une demeure isolée qu'il décide de trouver refuge afin de se protéger du froid à l'approche de la nuit tombée. Mais le lieu est déjà abrité par les 3 bandits du train de marchandise ainsi que par une vieille connaissance de Link, Dock Tobin, son leader d'autrefois qui l'enseigna au braquage et au crime. Ainsi, pour tenter de survivre et protéger ses deux compagnons de fortune, Link devra renouer avec ses instincts de haine. 


Fort d'un climat quelque peu dépressif, tout du moins anxiogène et particulièrement obscur, l'Homme de l'Ouest affiche un sentiment d'insécurité fétide parmi les présences délétères des bandits se délectant à extérioriser leurs bas instincts pour le plaisir d'y perpétrer le mal. La force dramatique de l'intrigue résidant dans le profil moral de Link Jones sévèrement malmené, molesté et vulnérable par les brimades de ces malfrats avant de renouer peu à peu avec la violence dans son enjeu d'auto-justice. Il est d'ailleurs étonnant d'observer un cowboy héroïque aussi atone, contrarié et hésitant lors de ses prises de position timorées à tenter de s'opposer aux assaillants. Anthony Mann attachant notamment une certaine importance aux rapports intimes qu'il s'alloue avec la chanteuse lors d'une romance impossible pour autant pleine de dignité et de déférence dans leur rapport commun de confiance. On reste enfin impressionné par ses séquences d'actions chiadées qui plus est renforcée d'une violence âpre assez inédite pour l'époque si je ne m'abuse. D'ailleurs la bagarre à poing nu que Link s'échange avec un des malfrats s'avère d'une cruauté rigoureuse à travers son intensité dramatique de longue haleine. Un combat interminable, moment anthologique assez pénible à observer lorsque Link se laisse toujours plus happer par ses bas instincts de vendetta après avoir essuyer de terribles coups et lorsque la victime lui supplie vainement d'arrêter. 


Superbement mis en scène en y exploitant (tout en contraste) autant ses vastes décors naturels qui environnent la bâtisse que ce huis-clos caverneux à l'atmosphère aussi malsaine qu'étouffante (Tarantino s'en serait d'ailleurs peut-être inspiré pour accomplir ses 8 salopards si j'ose dire), l'Homme de l'Ouest s'alloue d'originalité et d'audace pour y dépoussiérer le western classique à travers ces portraits de cow-boys sclérosés, usés par leur déchéance animale (d'autrefois ou tristement actuelle). Grand classique classieux indispensable.

*Bruno