FILMOGRAPHIE: Nicolas Boukhrief est un réalisateur et scénariste français né le 4 juin 1963 à Antibes. 1995 : Va mourire. 1998 : Le Plaisir (et ses petits tracas). 2003 : Le Convoyeur. 2008 : Cortex. 2009 : Gardiens de l'ordre. 2015 : Made in France. 2016 : La Confession. 2017 : Un ciel radieux (téléfilm). 2019 : Trois jours et une vie.
Sorti discrètement en salles à l'époque si je ne m'abuse, Le Convoyeur n'est point une partie de séance ludique à travers sa forme radicale d'y exploiter le film noir par le truchement d'une violence à couper au rasoir. Car inexplicablement conseillé pour tous publics (avec "avertissement pour le jeune spectateur" dixit le CNC !), Le Convoyeur se rapproche d'un Taxi Driver pour sa violence à la fois vitriolée et tranchée atteignant son paroxysme lors d'un final apocalyptique littéralement affolant. Tant et si bien que les affrontements barbares et primitifs heurtent lourdement l'esprit du spectateur impliqué dans une folie criminelle dénuée de déontologie. C'est dire si Nicolas Boukhrief s'y entend pour ébranler son public immergé dans un voyage au bout de l'enfer dénué d'illusion ou d'issue de secours. Le récit, âpre, tendu, et quelque peu sarcastique auprès des convoyeurs désaxés, borderline ou décalés retraçant la vengeance désespérée d'un père de famille endossant la fonction de convoyeur néophyte afin de retrouver les responsables de la mort de son fils. Crevant littéralement l'écran à chacun de ses mouvements instables ou autrement placides; Albert Dupontel délivre peut-être le rôle de sa vie en justicier suicidaire à deux doigts de flirter avec la folie au fil de son cheminement moral noyé de nostalgie paternelle.
Poignant à travers son humanisme torturé et sa solitude irrévocable, l'acteur insuffle une force d'expression magnétique de par son regard monolithique hanté de déchéance, de déshumanisation et de peur du vide. Fort d'une mise en scène chiadée, pour ne pas dire alambiquée (avec quelques figures géométriques), Nicolas Boukhrief ne cesse d'y soigner le cadre de l'action avec un amour immodéré pour le travail stylisé. Un cinéma parfois expérimental (les soirées techno vaporeuses dans l'enceinte de l'établissement), parfois baroque, parfois référentiel comme le souligne le prologue, hommage à Réservoir Dogs avec ses discussions éphémères tournant autour de la pop music et du rock. Mais si Le Convoyeur demeure aussi électrisant que terriblement pessimiste, il le doit au vérisme de sa réalisation tantôt documentée (les attaques de fourgon blindées font froid dans le dos pour se rapprocher d'un cinéma vérité) et à la présence de ses comédiens communément impliqués dans des rôles primaires de convoyeurs sur la corde raide. Nicolas Boukhrief les caractérisant pour la plupart comme des alcoolos, fumeurs de joint et dépressifs afin d'encaisser leur profession smicarde dénuée de reconnaissance et de dignité. Un tableau dérisoire donc que cette profession mal reconnue que le réalisateur entend bien décrier à travers ses profils névrosés au bord de la crise de nerf, voir du suicide pour les plus fragiles d'entre eux ravagés par leur solitude et leur précarité sociale.
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