mardi 21 janvier 2020

Doctor Sleep

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Mike Flanagan. 2019. U.S.A. 2h32 (version longue: 3h00). Avec Ewan McGregor, Roger Dale Floyd, Rebecca Ferguson, Kyliegh Curran, Cliff Curtis, Bruce Greenwood.

Sortie salles France: 30 Octobre 2019. U.S: 8 Novembre 2019.

FILMOGRAPHIE: Mike Flanagan est un réalisateur, scénariste, producteur et monteur américain, né le 20 mai 1978 à Salem dans le Massachusetts. 2000 : Makebelieve. 2001 : Still Life. 2003 : Ghosts of Hamilton Street. 2011 : Absentia. 2013 : The Mirror. 2016 : Pas un bruit. 2016 : Ne t'endors pas. 2016 : Ouija : les origines. 2017 : Jessie. 2019 : Doctor Sleep.


"On est tous entrain de mourir. Le monde est un hospice à ciel ouvert."
Il fallait oser entreprendre la séquelle d'un des plus grands films d'horreur des années 80 pour la transposer sur pellicule 39 ans plus tard; et ce après que Stephen King se soit (à priori) planté sur le papier si je me réfère à la grande majorité des fans renfrognés. En ce qui me concerne, je n'établirai aucune comparaison entre l'oeuvre et le roman si bien que je me suis refusé à le lire par simple appréhension (intuitive) de la déception. Qu'en est-il donc de cette séquelle fleuve d'une durée longiligne de 2h32 ? Sans compter sa version longue de 3h00 que nous pourrons juger à point nommé par l'entremise de sa sortie Blu-ray. Après nous avoir étonnamment conquis (pour ne pas dire comblé) avec sa série TV; The Haunting (vibrant et subtil hommage à la Maison du Diable et autres références les plus notables) et agréablement surpris avec le thriller psychologique Jessie, produit par Netflix, Mike Flanagan ne prend pas le spectateur pour un imbécile avec Doctor Sleep. Tant et si bien que durant l'intimité de ma projo j'ai eu l'impression d'assister à un authentique film d'horreur à l'ancienne surgit des années 80 ! Dans la mesure où le cinéaste prend son sujet au sérieux tout en respectant au possible les fans de la première oeuvre de Kubrick à travers des références fructueuses et clins d'oeil ironiques (notamment auprès de l'inversion de rôles) eu égard de son intelligence à ne pas verser dans la gratuité, le racolage ou la fioriture. Et ce même si on est en droit de contester son (grandiose) final perfectible se déroulant dans les corridors de l'hôtel poussiéreux d'Overlook à travers une confrontation diabolique pas si intense et épique qu'escomptée (même si beaucoup de forces occultes s'agitent autour de nos héros). Pour autant, le soin circonspect de la sobriété de sa mise en scène (rien n'est laissé au hasard au fil d'une trajectoire narrative pleine de suspense et de subtile tension), son remarquable travail sur la bande-son (en écho à Shining !) et le talent (aussi mesuré) de son casting irréprochable (notamment les rapports solidaires entre Danny et Abra aux forces de caractères chevronnées, et la beauté azur de l'électrisante Rose) permettent d'y pallier ses menus défauts au gré d'une fluidité émotionnelle souvent payante.


Car si Doctor Sleep séduit et envoûte 2h32 durant sans jamais perdre de son intérêt narratif, c'est en parti grâce à ses rebondissements modérés, à son climat onirique de toute beauté et à la caractérisation de ses personnages (ceux atteints du pouvoir du Shining) en proie à une commune volonté de combattre des démons à visage humain étonnamment charismatiques, à défaut de nous effrayer (mention évidente à la matrone au chapeau noir, Rose, car plus le méchant est réussi, meilleur le film sera !). Car dans Doctor Sleep; l'intérêt n'est pas de nous foutre les pétoches comme à su le parfaire Stanley Kubrick (bien que personnellement je n'ai jamais vraiment été effrayé par les expressions psychotiques d'un Jack Nicholson trop sardonique pour me torturer les méninges lors de mes cauchemars nocturnes). Non, l'intérêt est de nous conter avec application et fulgurance visuelle un conte horrifique où le Bien et le Mal s'y combattent sous l'impulsion à la fois fragile et tourmentée de personnages convaincus d'une vie après la mort. Car comme le suggérait Kubrick pour justifier la présence surnaturelle des fantômes au sein de l'hôtel Overlook, Shining était un film optimiste sur l'existence de la vie après la mort. Ainsi, Flanagan poursuit intelligemment cette thématique spirituelle à travers les thèmes de la peur de souffrir et de mourir (je songe aux malades alités en fin de vie) et de la perte de l'être cher (les victimes des êtres disparus tentant difficilement de tourner la page dans leur questionnement spirituel). Quand bien même Danny Torrance, aujourd'hui alcoolique invétéré, tente de combattre ses démons internes en y repoussant de nouvelles forces maléfiques. Doctor Sleep n'étant au final qu'une passionnante métaphore sur notre dualité intrinsèque du Bien contre le Mal, avec au sein de cette confrontation "fantastique" des "méchants" hyper crédibles dans leur intensité d'expression aussi bien sournoise que subtilement vénéneuse à y absorber les fluides énergétiques des victimes du "Shining" ! Sur ce dernier point, et j'insiste à nouveau, Rebecca Ferguson transperce l'écran en reine maléfique au pouvoir d'envoûtement sépulcral ! Tant auprès de sa beauté indicible à la fois lascive et charnue que de ses exactions couardes à sacrifier l'innocence la plus démunie en guise de longévité. Et ce en compagnie de sa troupe noctambule aussi viciée.


Rose red.
Film d'horreur à suspense remarquablement structuré sur une durée substantielle jamais laborieuse (on prend le temps qu'il faut à développer l'intrigue et ses personnages en initiation sereine !), Doctor Sleep créé l'inespérée surprise dans sa capacité d'y créer (ou tout du moins d'y remodeler) un univers délétère aussi capiteux que fascinant à travers la clairvoyance du Shining. Les acteurs et comédiennes se fondant dans la fiction avec aplomb ou spontanéité dépouillés, de manière à ce que le spectateur parvienne à s'immerger dans leurs épreuves morales avec une fascination lestement vertigineuse. Quand bien même Docteur Sleep relativise, dédramatise, apaise et nous réconforte autour de la peur de l'inconnu: celui du trépas.  

*Bruno

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