mercredi 18 mai 2011

Brothers


de Jim Sheridan. 2009. U.S.A. 1h45. Avec Natalie Portman, Tobey Maguire, Jake Gyllenhaal, Sam Shepard, Bailee Madison, Patrick Flueger, Clifton Collins JR.

Sortie en salle le 3 Février 2010.

FILMOGRAPHIE: Jim Sheridan est un réalisateur, acteur, producteur, et scénariste né le 6 Février 1948 à Dublin en Irlande. 1989: My Left Foot, 1990: The Field, 1994: Au nom du père, 1998: The Boxer, 2004: In America, 2006: Réussir ou mourir, 2009: Brothers, 2010: Dream House.

                                      

"Un héros éteint"
Trois ans après Réussir ou mourir, film de gangster sur les enfants du ghetto, Jim Sheridan signe avec Brothers un réquisitoire bouleversant sur les horreurs de la guerre et la difficile réinsertion des soldats revenus d’entre les morts — broyés par une expérience à la fois immorale et inhumaine, dans un monde dit civilisé.

Le pitch : Tommy et Grace forment un couple idyllique, entouré de leurs deux enfants. Quand Sam, le frère de Tommy, sort de prison, ce dernier s’engage pour une mission de l’ONU en Afghanistan, et lui demande de veiller sur sa famille. Hélas, un matin, Grace apprend la disparition de son mari par deux officiers venus frapper à sa porte.

                                       

À la manière du Mort-vivant de Bob Clark, le militant irlandais Jim Sheridan explore ici les conséquences psychologiques abyssales infligées à un jeune soldat patriote, fier d’être le fils d’un vétéran du Vietnam. Il découvrira pourtant l’envers de l'héroïsme, là où la guerre n’est qu’un chaos avorté.

La première partie, sobrement réalisée, sans pathos mais non exempte de quelques conventions, déroule une narration classique : une idylle naissante entre Grace et Sam, en parallèle de flashbacks chaotiques où l’on assiste, en intermittence, aux détentions brutales et aux exécutions sommaires dont Tommy, captif dans un camp afghan, sera témoin et acteur.
On se demande alors où Sheridan veut nous emmener, dans cette romance douce-amère enchâssée dans un plaidoyer antimilitariste dénonçant, en sourdine, les horreurs de la guerre.

                                         

C’est dans une seconde partie, d’une intensité dramatique radicalement imprévisible, que le récit bascule et gagne soudain en profondeur. Un revirement de situation, redouté mais inéluctable, vient fissurer l’équilibre apparent.

Dépouillée de toute mièvrerie, la mise en scène s’affirme. Sheridan brise les codes de son récit pour illustrer, avec une puissance saisissante, les ravages psychiques infligés à un homme revenu d’entre les morts. Lavé du dedans, vidé, brisé par les humiliations et les sévices d’un lavage de cerveau orchestré par des geôliers fanatiques, Tommy revient en spectre. Cet acte ultime, absurde et inhumain qu’il a dû commettre pour survivre l’a dépossédé de son âme.

La cellule familiale éclate dès les retrouvailles. Tout s’effondre sous le poids d’une culpabilité insupportable. Blême, exsangue, Tommy est devenu un zombie — lobotomisé par la guerre et ses propres renoncements. Un homme qui ne se reconnaît plus.

                                     

Dans un rôle à contre-emploi, Tobey Maguire impressionne durablement, livrant un jeu d’une intensité rare. Héros brisé, incapable de recoller les morceaux de sa dignité, il porte sur lui l’abjection d’un conflit putride qui l’a dépossédé de toute identité.
Natalie Portman, pleine de candeur, n’a jamais été aussi juste, poignante et lumineuse : épouse esseulée, elle incarne avec pudeur une femme dévastée, suspendue au silence monolithique d’un mari devenu étranger.
Jake Gyllenhaal, en frère révolté, confronté à l’intransigeance d’un père patriote, bouleverse par sa générosité désarmée, sa tendresse discrète, son besoin d’être enfin utile — même maladroitement — à ceux qu’il aime.

"La Patrie des Fantômes".
Magnifiquement interprété par ce trio d’acteurs, soutenus par l’autorité fatiguée de Sam Shepard en ancien briscard, Brothers est une œuvre à la puissance dramatique rare. Un film dur, poignant, déchirant, sur la guerre et ses survivants — ces morts qui marchent encore.
Un cri sourd contre le sacrifice absurde, contre le traumatisme incurable que la guerre imprime sur les chairs et les âmes, au nom de patries dévorées par l’illusion belliqueuse.
À quel prix ?

*Bruno

Dédicace à CAROLINE (chou) MASSON et FRANCOIS MOST.
19.05.11

1 commentaire:

  1. Touchant, poignant, emplie d'un vérisme bouleversant. Un de mes films favoris !

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