jeudi 13 mars 2014

Cruising (La Chasse)


                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site acesite.e-monsite.com

de William Friedkin. 1980. U.S.A. 1h42. Avec Al Pacino, Paul Sorvino, Karen Allen, Richard Cox, Don Scardino, Joe Spinell, Jay Acovone.

Sortie salles France: 24 Septembre 1980

FILMOGRAPHIE: William Friedkin est un réalisateur, scénariste et producteur de film américain, né le 29 août 1935 à Chicago (Illinois, États-Unis). Il débute sa carrière en 1967 avec une comédie musicale, Good Times. C'est en 1971 et 1973 qu'il connaîtra la consécration du public et de la critique avec French Connection et L'Exorciste, tous deux récompensés à la cérémonie des Oscars d'Hollywood. 1967: Good Times. 1968: l'Anniversaire. 1968: The Night they Raided Minsky's. 1970: Les Garçons de la bande. 1971: French Connection. 1973: l'Exorciste. 1977: Le Convoi de la peur. 1978: Têtes vides cherchent coffres pleins. 1980: The Cruising. 1983: Le Coup du Siècle. 1985: Police Fédérale Los Angeles. 1988: Le Sang du Châtiment. 1990: La Nurse. 1994: Blue Chips. 1995: Jade. 2000: l'Enfer du Devoir. 2003: Traqué. 2006: Bug. 2012: Killer Joe.


Ce film n'est pas un réquisitoire contre l'homosexualité. Il ne dépeint qu'une minorité, non représentative.

Film culte controversé, Cruising fut pointé du doigt par certaines ligues homosexuelles américaines pour l’image sordide qu’il infligerait à leur identité sexuelle. Pourtant, le film est avant tout une descente aux enfers, un voyage au bout de la nuit dans les marges SM du milieu gay new-yorkais. Depuis qu’un meurtre effroyable a été commis, un jeune flic est contraint d’infiltrer les clubs cuir pour traquer le tueur. Alors que deux nouveaux assassinats viennent d’être perpétrés, Steve Burns, à la dérive, oriente ses soupçons sur un jeune homosexuel et l’attire dans un piège. (Friedkin en profite au passage pour dénoncer les méthodes brutales de la police, prêtes à tout pour arracher des aveux.) Pendant ce temps, le véritable tueur continue d’observer, silencieux, en quête de sa prochaine proie.


Cruising est un film choc à plus d’un titre, dont l’aura de scandale a largement contribué à la légende. Mais c’est aussi une expérience sensorielle et émotionnelle atypique, tant nous sommes happés dans un univers suffocant, poisseux, aussi dérangeant qu’irrésistiblement fascinant. Rarement une caméra n’aura osé s’immiscer aussi frontalement dans le monde SM avec une telle précision documentaire. D’autant que la présence magnétique, ambivalente d’Al Pacino nous force à endosser malgré nous le rôle du voyeur. À travers ses errances nocturnes, nous pénétrons des lieux interlopes où se pratiquent des rituels sexuels défiant toute pudeur — rites qu’il devra parfois lui-même incarner.

Ainsi, par l’infiltration de ce flic indécis, William Friedkin orchestre l’introspection d’un hétérosexuel confronté à une communauté marginale, perçue comme déviante, et au risque de se perdre dans les méandres du Mal. Car à force de travestir son identité, de feindre un désir qui n’est pas le sien, Steve Burns se compromet, se fragmente, et s’engage dans un combat intérieur — traquant un tueur pour mieux échapper à ses propres démons. Pour reprendre une célèbre citation : « Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. » Et lorsque le suspect est enfin interpellé, Friedkin pousse le malaise jusqu’à son paroxysme en instillant une ambiguïté glaciale sur la culpabilité réelle du héros.


D’un réalisme cru — aussi bien dans sa violence que dans sa représentation frontale du milieu SM — et d’une rigueur technique d’une rare maîtrise, Cruising réinvente le thriller noir sous une forme hypnotique, presque expérimentale. Un voyage au cœur des ténèbres que Pacino traverse avec une fragilité spectrale, comme aspiré par une fascination perverse. Et c’est justement cette opacité troublante qui nous interroge : jusqu’où le Mal s’infiltre-t-il en nous ?
Attention chef-d’œuvre.

Bruno 
3èx

                                       

1 commentaire:

  1. Entièrement d'accord avec toi sur ce film. Je ne trouve pas perso que ce film montre une image dérangeante d'un certain univers fantasmatique. Au contraire c'est le point de vue du personnage principal qui finit par être dérangeant, comme-ci il luttait effectivement contre ses démons, une sorte de refoulement indépassable, en finissant transformé par cette expérience, peut être pas de la meilleure façon qui soit, c'est sur.
    Le film illustre de manière un peu appuyé le rapport entre une certaine conception de la virilité sexuelle et la violence. Mais là encore Friedkin nous met dans la peau de son personnage, c'est une vraie expérience cinématographique.
    Un film longtemps oublié.

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