mardi 25 mars 2014

Les Innocents / The Innocents. Prix Edgar-Allan-Poe du meilleur scénario.

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site peoplearecrying.blogspot.com

de Jack Clayton. 1961. Angleterre. 1h40. Avec Deborah Kerr, Michael Redgrave, Peter Wyngarde, Megs Jenkins, Pamela Franklin. 

Sortie salles France: 16 Mai 1962

FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni). 1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).

 
Le doute comme unique vérité.
Quintessence du cinéma fantastique pur et dur, dans ce qu’il a de plus éthéré et abrupt, Les Innocents est un cauchemar sur pellicule que le cerveau encaisse comme une épreuve de force. Modèle d’écriture ciselée, entièrement vouée à la psychologie torturée de ses personnages, Les Innocents emprunte aux thèmes de la hantise, de la possession et de l’enfant maléfique avec une force de persuasion sans égale.

C’est dans le pouvoir de suggestion que Jack Clayton se surpasse pour orchestrer une histoire démoniaque, où deux enfants espiègles seront sévèrement réprimandés par leur nouvelle gouvernante. Persuadée qu’ils sont les vecteurs d’une malédiction invoquée par leur ancien valet de maison, elle apprend, par la nourrice, que ce dernier — prénommé Quint — a trouvé la mort dans un accident douteux lié à son ébriété. Plus troublant encore : Miss Jessel, ancienne gouvernante, est elle aussi décédée subitement après une liaison particulièrement licencieuse avec Quint.

Face à l’insolence croissante des enfants et à leur comportement interlope, Miss Giddens, la nouvelle maîtresse de maison, est convaincue qu’ils sont possédés par les fantômes des deux amants. Ses soupçons se cristallisent dès l’instant où elle aperçoit à plusieurs reprises leurs silhouettes tapies dans la maison ou rôdant près du parc…

Ce scénario charpenté, Jack Clayton le maîtrise avec une rare subtilité, distillant une angoisse tangible, un malaise diffus qui ne laisse jamais le spectateur en paix.
Épaulé par la photographie en clair-obscur du grand Freddie Francis, les jeux d’ombre et de lumière accentuent le sentiment d’insécurité latente, enfouie dans les murs mêmes de cette demeure victorienne.
En jouant sur le gothique intimiste des pièces closes et sur le regard angélique de bambins prétendument innocents, le réalisateur installe un climat malsain, suffocant, à mesure que la gouvernante s’abandonne à la certitude qu’une force obscure s’est emparée de leurs âmes.

Mais la grande force du récit réside dans sa manière de faire vaciller notre propre perception. Miss Giddens, femme noble issue d’une éducation puritaine, est aussi le miroir d’une subjectivité névrosée, où la sensibilité se mue peut-être en délire de persécution. Faute de preuves tangibles, faute de ce comportement trop maîtrisé des enfants, et face aux visions spectrales qui colonisent son esprit, elle pourrait n’être que la victime de son autosuggestion… Une fanatique, prête à purifier ces êtres prétendument souillés par la perversion.

 
L’innocence est un mensonge.
Dérangeant, anxiogène, perturbant, Les Innocents est un cauchemar implacable, d’une puissance émotionnelle trouble, d’une cruauté tragique, dont le point d’orgue nihiliste confine au traumatisme — pour mieux hanter notre mémoire par son irrésolution.
Son climat est d’autant plus déstabilisant qu’il pervertit la candeur enfantine et fissure la conviction d’une gouvernante (Deborah Kerr, bouleversante, transie d’émoi, le regard exorbité), rongée par la paranoïa… ou peut-être par un refoulement sexuel larvé.

Un joyau d’une noirceur insondable, si bien que la vérité ne nous sera jamais offerte. Henry James lui-même refusa d’éclairer le moindre indice, interdisant à jamais la démystification — qu’il s’agisse de Miss Giddens, des enfants, ou des amants d’outre-tombe.
Génuflexion.

*Bruno
3èx

Récompense: Prix Edgar-Allan-Poe du Meilleur scénario


3 commentaires:

  1. Je suis désolé, je ne mets pas de lien sur ce blog. C'est uniquement conçu comme un album souvenir répertoriant l'essentiel du cinéma de genre.

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