Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr
de Marina de Van. 2002. France. 1h34. Avec Marina de van, Laurent Lucas, Léa Drucker, Thibault de Montalembert, Dominique Reymond, Bernard Alane, Marc Rioufol.
Sortie salles France: 4 Décembre 2002 (Int - 16 ans avec mention: certaines scènes du film peuvent être difficilement soutenable).
FILMOGRAPHIE: Marina de Van est une réalisatrice, scénariste, écrivaine et actrice française de cinéma, née le 8 février 1971 à Boulogne-Billancourt. 2002 : Dans ma peau. 2009 : Ne te retourne pas. 2011 : Le Petit Poucet (Téléfilm). 2013 : Dark Touch.
La femme qui se mange elle-même
Œuvre extrême flirtant avec l’horreur viscérale, Dans ma peau nous plonge dans la dérive autodestructrice d’une jeune femme, Esther, qui bascule dans l’automutilation après s’être accidentellement blessée à la jambe - sans même ressentir la moindre douleur sur le moment. Le film, formellement déconseillé aux âmes sensibles, expose des séquences à la limite du soutenable tant leur réalisme cru nous malmène (j’ai moi-même dû détourner les yeux à deux reprises). Premier long-métrage de Marina de Van, qui en signe aussi la mise en scène et le rôle principal, Dans ma peau s’impose comme une éprouvante expérience corporelle : la mutilation, la scarification, l’anthropophagie s’y enchaînent au fil de pulsions morbides incontrôlables - pour ne pas dire littéralement addictives.
Troublée de ne pas avoir ressenti la douleur initiale, l’héroïne tente de renouer avec son corps, de le ressentir à nouveau, en martyrisant sa peau. Une quête névrotique, presque mystique, de souffrance intime. Ce film d’auteur premier degré, redoutablement malaisant, nous aspire dans sa mise en scène clinique et épurée, si bien que l’on observe la déliquescence morale de son personnage avec une fascination répulsive. Le sang, les plaies béantes, les morceaux de chair s’imposent avec une régularité presque métronomique.
Mais au-delà de sa rigueur formelle, étrange, poétique, presque documentaire, le film est transcendé par le jeu schizo de Marina de Van, absolument terrifiante en victime dépressive qui, par le goût du sang, apprend à réinterpréter - remodeler ? - son corps, à l’aimer, à le posséder, à s’y fondre. Jusqu’à se tailler un morceau de peau qu’elle tanne pour le glisser entre son sein et son soutien-gorge. Nouvelle chair. Nouvelle identité.
Peut-être faut-il y voir une métaphore du malaise moderne, celui d’un monde du travail aliénant, cannibalisé par la rentabilité et la performance. Dans ce cadre, le film laisse aussi transparaître l’égoïsme rampant et l’opportunisme glacé de collègues en guerre larvée (la discussion au restaurant entre confrères et consœurs en est l’écho parfait). Tandis que Sandrine, amie envieuse, se mue en rivale sourde et sadique, dans sa course infantile au pouvoir après avoir décroché un poste de leader.
Qu’on y adhère ou qu’on le rejette en bloc, cet objet filmique inclassable, rigoureusement autre et profondément couillu, ne peut laisser indifférent tout passionné de cinéma en quête d’expérience. Aussi malsain et dérangeant que soit son contenu, Dans ma peau évite toute complaisance - un exploit vu la nature scabreuse, déviante, de sa matière. Étouffant, psychologiquement terrifiant, le film ausculte l’accoutumance pathologique d’une femme en chute libre, irrémédiablement seule, avec une tension qui semble sans retour, malgré une fin laissée ouverte.
L’œuvre tire sa puissance de fascination d’un langage visuel résolument sensoriel, transfiguré par la présence ambivalente de Marina de Van, dont les expressions faciales - effacées, indicibles - perturbent, inquiètent, désarçonnent. Face à Laurent Lucas, excellent compagnon dépassé par les simulacres de son amante, elle impose une aura froide, érotisante, troublée, dénuée de logique, de résolution, de mots.
Un film pour public averti, mais essentiel.
*Eric Binford
2èx
merci pour l'info je ne connais pas
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