vendredi 16 juillet 2021

Dans ma peau

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Marina de Van. 2002. France. 1h34. Avec Marina de van, Laurent Lucas, Léa Drucker, Thibault de Montalembert, Dominique Reymond, Bernard Alane, Marc Rioufol. 

Sortie salles France: 4 Décembre 2002 (Int - 16 ans avec mention: certaines scènes du film peuvent être difficilement soutenable).

FILMOGRAPHIEMarina de Van est une réalisatrice, scénariste, écrivaine et actrice française de cinéma, née le 8 février 1971 à Boulogne-Billancourt. 2002 : Dans ma peau. 2009 : Ne te retourne pas. 2011 : Le Petit Poucet (Téléfilm). 2013 : Dark Touch.


"La femme qui se mange elle même"
Oeuvre extrême flirtant avec l'horreur viscérale lorsqu'une jeune femme plonge dans l'automutilation après s'être incidemment blessée à la jambe, et ce sans y éprouver sur le moment une quelconque douleur, Dans ma peau est formellement déconseillé aux personnes sensibles si bien que certaines séquences sont difficilement supportables de par son réalisme cru (personnellement j'ai détourné le regard une poignée de secondes à 2 reprises). Autant prévenir d'entrée de jeu car ce premier film réalisé par l'actrice du film, Marina de Van, demeure une éprouvante expérience corporelle lorsque celle-ci s'adonne à la mutilation, la scarification et même l'anthropophagie à la suite de pulsions morbides incontrôlées, pour ne pas dire littéralement addictives. Dans la mesure où celle-ci, perturbée de n'avoir pu ressentir une quelconque douleur lors de sa première blessure, tente de renouer, de communiquer avec son corps en se martyrisant la peau. Un parti-pris névrotique d'y retrouver la souffrance dans son intimité secrète. 

Il s'agit donc d'un film d'auteur premier degré redoutablement malaisant et dérangeant à travers une incroyable mise en scène épurée si bien que l'on observe sa déliquescence morale avec une fascination répulsive (le sang, les cicatrices, les plaies béantes, les bouts de chair sont instaurés a une fréquence métronome). Mais bien au-delà de sa réalisation clinique étrangement poétique, documentée et vertigineuse, Dans ma peau est transcendé du jeu schizo de Marina de Van absolument épeurante en victime dépressive apprenant par le goût du sang à réinterpréter (remodeler ?) son corps tout en lui faisant intimement l'amour et ainsi s'offrir une nouvelle chair (le morceau de peau qu'elle se tanne pour le caler entre son sein et son soutien-gorge). Possible métaphore sur le malaise de nos sociétés modernes au sein d'une spéculation professionnelle avide de rentabilité dans leur enjeu d'émulation, Dans ma peau laisse également transparaître l'égoïsme, l'opportunisme de certains employés dans leur esprit  compétitif (la discussion rébarbative au restaurant entre confrères et consoeurs). Alors que Sandrine, amie envieuse d'Esther, s'endosse une nouvelle posture de rivale dans sa soif de revanche à la fois sadique et infantilisante à la suite d'un poste de leader.  


La nouvelle chair.
Que l'on adhère ou que l'on rejette en bloc cet objet inclassable rigoureusement autre et couillu, Dans ma peau ne peut laisser indifférent tout passionné de cinéma en requête d'expérience créative, aussi malsain et dérangeant soit son contenu extrême adepte de déchéance mortifiée. Et ce sans jamais se complaire dans une démonstration de force complaisante (un exploit pour un sujet aussi scabreux et déviant !). Etouffant et psychologiquement terrifiant à travers l'accoutumance pathologique de l'héroïne en proie à une solitude délétère (son cheminement en perdition semble irréversible auprès d'une conclusion néanmoins ouverte), Dans ma peau tire parti de son pouvoir de fascination grâce à sa puissance visuelle résolument sensorielle. Qui plus est transfiguré du jeu ambivalent de l'étrange Marina de Van franchement inquiétante d'expression faciale indicible lors de ses prises de conscience contradictoires, ses feintes et ses simulacres avec son amant contrarié (incarné par l'excellent Laurent Lucas !). Une attitude froidement érotisante fréquemment accompagnée d'un regard effacé dénué d'explication, de logique, de résolution. 
Pour public averti.

*Eric Binford
2èx

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