Sortie salles France: 7 Décembre 2022
Un choc frontal. Un traumatisme intime. « Écorchée vive : chronique d’une Lily perdue »
Quelque chose de profondément personnel a surgi, réveillé par cette héroïne aux allures de miroir brisé. Pendant 1h35, elle m’a remué les tripes — moralement, viscéralement — par l’intensité de son regard, expressif jusqu’à l’incandescence, par cette fragilité vive, écorchée, hyperactive, colérique, tendre, solaire.
Mallory Wanecque crève littéralement l’écran pour son tout premier rôle. On songe, toutes proportions gardées, aux fulgurances de Béatrice Dalle ou Vanessa Paradis à l’orée de leur carrière.
Elle désarme, désarme tout, par son franc-parler ravageur, son malaise existentiel, sa posture décomplexée de lolita aux yeux d’azur que l’on juge, que l’on épingle, que l’on isole — sans compassion, sans écoute — depuis la perte de son petit frère, emporté par le cancer.
Il m’a fallu pourtant une bonne demi-heure pour entrer dans ce monde, pour m’acclimater à ces jeunes aux langages crus, aux gestes brusques, aux réflexes agressifs. Des adolescents cabossés, incultes peut-être, mais surtout abandonnés : par les parents, par l’école, par le monde adulte tout entier.
Des mômes de quartier défavorisé que l’on suit sans voyeurisme, sur le tournage d’un film que s’efforce de tenir un réalisateur flamand, malgré leurs élans, malgré leur feu.
La mise en abyme, ici, devient vertige.
Les Pires brouille volontairement les lignes, entre documentaire et fiction, entre regard et intrusion, entre intimité et mise en scène. Ces séquences d’amour filmées sans fard, ces scènes crues à la frontière du malaise — notamment l’ambiguïté d’une relation entre Lily et un technicien de 32 ans — laissent un goût étrange, peut-être seulement sur moi. Mais elles disent quelque chose. De leur désarroi, de leur corps en éveil, de leur soif d’être regardés autrement.
Et puis soudain, au-delà de ce climat trouble, le cœur bat fort.
Les Pires touche juste dans l’évolution de ces jeunes paumés, aux mots simples, mais ivres d’amour à donner, d’espoir à saisir, de rêves à bâtir. Lily, bouleversante, veut percer dans le cinéma. Elle veut fuir sa cage. Elle veut exister.
Les Pires ne laisse pas indemne. Film âpre, d’accès parfois difficile, mais bouleversant.
Et mon expérience, au-delà du film, s’est liée à Lily malgré moi. Car je l’ai reconnue. Sous ses traits, j’ai revu Aurélie. Une autre, quelques années plus tôt.
À elle, je dédie cette chronique.
*Bruno
Récompenses:
Festival de Cannes 2022 : Grand prix Un certain regard
Festival du film francophone d'Angoulême 2022 : Valois de diamant
Festival Fifigrot de Toulouse 2022 : prix du public et prix des étudiants
Festival international du film de Rome 2022 : Alice nella cita, prix d'interprétation féminine pour Mallory Wanecque
Festival de Saint-Paul-Trois-Châteaux 2022 : Grand prix
American French Film Festival, Los Angeles, 2022 : prix du meilleur premier film
Rencontres du cinéma de Villefranche 2022 : prix des lycéens
Festival du film de Sarlat 2022 : prix du jury « Jeune », prix d'interprétation féminine pour Mallory Wanecque
Festival de Cosne-sur-Loire 2022 : prix du meilleur film, prix d'interprétation féminine pour Mallory Wanecque, prix d'interprétation masculine pour Johan Heldenbergh
Festival du grain à démoudre de Gonfreville-l'Orcher 2022 : prix du Grand Jury pour le meilleur long métrage, prix du Jury des Lycéens pour le meilleur long métrage
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