"Dernière station avant le néant."
Eddington, c’est l’Amérique à vif qui s’éventre sur elle-même, dans un éclat de rire jaune. Ari Aster signe sous couvert de western vitriolé une farce hyper caustique, un carnaval politique où chaque masque cache un rictus de haine ou un vide abyssal. Mai 2020 : la Covid ronge les corps et les cerveaux, mais c’est la paranoïa qui dévore les âmes. Dans cette bourgade perdue au cœur des États-Unis, les habitants se plient aux règles, s’accrochent à des restrictions, voires à des causes fumeuses, bricolées dans l’arrière-cour de leur idéologie déglinguée. Tout est irréconciliable dans cette gigantesque cour de récré. La fracture béante entre deux Amériques n’est plus un débat : c’est une guerre civile larvée, une folie contagieuse que le monde entier semble décidé à reproduire, encore et encore.
La jeunesse, elle, s’abîme dans la lumière bleue des écrans, nourrie de joints, de pornographie et de rêves de célébrité virale. Les pieds ne touchent plus terre, la réalité se dissout dans un flux continu de paranoïa et de désir d’être vu. Et au milieu, Joaquim Phoenix incarne un shérif rétrograde, sociopathe lunaire, paumé comme un chien enragé lâché dans une foire depuis le désespoir de son amour déchu. Il ne joue pas. Il transpire son personnage. Il le respire, il le saigne. Il avale l'écran.
Oui, la première heure traîne, s’éparpille, se perd dans ses propres circonvolutions au risque de lasser, de décrocher même. Mais passée cette latence, l’heure vingt-cinq suivante est un coup de massue à la tonalité bipolaire. Un théâtre grotesque et implacable où l'ultra violence burlesque n’est qu’un masque funèbre. Ici, pas de héros : seulement des imposteurs, des lâches, des victimes complices de leur propre ignorance, de leur bassesse, et d’une soif de pouvoir qui ne distingue plus le social du politique. Une Amérique miniature à la violence putassière qui nous tend un miroir, et ce que l’on y voit donne envie de le briser avant qu'une éventuelle puissance étrangère un peu trop susceptible ne nous raye de la carte.
Farce et châtiment, la fin est proche, Amérique Zéro..
— le cinéphile du cœur noir
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