"La marche des Damnés."
Déconcertant, un tantinet difficile d’accès, Marche ou crève s’impose d’abord par son climat nonchalant et son absurdité morale un peu difficile à contempler. Durant 1h42, on observe ces jeunes volontaires se laisser dériver vers la déchéance - physique et cérébrale - au prix d’une misérable victoire élitiste. Marche ou crève est un uppercut émotionnel dont on ne ressort pas indemne.
Une œuvre grave, dure, trop cruelle mais d’utilité publique, au point de craindre qu’un jour prochain, cette compétition criminelle puisse réellement voir le jour sous l’égide d’un État fasciste.
On peut d’ailleurs y lire une résonance politique : durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis infligeaient aux prisonniers des camps de concentration les marches de la mort. Ils étaient contraints de parcourir des centaines de kilomètres sans nourriture, sans repos, dans le froid. Et comme dans le film, quiconque s’arrêtait était abattu sur place, sous le regard des autres.
On retrouve donc dans cette œuvre dépressive, qui ne cherche jamais à se faire aimer, la même logique de domination et d’obéissance, la même déshumanisation, la même fascination morbide pour la souffrance d’autrui au nom du divertissement. Une jeunesse suicidaire, car désoeuvrée, aux valeurs perdues, sacrifiée sur l’autel d’une société du spectacle.
Dépeignant une société dystopique à travers cette marche de longue haleine - euphémisme s’il en est - Marche ou crève est autant une épreuve de force qu’un chemin de croix sans illusion, où cinquante participants marchent - presque comme des zombies agités - pour un butin dérisoire.
D’une violence crue, les exécutions sommaires filmées face caméra nous ébranlent jusqu’à l’écœurement. Elles laissent un goût amer d’impuissance et de révolte face à cette dictature militaire dénuée de toute vergogne. Pendant ce temps, le public, lobotomisé par la perte des valeurs et du sens moral, contemple à peine ce massacre, à distance, avec une lassitude impassible.
D’une intensité dramatique éprouvante, presque insupportable, le film nous entraîne sur une route exténuante et démotivante, jusqu’à nous désarmer de toute illusion. Il nous renvoie à notre propre conscience morale, asservie par nos sociétés contemporaines liberticides et ultra-conservatrices où la parole contradictoire est davantage perçue comme une menace à endiguer.
Réservé à un public préparé, notamment en raison de son rythme sciemment larvé et langoureux, Marche ou crève justifie pleinement son interdiction aux moins de 16 ans. Encore faudrait-il que les adolescents à la capacité de réflexion et au bagage culturel s’y confrontent, en espérant qu'ils ne connaitront jamais ce pouvoir totalitaire.
— le cinéphile du cœur noir
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