jeudi 4 août 2011

POLICE ACADEMY


de Hugh Wilson. 1984. U.S.A. 1h35. Avec Steve Guttenberg, Kim Cattrall, G.W. Bailey, Bubba Smith, Donovan Scott, George Gaynes, Andrew Rubin, David Graf, Leslie Easterbrook, Michael Winslow.

Sortie en salles en France le 5 Septembre 1984. U.S.A: 16 Mars 1984.

FILMOGRAPHIE: Hugh Wilson est un réalisateur, acteur et scénariste américain né le 21 Aout 1943. 1984: Police Academy1985: Rex le Magnifique. 1987: Pie Voleuse. 1994: Un Ange gardien pour Tess. 1997: Le Club des Ex. 1999: Allo, la police ?!. 2000: Première Sortie. 2007: Mickey

                                      

Spécialiste de la comédie tous publics, Hugh Wilson n'a pu prévoir qu'il allait engendrer avec son premier long une franchise lucrative répertoriant 6 suites. Une saga commerciale très inégale qui s'étalera une décennie durant (1984/1994). A sa sortie, le succès mérité de Police Academy est immense si bien qu'il engrange plus de 80 millions de dollars de recettes pour un budget de 4,5 millions. Hélas, les épisodes suivants régresseront en terme d'inventivité burlesque au point de lasser un public fatigué de subir des gags aussi gras. Mais il serait dommage d'occulter ce premier volet proprement hilarant et mené à un rythme effréné au point de la considérer comme un classique de la comédie américaine. Le pitchDans une académie policière, les règles de déontologie pour s'y inscrire viennent d'être édulcorées. Ainsi, des volontaires sont enrôlés afin de suivre un stage de quelques semaines et pouvoir exercer leur métier dans un avenir prochain. Mais la nouvelle équipe recrutée sera une lourde labeur pour le lieutenant castrateur Harris, pourtant déterminé à les recadrer avec une ferme autorité !

                                        

D'un argument saugrenu inspirée de faits réels (!?), la réussite de Police Academy doit sa franche réussite à cette idée improbable poussée ici à son paroxysme (aucun examen d'entrée n'est acquis pour s'inscrire dans l'académie), permettant d'y déployer abondamment une galerie de personnages tous plus débridés, incongrus et aliénés les uns que les autres. Le film se distingue en deux parties toutes aussi loufoques et hilarantes l'une que l'autre. C'est dans un premier temps la phase d'entraînement exercée par nos recrus qui nous ait illustré lors d'un florilège de scènes délirantes avoisinant en moyenne un gag à la minute. Puis vient l'entrée en action des nouveaux flics chevronnés car entraînés dans la discipline de fer d'un lieutenant aussi drastique que ballot. Le caractère hautement sympathique de ces policiers novices et l'ambiance survitaminée de défouloir qui émane de leurs bévues parviennent à rendre cette comédie gentiment effrontée et irrésistible !

                                     

Tant auprès de Mahoney (Steve Guttenberg), play-boy obtus, arrogant et désinvolte, adepte de la drague et de la flânerie, de Larvell Jones (Michael Winslow) capable d'imiter à la perfection à l'aide de sa bouche des bruitages extravagants, d'Eugene Tackleberry (David Graf), véritable clone de l'inspecteur Harry en mode psychopathe car obsédé par les armes à feu et maladivement addict à appréhender les gangsters les plus malfamés, de Moses Hightower (Bubba Smith), homme afro à la taille disproportionnée décuplant sa force physique de manière prodigieuse, que de la timorée Laverne Hooks (Marion Ramsey), petit bout de femme afro, discrète et anémique, à l'instar de sa voix chétive ! Enfin, je ne peux aussi manquer d'évoquer Debbie Callahan (Leslie Easterbrook) dans le rôle d'une capitaine de charme dominatrice, tendance SM, ou encore la charmante Karen Thompson (Kim Cattral, inoubliable compagne de Kurt Russel dans Les Aventures de Jack Burton...), future petite amie docile du dragueur invétéré Mahoney ! Ainsi, cette galerie de personnages haut en couleurs rivalise de stupidité à commettre les situations à risque les plus improbables qui soient. D'ailleurs, dans le domaine des gaffes les plus répréhensibles, leurs exactions se clôturent sur un épilogue pétaradant lorsque nos équipiers maladroits et froussards feront preuve de courage face à l'ébullition d'une émeute urbaine ! Action, poursuites et gags s'enchaînant jusqu'à la fameuse célébration d'une procession de récompense ovationnées pour nos héros malgré eux. Une remise de médaille d'honneur potentiellement méritante, du moins pour certains de nos officiers les plus retors.

                                   

Surtout ne les appelez pas quand vous êtes dans la M... !!!
Mené à 100 à l'heure sous l'impulsion hystérisée d'une troupe de comédiens sémillants à travers leur pitreries impayables, Police Academy peut sans conteste se targuer d'être l'une des meilleures comédies des années 80. Car sans doute influencé par l'immense succès des frères Zucker, Y'a t'il un pilote dans l'avion, on retrouve ici ce même esprit débridé inspiré du cartoon lors d'une pléthore de gags défilant en moyenne toutes les 30 à 60 secondes ! 

04.08.11.    .
Bruno Matéï.

mardi 2 août 2011

RESERVATION ROAD


de Terry George. 2007. U.S.A. 1h42. Avec Jennifer Connelly, Joaquim Phoenix, Mark Ruffalo, Elle Fanning, Mira Sorvino, Eddie Alderson, Gary Kohn, John Slattery, Sean Curley.

Inédit en Salles.

FILMOGRAPHIE: Terry George est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né le 20 décembre 1952, en Irlande du Nord.
1996: Some Mother's Son
1998: A Bright Shining Lie (tv)
2004: Hotel Rwanda
2007: Reservation Road

                          

Hommage subjectif d'un puriste amateur affecté.
Après son drame inoubliable sur le génocide rwandais dans Hotel Rwanda, Terry George renoue trois ans plus tard avec une tragédie familiale d'une sobre intensité émotionnelle. Honteusement inédit en salles, Reservation Road aborde avec gravité et sans esbrouffe de pacotille l'impossible deuil de la perte d'un enfant, fauché accidentellement par une voiture dont le conducteur s'est résolu à prendre l'escampette. 

Ethan et Grace forment un couple harmonieux parmi la présence docile de leurs deux enfants équilibrés. Un soir, le fils est violemment percuté par une voiture roulant à vive allure. Le chauffard en question, un avocat qui accompagnait son fils chez son ex femme, décide de prendre la fuite, éprouvé d'une peur panique d'avoir perpétré un évènement aussi dramatique. Les parents anéantis par la mort de leur enfant décident désespérément de retrouver l'assassin présumé.

                            

Avec un sujet aussi grave et brûlant, la perte d'un enfant fauché par la voiture d'un conducteur inhibé par son acte répréhensible, Reservation Road aurait pu facilement sombrer dans le mélo pompeux et lacrymal. Avec l'intelligence d'un réalisateur humble et modeste, cette histoire en apparence convenue réussit à transcender ses conventions par la grâce tempérée des comédiens tous impliqués de manière prude et la dextérité de ne pas porter de jugement moralisateur sur le bourreau incriminé ou la victime éprise de justice individuelle.
Ce qui favorise la force et l'intensité du récit est centré sur ce duel psychologique entre deux père de famille antinomiques auquel nous allons suivre en parallèle leur état d'âme et leur blessure secrête fustigées dans la rancoeur, la haine, le désespoir et l'exutoire rédempteur.
Terry George réussit avec justesse et sans une once de complaisance à nous émouvoir à travers le destin brisée d'une famille qui était épanouie par l'aubaine conjugale affiliée à l'amour infantile. Après un préambule bouleversant dans l'homicide accidentellement perpétré envers un enfant, le réalisateur nous fait partager les douloureux moments de doute et d'angoisse d'un couple endeuillé, incapable de surmonter la mort de leur progéniture, frappée de plein fouet par la voiture d'un quidam lâche pour son acte involontairement criminel. Toutes ses séquences intimistes qui illustrent les relations tendues et orageuses envers le couple démuni au bord du marasme sont remarquablement mises en contraste avec le rapport affecté entre le chauffeur incriminé, un avocat réputé épris de tendresse pour son jeune fils séparé de l'union conjugale, réfugié dans la passion sportive du basket ball. A travers ces deux portraits de pères involontairement liés par un deuil familial, Terry George détourne la convention requise de l'assassin immoral éludé d'une quelconque repentance. En effet, il s'attache ici à accorder autant de profondeur aux victimes incapables d'assumer la mort de leur enfant mais aussi au criminel orgeuilleux finalement épris d'humanité envers l'amour paternel. Un rival tourmenté profondément perturbé par son acte irresponsable, constamment rongé par la culpabilité jusqu'à envisager la rédemption dans une cellule de prison en se livrant courageusement à la police.
En point d'orgue décisif et radical, Reservoir Road amène également une réflexion sur la justice expéditive et de quelle manière salvatrice un homme envahi par la colère, avide d'équité et d'impartialité, pourrait éventuellement changer d'avis en dernier ressort.

                          

Une fois de plus, le robuste Joaquim Phoenix délivre une poignante interprétation dans sa douleur surmenée d'un père endeuillé incapable de concevoir l'insouciance d'un chauffard en liberté.
Un homme traumatisé, replié sur lui même, hanté par l'iniquité mais insinueusement irascible dans sa détermination de prendre l'enquête à bras le corps contre l'impotence des autorités. A moins  d'entamer en désespoir de cause une démarche beaucoup plus radicale et expéditive dans son esprit autodestructeur de s'octroyer d'une justice individuelle suicidaire. La ravissante Jennifer Connelly apporte son soutien maternel avec une spontanéité dépouillée dans celle d'une mère submergée de douleur par cette tragédie fortuite mais un peu plus pondérée et nuancée dans sa quête chétive de renouer avec l'affection et la tendresse de leur vie maritale en chute libre. Leur rival indigne est endossé par l'excellent Mark Ruffalo, tout aussi impressionnant, pathétique et affligeant dans sa prise de remord et sa lourde conscience galvaudée par l'accident meurtrier d'une mort infantile. De prime abord, apeuré et faussement insidieux dans son égoïsme lattent, le criminel malgré lui va lentement se résigner à aseptiser son impardonnable faute d'avoir annihilé la vie d'un innocent juvénile.

                          

Remarquablement mis en scène sans effet de pathos et interprété avec une justesse de retenue par des comédiens essentiels, Reservoir Road est un bouleversant drame psychologique sur la perte chère d'un enfant brutalement soutiré à sa famille et sur la quête de justice qui en résulte pour la responsabilité de l'assassin laissé en liberté. Son message lucide de tolérance contre l'animosité souhaite énoncer que la seule raison de renoncer à la violence jusqu'au-boutiste est de savoir percevoir dans les yeux de son bourreau une potentielle lueur d'humanité pourfendue par le regret et la culpabilité.

Dédicace à Pascal Frezatto.
02.08.11.
Bruno Matéï.                        

lundi 1 août 2011

STAKE LAND


de Jim Mickle. 2010. U.S.A/Australie. 1h38. Avec Connor Paolo, Nick Damici, Michael Cerveris, Danielle Harris, Kelly McGillis...

FILMOGRAPHIE: Jim Mickle est un réalisateur américain.
2002: The Underdogs (court)
2006: Mulberry Street
2010: Stake Land

                            

Quatre ans après son premier essai superficiel mais prometteur, Mulberry Street, Jim Mickle s'inspire d'une ambiance post-apocalyptique pour retracer la destinée d'une poignée de survivants, contraints de combattre une horde de vampires et tenir tête à une secte fondamentaliste. Ou quand La Route se serait affilié avec Near Dark. 

Dans un monde à l'agonie régi par des vampires, Martin est témoin du massacre de ses parents commis par ces créatures. Il est sauvé in extremis par un briscard solitaire, voyageur autonome circulant en véhicule au hasard des routes. Ensemble, ils vont parcourir différentes contrées bucoliques jusqu'à envisager de rejoindre le canada, nouvelle terre d'accueil pour les autres survivants.

                           

Jim Mickley avait déjà séduit avec son précédant métrage, Mulberry Street, première bande fauchée, maladroite mais pleine de bonnes intentions et privilégié par des personnages à la densité humaine probante. En 2010, il rempile derrière la caméra pour s'allouer d'un budget un peu plus conséquent et d'acteurs mieux confirmés pour livrer un road movie désenchanté auquel des vampires mutants ont envahi notre monde en phase de déclin.
Avec son ambiance nonchalante continuelle, ses décors désolés de paysages naturels blafards et d'un score élégiaque aux accords de piano timoré, Stake Land joue la carte de la compassion et de la désillusion. Autant avertir de suite ceux qui s'étaient envisagés d'assister à un film d'horreur bourrin dans le simple but de choquer et divertir, même si certains moments échevelés déploient sans concession des scènes gores bien sanglantes.
Cette série B modestement réalisée compense la maigreur de son budget par une habile utilisation de ces décors décharnés accentué par un climat maussade en clair obscur superbement photographié.
En suivant le cheminement d'un duo de survivants téméraires et courageux, le réalisateur souhaite retranscrire avec réalisme et poésie funèbre une hostile aventure humaine riche en imprévus et moults dangers face à deux menaces distinctes. Mister et le jeune Martin vont devoir s'allier pour combattre de prime abord les meutes de vampires planqués à n'importe quel abri et continuer leur voie au hasard des itinéraires envisagés. La mort putride suinte son odeur nauséeuse dans l'atmosphère impure, des cadavres calcinés jonchent les trottoirs de villages fantômes où certains survivants retranchés dans leur foyer tentent encore de repousser l'antagoniste fétide, incarnation du Mal occulte. Durant leur trajet, nos deux fuyards vont faire la rencontre de quelques quidams esseulés avec qui ils vont s'unir pour faire un bout de chemin commun. En prime de la menace perpétuelle des créatures voraces de la nuit, ils vont également devoir faire face à une communauté fondamentaliste fustigeant la vie humaine et ses voyageurs égarés qui osent empiéter sur leur territoire. Dès lors, le danger omniprésent est incessamment provoqué par notre groupe de fuyants, dépêchés de retrouver une terre nouvelle: le Canada.

                             

Avec une louable attention sur l'humanité de ses personnages, accentuée par la prestance tempérée de comédiens à la trogne naturelle,  Jim Mickle s'attarde avec empathie sur le destin de ces survivants qui iront jusqu'au bout de leur ambition pour retrouver un semblant de vie un peu plus paisible et moins délétère. La narration simple et sans surprise réussit pourtant à séduire dès son cruel préambule (les parents sacrifiés) et maintenir l'intérêt par la caractérisation des protagonistes. En intermittence, le réalisateur n'oublie pas pour autant d'accentuer un rythme plus frénétique émaillé de quelques scènes-chocs techniquement bricolées mais adroites et assez bien maîtrisées (en dehors de la vaine représaille d'un vampire vindicatif, ancien membre de la secte religieuse). On peut être quelque peu rebuté par le look insalubre des vampires monstrueux, sortes de mutants vulgairement burinés par un faciès défiguré couleur charbonnée. Mais leur esprit carnassier et la sauvagerie à laquelle ils font preuve pour décimer leur proie impressionne le spectateur convaincu de son caractère surnaturel. Mais c'est surtout son ambiance apocalyptique dans le sillage du superbe film, La Route, qui réussit facilement à immerger son public fidèlement rattaché au destin précaire de nos héros lamentés.
En prime, le portrait établi envers le jeune Martin (interprété par l'attachant Connor Paolo), orphelin endeuillé mais furtivement entraîné par son mentor chevronné, est une forme de parcours initiatique au vu de l'évolution finale de sa personnalité épaulée par une nouvelle recrue impromptue. Alors que son comparse éprouvé par ce climat morbide semble épris d'une autonomie drastique pour fuir égoïstement les régions contaminées, tel un nouveau fantôme errant. 

                          

Totalement orienté sur la dimension humaine de ces personnages chétifs autant que pugnaces, Stake Land traite fatalement de l'espoir, du courage et de l'union fraternelle pour tenter d'échapper à un monde en dégénérescence. De surcroît, si la violence qui en résulte engendre la violence, elle forge l'esprit devenu inflexible de celui qui a tenté de l'appliquer au nom de sa propre survie. Traversé de quelques scènes chocs spectaculaires, cette série B à la mélancolie prégnante réussit à toucher par l'amertume de son sujet. Un tableau noir dédié à l'humanité de notre civilisation davantage déshumanisée quand la fin du monde nous laisse songeur face à l'incertitude.

01.08.11
Bruno Matéï.

                                       

samedi 30 juillet 2011

LEGITIME DEFENSE


de Pierre Lacan. 2010. France. 1h25. Avec Jean-Paul Rouve, Claude Brasseur, Olivier Gourmet, Marie Kremer, Gilles Cohen, Michel Ardouin, Franck Tiozzo

Sortie en salle le 16 Mars 2011.

FIMOGRAPHIE: Pierre Lacan est un acteur, scénariste et réalisateur français
1999: Combien tu m'aimes (court)
2000: Sommeil Profond (court)
2002: Les Corsps solitaires (court)
2004: Frédérique amoureuse (court)
2011: Légitime Défense

                        

Hommage subjectif d'un puriste amateur de polar.
Pour son premier long-métrage, tiré du roman Terminus Plage de Alain WagneurPierre Lacan renoue avec le polar des années 80 avec un ton réaliste sans esbroufe, dans le sillage du cinéma de Alain Corneau, Pierre Granier-Deferre ou encore Maurice Pialat. Il ose confier à son interprète principal, Jean Paul Rouve, un rôle dramatique à contre-emploi d'une surprenante sobriété naturelle.  

Un père de famille inhibé va se retrouver embarqué dans une intrigue criminelle depuis que son paternel, ancien détective privé, a mystérieusement disparu. Recherché par une bande de malfrats véreux, il va devoir faire face à de lourdes responsabilités et découvrir le passé d'un père corrompu.

                           

Baignant dans une atmosphère réaliste et blafarde, Légitime Défense est un louable polar qui tente de renouer avec les ambiances naturalistes d'antan dans une mise en scène froide, sans fioriture, d'une violence tranchante, rehaussant ainsi son caractère austère et abrupt.
L'histoire morose de ce novice père de famille qui va au fil de son cheminement découvrir le sombre passé de son géniteur putassier ose ancrer un récit tortueux, laissant large part au profil de personnages indociles anti conventionnels. Des protagonistes en apparence aimables et dociles mais bonimenteurs, sans scrupule, baignant dans l'illégalité au profit de l'orgueil et la cupidité. Le trio de mafieux incarné par des acteurs au charisme prégnant exacerbe aussi la tension entretenue durant la conduite narrative avant leurs accès de violence incontrôlée d'une brutalité laconique (la cause animale est aussi largement réprimandée !).
Le scénario à l'intérêt constant est suffisamment ordonné pour surprendre en intermittence dans les rebondissements assénés alors que le personnage principal va lentement s'octroyer d'un certain aplomb au fil des déconvenues endurées pour se transformer contre son gré en héros vaillant impromptu. Ce qui permet de culminer vers un point d'orgue haletant, couillu (la scène du nouveau-né en offusquera plus d'un !) particulièrement éprouvant dans les exactions tolérées d'un mafieux cynique prêt à tout pour s'approvisionner d'un butin fructueux.

                         

Il y avait de quoi être dubitatif face au choix fortuit d'un acteur de la trempe de Jean-Paul Rouve, habitué aux rôles de comique saugrenu dans des comédies légères bon enfant. Il trouve ici une composition naturelle surprenant de tempérance dans son esprit flegmatique et semble même rappeler dans sa physionomie candide un monstre du cinéma, Patrick Dewaere. Peu affirmé, discret et effacé face à un monde d'adultes mécréants, il endosse au fil de son initiation une personnalité davantage valeureuse face aux révélations dramatiques qui empiètent sans outrance l'intrigue. On retrouve avec plaisir l'ancien briscard Claude Brasseur endossant le personnage solitaire d'un retraité alcoolique entouré d'animaux de compagnie dans une maison précaire. Bouffi, buriné et lassé d'une vie monotone, son aide fraternelle (implicitement suicidaire) parmi notre héros perplexe amplifie l'ambiance nonchalante, grisonnante qui émane de son identité meurtrie. Enfin, Olivier Gourmet est absolument remarquable dans celui du leader crapuleux sans aucune éthique pour parvenir à ses fins dans la quête frauduleuse d'une valise contenant un budget de 900 000 euros. Impassible, narquois et insidieux, il impressionne avec véracité innée un personnage ordurier avec une foi inébranlable.

                           

Correctement réalisé malgré une inexpérience dans l'action spectaculaire (la course poursuite automobile horriblement mal filmée est dévalorisée par un montage hasardeux), caractérisé par de formidables acteurs à la trogne inflexible, Légitime Défense séduit et surprend dans son caractère rugueux, éludé d'ornement. Le genre de petit polar passé inaperçu qui mérite pourtant que l'on s'y attarde tant il renoue avec respect et sincérité à une époque révolue de film noir ancré dans l'authenticité austère et la verdeur succincte. Et on peut dire que Jean Paul Rouve détonne admirablement dans un rôle en demi-teinte de père discrédité renouant favorablement avec dignité avec l'amour parental.  

30.07.11
Bruno Matéï.

jeudi 28 juillet 2011

LES NUITS ROUGES DU BOURREAU DE JADE (Le Notti Rosse Del Boia Di Jade)


de Julien Carbon et Laurent Courtiaud. 2009. France/Hong-Kong. 1h41. Avec Carole Brana, Carrie Ng Ka-Lai, Frédérique Bel, Jack Kao Kuo-Hsin, Kotone Amamiya, Maria Chan Chai-ïng, Stephen Huynh, Tony Ho Wah-Chiu.  

Sortie en salles en France le 27 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE: Julien Carbon et Laurent Courtiaud sont deux réalisateurs et scénaristes français, travaillant en duo à Hong-Kong.
2011: Les nuits rouges du bourreau de Jade.

                                    

Hommage subjectif d'un puriste amateur de Giallo.
Julien Carbon et Laurent Courtiaud sont deux français passionnés de cinéma de genre qui ont réussi à fonder avec leur leader Christophe Gans une revue de cinéma asiatique, parue en France (HK Orient Extrême). Ils se sont ensuite exilés à Hong-Kong afin d'occuper le poste de scénariste pour le compte de la société de Tsui Hark, Film Workshop. Ils peaufinent donc communément l'écriture de films comme Running out of the Time, Black Door, Black Mask 2 ou encore le Talisman
En 2007, ils se mettent à leur propre compte pour ériger une maison de production, Red East Pictures, en collaboration avec la réalisatrice Kit Wong, et ainsi pouvoir réaliser leurs propres longs.

Dans le Hong-Kong contemporain, Carrie est à la recherche d'un fameux élixir au poison létal que le Bourreau de Jade détenait à l'époque du 1er empereur de Chine. Il torturait ainsi ses victimes paralysées à l'aide de griffes fourchues, en guise de douleurs incommensurables. Catherine, une jeune française recherchée par la police possède ce venin également convoité par un groupe de mafieux régit par Mr Ko. Avec la complicité de Sandrine, la fugitive va tenter de rencontrer la prêtresse de la douleur sensitive pour conclure un juteux marché.

                                     

Ca démarre fort avec une séance érotico morbide d'une chétive sensualité formelle. Une jeune asiatique d'une beauté gracile affinée est volontairement soumise pour subir les caprices masochistes de Carrie, une femme fascinée par les exactions meurtrières du bourreau de jade. Derrière ce mythe d'une époque ancestrale, cet homme puissant pratiquait sur ses victimes des tortures insensées après les avoir paralysé à l'aide d'un puissant poison inhalé, décuplant ainsi la souffrance offerte aux victimes. Après une mise en scène emphatique savamment concoctée pour séduire les sens corporels d'une jeune désireuse, celle-ci est finalement recouverte sur toute la partie du corps d'un film de latex couleur corbeau. Après avoir à une nouvelle reprise enveloppé la témoin de cette combinaison caoutchouteuse, Carrie décide de passer au stade supérieur en obstruant la respiration de la victime et ensuite l'éventrer à l'aide de griffes aussi aiguisées que des lames de rasoir. Le sang velouté s'échappant ainsi douceureusement du corps opaque de la victime transie, livrée à sa guise ! C'est ensuite qu'apparaît Catherine, blonde pulpeuse suspicieuse depuis qu'elle est recherchée pour meurtre par la police hongkongaise. Après avoir dérobé un mystérieux objet dans une antiquité, celle-ci ne soupçonne à aucun moment que le produit en question se révèle être la potion tant fantasmée par la pêcheresse éhontée et certains individus véreux. Dans une ville nocturne fantasmagorique, les deux femmes opiniâtres et pugnaces vont se croiser, se heurter et s'affronter pour une quête suprême et lucrative. 

                                        

Dans une structure narrative quelque peu désordonnée, voire hésitante, Les Nuits Rouges du Bourreau de Jade est avant tout un spectacle esthétique d'une beauté atypique ! Somptueux décors baroques et variante de couleurs criardes réunies dans un même décor renvoient bien évidemment au cinéma d'Argento ou de Bava alors que les protagonistes majeurs semblent hérités d'Alfred Hitchock ou Jean Pierre Melville. Blonde fatale, tueuse sadienne à la perversité sans limite et mafieux sans pitié vont s'affronter dans un jeu de cache-cache nocturne à travers une ville tentaculaire pour le plaisir masochiste du meurtre stylisé. On peut aussi songer dans les péripéties accordées aux serials d'antan, à Fu-Manchu et aux polars hongkongais majestueusement chorégraphiés (comme ce final aléatoire où les ripostes de gunfight sont vigoureusement échevelées et chevronnées). On sera aussi admiratif devant la poésie morbide qui émane de certaines scènes gores d'une nuance érotique sous-jacente. Où les corps dénudés, frêles et dociles sont offerts à la guise d'une mégère délétère au sadisme épuré. La réalisation virtuose est précise, consciencieuse, immaculée dans l'art pictural de filmer des séances masochistes inscrites sur une facture flamboyante et baroque.

On peut saluer la prestance caustique de Carrie Ng Ka-Lai (The Lovers, City on Fire) qui envoûte aisément l'écran à chacune de ses exactions perpétrées pour la quête du plaisir pervers et sadique. Ou quand l'acte meurtrier se révèle sous son esprit incongru et son charme vénéneux comme un art suprême à part entière. La ravissante Frédérique Bel en blonde pulpeuse tout droit sortie d'un suspense Hitchcockien possède un charme et une présence charismatique assez particulière dans sa posture élevée. Mais la manière dont elle gesticule ses tirades verbales nuit un peu de sa prestance honorable, injustement décriée à sa sortie (de mon point de vue affecté).

                                         

Esthétiquement sublime et enivrant, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade est un exercice de style parfois hésitant, maladroit (le jeu des comédiens français est une fois de trop instinctivement théâtral), mais bourré de bonnes intentions dans son hommage giallesque à tout un pan du cinéma transalpin expatrié dans une culture asiatique florissante. Sa narration aurait peut-être gagnée à être un peu plus dense, ordonnée et ambitieuse mais la puissance érotico-sensuelle de certaines scènes clefs et l'imagerie gore raffinée qui en émanent renvoient aux plus belles heures de gloire d'illustres maîtres comme Dario Argento. Alors que son inopiné final immoral pourra en rebuter plus d'un !

28.07.11
Bruno Matéï.
 

mercredi 27 juillet 2011

Wolfen. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1982.


de Michael Wadleigh. 1981. U.S.A. 1h54. Avec Albert Finney, Diane Venora, Edward James Olmos, Gregory Hines, Tom Noonan, Dick O'Neill.

Sortie en salles U.S: 24 Juillet 1981. France: 3 Mars 1982

FILMOGRAPHIE: Michael Wadleigh est un directeur de la photographie et réalisateur américain né le 24 septembre 1939. 1970: Woodstock. 1981: Wolfen. 1990: Woodstock: the Lost Performances (vidéo). 1999: Jimi Hendrix: live at Woodtock.

                                       

"Dans son arrogance, l'homme ne sait rien de ce qui, sur terre, défie l'imagination. Une vie aussi certaine que notre mort. Une vie qui se nourrit de nous, comme nous nous nourrissons de cette terre".

Onze ans après son documentaire fleuve sur le festival de Woodstock (rassemblement hippie autour d'un concert musical historique), Michael Wadleigh réalise en 1981 son unique long-métrage, Wolfen, tiré du roman de Whitley Strieber. Echec public à sa sortie, faute d'avoir été vendu comme un divertissement d'horreur lucratif, le film séduit toutetois le jury d'Avoriaz qui lui décerne le Prix Spécial du Jury un an après sa sortie. 

Le pitchA New-York, après avoir inauguré la future construction d'un gros projet immobilier, un homme d'affaire, son épouse ainsi que leur chauffeur sont retrouvés sauvagement assassinés. L'inspecteur Dewey est chargé de l'enquête auprès d'une jeune psychologue, spécialiste des profils terroristes. Par le biais d'experts légistes, ils découvrent que des poils d'animal ont été retrouvés sur les corps des victimes. Ils font alors appel à un spécialiste des loups tandis que la population indienne du Bronx est bientôt suspectée des meurtres.   

                                  

Sorti en pleine frénésie des films de loups-garous, juste après les classiques contemporains Hurlements (1980) et Le Loup-Garou de Londres (1981), Wolfen dupa une partie de son public qui s'attendait sans doute à un nouveau choc visuel en matière d'effets-spéciaux virtuoses et de maquillages révolutionnaires. Que nenni, Wolfen jouant la carte de la suggestion et de la sobriété. La subtilité est de 
rigueur si bien que l'argument potentiellement fantastique est devancé d'une intrigue policière à suspense avant de nous orienter vers un sous-texte socio-écolo sur la nature dépréciée de notre civilisation moderne. Notamment la relation spirituelle qu'entretiennent les indiens et les loups, communément exterminés depuis l'arrivée des européens lors d'une époque ancestrale. 
Le prélude, anxiogène puis fatalement cinglant, nous illustre la virée nocturne d'un notable, sa femme et leur chauffeur, violemment agressés par une présence interlope en interne d'un parc. Mystère diffus, présence hostile tapie dans l'ombre avant qu'une estocade sanglante ne vienne soutirer la vie de ces occupants. Le lendemain, la police dépêchée sur les lieux recrute l'inspecteur Dewey affilié à une jeune psychologue pour tenter de résoudre cette nouvelle affaire criminelle. Après avoir suspecté la nièce de l'entrepreneur Christopher van der Veer, une militante terroriste, le duo s'oriente du côté d'un expert en animalerie, Ferguson, si bien que des poils d'un mammifère sauvage furent retrouvés sur les plaies des victimes.

                                      

Avec une économie de moyens et l'intelligence d'un scénario charpenté, Wolfen tient à nous sensibiliser sur la condition précaire de la communauté indienne ayant vécu auprès de la fidélité des loups durant plus de 20 000 ans. Une conjonction ancestrale établie en pays Américain avant le massacre planifié des européens. L'intronisation de cette ethnie fut ébranlée par ces étrangers opportunistes avilissant leurs terres sacrées. Mais le loup, demi-dieu au pouvoir singulier, parvint à prendre le maquis pour se réfugier dans les taudis délabrés, à l'abri de leurs bourreaux opportunistes toujours aptes à ériger les grandes mégalopoles. En l'occurrence, ces canidés décidèrent de défendre et réaffecter leur restant de territoire (une église abandonnée, symbole d'havre de paix) pour tenter d'y survivre en sacrifiant les malades incurables ou les laisser pour compte. Ainsi, pour rendre crédible leur présence menaçante constamment à l'affût, Michael Wadleigh utilise un procédé visuel original souvent réalisé en caméra subjective, à la louma mais aussi à la steadycam. Des mouvements de caméra fluides et rapides permettant de suggérer la présence animale en vision thermique. C'est à dire qu'à travers leur regard, les sources de chaleur que dégagent les victimes observées s'y caractérisent de couleurs fluctuantes que le réalisateur réussit efficacement à contraster. Alors que leur déplacement perçu dans un rayon de quelques mètres fait audiblement écho par l'ouïe sensitive des mammifères. En dehors de cette enquête passionnante fertile en anecdotes scientifiques et péripéties inopportunes, on ne manquera pas de citer l'altercation échevelée du film. Un point d'orgue explosif particulièrement intense lorsqu'une meute de loups encercle nos protagonistes en plein centre urbain. D'ailleurs, un effet gore du plus bel effet (que la production décida d'imposer !) rajoute au caractère spectaculaire et brutal de la future estocade. En prime, la manière virtuose dont le cinéaste filme ses splendides mammifères au regard perçant captive le public fasciné par leur silhouette quasi surnaturelle. De splendides séquences esthétisantes à marquer d'une pierre blanche si bien que l'intensité émotionnelle de Wolfen qui imprègne toute l'intrigue émane également de cette fragilité existentielle impartie aux loups et aux indiens en quête de reconnaissance.  

                                      

Superbement réalisé parmi la contribution musicale du score inquiétant et sensible de James Horner et dominé par le charisme tranquille d'Albert Finney, Wolfen symbolise avec modernité le Fantastique cérébral. Une fable subtile militant pour la cause des loups, canidé au pouvoir mystique. Son message écolo en faveur de la nature et de cette espèce sauvage ainsi que le témoignage poignant imputé au génocide indien y transcendent une oeuvre poétique à la fois sensible et désenchantée mais également fascinante et salutaire. Un chef-d'oeuvre au demeurant dont la génération 80 ne s'est jamais remise de son pouvoir ensorcelant imprégné de poignante mélancolie écolo-humaniste. 

Dédicace à Daniel Aprin.

*Bruno
31.12.19
27.07.11


lundi 25 juillet 2011

LE SANG DES TEMPLIERS (Ironclad)


de Jonathan English. 2011. Angleterre/U.S.A/Allemagne. 2h01. Avec James Purefoy, Brian Cox, Derek Jacobi, Kate Mara, Paul Giamatti, Charles Dance, Mackenzie Crook…
Sortie en salles France le 20 Juillet 2011. U.S.A le 26 Juillet 2011.

FILMOGRAPHIE: Jonathan English est un réalisateur, scénariste et producteur anglais.
2002: Nailing Vienna. 2006: Minotaur. 2011: Le Sang des Templiers

                                         

Basé sur de véritables faits historiques, Jonathan English nous narre pour son troisième long-métrage la révolte des barons anglais contre le roi Jean sans Terre, héroïquement retranchés dans son château afin de repousser les belligérants toujours plus nombreux. En 1215, le roi d'Angleterre, Jean sans Terre est contraint de signer la Magna Carta, une charte libertaire rédigée en faveur du peuple. Sévèrement dépité, celui-ci va revenir sur sa décision et tenter de reprendre ses terres et sa souveraineté avec la collaboration de mercenaires. Sur le point d'atteindre Londres, un obstacle de taille l'empêche de subvenir à ses ambitions égotistes. Son propre château de Rochester est occupé par le baron Albany ainsi qu'une poignée d'insurgés gouvernés par le chevalier templier. La bataille sera rude et sans répit !

                                              

A feu et à sang ! C'est ce que l'on retient de prime abord après avoir assisté à ce spectacle de série B d'une barbarie inouïe ! En narrant un fait divers du 13è siècle auquel une poignée de barons anglais affiliés à des rebelles volontaires tenirent tête à toute une armée de mercenaires, Le Sang des Templiers demeure une agréable surprise. Si le film, humble dans ses intentions historiques, est très loin d'égaler les grands classiques tels Braveheart, le Dernier des Mohicans ou Rob Roy, et qu'il manque une certaine densité dramatique chez le jeu modeste des interprètes, la manière dont Jonathan English nous retranscrit l'époque moyenâgeuse privilégie un crédit d'authenticité qui fait plaisir à voir. Epaulé d'une photographie désaturée, les décors naturels et surtout les monuments historiques disloqués par la violence des combats sont mis en valeur dans une facture insalubre auquel le sang et la poussière se fondent au milieu du fracas des armes. Les uniformes impurs des guerriers intrépides et leurs lourdes armures maculés de sang participent à l'esthétisme rugueux de la mise en scène régie en plein coeur des combats. La force et l'intérêt de l'intrigue émanent des enjeux dramatiques octroyés aux deux clans pour la préservation du château et de leur liberté prescrite par la Magna Carta. Les nombreuses séquences d'action qui émaillent le récit sont au service de l'histoire, à l'inverse de surenchérir comme de coutume.

                                            

De surcroît, ses scènes guerrières très spectaculaires, nerveuses mais lisibles, se révèlent d'une violence cinglante, parfois même malsaine. Un degré de sauvagerie rarement atteint dans le genre médiéval. Ses péripéties ultra sanglantes se permettent donc d'abondantes giclées de sang quant aux plaies entaillées, tranchages de membres (dont une langue sectionnée façon La Marque du Diable !), décapitation, viscères étripées et même un corps coupé dans le sens de la longueur (remember Amazonia de Deodato en effet inversé !). Le tout superbement réalisé sans jamais céder à la débauche gratuite et à contrario du sympathique Centurion de Neil Marshall, la présence des CGI ne nuit jamais à la crédibilité des scènes gores exposées. C'est donc ce cachet authentique, son réalisme acéré et la vigueur psychologique de sa narration transcendant l'honneur des preux guerriers qui rendent Le Sang des Templiers à la fois accessible, ludique, et enthousiasmant. Une série B symbolisant avec humilité un bel hommage à cette poignée de militants anglais qui auront réussi à tenir tête à l'antagoniste au péril de leur vie et pour le sens du sacrifice !

                                         

En tant que série B confectionnée sans prétention, Le Sang des Templiers est une bonne surprise pour l'amateur chevronné d'épopée épique et barbare. Hormis une interprétation dépouillée qui aurait gagné à être plus ambitieuse et étoffée, ce spectacle très sanglant prend son sujet au premier degré, sans fioriture, avec les moyens techniques adéquats mis à disposition. Sans être follement passionnant et intense, le rythme soutenu et le réalisme cru qui ressort de cette oeuvre immersive fait plaisir à voir.

25.07.11
Bruno Matéï.

samedi 23 juillet 2011

THE WOMAN


de Lucky McKee. 2011. U.S.A. 1h47. Avec Angela Bettis, Pollyanna McIntosh, Sean Bridgers. Sélectionné au Festival de Sundance 2011.

FILMOGRAPHIELucky McKee est un réalisateur, scénariste et acteur américain né le 1er Novembre 1975 à Jenny Lind (Californie). 2002: All Cheerleaders Die (Dtv, co-réalisateur), May. 2006: Master of Horror (1 épisode), The Woods. 2008: Red, Blue Like You. 2011: The Woman

                                      

ATTENTION ! IL EST PREFERABLE D'AVOIR VU LE FILM AVANT DE LIRE CE QUI SA SUIVRE !Après un bouleversant coup de maître sublimant le portrait chétif d'une jeune schizophrène (May) et un conte onirique inspiré par Suspiria mais inachevé de par ces ambitieuses intentions (The Woods),  Lucky McKee nous revient avec un nouveau métrage sulfureux si bien qu'il secoua une partie du public durant sa projection sélectionnée à Sundance. Réputé pour son extrême violence, The Woman est une collaboration avec le romancier Jack Ketchum (The Host) traitant des rapports conjugaux, de la place de la femme au sein de notre société machiste évoluant ici dans un climat tendu hautement malsain. Christopher Cleek est un avocat marié à une épouse modèle et père de trois enfants. Un jour, alors qu'il part à la chasse, il rencontre une femme subsistant à l'état primitif en plein coeur d'une forêt sauvage. Il décide de la kidnapper pour la ramener à la maison et l'éduquer à sa manière.

                                           

Après moults rumeurs sur sa violence réputée extrême et son caractère misogyne décrié par certains,  The Woman aura réussi à provoquer un véritable buzz. Relativisons tout de même auprès de cette violence si diffamée au festival de Sundance car si son réalisme s'avère aussi rigoureux, il est avant tout d'ordre psychologique par le biais des mentalités refoulées. En l'occurrence, nous sommes loin d'être face à un tortur' porn mercantile célébré par Saw et consorts afin de contenter un public d'ados avide de surenchère. Lucky McKee, plus furibard que jamais, souhaitant choquer et provoquer le malaise auprès des portraits fébriles de ces personnages en proie à des décisions morales à la fois drastiques, épineuses, équivoques. En prenant comme idée de départ le kidnapping incongru d'une sauvageonne vivant recluse dans une nature sauvage, le réalisateur décrit son ravisseur comme un aimable avocat d'apparence tolérant et respectable en dépit de l'audace insensée de son rapt. Destituée de sa liberté la victime se retrouve vulgairement enchaînée au fond d'une cave, tel un animal de foire que l'avocat va tenter de dompter avec virile autorité. Durant cet endoctrinement à la soumission et à la sagesse, Lucky McKee ausculte de façon aussi bien réaliste que saugrenue le portrait interne d'une cellule familiale orthodoxe. Mais en y regardant de plus près, cette famille modèle si idéalisée à travers leur société puritaine va être en proie à un règlement de compte moral, notamment auprès de leur fille aînée introvertie, du frère interlope (dans son voyeurisme pervers) et de la mère en instance de rébellion.

                                      

Ce tableau à la fois macabre et caustique de ce système dysfonctionnel culmine ensuite vers un déchaînement de violence sanglante à la limite du supportable. Parce que le sentiment haineux de l'injustice trop longtemps intériorisée (la fille, le frère, la mère) va exploser de façon frontale, jusqu'au-boutiste, afin d'extérioriser leur révolte auprès du sur-ego de l'homme tributaire de sa doctrine bien pensante. Niveau casting, on peut saluer la performance de l'impressionnante Pollyanna McIntosh, saisissante d'instinct bestial dans sa posture ombrageuse rehaussée d'une carrure robuste en tant que virago. Son regard sombre et insidieux à la rage contenue par la claustration magnétisant l'esprit du spectateur. Celui-ci déstabilisé s'éprend malgré tout d'empathie à sa fonction soumise puisque réduite à l'état d'esclave pour le compte d'un père de famille misogyne. Sean Bridgers  endosse le patriarche à travers une déliquescence morale dans son mépris pour la gente féminine. Un personnage perfide sidérant d'autorité sadienne auquel son jeune fils influant semble également suivre la même déviance pathologique.

                                         

Portrait craché d'une famille modèle
Dans un climat malsain probant résolument dérangeant, The Woman demeure un éprouvant  pamphlet contre une bourgeoisie patriarcale rattachée aux valeurs conventionnelles de l'Amérique. Satire incisive sur cette société bien pensante nous démontrant ici avec force et réalisme que l'être le plus primitif s'avère finalement plus autonome et intègre que l'homme érudit assoiffé de luxe dans son goût matérialiste. Lucky McKee illustrant également avec sensibilité le malaise filial qui en émane faute de cette démission parentale à l'instinct pervers. Scandé d'une BO rock alternative, The Woman constitue un grand film malade sur l'implosion de cette cellule familiale à travers l'inégalité des sexes et le voyeurisme d'une progéniture livrée à sa fascination pour une violence punitive. 

* Bruno
24.07.11

vendredi 22 juillet 2011

LA CIBLE HURLANTE (Sitting Target)

     

de Douglas Hickox. 1972. U.S.A/Angleterre.1h33. Avec Oliver Reed, Jill St. John, Ian McShane, Edward Woodward, Frank Finlay, Freddie Jones, Jill Townsend, Robert Beatty, Tony Beckley, Mike Pratt, Robert Russell.

Sortie salles U.S.A. le 19 Juin 1972

FILMOGRAPHIE: Douglas Hickox est un réalisateur britannique, né le 10 Janvier 1929 à Londres, décédé le 25 Juillet 1988.
1959: Behemoth the sea Monster (coréalisé avec Eugène Lourié), 1963: It's All Over Town, 1964: Just for you, 1969: Les Bicyclettes de Belsize, 1970: Le Frère, la soeur et l'autre, 1972: La Cible Hurlante, 1973: Théâtre de sang, 1975: Brannigan, 1976: Intervention Delta, 1979: Zulu Dawn, 1983: Le Chien des Baskervilles (télé-film), 1984: The Master of Ballantrae (télé-film), 1985: Blackout.

                        
Hommage subjectif d'un puriste amateur de polar.
Vétéran du cinéma de genre adulé par des fans de tous bords, Douglas Hickox nous aura offert au moins trois réussites distinctes durant sa brève carrière éclectique. Théâtre de Sang, Zulu Dawn et enfin le titre qui nous intéresse ici, La cible Hurlante, dont je vais m'efforcer de rendre hommage avec le plus de respect méritoire. Polar majeur des années 70 honteusement ignoré de nos jours, cette oeuvre fondamentale du genre policier, superbement interprétée et passionnante, baigne continuellement dans un nihilisme prégnant sans aucune échappatoire.

Harry est emprisonné dans une prison anglaise depuis plus de 10 ans. Dans le parloir, durant une discussion avec sa femme, celle-ci lui avoue envisager de le quitter depuis qu'elle est enceinte d'un quidam qu'elle a rencontré durant sa longue absence. Fou de rage, Harry brise la vitre du parloir pour assaillir son épouse et l'étrangler sauvagement. Rapidement maîtrisé par les gardiens, il repart en cellule d'isolement en guise de blâme. Après avoir mûrement réfléchi, aidé de deux comparses, le mari haineux de jalousie est déterminé à s'évader du pénitencier pour jurer d'assassiner sa femme.

                                 

Ca démarre sur les chapeaux de roue avec une violente rixe parmi un couple en implosion au coeur d'un parloir entre détenus pour ensuite suivre l'évasion spectaculaire de trois prisonniers qui auront consciencieusement préparer leur fuite. Un morceau d'intense suspense, réalisé avec précision et minutie alors que quelques incidents aléatoires scrupuleusement plausibles, notamment favorisés par la détermination sans faille des personnages, vont culminer leur objectif dans un point d'orgue vertigineux à couper le souffle !
Après cette évasion réussie, Harry s'investit immédiatement dans sa mission à haut risque d'assassiner sa propre femme devenue infidèle. Avec son complice Birdy, les deux hommes vont être mêlés à un concours de circonstances rarement favorables pour leur quête personnelle et cette folle liberté tant escomptée.

                                  

Dans une photographie blafarde au coeur de l'urbanisation d'une cité industrielle en décrépitude, Douglas Hickox nous entraîne dans un polar brutal implacable. Une traque saugrenue entrepris par notre anti-héros rongé par la trahison conjugale dont le scénario à peine probable dans les exactions encourues relèvent facilement du suicide implicite.
Dominé par l'orageuse prestance de Oliver Reed en taulard fou amoureux mais empli de haine et de violence contre sa dulcinée, son cheminement funèbre va malencontreusement laissé derrière sa carrure robuste quelques cadavres sans qu'un quelconque état d'âme ne vienne le rappeler à la raison. Inflexible, austère et dénué d'une quelconque absolution, l'acteur inné pour ce rôle irascible hypnotise l'écran de sa posture râblée. Alors qu'il laisse finalement transparaître au moment opportun une certaine lamentation, une amertume désespérée face à l'échec de son idylle mécréante.
Avec l'assistance de son acolyte Birdy Williams, formidablement interprété par le charismatique Ian McShane, nos deux malfrats chevronnés n'ont donc aucune éthique ni repentance pour commettre leur méfaits meurtriers auquel quelques innocentes victimes feront les frais de leur acerbe motivation.
Marginaux véreux, gardiens corrompus, putes effrontées et mesquines, gangsters égotistes s'agencent et se fondent dans un récit âpre et violent, haletant et impondérable, d'où pointe de façon sous-jacente le désespoir d'un amour insoluble et déchu.
On sera tout aussi estomaqué de suivre son point d'orgue jusqu'au-boutiste avec un coup de théâtre perfide que personne n'aura vu venir. Tandis que l'épilogue cruellement cathartique va enfoncer un peu plus le clou et achever cette love story galvaudée dans une mélancolie condamnée.

                                   

Superbement maîtrisé dans une réalisation rigoureuse et dominé par des interprètes notables aux gueules burinées criant de charisme viril, La Cible Hurlante est un modèle du polar brut ne relâchant jamais d'une seconde sa tension latente. Remarquablement construit dans sa narration indocile, rythmé de trépidantes scènes d'actions acérées et bénéficiant d'un score jazzy aux accents transalpins de Stanley Myers, cette oeuvre opaque nous plaque au fauteuil avec une audacieuse subversion.

22.07.11
Bruno Matéï.




jeudi 21 juillet 2011

Red Hill


de Patrick Hughes. 2010. Australie. 1h33. Avec Ryan Kwanten, Tommy Lewis, Claire Van Der Boom, Kevin Harrington, Steve Bisley.

FILMOGRAPHIE: Patrick Hughes est un réalisateur australien. 2000: The Director (court-métrage). 2001: The Lighter (court-métrage). 2008: Signs (court-métrage). 2010: Red Hill.

                               

Produit par le réalisateur de Wolf Creek et Solitaire (Greg McLean), ce premier long-métrage de Patrick Hughes tente d'affilier le western ancré dans notre époque contemporaine avec le thriller tendance horrifique parmi la présence d'un tueur méthodique et spectral.

Synopsis: Shane Cooper est un jeune flic débarqué dans une petite contrée de l'Australie, Red Hill, parmi la compagnie de sa femme enceinte. Après avoir rencontré le shérif local, quinquagénaire robuste en lisse électorale, Shane apprend par un adjoint la fuite d'un dangereux détenu, Jimmy Conway, coupable de l'assassinat de sa femme. Une traque sauvage est alors engagée par les forces de l'ordre épaulées de quelques citadins justiciers.

                               

Tourné en à peine un mois de manière indépendante, Red Hill est une série B peu ordinaire dans son alliage des genres western + thriller. Car en dépit d'un scénario classiquement structuré et facilement prévisible, cette histoire de vengeance réussit malgré tout à surprendre dans sa manière d'y façonner son récit pour rendre hommage au western classique situé dans notre époque contemporaine. Avec en prime cette ambition insolite d'y inclure un personnage iconique interlope, véritable exterminateur inflexible. D'ailleurs, sa première apparition à l'écran se révèle l'une des scènes les plus impressionnantes du film tant sa posture buriné d'aborigène patibulaire au visage à demi brûlé renvoie à l'icône horrifique tout droit sorti d'un slasher autoritaire ! De prime abord, ce tueur glacial semble s'être échappé uniquement pour décimer tous les flics de la région si bien qu'il laissera la vie sauve à un couple de retraité en préambule de ces actes criminels. Shane, jeune flic novice, courageux et déterminé, est sur le point de l'appréhender mais son rival impassible réussit à l'intimider d'un simple regard létal.

                               

Le scénario convenu est donc loin d'être le pari gagnant d'une histoire éculée traitée à foison dans les classiques du genre. Mais pour une première réalisation, Patrick Hughes réussit honorablement à apporter suffisamment de densité pour le profil de notre preux héros tributaire de ces supérieurs véreux en y calibrant adroitement des scènes d'action violentes et spectaculaires. Quand bien même l'esthétisme crépusculaire des images poétiques d'une beauté opaque sensuelle participe beaucoup au climat insolite, clairsemé qui en découle. De surcroît, la photographie désaturée  amplifie ce sentiment fantasmagorique auquel même à deux reprises une panthère noire s'aventurera auprès de nos antagonistes. Comme si ce félin hostile eut prophétisé la revanche d'un fantôme meurtri par la haine de la violence et de la xénophobie.

                              

Nanti d'une mise en scène plutôt soignée (même si perfectible) et de dialogues assez balisés, Red Hill est une étonnante découverte parvenant dans sa forme à offrir un western classique dans un moule inhabituel de mystère sous-jacent et d'insolite palpable. La prestance frugale d'honnêtes comédiens et surtout la caractérisation funèbre du personnage patibulaire féru de vengeance privilégient une dimension horrifique prégnante au sein de ce western moderne à la personnalité propre. En prime, son final révélateur, escompté mais cependant audacieux, se révèle intense et poignant en réussissant à provoquer une émotion empathique sans l'ombre du pathos. Un ultime acte décisif mis en suspension avant que la véritable victime est à deux doigts de plonger dans les ténèbres. 

*Bruno
21.07.11