de Lucio Fulci. 1981. Italie. 1h26. Avec Catriona MacColl, Paolo Malco, Ania Pieroni, Giovanni Frezza, Silvia Collatina, Dagmar Lassander, Giovanni De Nava, Daniela Doria, Gianpaolo Saccarola.
Sortie en salles en France le 24 Mars 1982. U.S: 01 Mars 1984
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FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence..
Personne ne saura jamais si les enfants sont des monstres ou les monstres des enfants.
Henry James.
Avec son prélude concis, presque gratuit, La Maison près du Cimetière insuffle pourtant, dès ses premières secondes, un sentiment d’angoisse latente, insidieuse. Une maison vétuste, de style gothique, s’élève à proximité d’un cimetière hanté par la famille Freudstein. À l’intérieur, un couple d’amoureux entré par effraction s’improvise un cache-cache nocturne… Mais la jeune fille, transie d’inquiétude, est bientôt happée par le maître des lieux : le Dr Freudstein. Fulci distille aussitôt le malaise, insuffle une angoisse tangible dans les recoins funestes de cette demeure antique, et nous alarme sur le danger létal tapi dans le gouffre de la cave. Après avoir esquissé le quotidien de la famille Boyle fraîchement installée, un lien se tisse entre Bob et une enfant du nom de Mae — cette même silhouette préalablement entrevue dans un tableau accroché au mur de leur ancienne maison. Bob est le seul à pouvoir voir, entendre, et parler à cette étrange fillette. Une rouquine contrariée à l’idée qu’il emménage chez les Freudstein… Tandis que Mr Boyle poursuit ses recherches funèbres sur le passé sanglant du chirurgien utopiste, Lucie, Ann — la femme de ménage — et Bob sont confrontés à des phénomènes de plus en plus terrifiants.
En croisant le thème de la maison hantée avec celui du mort-vivant, le réalisateur cisèle un ultime conte macabre où l’innocence enfantine est exposée pour être violemment tourmentée. Certes, le scénario s’égare parfois dans des incohérences (la relation équivoque entre Norman Boyle et la baby-sitter Ann, ou encore ce parquet ensanglanté qu’elle nettoie sans qu’aucune explication ne soit donnée), mais l’intérêt narratif se resserre autour d’un sentiment de terreur palpable, suintant de la cave scellée. En maître de l’effroi, Fulci ravive nos peurs enfantines : le monstre dans le placard, le noir humide d’un sous-sol décrépi, ici métamorphosé en cave cauchemardesque. Jour et nuit, des bourdonnements inquiétants résonnent à travers les cloisons, et une voix d’enfant en pleurs vient importuner les vivants. Malgré une direction d’acteurs toujours aussi terne et hésitante (même si Catriona MacColl et l’ensorcelante Ania Pieroni relèvent sobrement le niveau), c’est le décor mortuaire, véritable personnage à part entière, qui nous hypnotise : cette oubliette souterraine cache des cadavres démembrés, éviscérés, réduits à l’état de chair. Chaque tentative de descente dans la cave s’accompagne d’un frisson d’oppression distillé avec art. Fidèle à sa réputation de maître transalpin du putride, Fulci, entouré de ses fidèles collaborateurs — le maquilleur Giannetto De Rossi et le chef opérateur Sergio Salvati — nous offre deux séquences gores hallucinées : tisonnier enfoncé trois fois dans la chair jusqu’à l’éclatement orgasmique d’une carotide, puis gorges tranchées dans des gerbes de sang ! Ces visions baroques, crues, outrancières, marquent encore par leur impact réaliste et leur audace frontale.
Mais Fulci sait aussi faire preuve de sensibilité : il aborde avec gravité le thème de l’enfance rejetée, discréditée par des adultes sourds à leurs angoisses. Le final, poétiquement élégiaque, révélant la véritable identité de Mae et de sa mère, nous laisse dans une amertume persistante. Car nous ne saurons jamais quelle destinée attend Bob dans sa nouvelle "famille".
La critique de Mathias Chaput:
Au carrefour du film de zombies et du métrage de maisons hantées, « La maison près du cimetière » est une franche réussite, combinant tous les codes chers à Lucio Fulci et se dotant de séquences « hardgore » gratinées, avec pour levier dans l’angoisse les peurs enfantines…
Ultime œuvre du segment quadrilogique de films de zombies initié par « L’enfer des zombies », « Frayeurs » et « L’au-delà », « La maison près du cimetière » se démarque de la violence inhérente à ses prédécesseurs pour imbriquer une poésie, un sens du lyrisme macabre et une ode à la putréfaction chers à Fulci et le final évoque des similitudes avec celui de « The Beyond » de par un onirisme et une sensation d’étrangeté au charme certain, rehaussant la « patte » Fulci dans un catharsis aussi soudain qu’inattendu…
Les bambins sont les vecteurs du film et volent la vedette au Docteur Freudstein, héritage des zomblards ralentissants de « Frayeurs » et prétexte à des séquences chocs précises et terrifiantes, bien cadrées dans la continuité du scénario…
Catriona Mac Coll, égérie de Fulci, est toujours aussi fabuleuse et Ania Pieroni déborde d’un charme ténébreux qui allait faire exploser sa (courte) carrière puisqu’Argento la remarqua et l’embaucha pour deux de ses films (« Inferno » et « Ténèbres »)…
Ponctué d’éclairs et de foudroiements (le passage avec la chauve-souris, les morts violentes –notamment le prologue bluffant- ou les découvertes hasardeuses et funestes), « La maison près du cimetière » est un sommet du genre et consolide un peu plus la carrière de Fulci, ce dernier étant toujours en quête d’explorations cinématographiques…
Il clôt ses expérimentations et intègre un pan supplémentaire de sa filmographie tout en n’oubliant pas de faire plaisir à ses fans de la première heure en leur concoctant un film racé et lugubre, dépressif et capiteux…
Encore une fois, il faut le voir pour comprendre et appréhender le genre qui érigea Fulci comme maitre absolu du film horrifique italien…
Note : 10/10
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