jeudi 12 juillet 2012

CROIX DE FER (Cross of Iron)


de Sam Peckinpah. 1977. Angleterre/Allemagne de l'Ouest. 2h13. Avec James Coburn, Maximilian Schell, James Mason, David Warner, Klaus Lowitsch, Vadim Glowna, Roger Fritz, Dieter Schidor, Burkhard Driest, Fred Stillkrauth.

Sortie salles France: 18 Janvier 1978. U.S: 11 Mai 1977

FILMOGRAPHIE: Sam Peckinpah est un scénariste et réalisateur américain, né le 21 Février 1925, décédé le 28 Décembre 1984.
1961: New Mexico, 1962: Coups de feu dans la Sierra. 1965: Major Dundee. 1969: La Horde Sauvage. 1970: Un Nommé Cable Hogue. 1971: Les Chiens de Paille. 1972: Junior Bonner. Guet Apens. 1973: Pat Garrett et Billy le Kid. 1974: Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia. 1975: Tueur d'Elite. 1977: Croix de Fer. 1978: Le Convoi. 1983: Osterman Week-end.


Ne vous réjouissez pas de sa défaite, vous les hommes. Car même si le monde s'est levé pour arrêter l'ordure, la traînée qui l'a mis au monde est à nouveau en rut. Bertolt Brecht.

D'après le livre de Willi Heinrich, La Peau des Hommes, Sam Peckinpah retrace avec Croix de Fer le conflit entre un capitaine prussien, en quête d'une croix de fer pour satisfaire son égo, et le caporal Steiner, un baroudeur inflexible et loyal, pris au piège par son rival égocentrique.
Film de guerre explosif d'une grande violence et parfois même d'une cruauté vénale, Croix de Fer dénonce une fois de plus l'absurdité de la guerre dans toute sa laideur et son inanité d'un conflit belliqueux à bout de souffle. Alors que l'armée allemande bat en retraite sur le front russe en 1943, Steiner et sa troupe vont devoir continuer à se battre contre les alliés et contourner nombre de subterfuges émis sur leur cheminement en déclin. Avec des moyens techniques considérables (comme la présence rarissime d'authentiques chars soviétiques T-34) et de prestigieuses stars notoires (James Coburn, James Mason, David Warner, Maximilian Schell), Sam Peckinpah impose à bon escient ses traditionnels effets de ralenti où les éclaboussures de sang s'extraient des chairs meurtries pour dénoncer la barbarie humaine d'une guerre mondiale préalablement décrétée par un leader fasciste. Outre le fait que ses soldats valeureux combattent l'antagoniste au front avec une bravoure exemplaire, la situation acharnée dans laquelle ils évoluent les rendent si surmenés et exténués que leur éthique semble davantage avilie par la sauvagerie qui en résulte.


Avec réalisme cinglant, notre réalisateur pourfendeur jalonne son récit de séquences chocs particulièrement difficiles car inéquitables sur le sort réservé à l'antagoniste cosmopolite. Comme ce sort final réservé au petit garçon russe, préservé de prime abord par les comparses de Steiner mais compromis par l'orgueil mégalo d'un capitaine sans vergogne. La découverte par nos baroudeurs des femmes de l'armée rouge réfugiées dans une cabane est sans doute la séquence la plus pénible et pertinente pour dénoncer l'inanité d'une guerre odieuse éludée d'équité. Dans le chaos et la confusion, quelques soldats délibérés à violer certaines d'entre elles vont finalement être contraints de se défendre quand les femmes auront décidé de se soustraire à la soumission sexuelle dans une rébellion suicidaire. Parfois, pour mieux stigmatiser l'absurdité des conflits rivaux, Peckinpah utilise l'ironie caustique comme cet épilogue acerbe où Steiner décide de déserter par dépit et vengeance afin de rejoindre le capitaine Stransky pour l'assassiner. Préalablement, une autre séquence éloquente tourne en dérision les délires irascibles de Steiner, soigné dans un hôpital de guerre. Entre songes et réalité, celui-ci décide de se révolter violemment contre ses confrères supérieurs venus ausculter les blessures infligés aux combattants pour savoir s'ils peuvent à nouveau rejoindre le front par manque d'effectif.


Outre une distribution d'exception, James Coburn incarne avec une rigueur innée le rôle d'un
belligérant pugnace mais dépité à l'idée de se défendre au milieu d'une guerilla dissolue et anarchique. Il dégage avec virilité une prestance héroïque particulièrement cynique pour railler ses supérieurs condescendants mais aussi un humanisme fébrile pour prémunir sa brigade sévèrement prise à parti. Dans celui du capitaine sans vergogne, Maximilian Schell se révèle proprement détestable dans ces exactions perfides et ses ambitions égotistes pour s'accaparer d'une croix de fer en guise de trophée célébré.


Violent, cruel, voir même parfois malsain, Croix de Fer est un grand film personnel sur la déroute d'une guerre mondiale éludé d'héroïsme. Epris d'une ambiance désenchantée pour mettre en exergue la dureté des combats déloyaux et renforcé par la densité déshumanisée de ces protagonistes déchus, Sam Peckinpah concrétise une fois encore une oeuvre ambitieuse, abrupte et spectaculaire. Un réquisitoire hostile aux institutions militaires où la mélancolie s'exacerbe un peu plus au fil d'authentiques images d'archives nauséeuses défilant inévitablement au générique de fin. Une manière congrue de nous rappeler toute l'ignominie contagieuse d'une seconde guerre régie par une aspiration barbare, alors qu'un rire intempestif s'emmêle avec une frénésie incontrôlée !

Bruno Matéï
12.07.12. 2èx

mardi 10 juillet 2012

Schizophrenia /Angst / Fear


de Gérald Kargl. 1983. Autriche. 1h27. Avec Erwin Leder, Silvia Rabenreither, Edith Rosset, Rudolf Götz

Interdit en salles en France. 

FILMOGRAPHIE: Gérald Kargl est un réalisateur autrichien né en 1953 à Villach, Austria.
1980: Sceny narciarskie z Franzem Klammerem (documentaire)
1983: Angst

                                              D'après l'histoire vraie du tueur Werner Kniesek
         

Censuré un peu partout à travers le monde dès sa sortie en 1983, Schizophrenia est une expérience extrême d'autant plus inédite que son origine autrichienne renforce un cachet d'authenticité peu commun. Avec la voix perpétuelle d'un monologue narré par l'interprète principal, ce portrait glaçant d'un serial-killer notoire de l'Allemagne des années 80 y transcende son introspection mentale avec un réalisme diaphane. Accordant un soin esthétique formel à sa photographie clinique et à son ambiance blafarde au bord du marasme, l'unique film de Gérald Kargl est notamment un modèle de virtuosité technique. Plans larges ou aériens contournés à la louma, caméra subjective pour mieux mettre en exergue l'aspect désincarné du tueur en série, le réalisateur sait utiliser sa caméra avec une dextérité aussi inventive que géométrique.


Filmé en temps réel et exploitant à merveille son dédale pavillonnaire, nous suivons les exactions meurtrières d'un détenu relaxé, déjà prêt à perpétrer de nouvelles exactions. Après avoir tenté d'étrangler une chauffeuse de taxi, celui-ci apeuré s'enfuit à travers bois pour trouver refuge dans une vaste demeure bourgeoise. Observant qu'il n'y a personne dans la maison, il décide d'y pénétrer par effraction en brisant la vite d'une fenêtre. En comptant sur l'arrivée de ses propriétaires avec une impatience fébrile, une voix-off hypnotisante (à voir en VF pour une fois car plus immersive !) nous narre de façon récursive ses pensées intimes les plus licencieuses mais également son passé de maltraitance infantile. Une sexagénaire, son fils impotent et sa fille seront les nouvelles proies de ses crimes sordides dénués de mobile. Tuer quelqu'un est très dur, très douloureux et très... très long ! Cette célèbre citation du maître du suspense convient à cette descente aux enfers inflexible auquel notre tueur souhaite faire souffrir ses victimes de façon indolente et avec une véhémence incontrôlée ! Ce parti-pris (sur le vif) de filmer en temps réel, cette verdeur imputée aux meurtres cinglants (dont une mise à mort ultra sanglante !) et l'interprétation innée de notre tueur autrichien rendent Schizophrenia terriblement glauque et incommodant. En prime, le caractère inexpressif et apathique des personnages secondaires va aménager son aura d'étrangeté.


En terme de serial-killer déficient, Erwin Leder incarne son personnage avec une vérité si prégnante qu'il n'a pas à rougir de la comparaison avec Joe Spinell ou encore Michael Rooker. La pâleur de son faciès famélique et l'appréhension de son regard fuyant laissent en mémoire une prestance fébrile tributaire de son esprit déséquilibré. Son seul objectif est d'aborder sans raison n'importe quel quidam signalé au coin d'une rue et de l'assassiner avec un sadisme mâtiné de maladresse. Sa peur panique et son excitation irraisonnée pour la tentative d'homicide exacerbent la personnalité meurtrie d'un adulescent préalablement molesté par une filiation masochiste.


Malsain et hautement dérangeant par son aspect introspectif expérimental, Schizophrenia est une expérience extrême où la folie et le meurtre sont élaborés avec frénésie chez un criminel désaxé. Esthétiquement travaillé et ambitieux de par sa mise en scène personnelle, cette oeuvre scabreuse honteusement occultée et bannie depuis des décennies constitue un sommet de subversion où l'immersion clinique s'avère terriblement déstabilisante. Pour parachever, il faut aussi avouer que l'impact envoûtant du score de Klaus Schulze doit autant à son climat contrariant.
 
P.S: A Privilégier la VF, comme le souligne Gaspar Noé dans les Bonus du Blu-ray. 

*Bruno
25.07.22. 5èx
10.07.12. 

mercredi 4 juillet 2012

Le Vieux Fusil. César du Meilleur film 1976.

                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site muriel.lucot.free.fr

de Robert Enrico. 1975. France. 1h43. Avec Philippe Noiret, Romy Schneider, Jean Bouise, Joachim Hansen, Robert Hoffmann, Karl Michael Vogler, Caroline Bonhomme, Catherine Delaporte, Madeleine Ozeray.

Sortie salles France: 22 Août 1975. U.S: 29 Juin 1976

FILMOGRAPHIE: Robert Enrico est un réalisateur et scénariste français, né le 13 Avril 1931 à Liévin (Pas-de-Calais), décédé le 23 Février 2001 à Paris. 1962: Au coeur de la vie. 1962: La Belle Vie. 1964: Contre point. 1965: Les Grandes Gueules. 1967: Les Aventuriers. 1967: Tante Zita. 1968: Ho ! 1971: Boulevard du Rhum. 1971: Un peu, beaucoup, passionnément. 1972: Les Caïds. 1974: Le Secret. 1975: Le Vieux Fusil. 1976: Un neveu silencieux. 1977: Coup de foudre. 1979: L'Empreinte des Géants. 1983: Au nom de tous les Miens. 1985: Zone Rouge. 1987: De Guerre Lasse. 1989: La Révolution Française (1ère partie: les années lumières). 1991: Vent d'Est. 1999: Fait d'Hiver.


Panthéon du cinéma français auquel des millions de spectateurs l'eurent célébré avec une émotion inconsolable, Le Vieux Fusil est un moment de cinéma d'une telle acuité qu'il est difficile de s'en remettre sitôt le générique bouclé. Car en s'inspirant du massacre d'Oradour sur Glane commis par les nazis en 1944, Robert Enrico nous délivre sans anesthésie un drame éprouvant, haletant, inflexible, insoutenable auprès de la vengeance d'un médecin provincial anéanti par le massacre de sa famille. Alors qu'il mène une paisible existence avec sa femme Clara et sa fille Florence, Julien Dandieu décide de les protéger d'une milice française arrogante en les délogeant vers son château près d'un village champêtre. Contraint de soigner ses malades, il continue d'exercer son devoir de chirurgien, mais, par appréhension, il décide rapidement de les rejoindre. Mais sur place il découvre l'horreur innommable d'un massacre organisé par la 2è division SS Das Reich. Les villageois ayant été rassemblés dans l'église pour être froidement abattus, tandis qu'un peu plus loin, dans son château familial, Julien découvre le corps carbonisé de son épouse et le cadavre ensanglanté de sa fille. Rongé par la haine car anéanti par le chagrin, il amorce une vengeance expéditive en exterminant un à un les criminels nazis toujours présents sur les lieux du drame.


Entrecoupé de flash-back auquel Julien se remémore les tendres moments idylliques avec Clara et sa fille, Le Vieux Fusil ne cesse d'y alterner l'émotion prude du souvenir angélique avec l'appréhension d'une traque impitoyable. Ainsi, avec virtuosité et l'utilisation judicieuse de son décor de bastille souvent confiné dans les dédales souterrains, Robert Enrico planifie une vengeance implacable et méthodique auprès d'un bourgeois pacifiste subitement destitué de sa moralité. La perte soudaine, inopinée de l'être aimé, le deuil insurmontable de pouvoir assimiler le viol en réunion et l'immolation crapuleuse de deux êtres candides. Par conséquent, à travers ces réminiscences nostalgiques imparties à l'amour de sa vie, Le Vieux Fusil nous confronte à l'introspection de cet homme meurtri au confins de la folie. Aux souvenirs élégiaques de l'épanouissement conjugal s'y succédant l'extrême froideur d'une rancoeur vindicative compromise par la haine. Car Julien, toujours plus motivé à tuer, ne laissera nul répit à ces tortionnaires fascistes vautrés dans les beuveries et les balivernes. Oscillant ses souvenirs épanouis teintés d'anxiété (notamment sa perplexité et sa jalousie de mériter une femme aussi radieuse !), et le présent du sordide retour à la réalité, Le Vieux Fusil nous immerge de plein fouet auprès de ces émotions contradictoires avec une intensité constamment bouleversante !


Mais si cette oeuvre écorchée vive s'avère aussi immersive et accablante, elle le doit autant à la complicité naturelle des deux comédiens ! Dans celui du médecin rendu fou de haine et de brutalité,  Philippe Noiret (récompensé du César du meilleur acteur !) insuffle une expression mutique bâtie sur l'affliction du sentiment d'injustice. Le point d'orgue le dévoilant toujours plus solitaire car perdu dans les méandres de la déraison, s'avérant déchirant de détresse démunie. En femme épanouie au regard frétillant de fraîcheur, Romy Schneider symbolise la spontanéité du bonheur avec une tendresse immodérée. Elle crève l'écran au point d'y tomber amoureux, tel le personnage timoré qu'endosse Noiret littéralement happé, enivré par sa beauté angélique. A contrario, la détresse suscitée par Romy d'appréhender sa cruelle mort puis celle de sa fille provoque chez nous une répulsion quasi insupportable sous l'impulsion d'un réalisme somme toute crapuleux.


Le martyr des anges
Illuminé des interprétations déchirantes de Philippe Noiret et Romy Schneider au rythme d'une mélodie mélancolique de François de Roubaix, Le Vieux Fusil est un chef-d'oeuvre d'émotions hybrides. Tant pour la pudeur romantique échangée entre nos amants que de la violence primitive du vindicateur martyrisé par le deuil d'une épuration nazie. En outre, l'audace crue de certaines mises à mort et le caractère haletant de sa justice expéditive y sont transcendés d'une mise en scène géométrique (les décors mortifères faisant notamment office de seconds-rôles). Il y émane un moment de cinéma d'une fragilité émotionnelle escarpée à travers sa quiétude révolue au point d'y être commotionné, ad vitam aeternam.

Romy, je t'aime.

*Bruno
04.07.12. 4èx

Récompenses: César du Meilleur Film, du Meilleur Acteur (Philippe Noiret) et Meilleure Musique (François de Roubaix) en 1976.
César des césars en 1985.

 

mardi 3 juillet 2012

FIRE IN THE SKY

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site roswell1947.forumgratuit.org

de Robert Lieberman. 1993. U.S.A. 1h49. Avec D.B. Sweeney, Robert Patrick, Craig Sheffer, Peter Berg, Henry Thomas, Bradley Gregg, Noble Willingham, Kathleen Wilhoite, James Garner, Georgia Emelin.

Sortie salles U.S: 12 Mars 1993

FILMOGRAPHIE: Robert Lieberman est un réalisateur, scénariste et producteur américain.
1978: A Home run for love (télé-film). 1978: Gaucho (télé-film). 1980: Fighting Back (télé-film). 1982: Will: the autobiography of G. Gordon Liddy (télé-film). 1983: Table for Five. 1987: Nos Meilleures années. 1991: To Save a Child. 1991: Le plus beau cadeau de Noël. 1992: Fire in the Sky. 1996: Les Petits Champions 3. 1996: Le Titanic (télé-film). 1999: NetForce (télé-film). 2002: Red Skies. 2002: Second String (télé-film). 2004: Earthsea (télé-film). 2009: The Tortured. 2010: The Stranger.


Réalisateur prolifique de télé-films et séries TV, Robert Lieberman réalise en 1993 son coup d'éclat cinématographique avec Fire in the Sky. Tiré d'un potentiel fait divers fondé sur un enlèvement extra-terrestre, cette série B fut malencontreusement inédite dans nos salles hexagonales pour sortir directement en Vhs puis sur galette numérique. Un préjudice inqualifiable puisque cette perle d'anticipation anxiogène mérite amplement un vif intérêt dans sa volonté de daigner crédibiliser un rapt incongru. Le pitchLe 5 novembre 1975, un groupe de 6 bûcherons est témoin d'un phénomène irrationnel venu du ciel. Un de leurs acolytes, attisé par la luminosité aveuglante de l'engin spatial est subitement foudroyé par une force surnaturelle. Ses camarades terrifiés décident de s'enfuir à bord de leur fourgonnette avant que le chauffeur se ravise in extremis. De retour sur les lieux, Mike Rogers ne signale aucune trace de son meilleur ami Travis ! En ville, les cinq amis sont contraints d'expliquer à la population et aux forces de l'ordre que leur camarade a inexplicablement disparu depuis l'apparition d'un engin extra-terrestre ! Bientôt, les complices sont suspectés de meurtre...


Avec la conviction de comédiens confirmés (Robert Patrick, Henry Thomas ou encore Peter Berg) et d'une mise en scène entièrement impartie aux tourments de ces protagonistes, Fire in the Sky dresse en premier lieu le portrait d'hommes de foi injustement montrés du doigt par ces citadins et les autorités incrédules. Le réalisateur Robert Lieberman illustrant avec une attention assidue le caractère sournois d'une démographie n'hésitant à fustiger et remettre en cause le récit abracadabrant de prolétaires embarrassés. Cette impuissance de ne pouvoir prouver leur innocence et cette persistance (exacerbée par l'intégrité pugnace de Robert Patrick !) à crier aux autorités leur véracité des faits implique chez le spectateur une vibrante empathie (sachant que nous avons été témoins dès le prologue que leur mésaventure n'était en rien une affabulation !). Leur dimension humaine est également extériorisée par la terreur panique, préalablement établie dans leur fuite nocturne désespérée à travers un sentier forestier, après avoir abdiqué un de leur comparse potentiellement meurtri d'un incident cinglant !


Après l'épreuve équivoque du détecteur de mensonge préconisée par les autorités suspicieuses, un rebondissement inopiné va enfin permettre aux bûcherons de lever au grand jour le voile sur leur véracité des faits. Spoil ! Puisqu'à la suite d'un appel téléphonique, Travis Walton est enfin retrouvé sain et sauf par ses amis, mais dans un état traumatique éprouvant ! fin du Spoil. Là encore, le réalisateur insiste sur le caractère psychologique d'une victime mise au pilori des médias à sensations, d'un leader de police paranoïaque et de badauds indélicats. A cet égard, l'interprétation de D.B Sweeney incarnant avec vérité le rôle chétif d'une victime amnésique préalablement molestée par des E.T belliqueux, inspire la compassion auprès du spectateur particulièrement anxieux de son état déficient. Spoil ! C'est ce que la dernière partie va nous révéler avec un réalisme perturbant pour la réminiscence impartie au calvaire cauchemardesque de Travis, embrigadé dans l'antre d'un vaisseau mère ! Une séquence d'anthologie absolument terrifiante, presque insupportable dans les expérimentations chirurgicales assénées à la victime par des extra-terrestres au faciès patibulaire ! Fin du Spoil.


Mis en scène avec intelligence afin de privilégier la dimension humaine de ses personnages compromis par une énigme irrationnelle et campé par une sobre distribution inscrite dans l'émoi, Fire in the Sky est une série B captivante passée inaperçue mais rehaussée d'un bouche à oreille enthousiaste. Sa densité psychologique, sa structure narrative avisée et l'aspect horrifiant de sa dernière partie confinant à la perle rare à (re)découvrir d'urgence !  En outre, il cultive notamment en point d'orgue rédempteur une belle amitié entre l'inimitié de deux camarades préalablement divisés par un incident inopportun !

03.07.12. 3èx
Bruno Matéï

vendredi 29 juin 2012

STAND BY ME

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineclap.free.fr

de Rob Reiner. 1986. U.S.A. 1h29. Avec Wil Wheaton, River Phoenix, Corey Feldman, Jerry O'Connell, Gary Riley, Kiefer Sutherland, Casey Siemaszko, Bradley Gregg, Jason Olivier, Marshall Bell.

Sortie salles France: 25 Février 1987. U.S: 8 Août 1986

FILMOGRAPHIE: Rob Reiner est un acteur, producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 6 Mars 1947 dans le Bronx de New-York. 1984: Spinal Tap. 1985: Garçon chic pour nana choc. 1986: Stand By Me. 1987: Princess Bride. 1989: Quand Harry rencontre Sally. 1990: Misery. 1992: Des Hommes d'honneur. 1994: L'Irrésistible North. 1995: Le Président et Miss Wade. 1996: Les Fantômes du passé. 1999: Une Vie à Deux. 2003: Alex et Emma. 2005: La Rumeur Court. 2007: Sans plus attendre. 2010: Flipped.


Réalisateur éclectique, Rob Reiner s'inspire en 1986 d'une nouvelle de Stephen King (Le Corps parue à travers Différentes Saisons) pour entreprendre avec Stand By Me un hommage élégiaque à l'enfance dans toute sa candeur et vulnérabilité. Eté 1959, Oregon. Une bande de quatre amis inséparables décide de partir deux jours en randonnée forestière pour tenter de retrouver le corps d'un adolescent récemment disparu. Cette découverte macabre changera à jamais leur destin et leur manière d'appréhender le monde.


De manière sous-jacente, la mort plane sur les frêles épaules de nos héros en culotte courte durant leur cheminement initiatique acheminé vers une trouvaille morbide. Avec simplicité, humour et beaucoup de tendresse, Rob Reiner apporte un soin humaniste à caractériser nos quatre adolescents débordant de vigueur à travers leur tempérament débrouillard, mais aussi de malaise existentiel et de rancoeur, faute d'une démission parentale. Tant auprès de Gordie Lachance, rejeton dénigré par ses parents depuis la mort accidentelle de son frère aîné, de Chris Chambers, gamin révolté issu d'une famille à la réputation galvaudée et malencontreusement accusé de vol auprès d'un particulier perfide, ou encore de Teddy Duchamp, casse-cou irascible et provocateur, violenté par son paternel, ancien vétéran du débarquement de Normandie. Seul, Vern Tessio, gamin bedonnant plutôt maladroit et trouillard semble hérité d'une filiation placide. Ainsi, à travers leur escapade bucolique jalonnée de péripéties impromptues (telle cette déconvenue avec une bande de délinquants majeurs, ou leur course effrénée sur un pont ferroviaire afin d'éviter de plein fouet un train lancé à vive allure !), nous suivons leurs vicissitudes insouciantes, entre blagues de potache, conflits caractériels et prise de conscience existentielle. Rob Reiner s'attachant surtout à accorder un peu plus d'empathie et d'intérêt envers les personnages fragilisés de Gordie et Chris. Les enfants malchanceux les plus discrédités de leurs parents, et donc les mieux aptes à comprendre l'apprentissage de la maturité de par leur libre arbitre. Par conséquent, durant leur périple, notre duo n'aura de cesse de s'échanger des confidences intimistes pour se réconforter d'une absence affective, cette solitude écrasante mise en cause par la désunion de la cellule familiale.


Entre deux crises de fous-rire, prises de becs, peur panique du bruit dans la nuit et discorde avec des rouleurs de mécaniques, nos quatre baroudeurs vont côtoyer pour la première fois le vrai visage informe de la mort. Il en ressortira de cette excursion peu commune une expérience mystique auprès de la cruauté de l'existence si bien que cette bonhomie de l'enfance s'avère éphémère pour laisser place à la maturité de l'expérience. A travers le monologue nostalgique d'un narrateur aujourd'hui épanoui d'une aubaine conjugale et d'une réussite professionnelle, la destinée de Gordie Lachance en sort grandie et victorieuse. Alors que certains de ces meilleurs camarades n'auront eu cette faveur idéaliste de par leur parcours antinomique. Ainsi, de cette réminiscence infantile y résulte une émotion bouleversée de ce que les aléas de la vie peuvent réserver à chacun d'entre nous. Que le hasard n'est point une coïncidence et que le destin peut parfois malencontreusement vilipender l'un d'entre nous. Mais que la fraternité et l'amour restent des valeurs sûres pour pouvoir profiter du temps présent, surtout lors d'une époque charnière de l'insouciance où les prises de risques peuvent nous être inconsidérées.


Au coeur de l'amitié
Poésie lyrique à l'épanouissement de la jeunesse, hymne à l'amitié dans toute sa candeur, Stand by me est une déclaration d'amour à la magie de l'enfance mais aussi une prévoyance à l'ascension de la puberté. L'incroyable bonhomie naturelle de nos quatre adolescents et sa tendresse émanant de chaque tempérament nous menant finalement vers une élégie déchirante. Rob Reiner nous transcendant avec lyrisme une réminiscence infantile alliée au mérite de l'amitié et à cette fuite irrémédiable du temps présent.

A River Phoenix et Pascal, mon frère de coeur...
29.06.12. 4èx
Bruno Matéï

jeudi 28 juin 2012

VIERGES POUR LE BOURREAU (Il boia scarlatto)



                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site fastmovieblog.blogpost.com


de Massimo Pupillo. 1965. Italie/U.S.A. 1h23. Avec Mickey Hargitay, Walter Brandi, Moa Tahi, Alfredo Rizzo, Rita Klein, Femi Benussi, Luisa Baratto, Gino Turini, Ralph Zucker, Barbara Nelli, Albert Gordon.

FILMOGRAPHIE: Massimo Pupillo est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 7 Janvier 1929 à San Severo.
1961: Teddy, l'orsacchiotto vagabondo (doc). 1965: 5 Tombes pour un médium (le cimetière des morts-vivants). 1965: Vierges pour le bourreau. 1965: La Vendetta di Lady Morgan. 1968: Django le taciturne. 1970: Giovane Italia, Giovane Europa - Marternick (télé-film). 1970: L'Amore, questo Sconosciuto. 1980: Sajana, l'audace impresa


Un bourreau azimuté reprend du service pour embrigader une équipe de comédiens dans son château et leur perpétrer d'horribles tortures inquisitrices.


Tourné la même année que le charmant classique Cimetière des Morts-vivants (avec Barbara Steele !), Vierges pour le Bourreau est une peloche du samedi soir aussi ludique qu'hilarante dans son délire festif décrété par un bourreau écarlate en survêtement rouge ! Le scénario tiré par les cheveux est déjà un mets de choix dans son inspiration héritée du Masque du Démon ou plutôt des fameux pulps pour adultes imprimés sur papier décrépi par souci d'économie. D'ailleurs, les amateurs penseront sans doute au célèbre roman photo, Satanik, publié la même année au pays transalpin, qui narrait les méfaits d'un mystérieux criminel vêtu d'une combinaison de squelette, torturant sans modération de charmantes donzelles dévêtues. Après son prélude influencé par le chef-d'oeuvre de Bava auquel un bourreau délétère condamné à mort promet de revenir se venger quelques siècles plus tard, un photographe et sa troupe de comédiens investissent un château réputé abandonné afin de réaliser une séance photos pour la publication d'un roman d'horreur. Mais la demeure est néanmoins déjà résidée par un étrange propriétaire renfrogné, épaulé de ces géôliers tout aussi acariâtres. Il reconnait in extremis parmi les invités une de ces anciennes idylles ! Dès lors, le majordome préalablement réticent à accueillir ses nouveaux hôtes se rétracte pour finalement accorder sa grâce. Bien entendu, c'est dans ce manoir même que notre bourreau sanguinaire fut jadis condamné au supplice de la Vierge de Nuremberg, et des morts mystérieuses ne vont pas tarder à se manifester ! Notre fantomas en pijama rouge semble donc revenir de l'au-dela pour accomplir ses nouvelles exactions à l'aide d'instruments de torture moyenâgeux !
.

Hormis une première partie frivole et aseptisée, la suite est heureusement rattrapée par un délire excentrique digne d'un carnaval déluré ! Le bourreau masqué façon "Zorro" (qui n'est autre que le propriétaire du château, sévèrement fêlé de la casquette !) accomplit ses tortures avec une hargne insolente et une fougue inébranlable ! Certaines de ces épreuves mises en scène avec une diabolique inventivité sont si incongrues qu'elles n'ont rien à envier aux agissements du Dr Phibes ou Jigsaw, illustres tortionnaires concurrentiels des décennies à venir. A ce titre, la séquence où l'une de nos protagonistes est emprisonnée par des cordelettes constituant une gigantesque toile d'araignée est un moment jouissif délicieusement extravagant. Surtout sachant que si l'une des cordes contractées venait à rompre, une flèche s'élancerait violemment en direction de la victime pour venir la transpercer ! A partir du moment où le bourreau sanguinaire dévoile son véritable visage et décide d'entamer sans vergogne ses crimes sadiques, le film prend une tournure pittoresque irrésistible. D'autant plus que notre antagoniste déficient s'en donne à coeur joie à exprimer avec fierté son exaltation pour accomplir ses odieux supplices. Les potiches dévêtues et embrigadées crient leur agonie, les hommes pugnaces tentent tant bien que mal de se démêler de leur filet et le bourreau extraverti jubile à outrance devant tant de fertile festivité !


Hormis un début paresseux sans éclat, Vierges pour le Bourreau se révèle à mi-parcours un savoureux nanar où les péripéties s'enchaînent sans répit avec le dynamisme d'une mise en scène assidue. Les combats de catch et les mises à morts pernicieuses sont illustrés avec ferveur dans des décors gothiques aux teintes colorées ! En prime, la cocasserie des dialogues exprimés par des trognes de seconde zone, son scénario farfelu et son ambiance rétro ne pourront que réjouir l'amateur puriste de bisserie saugrenue !

Dédicace à Artus Films
28.06.12. 2èx
Bruno Matéï

                                    

mercredi 27 juin 2012

Rusty James / Rumble Fish

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site fr.pinterest.com

de Francis Ford Coppola. 1983. U.S.A. 1h34. Avec Matt Dillon, Mickey Rourke, Diane Lane, Dennis Hopper, Diana Scarwid, Vincent Spano, Nicolas Cage, Chris Penn, Laurence Fishburne, William Smith.

Sortie salles France: 15 Février 1984. U.S: 21 Octobre 1983

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Francis Ford Coppola est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 7 Avril 1939. 1963: Dementia 13. 1966: Big Boy. 1968: La Vallée du Bonheur. 1969: Les Gens de la pluie. 1972: Le Parrain. 1974: Conversation Secrète. Le parrain 2. 1979: Apocalypse Now. 1982: Coup de coeur. 1983: Outsiders. Rusty James. 1984: Cotton Club. 1986: Peggy Sue s'est mariée. 1987: Jardins de Pierre. 1988: Tucker. 1989: New-York Stories. 1990: Le Parrain 3. 1992: Dracula. 1996: Jack. 1997: l'Idéaliste. 2007: l'Homme sans âge. 2009: Tetro. 2011: Twixt.


"Sublimement insolite et envoûtant à travers son onirisme existentiel que cette balade désenchantée avec l'ennui, voyage au bout de la nuit d'une quête identitaire."
Entrepris la même année que Outsiders et de nouveau adapté d'un roman de Susan Eloise Hinton, Francis Ford Coppola se révèle beaucoup plus ambitieux avec Rusty James, véritable expérience 
cinégénique imprimée de la personnalité (ici baroque) du cinéaste. Fable sur la lassitude, la fuite du temps et l'aliénation existentielle, cette errance fantasmatique de deux frères entravés nous envoûte les sens de par sa mise en scène expérimentale impartie à l'esthétisme expressionniste. Ainsi, à travers ce tableau dérisoire d'une jeunesse désoeuvrée laminée par l'ennui, le chômage et la démission parentale, Rusty James souhaite devenir le leader des gangs de rues, comme le fut préalablement son frère aîné, Motorcycle, véritable légende urbaine. S'il demeure vaillant et pugnace, Rusty James ne possède pas l'adresse ni l'intelligence de son aîné pour devenir un nouveau chef de bande réputé. Ses infidélités avec sa petite amie, l'absence d'un père alcoolique et la disparition inexpliquée de sa mère l'influencent à se focaliser sur la réputation notoire de son frère, et par la même occasion d'y trouver un sens à sa terne existence. Le hic, c'est que l'ancienne légende des bandes organisées s'est rétractée à renouer avec une vie marginale jalonnée de rixes héroïques. Penseur mutique emprisonné dans ses songes les plus autonomes, Motorcyle semble n'avoir d'autre but que de errer dans la petite contrée d'Oklahoma en murmurant à l'oreille de Rusty que les bagarres de rue finiront par le mener au bout d'une impasse.

                                        

Avec sa bande son musicale à la fois idoine et décalée, ses bruitages industriels récurrents et sa photo monocorde d'une splendeur hypnotique, Francis Ford Coppola nous façonne une "fureur de vivre" en mode "élégie existentielle". Sa distribution est d'autant mieux privilégiée du jeu spontané de Matt Dillon épaulé de son frangin taciturne en la présence du fantôme Mickey Rourke, mais aussi d'une pléiade de seconds rôles aussi marquants (Dennis Hooper en paternel alcoolique déchu, Chris Penn et Nicolas Cage en rebelles vaniteux, ou encore la suave Diane Lane en dulcinée trahie). Rusty James demeure donc une oeuvre atypique où l'atmosphère irréelle nous insuffle un sentiment d'escapade à travers le profil galvaudé de deux frères esseulés car destitués de leur propre identité. Ce besoin de fuite en avant vers l'immensité d'un océan azur, cette soif de liberté latente exprimée de façon succinct par un Motorcycle méditatif nous suscitant un poème désenchanté sur la fuite (furtive) du temps et l'échec personnel. Cette temporalité récursive rappelant à nos protagonistes que le passage à l'âge adulte est un cap franchissable si leur nouvelle vocation était de se rabattre à un avenir sociable. Spoil ! En l'occurrence, le parcours à venir de Rusty James pourrait donc peut-être renouer avec l'aspiration sociale après avoir médité sur la disparition de l'être cher parti trop tôt de manière fulgurante... Fin du Spoil.


Chef-d'oeuvre contemplatif beaucoup plus substantiel et abstrait que son cadet Outsiders auquel le temps ne semble avoir aucune prise sur son aura de fascination irrépressible, Rusty James est un moment de cinéma précieux à travers ses émotions troubles que 2 frères nous partagent dans leur humanisme à la fois torturé et romanesque. Tout simplement sublime et d'une sidérante modernité dans son format rétro de rendre hommage aux films de bandes des années 50.

*Bruno

La chronique d'Outsiders: http://brunomatei.blogspot.fr/2011/11/outsiders-outsiders.html

26.10.22. 4èx. Vost
27.06.12.

                                     

mardi 26 juin 2012

THE CROSSING GUARD

Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com   
de Sean Penn. 1995. U.S.A. 1h51. Avec Jack Nicholson, David Morse, Anjelica Huston, Robin Wright, Piper Laurie, Richard Bradford, Priscilla Barnes, David Baerwald, Robbie Robertson, John Savage.

Sortie salles France: 15 Novembre 1995. U.S: 16 Novembre 1995

FILMOGRAPHIE: Sean Penn est un réalisateur, acteur, scénariste, producteur américain, né le 17 Août à 1960 à Santa Monica, en Californie.
1991: The Indian Runner
1995: The Crossing Guard
2001: The Pledge
2007: Into The Wild
Prochainement: The Comedian


Un père de famille décide de se faire justice lui même après avoir appris la libération du chauffard, responsable de la mort accidentelle de sa fillette de 7 ans.


Après son premier coup de maître, Indian Runner, qui illustrait la quête existentielle d'un belligérant du Vietnam de retour dans son pays, Sean Penn revient quatre ans plus tard pour nous évoquer avec The Crossing Guard le deuil insurmontable d'un père de famille rongé par la haine et la vengeance.
Avec en tête d'affiche le monstre sacré Jack Nicholson, épaulé du non moins brillant David Morse, mais aussi de seconds rôles féminins peu communs (Angelica Huston et Robin Wright, divines de candeur fluette !), ce drame psychologique s'exacerbe un peu plus au fil d'un cheminement tortueux et indécis. En réalisateur empli d'humanisme, Sean Penn transforme une simple histoire de vengeance en poème opaque auquel les thèmes de la culpabilité, la rancoeur, le pardon et la vengeance sont transcendés par une mise en scène auteurisante réfutant les traditionnelles conventions. Ce face à face poignant entre un père de famille désabusé et un ancien chauffard ivre, responsable de la mort accidentelle de sa petite fille, se déroule de façon inopinée pour mettre en valeur leurs états-d'âme galvaudée. Sa densité narrative est de mettre en exergue le profil torturé de ces deux hommes psychologiquement anéantis par le deuil d'une innocence infantile. Le défunt paternel, habité par la rancune et la haine, se morfond lamentablement dans l'alcool et accumule les conquêtes d'un soir dans un night club de streap-tease avant de daigner commettre l'irréparable ! Alors que le coupable, dégagé de l'équité d'avoir purgé une peine de cinq ans de réclusion, prolonge sa condamnation dans les tourments de la culpabilité et du remord.


Avec l'entremise d'épisodes souvent impondérables, parfois teintées d'ironisme (la cliente hautaine de la bijouterie, la 1ère altercation entre les deux hommes dans la caravane) ou de plages de poésie prude (l'intrusion de Freddy dans la chambre de la fillette asiatique et l'épilogue crépusculaire confiné à un recueillement funéraire !), The Crossing Guard surprend par son iconoclasme et son empathie dépouillée. Comment surmonter son deuil d'avoir perdu sa chair de sang vertueuse et comment trouver la quiétude après sa soudaine disparition inéquitable ? Ce sentiment d'injustice et ce désir de justice expéditive est décuplé par un père de famille chétif, incapable de pouvoir réfréner ses pulsions malsaines liées au trépas punitif.
Si le coupable tente d'entamer de façon aléatoire une liaison amoureuse avec une jeune femme inapte à supporter son poids de culpabilité, sa peur et ses doutes de devoir trépasser sous les balles d'un justicier opiniâtre le contraint malgré tout à se défendre en désespoir de cause.
Sean Penn démontre ici que la victime et le coupable sont étroitement liés dans leurs névroses intrinsèques où culpabilité pour l'un et rancoeur pour l'autre vont les contraindre à s'affronter dans une démarche suicidaire afin de mettre un terme à leur affliction commune.


Emprunt de lyrisme et débordant d'humanisme rédempteur, The Crossing Guard interpelle dans son discours pacificateur imparti au pardon, à contrario de la rancoeur vindicative. Ce drame intense et bouleversant doit également son impact émotionnel grâce à l'interprétation d'illustres comédiens (l'immense Nicholson déambule à la manière d'un fantôme discrédité), sa structure narrative anticonformiste, sa mise en scène gracile et enfin son tube nonchalant, I miss you, interprété par la voix singulière de Bruce Springsteen.

26.06.12. 2èx
Bruno Matéï

lundi 25 juin 2012

Le Monstre est vivant. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1975

                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinechange.com

"It's Alive" de Larry Cohen. 1974. U.S.A. 1h31. Avec John P. Ryan, Sharon Farrell, James Dixon, William Wellman Jr, Shamus Locke, Andrew Duggan, Guy Stockwell, Daniel Holzman, Michael Ansara, Robert Emhardt.

Récompense: Prix Spécial du Jury à Avoriaz, 1975

FILMOGRAPHIE: Larry Cohen est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 15 Juillet 1941. Il est le créateur de la célèbre série TV, Les Envahisseurs. 1972: Bone, 1973: Black Caesar, Hell Up in Harlem, 1974: Le Monstre est vivant, 1976: Meurtres sous contrôle, 1979: Les Monstres sont toujours vivants, 1982: Epouvante sur New-York, 1985: The Stuff, 1987: La Vengeance des Monstres, Les Enfants de Salem, 1990: l'Ambulance. - Comme Producteur: Maniac Cop 1/2/3. - Comme Scénariste: Cellular, Phone Game, 3 épisodes de Columbo.


Un puissant plaidoyer pour l'amour parental.
Le pitch: Une femme accouche d'un bébé monstrueux dans un hôpital. Libéré dans la nature et confiné dans les égouts, le bambin perpétue une vague de crimes. La police locale entame une traque impitoyable alors que les parents essaient de déchiffrer leur éventuelle responsabilité. 
Gros succès international malgré son échec dès sa 1ère sortie U.S (il ressortira 3 ans et demi plus tard pour enfin rencontrer la notoriété), le Monstre est Vivant doit beaucoup de son impact émotionnel grâce au thème délicat de l'enfance galvaudée. Car à partir d'une idée incongrue à la limite du grotesque (un bébé monstre commet une série de meurtre dans une paisible bourgade ! Qui l'eut cru ?),  Larry Cohen  en extrait un film d'horreur intelligent de par son traitement social éludé de surenchère. Alors qu'auprès d'un concept aussi délirant, d'autres cinéastes peu scrupuleux ou cupides auraient fait chavirer le projet dans la gaudriole grand-guignol (suffit d'ailleurs de jeter un tout petit oeil sur l'horripilant remake DTV entrepris par Josef Rusnak !).


Par conséquent, Larry Cohen prend son sujet à coeur afin de consolider un drame humain à la fois  poignant (le cruel épilogue d'une acuité dramatique provoque chez le public une empathie insoupçonnée auprès du nourrisson terrorisé), rigoureux et inquiétant (la culpabilité des parents déconcertés et les exactions du bébé renforçant l'opacité d'une ambiance feutrée). Le prologue anthologique, un accouchement virant à l'horreur pure, constitue un exemple pertinent dans la manière dont le réalisateur s'y emploie pour nous ébranler de par l'effet de suggestion du montage agressif. Un médecin ensanglanté sort de la salle d'opération en trébuchant sur le sol ! Il n'en faut pas plus à Cohen d'y véhiculer un climat anxiogène abrupt lorsque le père de famille, alarmé par cet incident fortuit, se dirige vers la salle en accourant pour constater l'horrible carnage avec effroi ! A l'exception de la mère en état de marasme, tous les membres hospitaliers ont été sauvagement mutilés par le bébé difforme et carnassier ! Échappé de l'hôpital, il sème la terreur dans la ville et semble daigner trouver refuge vers son cocon parental.


Ainsi, avec beaucoup de sobriété et en évitant le plus possible de dévoiler l'apparence du monstre par le biais de plans laconiques, Le Monstre est vivant vire à l'inlassable traque des forces de police pour tenter de le juguler. Quand bien même les parents, dépités et désoeuvrés, se morfondent dans la culpabilité si bien que Larry Cohen y apporte beaucoup d'humanisme auprès de leurs états d'âme rongés par la honte, la stupeur et l'incompréhension. Leur aigreur dépressive émanant des agissements d'une société à la fois drastique et immorale (notamment auprès de l'opportunisme des médias en quête de sensations et d'une police expéditive) incapable d'accorder un traitement de faveur à un monstre infantile destitué du lien familial. Les thèmes du droit à la différence est donc mis au pilori pour mettre en exergue l'idéologie sournoise du corps policier souhaitant étouffer ce fait divers particulièrement dérangeant. Mais l'intrigue fragile nappé d'une atmosphère ombrageuse adopte une tournure dramatique édifiante lorsque le père, consterné d'empathie et de pitié (quel puissance d'expression affligée de la part de l'acteur John P. Ryan magnétisant l'écran tout le long du récit !), observe attentivement le désarroi du rejeton apeuré pour le prendre sous son aile et tenter de le rassurer en désespoir de cause. Ainsi, pour élucider la pathologie anormale de cette victime estropiée, le réalisateur semble remettre en cause la dérive inquiétante de produits médicamenteux instaurés sur le marché. En l'occurrence, la pilule contraceptive (n'étant plus un sujet tabou dans les années 70) que la mère ingéra huit mois avant son accouchement. (De là à suggérer que Cohen soit contre l'avortement...)


Les enfants sont-ils des monstres ou les monstres sont-ils des enfants ?
Métaphore sur l'innocence véreuse auprès de certains sujets erratiques, Le Monstre est Vivant est une oeuvre culte sacrément couillue d'avoir su aborder aussi intelligemment son thème  incongru. De par le brio du cinéaste apte à façonner les scénarios les plus improbables, Le Monstre est Vivant échappe honorablement à la routine zédifiante avec une puissante dramatique souvent dérangeante. Adoptant le sobre parti-pris de cultiver un rythme volontairement lattant pour autant captivant, cette oeuvre forte et bouleversante nous interpelle sur les choix moraux d'une famille démunie compromise entre l'acceptation et la démission vis à vis du sort de leur progéniture. Et ce sous couvert de questionnement du droit à la différence et de la polémique de l'avortement, notamment auprès de la dangerosité de certains produits pharmaceutiques circulant en vente libre.

* Bruno
Dédicace à Isabelle Rocton
18.09.20. 5èx
25.06.12.

vendredi 22 juin 2012

Duel. Grand Prix, Avoriaz 1973

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site ivid.it

de Steven Spielberg. 1971. U.S.A. 1h29. Avec Dennis Weaver, Jacqueline Scott, Eddie Firestone, Lou Frizzell, Gene Dynarski, Lucille Benson, Tim Herbert, Charles Seel, Shirley O'Hara, Alexander Lockwood.

Sortie salles France: 21 Mars 1973. U.S: 13 Novembre 1971

FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis). 1971: Duel , 1972: La Chose (télé-film). 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode), 1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad, 1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004: Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal. 2011 : Cheval de guerre. 2012 : Lincoln. 2015 : Le Pont des Espions. 2016 : Le Bon Gros Géant. 2017 : Pentagon Papers. 2018 : Ready Player One. 2021 : West Side Story. 2022 : The Fabelmans. 


A l'origine, Duel est un télé-film réalisé par un jeune novice inconnu, Steven Spielberg, d'après une nouvelle de Richard Matheson. Fort de son succès d'audience à la télévision américaine, le réalisateur décide de rallonger son film de 16 minutes pour pouvoir le diffuser en salles. Le public et la critique sont conquis ! Ce film à petit budget tourné en 12 jours remporte un succès d'estime à travers le monde et se voit même gratifié 2 ans après sa sortie du prestigieux Grand Prix du Festival d'Avoriaz. Ainsi donc, avec un pitch d'une désarmante simplicité (une course effrénée entre deux véhicules routiers à travers les routes de Californie jusqu'à ce que l'un d'entre eux en perde le contrôle), le débutant Steven Spielberg concrétise un modèle de mise en scène et d'efficacité poussée à son paroxysme. Toute l'habileté de cette situation saugrenue digne d'un épisode de la 4è dimension étant impartie à la dimension psychologique de son personnage principal, un employé de commerce en crise conjugale. Durant son périple bucolique à travers les routes clairsemées de la Californie, David Mann (campé par un Dennis Weaver hanté  d'appréhension paranoïde !) va se retrouver confronté à une terrible épreuve de survie dans sa banalité quotidienne. Sous un soleil écrasant, un mystérieux routier dont on ne verra jamais le visage décide de poursuivre inlassablement cet automobiliste alors que son unique vocation semble être un duel machiste jusqu'à ce que mort s'ensuive.


Mené de main de maître par un Steven Spielberg déjà surdoué pour élaborer des séquences virtuoses de courses-poursuites d'une rare intensité (on peut même clairement songer à Mad-Max), Duel est un suspense délétère d'autant plus interlope que nous ne connaîtrons jamais l'identité du routier erratique. Une manière sournoise pour le réalisateur d'alimenter le mystère et ainsi exacerber une situation de crise anxiogène auprès de la victime dépourvue d'assistance. Avec son poids-lourd à combustible rubigineux, véritable monstre d'acier au faciès rugissant, ce conducteur n'aura de cesse de harceler cet employé de commerce déjà contrarié par un conflit familial. Père de famille pudique et inhibé, David devra user de bravoure et vaillance pour se dépêtrer d'un duel infernal entrepris avec cet antagoniste toujours plus intraitable. Et pour accentuer la dimension humaine de la victime réprimandée, Spielberg établit notamment une introspection sur ses pensées intimes gagnées par la paranoïa. De façon intermittente, un monologue nous rappellera que notre automobiliste désorienté est intrinsèquement épris d'une terreur incontrôlée de par l'influence du psychopathe indéfectible. Emaillé de péripéties impromptues parfois spectaculaires et terriblement intenses (l'hallucinante offensive du poids-lourd chez la propriétaire de reptiles ou l'altercation devant la voie ferrée), Duel nous transcende la plus aberrante course-poursuite automobile jamais conçue au cinéma !


A la limite du fantastique irrationnel, Duel est un chef-d'oeuvre immuable d'une puissance narrative et émotionnelle atypique ! Jouant autant avec les nerfs du spectateur qu'avec la victime prise à partie, Steven Spielberg aménage avec des moyens minimalistes un sommet de suspense Hitchcockien d'une efficacité extravagante. Mis en scène avec une précision chirurgicale, ce premier coup de maître d'un authentique magicien du 7 art symbolise notamment non sans originalité une allégorie sur la montée d'une violence routière aliénante plus que jamais actuelle.

*Bruno
22.06.12. 
06.09.24. 5èx. Vostfr

Récompenses: Grand Prix à Avoriaz, 1973
Emmy Awards du Meilleur Montage sonore en 1972