mercredi 15 octobre 2014

E.T (E.T. The Extra-Terrestrial)

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Steven Spielberg. 1982. U.S.A. 1h55. Avec Pat Welsh, Dee Wallace Stone, Henry Thomas, Peter Coyote, Robert MacNaughton, Drew Barrymore.

Sortie salles France: 26 Mai 1982 (Cannes). 1er Décembre 1982 (sortie nationale). U.S: 11 Juin 1982

FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis). 1971: Duel , 1972: La Chose (télé-film). 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode), 1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad, 1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004: Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, 2011: Les Aventures de Tintin, cheval de guerre.


"Je refuse de dire: parmi tous mes films, c'est celui-là que je préfère. Cela revient à dire que, parmi tous mes enfants, j'ai un préféré. La Liste de Schindler est le film qui compte le plus pour moi, mais E.T. est mon film le plus personnel. Dire qu'un film s'adresse à l'enfant qui est en nous est devenu un cliché. Pourtant, je pense qu'E.T. s'adresse à ce que nous sommes, à ce que nous avons été, et à ce que nous voudrions redevenir". Steven Spielberg.

Succès planétaire multi récompensé aux Etats-Unis, E.T est l'incarnation parfaite du divertissement féerique touché par la grâce. Car à travers la profonde histoire d'amitié d'un enfant et d'un extra-terrestre, Steven Spielberg a accompli un chef-d'oeuvre d'émotion, de fantaisie et de simplicité. Un conte merveilleux sur le droit à la différence, un message de tolérance pour la paix universelle, un message d'espoir pour l'existence extra-terrestre et une diatribe contre la vivisection animale (voire le châtiment des grenouilles pratiqué durant le cours scolaire qu'Elliot finira par libérer de leur condition d'expérimentation). L'art de narrer une histoire accessible à tous afin de nous replonger dans l'émerveillement de notre enfance, un alibi pour nous rappeler à quel point cette période virginale relevait de la magie existentielle !


Indéniablement naïf chez l'attendrissement de nos héros en culotte courte épris d'affection pour un E.T en perdition, Spielberg transcende leur comportement et leur réaction face à l'inconnu avec une sensibilité prude. A l'instar de l'attitude toute aussi innocente de l'extra-terrestre féru d'affection pour leur bonhomie et de curiosité pour leur innocence immature. C'est grâce à cet accueil chaleureux qu'E.T va donc pouvoir se réfugier au sein de leur cocon familial et grâce à leur soutien qu'il tentera d'entrer en contact avec ses proches afin de rentrer chez lui. Outre l'intense amitié émise entre lui et le jeune Eliott débordant de compassion et de confiance, l'aventure haletante est également à l'appel lorsque les enfants vont user de stratagèmes afin de déjouer les ambitions orgueilleuses des scientifiques et de l'armée. Ainsi, à travers leur attitude mégalo pour la recherche et l'observation d'une vie extra-terrestre, E.T met en exergue le caractère menaçant du monde des adultes résignés instinctivement à tout contrôler, et leur manque de considération face à la sagesse de l'enfant. Car ici ces derniers sont bels et bien les héros du film afin de nous rappeler l'importance de leur morale inscrite dans les notions de tolérance, de respect d'autrui et d'assistance à personne en danger. 


Sommet d'émotion dans les rapports amiteux échangés entre un garçonnet et un extra-terrestre, E.T transcende sa simplicité narrative avec une grâce enchanteresse et avec l'intimité d'un cinéaste à l'âme d'enfant marqué par le divorce de ses parents et de sa solitude prépubère. Outre la puissance lyrique des moments les plus émotifs que le score de John Williams harmonise, les effets spéciaux de Carlo Rambaldi ont surtout entrepris la prouesse de rendre expressive une créature animatronique à la fragilité humaine bouleversante. Une présence inoubliable pour un chef-d'oeuvre d'émotions candides. 

Bruno Matéï
4èx

                                           

mardi 14 octobre 2014

L'Horrible Invasion / Kingdom of the Spiders

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site exclamationmark.wordpress.com

de John Bud Cardos. 1977. U.S.A. 1h37. William Shatner, Tiffany Bolling, Woody Strode, Lieux Dressler, David McLean.

Sortie salles France: 31 Mai 1978. U.S: 23 Novembre 1977

FILMOGRAPHIE: John 'Bud' Cardos est un réalisateur, acteur et producteur américain, né le 20 Décembre 1929 à Saint Louis, Missouri. 1970: The red, white, and black. 1971: Drag Racer. 1971: The Female Bunch (non crédité). 1977: L'Horrible Invasion. 1979: The Dark. 1979: Le Jour de la fin des temps. 1984: Mutant. 1988: Act of Piracy. 1988: Skeleton Coast. 1988: Les Bannis de Gor.


En pleine vogue du film d'agression animale initié par Spielberg avec Les Dents de la Mer, John "Bud" Cardos reprend le même schéma catastrophiste en s'attardant ici à dépeindre l'invasion d'araignées mortelles au sein d'une bourgade de l'Arizona. Alors que les nanars numérisées prolifèrent sur nos écrans depuis quelques décennies, l'Horrible Invasion joue la carte de la série B artisanale. Ou plutôt de l'authenticité, nos monstres à huit pattes s'avérant ici de véritables mygales que le réalisateur aura recruté par milliers !!! Ainsi, les observer s'agripper sur l'échine des victimes instaure un indéniable malaise épidermique face à leurs attaques répétées, et ce sans que l'intrigue ne prenne le pas sur la surenchère. Avec la mise en cause des pesticides, les araignées se résignent aujourd'hui à dévorer le bétail d'élevage et les humains depuis que les insectes ont déserté les champs toxiques. Devenues résistantes et cinq fois plus venimeuses que la normale, elles décident de passer à l'offensive jusqu'à s'acheminer vers l'urbanisation de Verde Valley.


Aussi incongru soit-il, cet argument alarmiste demeure crédible de par la structure intelligente de son intrigue bâtie sur les dangers de la pollution. Le cinéaste optant également sur l'attente de la menace à grande échelle afin de suggérer suspense exponentiel ainsi qu'une étude de caractérielle. La première partie s'attachant à nous décrire le fardeau d'un couple de fermiers lorsque l'une de leur génisse et leur chien sont retrouvés empoisonnés par un venin foudroyant. Dépêchés sur les lieux afin de rendre un rapport d'expertise, un vétérinaire et une entomologiste (en instance d'idylle) se rendent à l'évidence que les araignées ont décidé de modifier leur instinct de survie afin de subvenir à leur besoin nutritif. Par petites touches, les incidents meurtriers vont progresser au fil de leur investigation et du soutien d'un shérif avenant, jusqu'à ce que les mygales s'en prennent physiquement à l'homme ! C'est là qu'intervient la seconde partie beaucoup plus haletante auprès de son lot de péripéties horrifiques où les arachnides prolifèrent en masse au sein d'une ville en état de marasme ou dans le vase clos d'un bar occupé par une poignée de survivants. Outre le caractère véritablement impressionnant de leurs attaques communes, l'efficacité de l'Horrible Invasion émane de cette conviction à nous faire croire que de simples mygales ont décidé d'anéantir l'espèce humaine comme le souligne son épilogue cauchemardesque dans toutes les mémoires.


En dépit de son aspect un tantinet télévisuel (renforçant par ailleurs son charme rétro), l'Horrible Invasion est une incroyable machine à frissons de par l'intervention d'authentiques arachnides et pour l'intensité viscérale de leurs exactions horrifiques. D'une intrigue simple mais efficace découlant également le caractère crédible d'une sobre interprétation et de la montée en puissance d'une menace aussi réaliste qu'insidieuse. Une référence toujours inégalée à ce jour. 

P.S: Un grand coup de chapeau à tous ces comédiens qui ont su faire preuve de sang froid et de bravoure pour se laisser agripper par ces nombreuses Mygales !

*Bruno
4èx
14/10/14
02/03/11

lundi 13 octobre 2014

TORSO (I Corpi presentano tracce di violenza carnale)

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site silverferox.blogspot.com

de Sergio Martino. 1973. Italie. 1h33. Avec Suzy Kendall, Tina Aumont, Luc Merenda, John Richardson, Roberto Bisacco, Ernesto Colli, Angela Covello, Carla Brait.

Inédit en salles en France.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Sergio Martino est un réalisateur, producteur et scénariste italien né le 19 Juillet 1938 à Rome (Italie).
1970: l'Amérique à nu. Arizona se déchaine. 1971: l'Etrange vice de Mme Wardh. La Queue du Scorpion. l'Alliance Invisible. 1973: Mademoiselle Cuisses longues. 1973: Torso. 1975: Le Parfum du Diable. 1977: Mannaja, l'homme à la hache. 1978: La Montagne du Dieu Cannibale. 1979: Le Continent des Hommes poissons. Le Grand Alligator. 1982: Crimes au cimetière étrusque. 1983:2019, Après la Chute de New-York. 1986: Atomic Cyborg. 1989: Casablanca Express. 1990: Mal d'Africa. Sulle tracce del condor.


Inédit en France, que ce soit lors de sa sortie en salles ou en Dvd, Ecstasy of  Films nout fait aujourd'hui l'honneur d'exhumer Torso de son silence avec une édition Blu-ray de prestige ! Tant en en terme de qualité d'image au grain respecté que de bonus passionnants, les fans auront de quoi s'enthousiasmer pour le (re)découvrir et l'insérer scrupuleusement dans leur collection ! A Pérouse, des étudiantes sont retrouvées étranglées avec le foulard rouge d'un mystérieux tueur. Avec trois de ses amies, Daniela décide de se reculer dans une villa bucolique. Mais l'assassin rode aux alentours... En vogue giallesque, Sergio Martino reprend du service en 1973 pour entreprendre un thriller un peu plus violent et érotique que ces prédécesseurs, même si le gore n'intervient plutôt que dans la résultante des crimes. Les filles dénudées sont donc ici sévèrement molestées, strangulées puis démembrées par un tueur masqué jouant parfois à cache-cache devant leur témoignage. Précurseur du Slasher, Torso annonce clairement le renouvellement du thriller horrifique dont Halloween et Vendredi 13 en seront ses illustres modèles. Tant au niveau de l'apparition fantomatique du tueur, de sa physionomie occultée par un masque que de l'aménagement du huis-clos auquel la dernière victime tentera de déjouer ses agissements meurtriers. 


Si la première partie de l'intrigue n'a véritablement rien de transcendant (meurtres en pagaille, jeu de suspicion envers quelques témoins, étreinte polissonne saupoudrée de saphisme et d'échangisme), Sergio Martino possède suffisamment de métier pour ne pas attiser l'ennui du spectateur. Principalement dans le stylisme alloué aux meurtres violents comme de sa réalisation chiadée où l'esthétisme des images (notamment l'éclairage soigné de la photo) importe beaucoup. Mais le clou du spectacle à suspense intervient lors de sa seconde partie régie en mode claustration puisqu'une survivante va se retrouver prisonnière malgré elle dans l'intimité de sa villa parmi l'intrusion du tueur ! Avec ses démembrements à la scie et ses quelques plans gores explicites, Torso tente de rivaliser d'audaces pour dépoussiérer le genre sans toutefois sombrer dans le racolage facile. Pour preuve, le meurtre des trois jeunes filles à l'intérieur de la villa nous est établi hors-champs, le réalisateur préférant se focaliser sur le voyeurisme du spectateur et celui de l'héroïne lorsque cette dernière s'efforce de guetter les agissements de l'assassin se débarrassant des victimes ! Cette deuxième partie peut même évoquer le fameux Bloody Bird de Michele Soavi dans le rapport de force du tueur et de la victime auquel figure notamment l'importance d'une clef, dans la facture baroque de l'ameublement de la maison, et dans l'inventivité de sa réalisation aux cadrages alambiqués. Si l'identité de l'assassin et la révélation traumatique de son mobile n'excellent pas dans la stupeur, elles s'avèrent suffisamment crédibles pour accepter son rituel morbide enfoui dans une réminiscence enfantine.  


Avec sa réalisation inventive exploitant habilement les recoins d'une Villa et l'ambition de l'auteur à se démarquer du traditionnel Giallo, Torso ouvre la voie du Slasher des années 80 avec une modernité d'autant plus surprenante qu'il prend le parti de jouer avec la complicité voyeuriste du spectateur et de l'héroïne ! Ajoutez à cela un superbe score des frères Angelis et la facture exotique d'une campagne italienne souillée par le meurtre et vous obtenez un Giallo affûté. 

Remerciement à Christophe Cosyns et Ecstasy of Films.
Bruno Matéï
2èx

vendredi 10 octobre 2014

Nuits de Cauchemar / Motel Hell

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemaknifefight.wordpress.com

de Kevin Connor. 1980. U.S.A. 1h45. Avec Rory Calhoun Nancy Parsons, Nina Axelrod, Wolfman Jack, Elaine Joyce, Monique St. Pierre.

Sortie salles France: 19 Novembre 1980. U.S: 18 Octobre 1980

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Kevin Connor est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né en 1937 à Londres (Royaume-Uni). 1973: Frissons d'outre-tombe. 1975: Le 6è Continent. 1976: Trial by combat. 1976: Centre Terre, septième continent. 1977: Le Continent Oublié. 1978: Les 7 cités d'Atlantis. 1979: Le Trésor de la Montagne Sacrée. 1980: Nuits de Cauchemar. 1982: La Maison des Spectres. 

"On ne revoit pas les classiques systématiquement par devoir ou par respect, mais plutôt par amour."
 
"Amour, viande et tronçonneuse"
Spécialiste de l’aventure fantastique tous publics (Le 6e Continent, Centre Terre, Le Continent Oublié, Les 7 Cités d’Atlantis, Le Trésor de la Montagne Sacrée…), alors qu’il s’était fait connaître avec l’excellente anthologie horrifique Frissons d’outre-tombe, Kevin Connor renoue avec son premier amour dans le cultissime Nuits de Cauchemar.

Film d’horreur semi-parodique imprégné d’humour noir, cette farce macabre marqua toute une génération de cinéphiles par le truchement d’un concept insolite… culminant dans un duel à la tronçonneuse que personne n’attendait !

Le pitch : propriétaires d’un motel et fermiers réputés pour leur viande fumée artisanale, Vincent et sa sœur kidnappent des touristes pour les enterrer vivants dans un jardin secret. Mais lorsque Vincent sauve la vie d’une jeune motarde et l’accueille chez lui, son quotidien bascule : la rescapée lui avoue ses sentiments, attisant la jalousie de sa sœur.

Avec un point de départ aussi grotesque que débridé, Nuits de Cauchemar ne peut que ravir le fantasticophile en quête d’histoires insolites. Connor redouble d’ironie : les sarcasmes du duo psychopathe fusent, railleurs envers leurs victimes ; les seconds rôles, eux, rivalisent d’extravagance et de lubricité.

Sur ce point, difficile d’oublier le couple de touristes venus louer une chambre pour s’adonner à leurs jeux sado-maso, sous l’œil goguenard des fermiers prêts à les cueillir. Ou encore l’omniprésent shérif du coin (le frère de Vincent), épris lui aussi de la rescapée, mais aussi empoté qu’inoffensif dans ses tentatives de séduction.
Et c’est là l’une des forces du film : ce caractère résolument attachant des meurtriers anthropophages, dont la bonhomie hospitalière tranche avec la cruauté nocturne. Leur souci d’éluder la souffrance des victimes avant l’abattage, et la justification écolo de cuisiner leur chair, renforcent même une forme de déontologie aussi absurde qu’hilarante.

Au cœur de cette farce morbide, la romance naissante entre la jeune femme et le sexagénaire Vincent suscite une réelle empathie. Leur relation improbable, empreinte de tendresse contrariée, évoque la pathologie régressive d’un Norman Bates en sommeil.

Mais au-delà de cette galerie de doux dingues, c’est surtout dans ses fulgurances macabres que Nuits de Cauchemar atteint des sommets : ces scènes d’anthologie où les victimes enterrées, encore vivantes, gémissent leur condition de “légume” sont d’une étrangeté hallucinée, vues nulle part ailleurs. Rien que pour ces audaces génialement saugrenues – soutenues par une bande-son volontairement malaisante – le film mérite d’être vu. Et revu.


"Les légumes crient la nuit".
Porté par la mélodie suave de Lance Rubin, ancrée dans toutes les mémoires, Nuits de Cauchemar charme par l’exubérance de ses personnages hors-sol et par son concept meurtrier littéralement incongru (euphémisme). Ajoutez-y une ambiance macabre des plus insolites, une pincée de sang vers son point d'orgue belliqueux à contre-emploi, et un humour noir franchement corsé… et vous obtenez une farce sardonique d’une inépuisable fringance, impossible à égaler.

*Bruno 
5èx. Vost

jeudi 9 octobre 2014

Une Femme sous Influence / A Woman Under the Influence

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site gallerytheimage.com

de John Cassavetes. 1974. U.S.A. 2h17. Avec Gena Rowlands, Peter Falk, Fred Draper, Lady Rowlands, Katherine Cassavetes, Matthew Laborteaux, Matthew Cassel, Christina Grisanti.

Sortie salles France: 20 Septembre 1974. U.S: 14 Avril 1974.

FILMOGRAPHIE: John Cassavetes est un réalisateur, scénariste et acteur américain, né le 9 Décembre 1929 à New-York, décédé le 3 Février 1989 à Los Angeles.
1959: Shadows. 1961: Too late blues. 1963: Un Enfant attend. 1968: Faces. 1970: Husbands. 1971: Minnie et Moskowitz. 1974: Une Femme sous Influence. 1976: Meurtre d'un bookmaker chinois. 1978: Opening Night. 1980: Gloria. 1984: Love Streams. 1985: Big Trouble.


Drame erratique d'une intensité rigoureuse, Une Femme sous Influence traite de la crise conjugale lorsqu'une mère de trois enfants finit par sombrer dans la démence. Mariée à un contre-maître beaucoup plus présent sur le chantier qu'au foyer, Mabel finit par perdre pied avec sa réalité, faute d'une solitude trop lourde à gérer malgré la compagnie insolente de ses charmants bambins. Sans oser dévoiler à son mari sa réticence d'accepter au foyer ses collègues de chantier pour un dîner amical, Mabel réveille l'inconscience de sa rancoeur en adoptant l'attitude d'une femme effrontée aux penchants alcooliques. Spécialiste du cinéma-vérité, John Cassavetes nous autopsie l'intimité d'un couple à l'instar d'un documentaire pris sur le vif. Sa mise en scène méticuleuse auscultant les tourments des amants devant le témoignage familial avec une indiscrétion dérangeante. Car dévoués corps et âme pour retranscrire leurs émotions, les comédiens vivent plus qu'ils ne jouent leur expérience humaine sans jamais faire preuve de pathos tape à l'oeil.   


Il faut dire que dans le rôle de Mabel, Gena Rowlands livre une interprétation viscérale aussi vertigineuse qu'éprouvante dans sa difficile convalescence à s'extraire de sa névrose. Bouleversante car sidérante de fragilité névralgique, l'actrice retransmet une telle vérité humaine que l'on éprouve le même malaise que les protagonistes observant de manière impuissante sa déchéance mentale d'une intensité rarement égalée au cinéma. Dans la peau d'un époux renfrogné trop irascible car agissant souvent sous l'impulsion avant de réfléchir, Peter Falk parvient à lui donner la réplique avec autant de rigueur d'une certaine façon secondaire dans sa posture de machiste lourdement contrarié. Un prolétaire courageux plutôt respecté par son entourage et débordant d'amour envers son épouse mais hélas sur la réserve lorsqu'il s'agit de lui communiquer ses sentiments ou lui offrir l'aplomb nécessaire afin d'assainir sa conduite morale. Etalé sur une durée de 2h27, cette confrontation rigoureuse d'un couple en perdition est entièrement dédiée à leur fracture psychologique alors que les témoignages amicaux et familiaux se contraignent de les soutenir en tant que simples spectateurs.


Drame intimiste d'un couple en crise identitaire, Une Femme sous Influence dresse l'introspection d'une femme trop fragile de sa condition désaxée en nous dévoilant frontalement les conséquences de la solitude et de l'incommunicabilité lorsque deux amants atrabilaires sont incapables d'y canaliser leurs émotions. Un grand moment de cinéma-vérité porté par un réalisateur en acmé et un acte d'amour alloué à un duo de comédiens hors-pair gravés sur pellicule. 

Bruno
3èx

PER UN PUGNO DI SPAGHETTI (Pour une poignée de Spaghettis). Court-Métrage.


Un court-métrage de Pascal Frezzato. 2014. France. 10'14". Avec Bruno Dussart, Patrick Lalande, Adrien Erault, Christophe Masson, Dominique Botras

FILMOGRAPHIE: Pascal Frezzato est un réalisateur français de court-métrage, né le 4 Décembre 1972.
2010/11: Predator. 2012: Le Règne des Insectes. 2013: Memory of the dead. 2014: Pour une poignée de Spaghettis.


Duel: combat par les armes soumis à des règles précises dans l'opposition de deux adversaires, l'un demandant à l'autre réparation pour une offense ou un tort.

Après avoir traité de manière intimiste le drame post-apo (le Règne des Insectes) et l'horreur gore chère au zombie movie (Memory of the Dead), Pascal Frezzato change de registre pour rendre hommage au western spaghetti avec Pour une poignée de Spaghettis. D'une durée minimaliste de 10 minutes, l'intrigue se concentre uniquement autour d'un duel inéquitable échangé entre un Etranger et un quatuor de rebelles. L'intérêt de l'enjeu résidant dans l'éventuelle raison de leur confrontation, quand bien même le cinéaste s'entache à mi-parcours de bouleverser la donne par le biais d'un revirement culotté. Bien entendu, je tairais toutes traces d'indices pour ne pas déflorer son rebondissement imprévu mais la réussite du métrage émane également de cette démarche pittoresque à vouloir dépoussiérer un pitch éculé. Qui plus est, pour renforcer le caractère décalé de la situation, la plupart des protagonistes adopte une démarche tantôt maladroite, tantôt excentrique afin de provoquer amusement et hilarité.


Si les comédiens amateurs cabotinent inévitablement, on peut vanter leur charisme viril tant Pascal Frezzato a pris soin de rendre crédible la posture distinguée de cow-boys hérités du western de Sergio Leone. Pour preuve, dans la peau de l'Etranger qu'incarne héroïquement Bruno Dussart, l'accoutrement du poncho qu'il porte avec flegme et une physionomie mal rasée sont volontairement calqués sur la stature de Clint Eastwood dans Pour une Poignée de dollars. Tous ces cow-boys font donc preuve d'un réel pouvoir attractif dans leur costume dissemblable et réussissent surtout à nous amuser dans leur mimique et gestuelle volontairement caricaturée. Pascal Frezzato faisant également appel à l'intensité de bruitages afin de renforcer la dérision de leur comportement mesquin. On peut aussi souligner le jeu crédible de Christophe Masson, en barbu à la gâchette facile, et celui d'Adrien Erault, en mexicain couard, tant ils parviennent à provoquer la facétie dans leur expression hébétée. Techniquement soigné, tant au niveau des cadrages, du champ contre-champs que des plans serrés, Pascal Frezzato est aussi adroit pour fignoler l'image d'une nature solaire, saturée ici de teintes ocres afin de coller au plus près de l'ambiance aride du western transalpin. Quant à l'influence musicale d'Ennio Morricone, non seulement elle harmonise instinctivement l'atmosphère d'insécurité mais se permet en outre d'en ébranler sans complexe les tons lors de l'ultime affrontement.


Avec ce troisième court-métrage à budget extrêmement dérisoire (500 euros !), Pascal Frezzato honore le système Z dans sa volonté intègre de rendre hommage et de divertir parmi la complicité de comédiens amateurs au charisme plein de charme. La cocasserie qui émane de leur extravagance et l'incroyable revirement accordé à la chute de l'histoire risquent à coup sur de conquérir le public, partagé entre bouffonnerie et hilarité ! Scrupuleux dans sa mise en scène bricolée et plein d'affection pour ses personnages, on sent bien que l'auteur voue un indéniable amour à ses pistoleros bourrus et il le fait dignement savoir ici avec une fantaisie irrésistible !  

Un grand merci à Pascal Frezzato, Philippe Blanc et toute l'équipe du film ! 
Bruno Matéï

P.S: Le court-métrage est disponible ici : http://www.dailymotion.com/…/x28si2w_per-un-pugno-di-spaghe…
La seconde partie ici: https://www.dailymotion.com/…/x3eye27_per-un-pugno-di-spagh…

La critique du Règne des Insectes (le): http://brunomatei.blogspot.fr/2012/08/le-regne-des-insectes_13.html
La critique de Memory of the deadhttp://brunomatei.blogspot.fr/2013/11/memory-of-dead-court-metrage.html

                                       

mercredi 8 octobre 2014

ROMEO IS BLEEDING

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

de Peter Medak. 1993. U.S.A/Angleterre. 1h49. Avec Gary Oldman, Lena Olin, Annabella Sciorra, Juliette Lewis, Roy Scheider, Michael Wincott.

Sortie salles France: 2 Mars 1994. U.S: 4 Février 1994

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Peter Medak est un réalisateur et producteur hongrois, né le 23 Décembre 1937 à Budapest (Hongrie).
    1980: L'Enfant du Diable. 1981: La Grande Zorro. 1991: L'âge de vivre. 1993: Romeo Is Bleeding. 1998: La Mutante 2.


    En pleine vogue du polar rouge sang inauguré par Tarantino (Reservoir Dogs), Peter Medak, réalisateur attitré d'un authentique chef-d'oeuvre de l'épouvante (l'Enfant du Diable), nous propose avec Romeo is Bleeding une descente au enfers vertigineuse. Un film noir si cauchemardesque qu'il effleure parfois le genre horrifique avec un réalisme acéré. Jack Grimaldi, flic corrompu exerçant des transactions avec une mafia, va devenir la cible préférée d'une tueuse russe après avoir hésité de la supprimer sous l'autorité de ses malfaiteurs. Traqué et incessamment persécuté, il va devoir user de bravoure et subterfuge afin de déjouer la mafia et la criminelle lancés à ses trousses. Polar éprouvant s'il en est, Romeo is Bleeding est une farce vénéneuse imperturbable dans son cheminement macabre où les morts s'acheminent sous l'allégeance d'une redoutable criminelle. Portrait cinglant imparti à une misandre aussi dégénérée que perspicace, l'intrigue est majoritairement bâtie sur ses exactions crapuleuses où le masochisme pervers côtoie les étreintes sexuelles parmi la soumission de son amant.


    Pour incarner cette femme fatale au regard reptilien, Lena Olin transfigure l'une des mantes religieuses les plus terrifiantes jamais vues sur un écran ! Autant affirmer que l'actrice excelle dans son art (viscéral) de séduction à adopter la démarche d'une psychopathe cynique. Habitée par le fiel et l'arrogance pour railler la gente masculine, son parcours sanglant est établi en fonction de sa suprématie à berner les mâles infidèles et mafieux en tous genres ! En flic vénal multipliant les infidélités conjugales et les escroqueries financières, Gary Oldman lui partage la vedette avec une névrose toujours plus instable au fil de son parcours meurtrier. Sa partenaire l'incitant à l'occasion opportune de tuer certains rivaux gênants afin de lui faire porter le chapeau. Entre ses deux partenaires inflexibles, l'intrigue s'agence donc à la guerre des sexes, à l'épreuve de force, au défi du chat et de la souris qu'ils vont s'accorder avec sadomasochisme ! Au-delà de sa mise en scène parfaitement maîtrisée, Peter Medak fait appel aux dialogues ciselés afin de méditer sur l'influence du Mal, de la cupidité, des conséquences de la corruption, et sur l'idéologie précaire de l'amour ("nous appartenons à l'amour" et non l'inverse, évoquera Grimaldi en monologue !). Emaillé de rebondissements imprévisibles où la violence stylisée explose sans sommation, Romeo is Bleeding insuffle également une tension dérangeante dans la psychologie torturée de notre anti-héros sévèrement molesté. Cette traque sans répit échangée entre ces adversaires s'octroie par ailleurs de distiller un climat malsain proche du marasme, de par la perversité sadique octroyée à la dominatrice insatiable !


    Femme Criminelle
    Chef-d'oeuvre du polar malsain d'une cruauté insoupçonnée, Romeo is Bleeding fait aussi appel à la méditation pour dépeindre la dérive véreuse d'un flic à bout de souffle mais résolu à se raccrocher à l'absolution. Quant à la mécanique du thriller poisseux, Peter Medak transcende le portrait d'une criminelle narcissique avec une perversité viscérale aussi perturbante que terrifiante. 

    Bruno Matéï
    3èx

    mardi 7 octobre 2014

    Halloween 3, Le Sang du Sorcier / Halloween 3, Season of the Witch

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant à Cinemapassion.com

    de Tommy Lee Wallace. 1982. U.S.A. 1h38. Avec Tom Atkins, Stacy Nelkin, Michael Currie, Dan O'herlihy, Ralph Strait

    Sortie salles France: 9 Mars 1983. U.S:

    BIOGRAPHIETommy Lee Wallace (né le 06/09/1949) est un réalisateur, producteur, chef accessoiriste, monteur, chef décorateur et scénariste américain. C'est à lui que l'on doit la suite de Vampires, vous avez dit vampires ainsi que le télé-film Ca d'après Stephen King tandis qu'Halloween 3 était son premier essai derrière la caméra. Il a également été scénariste pour le film Amityville 2 et responsable du montage de Halloween de Carpenter.


    "Je vous demande de m’croire, je vous en prie, croyez-moi ! Arrêtez cette émission, je vous en supplie !
    Ça continue sur la 3e chaîne, regardez, regardez la 3e chaîne ! Elle continue !
    Arrêtez-la, je vous en prie, pour l’amour du ciel, coupez tout !
    Coupez ! Il n’y a pas de temps à perdre !
    Je vous en supplie, arrêtez l’émission ! Coupez, arrêtez, coupez… coooouuuuupeeeeeeeeeezzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!"

    Troisième volet d’une franchise aussi emblématique que celles de Freddy ou Vendredi 13, Halloween III : Le Sang du Sorcier demeure paradoxalement le plus mal-aimé de la saga. Une injustice d’autant plus criante qu’il s’agit d’une variation brillante sur les racines celtiques d’Halloween. Produit avec un budget de 2 500 000 dollars, il n’en rapporta que 14 400 000 au box-office américain. Un score jugé répréhensible parmi les dix volets, renforcé par des critiques virulentes dénonçant son audace comme une trahison. Pourtant, à condition de laisser de côté le modèle Carpenterien, cet écart de conduite s’impose comme l’épisode le plus couillu de la série !

    Le Pitch: Un ancien fabricant de jouets, employé par la société Silver Shamrock, se réfugie paniqué à l’entrée d’un hôpital, un masque d’Halloween à la main. Quelques heures plus tard, un homme en costume noir lui perfore les orbites, avant de s’immoler dans sa voiture. Le lendemain, sa fille Ellie se confie à un médecin, Dan Challis, affirmant que son père se méfiait de la société Shamrock. Tous deux se rendent dans une bourgade californienne sous emprise, dominée par une usine gardée par des hommes étrangement silencieux, et dirigée par Conal Cochran, génial inventeur irlandais prêt à orchestrer… la plus grande farce meurtrière de l’histoire.

    Wallace et Nigel Kneale retournent aux origines sanglantes d’Halloween : fêtes païennes, rituels de mort, sacrifices humains. L’idée saugrenue d’un industriel voulant "purger" la jeunesse par une hécatombe planétaire devient proprement jouissive. Derrière chaque masque se cache une puce électronique, connectée à un signal télévisé déclenché le soir du 31 octobre. Résultat ? Des crânes d’enfants qui fondent dans une gerbe d’insectes et de serpents. Un délire narratif à la fois absurde, macabre et terriblement menaçant, porté par une ambiance glauque et poisseuse. La petite ville, figée dans un calme étrange, imposant le couvre-feu à ses habitants comme dans un cauchemar Orwellien.

    Le score électronique de Carpenter et Howarth injecte à la pellicule une énergie sourde, funèbre, hypnotique. Tandis qu’un jingle publicitaire d’une ironie cartoonesque vient hanter le spectateur. Wallace s’empare de son script avec rage et lucidité, enchaînant les péripéties dans un montage nerveux qui préserve les secrets des effets spéciaux jusqu’à leur explosion finale — notamment la mort sidérante d’un enfant, cobaye d’une démonstration funeste sous les yeux de ses parents.

    Dans le rôle du docteur désabusé, Tom Atkins est impeccable, incarnant la virilité fatiguée d’un homme traînant sa solitude entre deux verres, mais soudain happé par l’urgence d’un mystère. Stacey Nelkin, quant à elle, campe une jeune femme pugnace, mue par le deuil et la colère. Et que dire de Dan O’Herlihy, en génie cynique et glacial ? Terrifiant dans sa vision morbide d’un Halloween réenchanté par le sang des enfants.

    Malgré quelques facilités scénaristiques (notamment l’infiltration éclair du héros dans le système informatique), Halloween III reste une réussite totale. Parce qu’il ose. Parce qu’il dérape. Parce qu’il dézingue la société de consommation et la toute-puissance des médias dans un final nihiliste d’une force hallucinante. La télévision devient le vecteur d’une tuerie programmée. Le chaos s’invite sur toutes les chaînes.

    Attention véritable classique.

    *Bruno
    18.08.23. 5èx. Vostfr
    07.10.14
    01.11.10


    lundi 6 octobre 2014

    Les 3 Visages de la Peur / I Tre Volti della Paura / Black Sabatth

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site tumblr.com

    de Mario Bava. 1963. Italie. 1h28. Avec Michèle Mercier, Lydia Alfonsi, Boris Karloff, Mark Damon, Susy Anderson. Jacqueline Pierreux, Milly Monti.

    FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).


    "Trois visages, un seul cauchemar : la peur sculptée par Mario Bava".
    Après avoir posé les bases du giallo avec La Fille qui en savait trop, Mario Bava s’essaie, la même année, au film à sketch avec une trilogie de l’épouvante : Les Trois Visages de la Peur. Transcendé par une mise en scène appliquée, où l’ambiance onirico-macabre prime sur la logique narrative, le film s’articule autour de trois figures hostiles — autant de masques cauchemardesques destinés à attiser la peur. Celui d’un tueur anonyme harcelant son ancienne maîtresse au téléphone ; celui d’un vampire hantant une famille de paysans ; celui enfin d’un spectre vengeur revenu réclamer une bague volée à son cadavre encore tiède.

    Le premier sketch, thriller en huis clos, joue la carte du suspense tendu, porté par un scénario retors jalonné de deux rebondissements cinglants. L’intérêt naît dans l’inattendue révélation de la culpabilité de l’assassin — avant qu’un nouvel intrus ne relance, in extremis, l’enjeu de survie de l’héroïne. Perfide, sensuel, captivant, le segment insinue le saphisme en filigrane, et s’enrobe d’un esthétisme raffiné : broderies, sculptures, drapés — un cocon luxueux devenu piège. Sa conclusion, férocement ironique, claque comme un fouet.


    La seconde histoire s’enracine dans le mythe vampirique — ici incarné par les Wurdulaks, d’après une légende russe. Plus classique dans sa construction, elle envoûte pourtant par son atmosphère et la stature du grand Boris Karloff, impressionnant en vampire bourru, maître dans l’art du subterfuge. Là encore, Bava enchante par la splendeur gothique de son univers : ciels d’encre, halos lunaires, clair-obscurs crépusculaires… une nuit azurée qui semble éternelle.

    Le troisième segment — le plus célèbre, le plus marquant — distille un poison lent. Celui de la terreur rampante, sournoise, presque silencieuse. Une infirmière, ayant dérobé une bague à une défunte, est peu à peu gagnée par la démence, assaillie par les signes d’un au-delà rancunier : une goutte d’eau qui résonne, une mouche qui obsède, une ombre dans le couloir. Atmosphérique en diable, ce conte vénéneux exploite chaque bruit, chaque silence, jusqu’à l’asphyxie. Visuellement, c’est un ballet lugubre dans des intérieurs aux décors archaïques, d’une beauté malade. Et surgit alors cette vision — celle d’une mégère rigide au rictus diabolique, au regard vide et exorbité — figure spectrale inoubliable, double d’épouvante qui s’impose comme une icône du cinéma d’horreur.


    Atmosphérique et stylisé, Les Trois Visages de la Peur brille par ses décors ciselés, magnifiquement éclairés, où chaque détail séduit tout en faisant frissonner. Mario Bava, esthète dans l'âme, y convoque l’angoisse, l’inquiétude, la sensualité (ces femmes italiennes — sans omettre Michèle Mercier, d’une fragilité fascinante, qui crèvent l’écran), mais aussi la terreur pure — servie par une réalisation studieuse, où l’imagination macabre épouse l’ironie insidieuse de l’humour noir. Une splendeur de chaque instant. 

    Bruno 
    29.05.25. 4èx


    vendredi 3 octobre 2014

    Borderland

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Zev Berman. 2007. Mexique/U.S.A. 1h45 (version longue). Avec Brian Presley, Rider Strong, Jake Muxworthy, Beto Cuevas, Martha Higareda, Sean Astin.

    Inédit en salles en France.

    FILMOGRAPHIE: Zev Berman est un réalisateur et scénariste américain.
    2003: Briar Patch. 2007: Borderland.


    Sorti directement en Dvd en pleine vogue du Tortur'Porn, Borderland s'inspire des méfaits authentiques d'une secte mexicaine dirigée par le gourou Adolfo Constanzo. Vers la fin des années 80, il kidnappa avec l'aide de ses disciples et de flics véreux des trafiquants de drogue pour les sacrifier lors de cérémonies. C'est à la suite de la disparition d'un jeune américain que la police Texane pu enfin découvrir leurs méthodes crapuleuses notamment mêlées au trafic de drogue. Mais afin d'éviter la prison, Adolfo Constanzo opta en dernier recours au suicide...
    De manière romancée, le récit illustre donc la virée estivale de trois touristes américains près de la frontière mexicaine pour profiter d'alcool et de sexe parmi les catins du coin. Alors que Ed se prend d'amitié avec une serveuse de bar, un de ses compagnons disparaît mystérieusement après avoir absorbé des champignons hallucinogènes. Avec l'aide d'un policier revanchard, unique rescapé d'un guet-apens commis un an au préalable par le "grand-prêtre", Ed et ses amis tentent de retrouver sa trace.


    A la vue de son prologue radical où diverses tortures sont infligées sur un policier menotté face au témoignage impuissant de son collègue, Borderland semble emprunter les sentiers balisés de l'horreur trash afin de répugner le spectateur. La séquence extrêmement violente adoptant réalisme cru et malaise diffus pour provoquer le haut-le-coeur sans céder toutefois à la complaisance facile. Si ensuite la virée touristique des jeunes américains semble calquée sur la série des Hostel, l'intrigue s'avère suffisamment captivante dans la gestion du suspense et parfois aléatoire dans le cheminement investigateur des héros pour s'y laisser embarquer. Outre l'étiquette "fait-divers" estampillée lors du générique liminaire, Borderland s'avère d'autant plus réaliste et insensé qu'il illustre avec acuité les motivations crapuleuses de véritables psychopathes originaires d'une secte mystique. Des assassins sans vergogne fanatisés par l'éthique de leur gourou qui commettront le rituel de sacrifices sur d'innocentes victimes ! Si le film insuffle une intensité émotionnelle davantage éprouvante, de par le sort réservé à deux autres victimes et par la tournure de son point d'orgue vindicatif, il le doit au caractère assez attachant des personnages pourvus de dimension humaine dans leur angoisses et leur désespoir d'y retrouver un ami sauf (bien que dernier soit plutôt mal caractérisé dans son état d'esprit trop naïf). En prime, l'atmosphère lourde et mystique qui règne autour de leur présence est notamment renforcée d'une splendide photo saturée mettant en valeur les décors exotiques d'une région mexicaine livrée à la corruption et aux forces du Mal.


    De par sa réalisation assez efficace, son interprétation plutôt impliquée (même si deux seconds-rôles  - la victime juvénile en proie au sacrifice et l'amie du héros -) demeurent discutables dans leur posture irresponsable ou irréfléchie) et surtout son réalisme parfois insoutenable, Borderland se tire honorablement des situations prévisibles afin de se démarquer du vulgaire Tortur'porn. Par l'entremise d'une intrigue improbable inspirée d'un authentique fait divers (comme le confirme également le générique de fin explicatif), cette série B aussi putride que franchement malsaine demeure d'autant plus malaisante, terrifiante et surtout éprouvante qu'elle amorce une intensité dramatique en crescendo lors du parcours précaire de nos héros confrontés à la symbolique sataniste d'une tribu mexicaine avide de sang frais pour tenir lieu de narcotrafic.
    Pour public averti.

    *Bruno
    14.01.25. 3èx. Vost

    jeudi 2 octobre 2014

    LES CHIENS DE PAILLE (Straw Dogs)

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Sam Peckinpah. 1971. Angleterre/U.S.A. 1h57. Avec Dustin Hoffman, Susan George, Peter Vaughan, T.P. McKenna, Del Henney, Jim Norton, David Warner,

    Sortie salles France: 9 Février 1972. U.S: 29 Décembre 1971

    Film classé R par le MPPA à sa sortie en salles aux Etats-Unis, classé X à sa sortie au Royaume-Uni, et interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie en salles en France.

    FILMOGRAPHIE: Sam Peckinpah est un scénariste et réalisateur américain, né le 21 Février 1925, décédé le 28 Décembre 1984. 1961: New Mexico, 1962: Coups de feu dans la Sierra. 1965: Major Dundee. 1969: La Horde Sauvage. 1970: Un Nommé Cable Hogue. 1971: Les Chiens de Paille. 1972: Junior Bonner. Guet Apens. 1973: Pat Garrett et Billy le Kid. 1974: Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia. 1975: Tueur d'Elite. 1977: Croix de Fer. 1978: Le Convoi. 1983: Osterman Week-end.


    "Ceux qui ont recours à la violence deviennent sourds au langage de la raison et aveugles aux réalités qui témoignent de sa nuisance." Logan Pearsall Smith.

    Considéré comme le film américain le plus controversé des seventies en terme d'ultra violence parmi ses confrères Orange Mécanique et Délivrance, Les Chiens de Paille reste sans doute l'oeuvre la plus éprouvante du trio de par son intensité requise où la folie meurtrière atteint son paroxysme lors d'un point d'orgue de règlements de compte. Le pitchUn couple de mariés s'installe dans une ferme anglaise, contrée natale de la jeune épouse. Afin d'arranger la toiture de leur grange, ils font appel à des ouvriers ne tardant pas à manifester leur attirance lubrique pour Amy, la femme du propriétaire. 
    Drame conjugal, survival et Vigilante movie se télescopent pour mettre en exergue le traitement de la discorde, de la violence et de l'instinct primitif enfoui en chacun de nous. Les Chiens de Paille s'édifiant en film "monstre", l'illustration radicale de la déchéance humaine lorsqu'une poignée d'insurgés sont soumis au rapport de force les poussant à commettre des actes irréparables. Profondément dérangeant et malsain (un sentiment trouble d'appréhension plane dans l'atmosphère jusqu'au carnage final), Sam Peckinpah nous entraîne ici dans une descente aux enfers, une dérive meurtrière jusqu'au-boutiste lorsqu'un mathématicien timoré et peu affirmé décide d'extérioriser sa colère afin de déjouer l'entêtement d'assaillants voulant pénétrer à l'intérieur de sa propriété.


    Précédemment mis au défi par sa femme immature l'ayant sollicité à lui prouver qu'il serait apte à  tenir tête à une bande de provocateurs, David profite de l'occasion pour lui démontrer son autorité et mettre en pratique une rébellion insoupçonnée afin de pouvoir gérer une situation de crise. Les conséquences de cet état de siège émanant de son soutien envers un villageois qu'il eut recueilli chez lui après l'avoir renversé avec son véhicule. En attendant le médecin et la police, il décide donc de le prémunir contre la menace d'alcoolos revanchards. Spoiler ! Mais le hic s'avère que cet individu déficient commis un meurtre accidentel auprès d'une adolescente. Fin du spoiler. Fermement persuadés qu'il s'agit bien du coupable, le père de cette dernière et ses acolytes décidèrent d'encercler la ferme afin de réparer justice. Si dans cette dernière partie on pouvait craindre que le récit allait bifurquer vers la vengeance expéditive du point de vue du mathématicien (son épouse ayant été préalablement violée par deux des ouvriers !), Sam Peckinpah renforce le malaise si bien que David se transforme en machine à tuer uniquement par esprit de défi afin de préserver Spoiler ! le meurtrier d'une adolescente. Fin du Spoiler. De par l'illustration crue du double viol commis précédemment, là encore le cinéaste impliqua un malaise trouble afin de souligner l'ambiguïté morale d'une jeune épouse instable et aguicheuse, partagée entre peur et dégoût d'une sexualité forcée et celui d'un soupçon de laxisme accordé à l'un de ces agresseurs (ce dernier s'avérant une de ses anciennes idylles). Ainsi, en illustrant le portrait de métayers alcoolos et pervers avec celui de la complicité d'une potiche puérile, notamment sollicitée à défier la virilité de son époux, Sam Peckinpah libère les conséquences dramatiques de leur bassesse humaine. Quand bien même l'intelligence du mathématicien (il élabore scrupuleusement des pièges mortels contre l'oppresseur !) renouera avec ses pulsions animales pour s'y défendre et leur prouver son assurance impérieuse.


    Chef-d'oeuvre de suspense d'une intensité rarement égalée à travers son paroxysme d'une fureur animale, Les Chiens de Paille éprouve jusqu'au malaise de par son cheminement pervers irréversible. Avec une rare lucidité dans la puissance de ces images viscérales et pour ces thèmes traités, il nous interroge sur l'influence de la violence et l'engrenage de l'auto-défense lorsque l'instinct primitif y réveille nos pulsions les plus morbides.   

    La critique du Remake 2011: http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/les-chiens-de-paille-2011-straw-dogs.html

    Dédicace à Daniel Aprin
    Bruno Matéï
    4èx

    mercredi 1 octobre 2014

    The Crazies / La Nuit des Fous-vivants

                                                
                   (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site silverferox.blogpost.com. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives).

    de Georges A. Romero. 1973. U.S.A. 1h43. Avec Lane Carroll, Will MacMillan, Harold Wayne Jones, Lloyd Hollar, Lynn Lowry, Richard Liberty.

    Sortie salles France: 5 Juillet 1979. U.S: 16 Mars 1973

    FILMOGRAPHIE: George Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York. 1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead.


    "L’Amérique sous quarantaine : folie blanche sur fond de nappe phréatique"

    Réalisé cinq ans après La Nuit des Morts-Vivants, The Crazies annonce déjà la couleur — blafarde — d’une apocalypse imminente, prémices de celle déployée dans Dawn of the Dead.
    Tourné dans l’urgence avec un réalisme quasi documentaire, le film déploie cette même vigueur de montage, cette même violence sèche, où une poignée de survivants se retrouve à lutter, non contre des zombies, mais contre la brutalité aveugle de militaires en combinaison blanche. Un chaos qui évoque immanquablement le prologue de Zombie, lorsque la milice enfonce les portes d’un ghetto afro-américain et portoricain, ravagé par les morts-vivants.

    Le pitch : placée en quarantaine, la ville d’Evans City passe sous la coupe de la loi martiale, après qu’un virus a contaminé une partie de la population. Très vite, la situation dégénère. Certains refusent de se plier à l’autorité, et cinq résistants prennent la fuite, réfugiés dans une campagne aussi vaste que toxique.


    Tourné avec un budget dérisoire et porté par des comédiens souvent inconnus, The Crazies souffre de sa mise en scène fauchée, mais c’est précisément ce qui renforce son aspect docu-vérité. Ses défauts se fondent dans une atmosphère réaliste de crise sanitaire erratique, où les habitants deviennent tributaires d’une contamination invisible. Le récit, fertile en rebondissements, repose moins sur le spectaculaire que sur la tension brute : celle d’une quarantaine bâclée, imposée par des militaires irascibles à une population laissée dans l’ignorance, errante dans un brouillard d’incompréhension et de peur. Les victimes sombrent subitement dans la folie, puis dans le meurtre, après qu’un avion militaire s’est écrasé en relâchant un agent chimique dans la nappe phréatique.

    Encore une fois, George A. Romero capte avec un réalisme mordant la folie latente d’un monde contaminé, et montre comment la peur, la panique, et la paranoïa mènent les hommes à leur propre ruine. Méfiance, incommunicabilité, défiance : chacun se replie sur soi, seul face au chaos. En prime, le mensonge politique s’invite : l’armée, pour se couvrir, évoque un accident nucléaire plutôt qu’un échec d’arme chimique — dont elle est pourtant l’instigatrice.


    Une satire mordante sur la peur de l'autre et de l'inconnu
    Efficace, psychologiquement terrifiant, subversif, The Crazies déploie un pamphlet acide contre l’autoritarisme et les armes chimiques. Le sang coule, mais il souille autant les mains des militaires que celles des résistants, corrompus à leur tour dans une violence d’autodéfense. En dépit de sa maladresse et de son manque de rigueur formelle — qui, paradoxalement, lui donnent sa puissance brute —, le film reste une fascinante étrangeté aussi glaçante que désespérée. Un portrait sans fard de l’hypocrisie humaine, où l’individualité se désagrège dans la peur, et où l’inconnu devient le reflet terrifiant de soi-même.

    *Bruno
    4èx. 14.05.25. Vostf