lundi 6 juillet 2015

Freddy 5, l'Enfant du Cauchemar. Prix de la Critique, Fantasporto 1990.

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site movieposter.com

"A Nightmare on Elm Street 5: The Dream Childde Stephen Hopkins. 1988. U.S.A. 1h29. Avec Robert Englund, Lisa Wilcox, Kelly Jo Minter, Erika Anderson, Danny Hassel.

Sortie salles France: 5 Août 1990. U.S: 11 Août 1989

FILMOGRAPHIE: Stephen Hopkins est un réalisateur américain né en 1958 en Jamaïque. 
1987: Dangerous Game. 1989: Freddy 5. 1990: Predator 2. 1993: La Nuit du Jugement. 1994: Blown Away. 1996: L'Ombre et la Proie. 1998: Perdus dans l'Espace. 2000: Suspicion. 2004: Moi, Peter Sellers. 2007: Les Châtiments. 2016: Race.


Cinquième volet d’une saga lucrative, Freddy 5 : L’Enfant du Cauchemar tire parti d’un scénario plus original que certains opus précédents et d’un esthétisme gothique que personne n’attendait. Il s’abandonne à une scénographie onirique, aussi ténébreuse que cauchemardesque.

Synopsis : rescapée du précédent épisode, Alice doit de nouveau affronter l’arrogance nécrosée de Freddy, qui, pour parfaire sa résurrection, s’en prend cette fois… à son enfant à naître. Par une stratégie insolite — infiltrer les songes d’un fœtus pour atteindre les vivants, et s’abreuver de leurs âmes pour mieux renaître — le croquemitaine déploie son emprise jusqu’à contaminer l’entourage d’Alice, pris au piège dans leurs propres rêves. Pour protéger son futur enfant, ses amis, et anéantir Freddy, Alice s’unit à Amanda Krueger dans un ultime combat contre l’ombre.

Réalisateur prolifique des années 90 (Predator 2, Blown Away, Les Châtiments), Stephen Hopkins orchestre ici un divertissement certes classique dans sa trame, mais d’une efficacité indéniable, et surtout animé d’une inspiration visuelle singulière. Avec un soin particulier accordé à la fusion d’une ambiance gothique sépulcrale et de scènes horrifiques gorgées de rebondissements et de cruautés sardoniques, Hopkins ranime l’esprit fiévreux du cauchemar.


Et si le scénario n’aligne qu’une succession de confrontations héroïco-sanglantes entre Freddy et une poignée d’adolescents, ces séquences, nerveusement emballées, s’avèrent franchement inventives, immersives — presque sensitives. Car le rêve y devient matière vivante, malléable, transfigurée par un onirisme gothique littéralement renversant. Appuyé par une photo rutilante et des décors rigoureusement ciselés, le film dégage un pouvoir fascinatoire plus sombre, plus glauque, plus premier degré que ses prédécesseurs, embrassant sans ironie le vertige macabre de l’univers Krueger.

Certaines idées fortes — comme la coalition salvatrice d’Amanda et de Jacob pour déjouer les plans du démon — raniment la vigueur des confrontations, jusqu’à un acte final d’une démesure baroque. Si les seconds rôles juvéniles demeurent stéréotypés, Lisa Wilcox impose une présence forte et habitée, incarnant une maternité combative, lucide, rigoureusement pugnace. À mi-parcours, l’arrivée du jeune Whitby Hertford, étrange silhouette candide baignée de mélancolie, ajoute un souffle trouble, presque spectral. Son regard d’enfant trop grave insuffle à la trame une résonance fragile, inattendue, touchante d'une certaine manière.


"Les Songes Déviés de l’Enfant Maudit"
Malgré son (inévitable) air de déjà-vu et la simplicité de son canevas, compensée par quelques fulgurances — comme l’idée osée de prendre en otage l’esprit d’un fœtus pour perpétuer les exactions de Freddy — Freddy 5 : L’Enfant du Cauchemar s’impose comme une réussite singulière, à la fois efficace, soignée, ludique et fascinante. Les FX débridés demeurent d’une tenue remarquable. Stephen Hopkins y imprime une patte personnelle, traversée d’une ambition crépusculaire, renouant par moments avec l’angoisse adulte du premier opus. À réhabiliter d’urgence. À mes yeux, et au 6è visionnage, il est aujourd’hui devenu le plus fascinant de la saga après le chef-d’œuvre de Craven.

*Bruno Matéï
28.05.25. 6èx. Vost. 
30.12.21.

vendredi 3 juillet 2015

L'Armée des Morts / Dawn of the Dead

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site yellmagazine.com
 
de Zack Snyder. 2004. U.S.A. 1h49 (version intégrale). Avec Sarah Polley, Ving Rhames, Jake Weber, Mekhi Phifer, Ty Burrell, Inna Korobkina, Michael Kelly, Ken Foree, Tom Savini.

Sortie salles France: 30 Juin 2004. U.S: 19 Mars 2004

FILMOGRAPHIE: Zack Snyder est un réalisateur, scénariste et acteur américain né le 1er mars 1966 à Green Bay, Wisconsin (États-Unis). 2004 : L'Armée des morts (Dawn of the Dead). 2007 : 300. 2009 : Watchmen. 2010 : Le Royaume de Ga'hoole : La Légende des gardiens. 2011 : Sucker Punch. 2012 : Superman: Man of Steel. 2016: Batman v Superman: l'Aube de la Justice.
 
 
"Snyder éventre Romero".
Remake modernisé du mastodonte Zombie de Romero, L’Armée des Morts joue la carte d’une série B survitaminée, concentré d’horreur et d’action habilement conjugués. Sans céder à la tentation de l’esbroufe gratuite, Zack Snyder se démarque de son modèle inégalable par un dosage savant des genres : l’action, aussi explosive soit-elle, reste au service d’une narration fertile en rebondissements et en bévues humaines. On est d’ailleurs déjà soufflé par un prologue halluciné : un couple au foyer pris à partie dans l’intimité de leur chambre par la sauvagerie de la fille des voisins. La séquence, vorace, où la gamine infectée se jette sur la gorge de l’homme pour l’arracher à pleines dents, vrille les nerfs par la violence des corps, l’urgence des tentatives d’évasion, l’orage de sang hyperréaliste et la frénésie du montage, dopé par l’épouse affolée !

Le décor migre ensuite vers un mall où la mère rescapée et une poignée de survivants ratissent les galeries pour y établir leur bastion. L’Armée des Morts profite de la prestance charismatique de comédiens qui, vaillants ou couards, s’échinent à contenir l’ennemi : l’héroïne pugnace que Sarah Polley campe avec un naturel confondant, Jake Weber, présence secondaire mais humanité à fleur de peau, touchant jusque dans ses hésitations.


Exploité comme un labyrinthe de verre et de couloirs, le huis clos commercial expose d’abord nos survivants à un trio de réactionnaires assoiffés d’autorité. Passées les échauffourées, l’intrigue les replonge dans un quotidien précaire où le danger peut surgir du moindre recoin. Car l’intérieur lui-même se contamine : chaque morsure infecte, chaque infiltration coûte un morceau de chair. À l’extérieur, une horde d’infectés cerne la barricade, pressant de toutes parts pour la fracturer. Entre stratégies de défense et contre-attaques improvisées, d’autres rescapés s’invitent pour relancer la dynamique de groupe. Avec malice, Snyder corse l’épreuve : un quidam réfugié sur le toit d’un magasin d’en face leur adresse sa détresse à coups de pancartes — il faudra le secourir ou l’abandonner. Enfin, quand l’évasion devient ultime, le film décuple l’action épique et le gore exultant, dans une cavalcade à pied ou en camions bricolés, cap sur une île paradisiaque — clin d’œil sardonique au Jour des Morts-vivants.


"Zombies sous amphétamines, barricades sous tension".
Sans singer platement son aîné, Snyder insuffle à L’Armée des Morts un souffle neuf : un alliage nerveux d’action et de sang qui tâche, toujours au service du récit. Derrière l’intensité de ses rebondissements homériques, le film pulse aussi grâce à la virilité cabossée de comédiens trempés dans l’acier, opposant leur carcasse à des zombies sous amphétamines — un choix audacieux, relancé après 28 Jours Plus Tard de Boyle, qui hérissera peut-être le poil des puristes. Qu’importe : ce remake retors est un divertissement de haute volée, un ballet d’action intermittente, de sang festif et de concertation humaine, jusqu’à l’ultime escapade de tous les dangers.

Bruno 
3èx

jeudi 2 juillet 2015

TERREUR SUR LA LAGUNE

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site caveofcult.co.uk

"Solamente Nero / The Bloodstained Shadow" de Antonio Bido. 1978. Italie. 1h50. Lino Capolicchio, Stefania Casini, Craig Hill, Massimo Serato, Juliette Mayniel.

FILMOGRAPHIE: Antonio Bido est un réalisateur et scénariste italien né le 8 Janvier 1949
1977: Il gatto dagli occhi di giada. 1978: Terreur sur la Lagune. 1984: Barcamenandoci. 1987: Mak P 100. 1989: Aquile (télé-film). 1991: Blue Tornado. 2000: Battaglione San Marco.


Giallo sous-estimé préalablement découvert en VHS par les cinéphiles des années 80 sous l'étendard d'Hollywood Video, Terreur sur la Lagune se réapproprie des codes du genre avec une maladresse tout à fait attachante. Le réalisateur prenant soin de dupliquer le travail stylisé de Dario Argento avec motivation, que ce soit au niveau de l'ossature d'une narration machiavélique, de la mise en scène clippesque des meurtres ou des éclairages blêmes d'un Venise feutré préfigurant l'esthétisme pastel de Ténèbres. Un professeur, Stéphano, rend visite à son frère pasteur dans un hameau de Venise. Ayant préalablement sympathisé avec une jeune peintre durant son voyage ferroviaire, il reste fasciné par l'un de ces tableaux religieux illustrant la mort d'une fille par un démon. Au même moment, un mystérieux tueur s'en prend aux riverains pendant que le prêtre est sujet à un morbide chantage. 


Ersatz du genre aussi naïf que sympathique pour son intrigue à rebondissements compromise aux digressions, puis dans la bonhomie du couple de héros témoins malgré eux d'une succession d'assassinats quand bien même nombre de seconds-rôles peu recommandables font office de mine suspecte, Terreur sur la Lagune tire parti de son capital sympathie pour la sincérité du cinéaste à façonner un giallo dans sa noble tradition. L'ombre des Frissons de l'Angoisse planant d'ailleurs sur les épaules du professeur exposé au trauma infantile et curieux d'élucider l'énigme d'un tableau d'art sous icone catholique. Prenant pour cadre la cité littorale de Venise, Antonio Bido parvient à insuffler un sentiment envoûtant d'étrangeté éthérée, à l'instar des poursuites horrifiques ou de la déambulation des (rares) riverains suspectant avec vigilance l'étranger. Si les 2/3 tiers du film se concentrent sur la récurrente dérive criminelle du tueur masqué, le cinéaste prend soin de peaufiner la forme dans l'exploitation inventive de ces décors naturels (sépulture, presbytère, bâtisse gothique, berge, église) auquel victimes et assassin servent de figuration au spectacle gothico-baroque (notamment l'épure livide des éclairages urbains inscrits dans une architecture onirique). Rehaussé de la partition éclectique de Stelvio Cipriani, le film adopte la même sonorité entraînante des Goblin afin d'intensifier les situations d'appréhension et d'altercation dans une métronomie haletante et avant que n'intervienne la modestie des cruautés meurtrières. Quant à sa dernière partie multipliant avec efficacité les rebondissements et levant le voile sur une machination à tiroirs, l'intrigue s'avère suffisamment bien pensée pour s'y laisser berner et comprendre les aboutissants du tueur Spoiler ! tout en égratignant au passage la corruption religieuse Fin du Spoiler.


Si la plupart des interprètes cabotins surjouent modestement leur stature de victime ou de présumé coupable, l'indéniable empathie accordée au couple de héros et au prêtre de la paroisse permet de s'immerger dans une investigation criminelle éculée de prime abord mais assez surprenante dans le dénouement de sa dernière demi-heure fertile en péripéties et contrecoups. Un sympathique giallo donc tout à fait fréquentable, notamment pour son charme onirico-macabre imparti à sa confection argentesque !

Remerciement à Contrebande VHS
Bruno Matéï

                                       

mercredi 1 juillet 2015

IL ETAIT UNE FOIS UN MEURTRE. Prix du Jury au Festival du film Policier de Beaune, 2011

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

"Das letzte Schweigen / The Silence" de Baran bo Odar. 2010. Allemagne. 1h55. Avec Ulrich Thomsen, Wotan Wilke Möhring, Sebastian Blomberg, Katrin Sab, Burghart Klaubner.

Sortie salles France: 27 Avril 2011. U.S: 8 Mars 2013. Allemagne: 1 Juillet 2010

FILMOGRAPHIE: Baran bo Odar est un réalisateur suisse né le 18 Avril 1978. 
2006: Sous le soleil. 2010: Il était une fois un meurtre. 2014: Who Am I: Kein System ist sicher


Production allemande récompensée du Prix du Jury au Festival du film policier de Beaune, Le silence (titre beaucoup mieux subtil et approprié que son homologue français quant à l'issue de l'intrigue !) allie drame psychologique et thriller sous couvert d'un tabou brûlant, le trouble mental de la pédophilie. Le 8 juillet 1986, un pédophile circulant en voiture kidnappe une adolescente au moment où cette dernière emprunte un sentier bucolique à bicyclette. Le passager du véhicule observe impuissant au viol et à la strangulation de la fillette par son acolyte. 23 ans plus tard, le même jour estival, et sur les lieux du précédent homicide, une autre fille circulant à bicyclette est portée disparue. Persuadé qu'il s'agit du même agresseur, la police rouvre l'enquête quand bien même le coupable oculaire de l'affaire précédente tente de retrouver la trace de son compagnon meurtrier. 


Thriller psychologique au suspense perpétuellement tendu, notamment grâce à la sobriété sentencieuse des comédiens, le Silence préconise l'investigation policière de longue haleine afin d'élucider une affaire criminelle de pédophilie vieille d'un quart de siècle. On peut d'ailleurs saluer la pudeur dont le cinéaste fait preuve pour illustrer sans racolage quelques séquences difficiles par le biais d'un réalisme rugueux et de la conviction d'interprètes taillés sur mesure pour extérioriser face à l'écran des pulsions de déviance sexuelle. En parallèle d'une enquête émaillée d'indices et de rebondissements alertes, Baran bo Odar privilégie l'étude caractérielle du second pédophile, ancien témoin oculaire aujourd'hui époux et père de deux enfants mais contraint en l'occurrence de faire resurgir sa responsabilité d'un passé crapuleux. Par sa posture désespérée à tenter de découvrir l'auteur de cette nouvelle disparition et par sa difficulté ardue à refréner ses pulsions perverses, l'intrigue dilue un climat anxiogène particulièrement malsain lorsque le spectateur est contraint d'observer sa culpabilité existentielle en perdition. Pour renforcer l'acuité du contexte singulier, la narration est également impartie au portrait plus délétère du criminel pédophile, concierge d'immeuble vivant reclus dans un appartement parmi le fétichisme de ces fantasmes pédopornographiques. Enfin, en alternant le deuil insurmontable des parents de la première disparue avec la détresse des nouveaux parents redoutant une issue morbide pour le sort de leur fille, Le Silence allie suspense et ressort dramatique modéré afin d'escompter un dénouement potentiellement optimiste. 


Captivant et haletant dans l'ossature studieuse d'une investigation sordide, et donc éprouvant par le climat pervers régi autour des profils pédophiles, Le Silence se permet également de dénoncer le rôle (racoleur) des médias anticipant la résolution d'une affaire crapuleuse sans preuves tangibles, et la fonction expéditive d'une hiérarchie policière incapable d'élucider les auteurs d'infanticides. Un sombre thriller constamment sur le fil du rasoir dans sa narration indécise qu'une interprétation sans faille rehausse d'intensité dans leur fardeau moral, mais dont l'audace incongrue du dénouement risque d'en dérouter plus ! 

Remerciement à Pascal Frezzato
Bruno Matéï

mardi 30 juin 2015

Les Proies / The Beguiled

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site northwestchicagofilmsociety.org

de Don Siegel. 1971. U.S.A. 1h44. Avec Clint Eastwood, Geraldine Page, Elizabeth Hartman, Jo Ann Harris, Darleen Carr, Mae Mercer.

Sortie salles France: 18 Août 1971. U.S: 31 Mars 1971

FILMOGRAPHIE: Don Siegel (Donald Siegel) est un réalisateur et producteur américain, né le 26 Octobre 1912 à Chicago en Illinois, décédé le 20 Avril 1991 à Nipoma, en Californie.
1956: l'Invasion des Profanateurs de Sépultures. 1962: l'Enfer est pour les Héros. 1964: A bout portant. 1968: Police sur la ville. 1968: Un Shérif à New-York. 1970: Sierra Torride. 1971: Les Proies. 1971: l'Inspecteur Harry. 1973: Tuez Charley Varrick ! 1974: Contre une poignée de diamants. 1976: Le Dernier des Géants. 1977: Un Espion de trop. 1979: l'Evadé d'Alcatraz. 1980: Le Lion sort ses griffes. 1982: Jinxed.

  
"Clint Eastwood dans la toile : quand la luxure mène au supplice".
Sorti la même année que L'Inspecteur Harry, fer de lance du film d'auto-défense, Les Proies emprunte un chemin plus intimiste : celui du drame psychologique teinté d’un suspense vénéneux, explorant les rapports de force entre une ligue féminine recluse et un soldat nordiste. Grièvement blessé, le caporal McBurney est recueilli au sein d’un pensionnat sudiste que la rigide Martha Farnsworth dirige d’une main ferme, malgré les tensions de la guerre. Pour survivre — et espérer fuir — le blessé s’adonne à la séduction, jouant de ses charmes auprès de plusieurs pensionnaires durant la convalescence de sa jambe estropiée. Mais la jalousie latente de la directrice et de deux internes attise bientôt des passions meurtrières au sein d’une rivalité sexuelle et viciée.

En dépit de ses affiches — française comme américaine — qui promettent un western classique, Les Proies détourne les conventions du genre pour glisser vers un huis clos trouble, où le malaise suinte à chaque regard. Isolé au cœur de cette sororité confinée, McBurney devient lentement l’objet d’un piège dont la tension monte en spirale. Guerre des sexes inégale (l’élément perturbateur est ici seul contre toutes), le film dévoile, à travers le regard féminin, la montée d’une défiance sourde, puis d’une trahison foudroyante. Don Siegel y explore avec une finesse venimeuse les thèmes du désir et de l’éveil sexuel, de la jalousie et de la possession, de l’infidélité et de la manipulation — autant de passions fondées sur l’illusion, et condamnées à dégénérer. La descente aux enfers de McBurney devient alors la juste conséquence d’une stratégie de survie fondée sur la flatterie, la luxure, l’avidité sensuelle.


Dans ce jeu de séduction et de duperie, où les jeunes pensionnaires, victimes et prédatrices, libèrent leurs pulsions avant de s’effondrer sous le poids de la rancune, Siegel insuffle un malaise persistant. Tous ici sont marqués par une chute morale : le passé incestueux de Martha avec son frère, la tentative de séduction d’une fillette de 12 ans par McBurney (qu’il embrasse sur la bouche !), l’esclavage et le viol tapis dans le passé de la domestique… Autant de failles qui nourrissent une vendetta sanglante, irrespirable, où l’amour trahi devient poison, et la tendresse, arme blanche.

"Le soldat et la meute : chronique d’un massacre sensuel".
 Porté par un Clint Eastwood imprévu dans ce rôle de charmeur piégé par son propre venin, Les Proies transcende le simple drame psychologique pour flirter avec l’horreur psychique. Don Siegel laisse remonter à la surface les instincts les plus sombres d’un groupe féminin en ébullition, habité par la vengeance, la jalousie et le désir de justice sauvage. Un film incandescent, asphyxiant, qui gratte la plaie jusqu’à l’os.

Bruno
4èx

lundi 29 juin 2015

MESSIAH OF EVIL (le messie du mal)

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site rarehorror.com 

de Willard Huyck et Gloria Katz. 1971. U.S.A. 1h30. Avec Marianna Hill, Michael Greer, Anitra Ford, Joy Bang, Elisha Cook Jr, Royal Dano.

FILMOGRAPHIE: Willard Huyck est un réalisateur, scénariste producteur et acteur américain, né le 8 Septembre 1945 à Los Angeles, Californie, U.S.A. 1971: Messiah of Evil. 1979: French Postcards. 1984: Une Défense Canon. 1986: Howard le canard. Gloria Katz est une réalisatrice, productrice et actrice américaine, née le 25 Octobre 1942 à Los Angeles, Californie, U.S.A. 1971: Messiah of Evil.


Inédit en salles en France, Messiah of Evil est enfin exhumé de l'oubli grâce à l'étendard Artus Films ayant eu l'aubaine de l'éditer en Dvd en 2010. Film culte au sens étymologique du terme alors qu'il s'agit à la base d'une oeuvre de commande, cette série B au budget dérisoire tire parti de son pouvoir de fascination grâce à son ambiance crépusculaire particulièrement éthérée et grâce à la posture mutique d'antagonistes cannibales. Après avoir été alerté par une lettre, Arletty part rejoindre son père, artiste peintre, au sein du village de Point Dune. Sur place, elle constate chez lui son absence mais se retrouve rapidement interloquée par l'intrusion d'un trio d'individus aux motivations suspicieuses. Dans la ville, les évènements inquiétants se déchaînent au rythme d'exactions cannibales de citadins contaminés par un étrange mal. Ovni indépendant alliant le cinéma d'auteur et le film d'exploitation, Messahiah of Evil frappe d'emblée le spectateur de par son esthétisme baroque, les teintes dominantes de rouge et de bleu nous rappelant les fulgurances stylisées d'un certain Mario Bava.


Tourné en Techniscope (le parent pauvre du cinémascope nous évoquera Alain Petit dans le bonus Dvd d'Artus !) avec des comédiens pour la plupart méconnus (si on excepte l'héroïne et deux illustres apparitions secondaires); Messiah of Evil aborde une intrigue insolite assez déroutante auprès de l'errance nocturne de protagonistes en phase de questionnements. Celle de retrouver la trace d'un artiste peintre impliqué dans un fléau de grande ampleur et celle de saisir les aboutissants d'une communauté occulte de partisans se regroupant autour d'une plage pour escompter la venue d'un oracle un soir de lune rouge. Tout le film se focalisant sur les va-et-vient récurrents d'Arletty et de ses compagnons égarés dans une bourgade fantôme, quand bien même les rares habitants qui y résident sont atteints d'une étrange contamination depuis la prophétie d'un pasteur s'étant juré de revenir imposer sa malédiction tous les 100 ans. Avec une volonté d'égarer le spectateur à l'instar du fantasme irrationnel, Willard Huyck et Gloria Katz multiplie les séquences insolites par l'entremise d'un parti-pris pictural, poétique et atmosphérique. De par les décors baroques d'un design d'ameublement où des personnages politiques sont peints sur les murs, et l'atmosphère anxiogène irriguant les pores d'une plage ou du centre urbain. En prime, son rythme languissant et le comportement volontairement incohérent des personnages renforcent le propos du réalisateur délibéré à expérimenter une ambiance hermétique derrière l'ombre planante de Carnival of Souls !


Soutenu d'une envoûtante partition électro rappelant l'acoustique d'un Carpenter, Messiah of Evil se décline en plongée fantasmagorique de par le parcours indécis que l'héroïne arpente sous l'autorité indolente de fantômes inscrits dans l'aigreur (ils versent des larmes de sang à travers leur condition contagieuse). Rehaussé de la présence magnétique de la troublante Marianna Hill (l'Homme des hautes plaines, Le Parrain 2), cette expérience avec l'étrange puise sa densité et son impact émotionnel dans sa création formelle d'un univers cauchemardesque résolument tangible. 

Bruno Matéï
2èx
29.06.15
21.09.10 (222 vues)

vendredi 26 juin 2015

PENSIONE PAURA

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au blog l'antredel'horreur

de Francesco Barilli. 1977. Italie/Espagne. 1h32. Avec Luc Merenda, Leonora Fani, Francisco Rabal, Jole Fierro, José Maria Prada, Lidia Biondi, Maximo Valverde, Wolfango Soldati.

FILMOGRAPHIEFrancesco Barilli est un acteur, réalisateur et scénariste italien, né à Parme en 1943 (Italie). Comme réalisateur: 1968 : Nardino sul Po, 1974 : Il Profumo della signora in nero1977 : Pensione paura1987 : Cinecittà 50, 1991 : Le Dimanche de préférence,1997 : Casa Barilli (vidéo),1998 : Erberto Carboni (vidéo),2000 : Giuseppe Verdi (vidéo), 2002 : Giorni da Leone (feuilleton TV), 2005 : Il Palazzo ducale e il Bertoja a Parma (vidéo).
Comme scénariste: 1972 : Qui l'a vue mourir ? (Chi l'ha vista morire?), 1972 : Au pays de l'exorcisme, 1974 : Il Profumo della signora in nero, 1977 : Pensione paura, 2002 : Giorni da Leone (feuilleton TV).

                                         

Drame psychologique à la croisée du giallo et du polar, Pensione Paura s'avère un ovni délicieusement insolite dans la galerie impartie à ces seconds-rôles rustres ne songeant la plupart du temps qu'à forniquer au sein d'un hôtel lugubre, quand bien même un mystérieux tueur rode aux alentours. A la fin de la seconde guerre mondiale, la jeune Rosa attend impatiemment l'arrivée de son père parti au front depuis des années. Gérante d'un hôtel avec l'appui de sa mère, elle est contrainte de tolérer une clientèle peu recommandable dans leur goût pour la luxure et le voyeurisme. Alors que la mère de Rosa planque un amant dans un placard, cette dernière est retrouvée morte en bas de l'escalier, la nuque brisée. Livrée à elle même malgré la bonhomie sournoise du jules, la jeune fille se confronte aux provocations lubriques de sa clientèle. En particulier, un machiste ne cessant de la harceler avant de daigner dérober les diamants de sa vieille maîtresse. 


Trois ans après le Parfum de la dame en noir, superbe introspection psychanalytique d'un trauma infantile, Francesco Barilli renoue avec le même thème dans ce drame schizophrène pour mettre en exergue le portrait fragile d'une adolescente livrée à une inépuisable inquiétude depuis la mort de sa mère et l'absence paternelle. Métaphore sur le fascisme dans le profil alloué à une clientèle vile, collabo et expéditive, poème sur l'incapacité d'assumer le deuil et sur la perte de l'innocence, initiation à la maturité et à l'éveil sexuel, Pensione Paura se pare d'une aura singulière pour traiter ses thèmes sous l'impulsion d'une adolescente prise à parti avec l'arrogance d'une salace clientèle. Principalement un gigolo obsédé sexuel capable d'en déflorer l'innocence, quand bien même deux gangsters viennent s'inviter dans l'établissement dans le but de dérober les diamants d'une rombière parmi sa complicité. Immersif en diable, de par son atmosphère ensorcelante régie au sein d'un hôtel baroque (notamment l'aspect expressionniste des extérieurs rappelant l'architecture picturale de la Maison aux Fenêtres qui rient !), et l'interprétation incandescente de Leonora Fani (l'expression de sa pudeur crève l'écran à chacune de ses apparitions !), l'intrigue hermétique ne cesse de bousculer les habitudes du spectateurs impliqué dans une énigme criminelle assez nébuleuse, à l'instar de la posture extravagante de chacun des protagonistes. Entre film auteurisant et thriller horrifique, Francesco Barilli parvient à consolider ces éléments contradictoires par le biais d'une structure narrative fortuite et d'un lot de rebondissements à la limite du grotesque ! Mais sans toutefois verser dans le ridicule, et grâce à la présence angélique de Leonara Fani, le film ne cesse d'irriguer un pouvoir de fascination dans la déambulation fantasmagorique de l'héroïne sur le fil du rasoir (Alice n'est pas loin !). Le comportement incohérent, déficient ou excentrique des témoins de l'hôtel renforçant l'aspect indicible d'un climat diaphane irrésistiblement magnétique où perversion, débauche et voyeurisme font bon ménage.


Alice et les songes de la perversion 
Soutenu par la partition gracile de Adolfo Waitzman et par l'aplomb d'une galerie de comédiens inscrits dans une dépravation insidieuse, Pensione Paura décuple son pouvoir d'envoûtement sous l'impulsion traumatique d'une adolescente livrée à leur déchéance sexuelle. Il en émane un magnifique drame sur le trouble identitaire où l'ombre du Giallo titille l'intérêt du spectateur parmi l'alchimie ambitieuse d'un auteur féru d'ambiance ésotérique (avec l'appui contraire d'un environnement naturel onirique) et de réalisme cru (la scène de viol et les corps dénudés sont filmés sans tabou et les meurtres transmettent une violence morbide). A découvrir d'urgence du fait de sa rareté car il s'agit d'une relique transalpine peu reconnue !  

Remerciement à la Caverne des Introuvables.

Bruno Matéï
26.06.15
09.05.11 (376 vues)

jeudi 25 juin 2015

Les Jours et les Nuits de China Blue / Crimes of Passion

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Ken Russel. 1984. U.S.A. 1h46. Avec Kathleen Turner, Bruce Davison, Gordon Hunt, Dan Gerrity, Anthony Perkins, Terry Hoyos, Annie Potts, John Laughlin, John G. Scanlon, Janice Renney, Stephen Lee...

Sortie salles France: 19 juin 1985. U.S.A: 19 octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton. 1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah essiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania,
1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984: Les Jours et les nuits de China Blue.1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Délire inclassable d'une exubérance psychotique par son érotisme outré, une oeuvre flamboyante sur la passion du désir et la quête éperdue de l'assouvissement sexuel !

Quatre ans après son trip métaphysique Au dela du réel, le sorcier fou Ken Russel continue de surfer sur la provocation avec Les jours et les Nuits de China Blue, drame psychanalytique où l'érotisme torride se mêle à une flamboyance sadomaso. Réunissant à l'écran deux illustres comédiens au parcours distinct (Anthony Perkins et Kathleen Turner s'opposant ici dans une guerres des sexes jusqu'au-boutiste !), le cinéaste aborde les thèmes de l'intégrisme, du refoulement et de la frustration sexuelle pour mettre en exergue les rapports équivoques de personnages en quête de rédemption amoureuse. Le PitchBobby Grady est un détective fuyant sa vie conjugale depuis sa frustration avec son épouse asexuée. C'est dans les bras de China Blue qu'il tente de trouver réconfort, une prostituée comblant sans retenue les fantasmes de sa gente masculine. Or, sous son apparence charnelle et sulfureuse, China Blue occupe le jour un poste de stylisme sous le patronyme de Joanna Crane. Bobby tente en désespoir de cause de la courtiser malgré le harcèlement d'un pasteur désaxé, délibéré à repentir la vie débauchée de China.  Provocateur en diable spécialiste des ambiances baroques et débridées où l'aura malsaine s'y dilue de manière reptilienne (les Diables), Ken Russel cultive ici un goût pour l'ironie dérangeante afin de dépeindre la frustration sexuelle au sein du couple. Particulièrement du point de vue investigateur de Donny Hopper en quête éperdue de désir sexuel depuis que sa femme frigide se noie dans la désillusion. Pour évoquer la déréliction du célibat et la crainte d'aimer et d'être aimé, Ken Russel brosse à travers le personnage ambivalent de China Blue un magnifique portrait de femme contrainte d'endosser la défroque d'une prostituée pour assouvir ses pulsions fantasmatiques, et par la même occasion, se venger du machisme de l'homme lors de séances de sadomasochisme. 


Bafouée par des années de déception amoureuse et faute d'un passé incestueux, elle se répugne à amorcer une relation sentimentale durable avec un amant par peur de routine et de tourment. Or, en guise d'expiation métaphorique, un prêtre psychotique s'incruste dans son quotidien salace afin de la repentir et apaiser son propre refoulement à travers son refus d'accomplir ses pulsions sexuelles. Et donc, auprès des thèmes de la perversion, de la débauche et du désir, Ken Russel dresse le constat d'échec d'une détresse humaine s'isolant dans la sexualité de consommation afin d'anesthésier leur frustration. Dans sa fonction schizophrène de prostituée en perdition, Kathleen Turner se porte garante avec une spontanéité impétueuse et un sens de provocation qui laisse pantois ! Lascive, sexy, dominatrice, effrontée car provocatrice en diable, elle magnétise l'écran parmi l'audace de ses loisirs lubriques et avec la complicité masculine d'une clientèle infortunée. En tenue d'Eve et de jarretelles compromise aux excès en tous genres, l'actrice s'avère d'ailleurs vaillante d'avoir accepté un rôle aussi subversif alors qu'elle venait de triompher sur les écrans dans l'aventure familiale A la poursuite du diamant vert. Dans son dernier grand rôle, Anthony Perkins  lui partage la vedette dans une posture extravagante de pasteur intégriste obsédé par le pêché de la luxure ! Il faut le voir accourir avec son godemiché afin de tourmenter China Blue et lui énoncer d'innombrables versets religieux à l'idéologie prohibitive. D'autre part, durant son parcours psychotique en chute libre on peut également évoquer l'ironie sardonique de son final oppressant pour le rapport du double entretenu avec China Blue alors que Ken Russel se permet d'offrir un clin d'oeil au célèbre  Psychose dans la composante du travestissement.


Soutenu d'une partition dissonante électrisante, Les Jours et les nuits de China Blue invoque le délire visuel baroque autant qu'une tendresse affligée pour cette satire féministe impartie à la sexualité névrosée et à l'assouvissement du couple. Par le biais de ses personnages frustrés, refoulés, schizos et psychotiques, le réalisateur transcende un poème sulfureux sur la passion du désir, l'acceptation de l'échec et la rédemption amoureuse (vecteurs indissociables pour l'harmonie conjugale) quand bien même Kathleen Turner et Anthony Perkins se disputent l'autorité dans un anthologique rapport destructeur de discorde misogyne. 

*Bruno
19.01.23. 5èx
25.06.15. 4èx
18.02.11 (594 vues)

Note: LAFCA Award de la meilleure actrice pour Kathleen Turner au Los Angeles Film Critics Association Awards.
  

mardi 23 juin 2015

LE LOUP-GAROU DE LONDRES. Oscar des Meilleurs Maquillages, 1982.

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site joblo.com

"An American werewolf in London" de John Landis. 1981. U.S.A. 1h37. Avec David Naughton, Jenny Agutter, Griffin Dunne, John Woodvine, Don McKillop, Paul Kember.

Sortie salles France: 4 Novembre 1981. U.S: 21 Août 1981

FILMOGRAPHIE: John Landis est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 3 Août 1950 à Chicago (Illinois, Etats-Unis).
1973: Schlock. 1977: Hamburger Film Sandwich. 1978: American College. 1980: The Blues Brothers. 1981: Le Loup-garou de Londres. 1983: Un Fauteuil pour deux. 1983: La Quatrième Dimension. 1985: Série noire pour une nuit blanche. 1985: Drôles d'espions. 1986: Trois amigos ! 1986: Cheeseburger film sandwich. 1988: Un Prince à New-York. 1991: l'Embrouille est dans le sac. 1992:Innocent Blood. 1994: Le Flic de Beverly Hills 3. 1996: Les Stupides. 1998: Blues Brothers 2000. 1998: Susan a un plan. 2010: Cadavres à la pelle.


Sorti aux Etats-Unis quatre mois après la sortie du tout aussi novateur Hurlements, Le Loup-Garou de Londres révolutionna le genre horrifique grâce en priorité à une séquence de transformation restée inégalée depuis le talent perfectionniste de Rick Barker. Couronné d'un Oscar pour la rigueur de ses effets-spéciaux, ce moment d'anthologie au réalisme saisissant s'avère d'une intensité émotionnelle proprement hypnotique. John Landis filmant au plus près des parties corporelles cette dégénérescence monstrueuse en insistant notamment sur l'impuissance de la victime hurlant sa détresse de ne pouvoir résister à la mutation ! Et à ce niveau, on peut autant saluer le jeu viscéral de David Naughton affligé par la sueur et les larmes pour contempler avec stupeur horrifiée sa déchéance animale ! En parvenant à agencer la comédie et l'horreur, John Landis accomplit le tour de force d'amuser (les facéties espiègles du héros retrouvé nu dans un quartier zoologique de Londres) et de nous terrifier (l'incroyable balade nocturne que nos deux touristes arpentent prudemment dans la campagne brumeuse des Landes) malgré le classicisme de son intrigue centrée sur une malédiction lycanthropique. 


Avec une efficacité imparable dans sa charpente narrative et une maîtrise assidue en terme de réalisation, John Landis réexploite le mythe du loup-garou dans le contexte contemporain d'un Londres hanté par les anciennes traditions. Reprenant les clichés usuels au genre, il parvient donc à renouveler le thème grâce au judicieux dosage réalisme horrifique (meurtres particulièrement sauvages) et fantaisie extravagante (sens burlesque du gag inventif), à point tel que rarement un film dit d'horreur n'aura su aussi bien combiner le brassage des genres. Qui plus est, outre la fonction en roue libre des seconds-rôles pleins de charisme dans leur témoignage ubuesque (le couple d'enquêteurs en perpétuelle discorde), apeuré (toute la clientèle de l'auberge) ou au contraire prévenant (Griffin Dunne endossant la posture putrescente du zombie altruiste, John Woodvine campant avec autorité un patricien loyal) le Loup-garou de Londres n'oublie pas de provoquer l'empathie parmi le couple David Naughton (féru de ferveur spontanée !), Jenny Agutter (succulente de sensualité timorée !). Notamment la condition torturée impartie à David puisque harcelé par son acolyte d'outre-tombe de devoir se plier au suicide salvateur au moment même où il s'éprend d'une jeune infirmière. Enfin, par l'entremise iconique du zombie tourné ici en mode parodique, John Landis parvient encore à détourner le concept canonique du loup-garou avec inventivité (les morts reviennent à la vie tant que la malédiction n'est pas levée !) et sens burlesque payant, quand bien même son point d'orgue catastrophique nous laisse les mains moites par son intensité cuisante !


Multipliant avec générosité les séquences d'anthologie au rythme d'une BO tantôt entraînante, tantôt envoûtante,(les rêves cauchemardesques de David prenant pas sur la réalité de son quotidien, l'exhibition au parc zoologique, la poursuite dans les sous-sols du métro, la panique urbaine empruntée au mode catastrophe et la fameuse transformation animale) Le Loup-Garou de Londres a réussi à renouveler le genre pour s'imposer comme la quintessence moderne du film de loup-garou que seul son homologue Hurlements est parvenu à émuler. 

La Chronique de Hurlements: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/…/hurlements-howling.html

Bruno Matéï
6èx

lundi 22 juin 2015

Frissons d'horreur / Macchie Solari/Autopsy

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de Armando Crispino. 1975. Italie. 1h40. Avec Mimsy Farmer, Barry Primus, Ray Lovelock, Carlo Cattaneo, Angela Goodwin, Gaby Wagner, Massimo Serato, Ernesto Colli.

Sortie salles France: 3 Octobre 1979

FILMOGRAPHIEArmando Crispino est un réalisateur et scénariste italien, né le 18 Octobre 1924 à Biella, Italie, décédé le 6 Octobre 2003 à Rome.
1966: Le Piacevoli notti. 1967: Johnny le bâtard. 1968: Commandos. 1970: Faccia da Schiaffi. 1972: L'Etrusco uccide ancora. 1974: La Badessa di Castro. 1975: Frissons d'Horreur. 1975: Plus moche que Frankenstein tu meurs.


Thriller un peu trop méconnu en dépit d'une certaine renommée auprès de cinéphiles aguerris, Frissons d'Horreur s'engage dans la voie du thriller (je préfère bannir le terme Giallo) avec maîtrise, efficacité et subversion pour tenir en haleine le spectateur jusqu'à la révélation du coupable. 

Synopsis: Depuis une vague de suicides perpétrés sous un climat solaire irrespirable, une doctoresse est hantée d'horribles hallucinations ! Les cadavres fraîchement débarqués de sa morgue revenant à la vie pour la lutiner. Au même moment, des proches de son entourage disparaissent mystérieusement pour laisser sous-entendre le sacrifice du suicide. Avec l'aide d'un curé, Simona tente maladroitement de démystifier cette affaire morbide. 

Découvert par les amateurs éclairés en location Vhs au prémices des années 80, Frissons d'Horreur distille une aura somme toute particulière au sein du thriller transalpin. De par son goût pour les visions morbides de cadavres nus gouailleurs et de sinistres mannequins exposés dans un musée des horreurs. Ajoutez à cela une connotation sexuelle prégnante pour le désarroi psychologique d'une héroïne en perte de repère et vous obtenez une sorte d'ovni au vitriol où plane même un soupçon de nécrophilie. 


Ainsi, en alliant les meurtres en série d'un mystérieux assassin avec les suicides de quidams en détresse influencés par un climat tropical, Armando Crispino façonne une ambiance d'étrangeté magnétique que la posture équivoque de chacun des personnages accentuera à travers leur névrose interne. A l'instar de ce curé irascible à peine remis de sa convalescence psychiatrique et de Simona, femme médecin plongée dans la névrose depuis la disparition inexpliquée de ses proches et depuis une volonté de lui nuire par la déraison. Si bien que par l'entremise d'une sombre conjuration où suspects et faux coupables font bon ménage, le cinéaste réussit à implanter un suspense graduel en dépit d'une intrigue un peu confuse. Notamment dans sa structure narrative désordonnée d'un montage elliptique et pour l'éventuelle incohérence de certains protagonistes (volontairement outranciers ou au contraire mutiques). On ne manquera pas d'ailleurs de souligner également le caractère inopinément psychotique de certaines confrontations musclées (Simona s'en prenant brutalement à l'un de ses adjoints après une tentative de viol, le curé s'égosillant avec les poings à résonner un voisin de palier) ajoutant à l'ensemble une atmosphère paranoïaque aussi inquiétante que fascinante. Outre la présence charnelle et dénudée d'une Mimsy Farmer pleine d'intensité érotique, et le charisme inquiétant des seconds-rôles masculins, Frissons d'Horreur se permet en outre une sublime partition mélancolique composée par l'illustre Ennio Morricone afin de renforcer cette douce ambiance d'étrangeté "romantisée" que les protagonistes influencent dans leur posture interrogative, équivoque, suspicieuse ou décomplexée (le compagnon de Simona).


Tour à tour glauque et étrange, trouble et déroutant, Frissons d'Horreur pâti peut-être d'un manque de clarté dans l'ossature sporadique du scénario mais déborde de suspense et d'audace (les visions d'effroi de cadavres d'enfants nus lors du prologue psychotique) à distiller un climat interlope où se mêlent sans complexe sexualité et déviances macabres. Un excellent thriller donc toujours plus magnétique, notamment auprès de son charme à la fois mélancolique et vénéneux symptomatique du thriller transalpin. 

*Bruno
14.04.25. 4èx. vf

vendredi 19 juin 2015

Frère de Sang / Basket Case

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

de Frank Henenlotter. 1982. U.S.A. 1h35. Avec Kevin Van Hentenryck, Terri Susan Smith, Beverly Bonner, Robert Vogel, Diana Browne, Lloyd Pace.

Sortie salles U.S: Avril 1982

FILMOGRAPHIE: Frank Henenlotter est un réalisateur américain de films d'horreur né le 29 août 1950 à New-York. 1982: Frères de sang. 1988: Elmer, le remue-méninges. 1990: Frères de sang 2. 1990: Frankenhooker. 1992: Frères de Sang 3. 2008: Sex Addict.


Ovni culte des années 80 célébré dans les vidéos-clubs en vogue, Frère de Sang fut également la révélation du cinéaste underground Frank Henenlotter, petit maître de la provocation et du mauvais goût dans sa conception d'une improbable amitié morbide entre deux frères siamois. A la croisée d'Elephant Man pour sa plaidoirie sur le droit à la différence et des films gores d'Herschell Gordon Lewis pour son outrance démesurée, Frère de Sang réussit l'exploit d'y communier drôlerie, horreur, dramaturgie par le biais d'exactions vindicatives de Duane et Belial . 

Le PitchAprès avoir été séparés par des chirurgiens sans scrupule sous l'allégeance d'un père réfutant la monstruosité d'une progéniture siamoise, Duane réussit in extremis à sauver de la mort son frère difforme. L'ayant recueilli dans une poubelle après l'opération, Duane part se réfugier chez sa tante afin de le protéger des badauds et assassins. Quelques années plus tard, les deux frères décident d'accomplir une vengeance méthodique pour châtier les responsables de leur séparation. 


Tourné avec les moyens du bord dans les bas-fonds sinistrés de New-york et en toute illégalité, incarnée par des comédiens amateurs surjouant sans complexe leur prestance extravagante, Frère de sang transpire la série B bisseuse, notamment par le biais d'une photo aussi blafarde que granuleuse. Récit horrifique principalement dédié au gore révulsif et à l'humour sardonique, Frères de sang se complaît à émailler l'intrigue de séquences-chocs redoutablement percutantes (bande-son stridente à l'appui !), tout en parodiant en toile de fond la posture dégénérée d'une foule de marginaux reclus dans un hôtel sordide. Cadre d'aménagement précaire auquel Duane et Belial s'y sont réfugiés le temps de parfaire leur besogne punitive. De par son réalisme crapuleux où les gerbes de sang sont auscultées en gros plan et l'intensité des exactions cruelles d'une créature s'égosillant à tout va sa cruelle condition, Frères de Sang oppose horreur et émotion avec une surprenante empathie. A l'instar de ce flash-back remémorant la tragédie familiale des frères siamois et leur infaillible tendresse impartie l'un pour l'autre. Ainsi, dans le reflet de sa haine meurtrière et par la détresse de son regard habité par la rancoeur de l'injustice, Belial s'avère le véritable pilier émotif, quand bien même la modestie adroite des effets spéciaux parviennent à le crédibiliser dans sa mobilité étriquée, dégingandée. Outre l'aspect spectaculaire des séquences chocs souvent impressionnantes, les ressorts dramatiques impartis à la jalousie possessive de Belial n'hésitent pas à verser dans la cruauté pour les rapports de divergence (et télépathiques) entrepris avec son frère depuis une liaison amoureuse entamée avec une réceptionniste.


Ultra gore, glauque et malsain en diable, drôle, tendre et émouvant, Frères de Sang idéalise l'objet culte de déviance pour l'effronterie du scénario débridé alliant éclairs de violence et bouffées de tendresse parmi l'amour impossible de deux frères infortunés. Du gore underground aussi trash qu'incroyablement dégénéré, à revoir sans modération aucune.  

*Bruno
6èx

jeudi 18 juin 2015

Grace. Prix du Jury, Gerardmer 2010.

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Paul Solet. 2009. U.S.A. 1h25. Avec Jordan Ladd, Stephen Park, Gabrielle Rose, Serge Houde, Samantha Ferris, Kate Herriot, Troy Skog.

Sortie salles U.S: 4 Août 2010

FILMOGRAPHIE: Paul Solet est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain.
2009: Grace. 2015: Dark Summer.


"Lait noir"
Récompensé du Prix du Jury à Gérardmer, Grace marque les débuts remarqués de Paul Solet, réalisateur viscéralement inspiré, qui parvient à façonner une atmosphère poisseuse, étouffante, au cœur d’un foyer hanté par l’ombre d’une mère possessive.

Le Pitch: Enceinte et sur le point d’accoucher, Madeline voit son monde s’effondrer lorsque son mari périt dans un accident de voiture. Rescapée in extremis, elle donne naissance à un bébé mort-né... qu’elle parvient, contre toute attente, à ramener à la vie. Mais l’enfant a un besoin vital...

Dans la lignée du Monstre est vivant et de RépulsionGrace revisite le mythe du bébé tueur avec un réalisme oppressant, presque paranoïaque, en s’appuyant sur la dérive psychique d’une mère accablée par la tragédie : celle de nourrir son enfant d’hémoglobine. Jusqu’à se faire saigner elle-même, livrant son sein à une bouche vorace plus qu’affamée. Le quotidien devient cauchemar. L’atmosphère se fait fétide, saturée d’odeurs de chair, de sang, de pourriture — un maelström sensoriel où même les mouches viennent harceler le sommeil du nourrisson, l’une d’elles s’infiltrant jusque dans sa narine.

Entre drame psychologique (Madeline, déchirée, se perd dans une errance mentale sans retour) et horreur organique (détails macabres, putrescence rampante, corps martyrisés), le film s’enferme dans un huis clos suffocant, où une mère en deuil, hantée par ses fausses couches passées, tente de préserver ce qui reste de sa maternité. Grace explore les confins de l’obsession maternelle, le deuil infantile, et cette irrépressible nécessité de nourrir, quitte à basculer dans la folie — quitte à tuer.

Par une mise en scène clinique, sans concession, Solet ose mêler une sensualité trouble à une imagerie morbide, installant un malaise diffus sous une photographie pastel qui tranche avec la crudité du propos. Lentement, inéluctablement, Grace nous entraîne dans une descente aux enfers — jusqu’à la confrontation ultime. Jusqu’au sang.


"Le Sang des Innocentes".
Éprouvant, sordide, sensoriel et viscéralement dérangeant, Grace est une œuvre malsaine qui brouille les lignes entre instinct maternel et pulsion meurtrière. Une expérience extrême où l’innocence se drape de sang, où l’amour devient sacrifice, et où la chair — même la plus douce — finit par pourrir. À ne pas mettre entre toutes les mains.

*Bruno
3èx. Vost