Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com
(Nous, les enfants de la gare du Zoo) de Uli Edel. 1981. Allemagne. 2h10. Avec Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Jens Kuphal, Rainer Woelk, Jan Georg Effler, Christiane Reichelt, Daniela Jaeger.
Sortie salles France:
24 Juillet 1981 (Interdit aux - de
13 ans). Allemagne:
2 Avril 1981.
FILMOGRAPHIE:
Uli Edel est un réalisateur, producteur et monteur allemand, né le 11 Avril 1947 à Neuenburg am Rhein (Allemagne). 1971: Der Kleine Soldat. 1976: Die Erzählungen Bjelkins (télé-film). 1977: Der Harte Handel (télé-film). 1978: Das Ding: (série TV). 1981:
Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée. 1984: Eine Art von Zorn (télé-film). 1987: Waldhaus (série TV). 1989: Dernière sortie pour Brooklyn. 1993: Body. 1994: Confessions d'une rebelle (télé-film). 1995: Mike Tyson, l'histoire de sa vie (télé-film). 1996: Raspoutine (télé-film). 1999: La Ville des Légendes de l'Ouest (télé-film). 2000: Le Petit Vampire. 2001: Les Brumes d'Avalon (télé-film). 2002: King of Texas (télé-film). 2002: Jules César (télé-film). 2003: Evil Never Dies (télé-film). 2004: L'Anneau Sacré (télé-film). 2008: La Bande à Baader. 2010: Zeiten Andern Dich.

« D'la pisse et d'la merde, partout ! Y'a qu'à r'garder ! Qu'est-ce que ça peut faire, que de loin tout ait l'air neuf et de grand standing, avec des blouses vertes, des supermarchés !
Ce qui pue l'plus à l'intérieur, c'est les cages d'escalier. Les enfants, qu'est-ce qu'ils peuvent faire quand ils jouent dehors et qu'ils ont envie d'pisser ? Le temps qu'l'ascenseur grimpe au 11ᵉ ou au 12ᵉ, ils ont fait dans leur culotte et s'en ramassent une. Autant le faire dans la cage d'escalier.
Et j'habite là depuis qu'j'ai six ans, avec ma mère, ma sœur et mes chats. Et j'en ai ras l'bol !
En ville, y a des affiches partout. Le Sound, la discothèque la plus moderne d'Europe. C'est là qu'je veux aller... »
"Moi, Christiane F. : la chute à nu".
Expérience jusqu’au-boutiste à l’intensité dramatique impitoyable, Moi, Christiane F. est un uppercut émotionnel, un choc quasi insoutenable pour notre regard impuissant face à la lente noyade d’une junkie dans le Berlin des années 70. L’épreuve sans répit d’une gamine de treize ans piégée dans son addiction à l’héroïne, contrainte de se prostituer pour survivre depuis la fuite du père. Cette déchéance, ce désespoir sans porte de sortie, le spectateur le contemple, nauséeux, poisseux de malaise. L’ambiance lourde, oppressante, glauque (score lancinant, hypnotique) rôde autour d’une gare berlinoise hantée par des jeunes SDF — et la caméra voyeuriste traque tout sans pudeur : l’aiguille dans la veine, la giclée de sang, le manque, les crampes, la sueur, le vomi, les draps souillés, les murs éclaboussés, le sexe forcé d’une clientèle immonde.
Uli Edel ne recule devant rien pour dire sans fard la misère de Christiane et de ses ombres, zombies crevés errant de trottoir en trottoir pour racler de quoi s’offrir leur offrande. Le réalisme est si brut qu’on jurerait ces acteurs inconnus vraiment camés devant l’objectif. Jamais un film n’avait écorché l’âme à ce point, tant la décrépitude des corps s’étiole sous nos yeux. Et si le jeu parfois balbutiant des seconds rôles et les dialogues terreux sentent l’impro, ce tremblement colle à la noirceur qu’ils habitent. La photo blafarde fore le crâne d’une mélancolie poisseuse, tandis que le montage, nerveux et elliptique, épouse la spirale du manque. Mais si
Moi, Christiane F. reste à ce point viscéral et sans fard, il le doit surtout au talent écorché de
Natja Brunckhorst, qui porte en elle l’effondrement et la solitude comme une blessure à vif.
"Poison blanc et draps souillés".
Cri d’alarme pour une jeunesse égarée, épreuve de survie noyée sous la poudre, Moi, Christiane F. demeure le témoignage le plus cru, le plus sale, le plus éprouvant sur le fléau. Adapté du best-seller glaçant de Kai Hermann et Horst Rieck, le film laisse le spectateur hagard, muet, vidé, bien après le générique.
À réserver aux cœurs solides, mais à projeter dans tous les collèges, lycées et universités.
À mon frère de cœur Pascal, disparu en décembre 93, et à tous ceux qui n’ont pas eu la chance de s’en sortir.
* Bruno
(4èx)
"Christiane F. : une sœur perdue sous la came"
J'ai refermé hier soir le livre avec la sensation d’avoir perdu ma meilleure amie. J’ai toujours eu, dans ma vie, cette attirance presque tendre pour les êtres torturés, marginaux, écorchés.
Comme le film, je n’ai jamais rien lu de plus fort sur la toxicomanie, la déchéance et le suicide. À travers cette jeunesse sacrifiée, souillée par la came, l’entourage et la SOCIÉTÉ, on comprend qu’un toxicomane est l’esclave de sa pathologie, abandonné à lui-même, et qu’il n’a rien à faire derrière des barreaux.
Plongé corps et âme pendant deux semaines dans l’esprit de Christiane (une quinzaine d’heures de lecture à tout casser), j’ai la troublante impression d’avoir connu mon double. Même passé balafré, mêmes amitiés fangeuses, même décomposition du corps, même impuissance morale. Par ses confidences à vif, ses états d’âme jetés comme des cailloux dans le vide, j’ai senti sa rage de survie, son désespoir à vouloir extirper le démon niché sous sa peau. Son calvaire, c’est Sisyphe shooté au poison blanc.
Inévitablement bouleversant, cruel, d’une âpreté insupportable, le chemin de croix de Christiane s’enracine aussi dans une histoire d’amour maudite — sa passion incurable pour Djev — et se clôt sur l’interrogation insoutenable d’une rédemption possible.
Un témoignage viscéral, sensitif, d’une humanité mise à nu, qu’on devrait placer entre toutes les mains, sur tous les pupitres. Christiane s’infiltre dans notre corps, notre cœur, notre esprit, avec une lucidité sauvage, une vérité sans fard, une audace de vivante. Inoubliable.
-- Bruno
21/04/18.
Biographie:
Qu'est-il arrivé à Christiane F ?:
http://brunomatei.blogspot.com/2011/03/quest-til-arrive-christiane-f.html
 |
Natja Brunckhorst
|
Natja Brunckhorst, inoubliable interprète de "
Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..."
À 14 ans, elle est remarquée par le réalisateur
Uli Edel qui la choisit pour le rôle de Christiane Felscherinow. Le tournage dure d'août à novembre 1980. Son interprétation y fut saluée tant par la critique que par le public.
Le tapage médiatique autour de sa personne, à la suite du grand succès du film, la prend par surprise. Pour échapper à la pression, elle se rend en Angleterre, où elle poursuit ses études jusqu'en 1986. Elle séjourne ensuite à Paris.
En 1987,
Natja Brunckhorst retourne en Allemagne, où elle suit des études d'actrice à la Schauspielschule Bochum. Elle en sort diplômée en 1991. Pendant ce temps, elle tourne d'autres films, relativement inconnus (comme
Enfants de pierre ou
Babylone). Sa carrière s'interrompt vers 1993/94, alors qu'elle se bat contre un cancer, dont elle guérit.
En 1998, elle écrit pour la première fois un scénario, celui de la série télévisée
Einsatz Hamburg Süd. Elle poursuit pendant 26 épisodes. En 2000,
Natja Brunckhort apparaît aux côtés de
Franka Potente et
Benno Fürmann dans le film
La Princesse et le Guerrier. Depuis 2002, elle est également apparue dans 105 épisodes de la série
Dr. Sommerfeld - Neues vom Bülowbogen.
Natja Brunckhorst vit à Munich avec sa fille Emma, née en 1991 d'une relation avec l'acteur
Dominic Raacke qui dura de 1988 à 1993.
-----------------------------------------------------------------------------
L'avis de
Mathias Chaput:
Ouch !
"
Moi Christiane F." est un film très dur, presque atroce !
Plongée radicale et sans compromis dans le quotidien de toxicos, dans un Berlin gangrèné par la misère et la délinquance, vision très réaliste d'un contexte social en plein délitement, le métrage prend bien aux tripes !
Au début pour nous mettre directement dans l'atmosphère, le cinéma où va Christiane projette "
Night of the living dead" de
Romero !
Référence glauque et ambiance morbide qui seront inhérentes tout le long !
ça vomit partout, même des giclées intenses sur les murs, ça se pique dans les chiottes et la prostitution y est montrée ultra crûment !
rien ne nous est épargné, ni les urophiles, ni les scatophiles ou les sadomasochistes, Edel prend le parti de ne rien cacher !
On a l'impression que Christiane est atteinte du mythe de Sisyphe, à chaque fois qu'elle monte la pente, quelque chose la fait de nouveau dégringoler et basculer en arrière !
Nombre de fois elle essaiera de stopper l'héroïne pour replonger régulièrement !
Edel ne lésine pas sur les effets chocs et le film multiplie les gros plans de seringues plantées dans le bras (donc attention aux personnes sensibles ! personnellement il m'est souvent arrivé de tourner le regard sur certains moments que je jugeais profondément insupportables et indisposants !)...
La bienséance en prend un coup mais n'empêche pas le film d'être de qualité !
Interprétation soignée, réalisme abrupt, décors parfaitement appropriés et dynamisme dans la réalisation,
"Moi Christiane F." tient bien en haleine et s'avère passionnant !
Un témoignage du désoeuvrement d'une certaine jeunesse, indispensable pour comprendre les mécanismes de la toxicomanie et les motivations "qui font que ..."
Inoubliable !
Note :
8.5/10