vendredi 7 septembre 2018

Les Griffes de la Nuit / A nightmare on Elm Street

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinema.jeuxactu.com

de Wes Craven. 1984. 1h31. US.A. Avec John Saxon, Ronee Blakley, Heather Langenkamp, Amanda Wyss, Jsu Garcia, Johnny Depp, Charles Fleischer, Joseph Whipp, Robert Englund, Lin Shaye, Joe Unger...

Sortie salles France: 6 mars 1985. U.S: 16 Novembre 1984

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "WesCraven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio. 1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.


Une plongée vertigineuse dans l'univers du rêve en compagnie d'un grand brûlé revanchard !
Auréolé du Prix de la critique et du Prix d'interprétation féminine (Heather Langenkamp) à Avoriaz en 1985 puis plébiscité par le public et la critique internationale, les Griffes de la Nuit révolutionna le cinéma d'horreur moderne sous la houlette d'une nouvelle figure monstrueuse, Freddy Krueger

Synopsis: Dans une bourgade Californienne, Nancy Thompson, Tina et leurs compagnons Glen et Rod sont témoins d'un évènement aussi improbable qu'inexpliqué. Durant leur sommeil, ils sont persécutés par un croquemitaine avide de les tuer à travers leur propre rêve ! Affublé d'un chapeau, d'un pull rouge à rayures et d'un visage tuméfié à la suite d'un incendie, il possède en outre une arme infaillible pour parfaire ses crimes, des griffes de rasoir au bout des doigts de la main droite. Lorsque Tina est retrouvée morte durant son sommeil, la panique s'installe dans ce paisible quartier hanté d'un lourd passé. 

Fort d'un concept à la fois génialement retors et atypique (un tueur revanchard infiltré dans les rêves de ses victimes pour mieux les piéger !), Les Griffes de la Nuit tire parti de son efficacité dans sa faculté inventive à confondre rêve et réalité du point de vue torturé d'une ado pugnace déterminée à se rebeller contre son assaillant. Des idées folingues que Craven exploite avec une intensité dramatique qu'on ne retrouvera plus dans les autres opus. Pure série B ludique aussi haletante qu'oppressante, on reste fasciné par son ambiance trouble de cauchemar malsain sous l'impulsion d'un boogeyman étonnamment sobre si on compare ses futures facéties sarcastiques dans les suites lucratives.


Ainsi, grâce à son refus de la dérision et à la création d'une atmosphère délicieusement irréelle (voire parfois même teintée de poésie morbide), Les Griffes de la Nuit gagne en crédibilité à daigner authentifier une intrigue surnaturelle faisant intervenir un croquemitaine revanchard dans l'univers complexe du rêve. Dans la mesure notamment où la science ignore toujours son origine métaphysique sans doute afin de préserver l'arcane de la mort. Constamment captivant à suivre les vicissitudes d'une héroïne constamment malmenée par un monstre provocateur, alors que ses acolytes feront les frais de ses exactions sournoises, Wes Craven détourne intelligemment les clichés grâce à la présence mature de Nancy Thompson en initiation héroïque. A contre-emploi donc de l'ado décervelée, Heather Langenkamp porte le film sur ses épaules avec une force d'expression téméraire de par son désir de ne pas se laisser dériver par sa paranoïa face à une provocation meurtrière ayant la faculté d'altérer à sa guise la réalité quotidienne au sein du rêve. Bénéficiant d'effets-spéciaux novateurs pour l'époque, on reste encore aujourd'hui aussi impressionné par le réalisme des situations horrifiques d'une violence gore décomplexée et d'une inventivité en roue libre. A l'instar du sort "vertigineux" de Tina ou du destin de Glen littéralement happé par son lit ! En outre, afin d'accentuer la dimension onirique de son contexte cauchemardesque où rêve et réalité fusionnent grâce à la dextérité du montage, le score mélodique  Charles Bernstein retransmet à merveille ce doux sentiment d'insécurité et d'appréhension lorsque les ados se laissent happer durant leur sommeil par un tortionnaire passé maître dans l'art de manipuler une réalité illusoire.


Classique du genre nanti d'un vénéneux pouvoir de fascination de par son concept atypique (tiré d'un fait réel, voir entretien de Wes Craven dans les Bonus du Blu-ray) et à la présence stoïque de Heather Langenkamp, les Griffes de la Nuit aborde le thème du rêve avec cette volonté subsidiaire de nous questionner sur l'intensité de cette dimension parallèle apte à nous confondre dans une seconde réalité le temps d'un sommeil. Troublant et angoissant sur un rythme échevelé que Craven conduit sans gratuité, les Griffes de la Nuit est enfin transcendé de la présence démoniale de Freddy Krueger résolument dérangeant, lâche et fétide, notamment si on y gratte le vernis de son passé sulfureux. 

* Bruno
07.01.25. 7è x. 4K Vost
07.09.18.
16.10.10


Anecdotes: Le film fut interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie en salle au Québec.
C'est Claude Chabrol qui est à l'origine du titre français: Les Griffes de la Nuit ! Parallèlement à son poste de réalisateur, il travaillait à long terme pour trouver des titres français à des productions américaines. 

mercredi 5 septembre 2018

La Nuit des Diables / La Notte Dei Diavoli

     
                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.co.uk

de Giorgio Ferroni. 1972. Italie/Espagne. 1h31. Avec Gianni Garko, Agostina Belli, Cinzia De Carolis, Mark Roberts, Bill Vanders, Teresa Gimpera, Luis Suarez, De Carolis Cinzia, Umberto Raho.

Sortie en salles en Italie le 29 Avril 1972 

FILMOGRAPHIEGiorgio Ferroni est un réalisateur, acteur, monteur, producteur et scénariste italien né le 12 Avril 1908, décédé le 17 Août 1981. 1936: Pompei. 1939: Terre de feu. 1942: Macario au Far-west. 1946: Sans Famille. 1947: Tombolo, paradis noir. 1960: Le Moulin des Supplices. 1961: La Guerre de Troie. 1963: Hercule contre Moloch. 1964: Le Colosse de Rome. 1964: Hélène, Reine de Troie. 1966: Trois cavaliers pour Fort Yuma. 1966: Le Dollar Troué. 1971: La Grande Chevauchée de Robin des Bois. 1972: La Nuit des Diables. 1975: Le dur... le mou... et le pigeon.

D'après une nouvelle de Tolstoï, déjà portée à l’écran par Mario Bava dans l’un des fameux sketchs des 3 Visages de la peur, La Nuit des Diables renoue avec l’épouvante gothique sous la mainmise de l’éminent Giorgio Ferroni. Douze ans après nous avoir émus avec le splendide Moulin des Supplices, il renouvelle ici, de manière autrement horrifique, la romance morbide où perce la mélancolie d’un amour disparu, brisé par une solitude insurmontable.

Le pitch : blessé, Nicolas est retrouvé dans un état de choc, à la lisière d’une forêt. Soigné en institut psychiatrique, il se montre incapable de se souvenir de son passé. En proie à une panique croissante, il redoute l’arrivée de la nuit comme une menace. Sa terreur redouble lorsqu’une jeune femme, Sdenka, vient lui rendre visite — douce, presque irréelle. Peu à peu, des fulgurances morbides fissurent l’amnésie : les souvenirs refont surface.

Réalisateur prolifique, Giorgio Ferroni signe avec La Nuit des Diables une seconde incursion dans l’épouvante gothique, traversée d’un climat d’étrangeté prégnant, à la croisée du vampirisme, du folklore zombie et d’une dérive gore aussi inattendue que saisissante. Car si les scènes-chocs, magnifiquement filmées et parfois étonnamment complaisantes, font preuve d’une poésie morbide typiquement latine, elles doivent aussi leur impact aux trucages bluffants du génial Carlo Rambaldi. Le réalisme artisanal sidère encore aujourd’hui : visages putréfiés fondus dans le cadre, textures à peine décelables, illusions mouvantes… Tout respire la maestria et le malaise.

Soignant avec brio le cadre inquiétant d’une forêt sépia, clairsemée et silencieuse, La Nuit des Diables suit l’errance d’un médecin contraint de solliciter refuge auprès d’une famille recluse, après avoir failli renverser une inconnue sur une route déserte. Le portrait de ces métayers, en retrait du monde urbain, nous est restitué avec une attention quasi ethnographique : rituels scrupuleux, regards hagards, postures imprégnées d’un mysticisme fiévreux.

Pour cause : derniers héritiers d’un village abandonné, ils se barricadent dès la tombée du jour, fuyant une entité que l’on murmure sous le nom de vourdalak. Une sorcière vampirique, errante, qui rode chaque nuit pour contaminer les vivants en leur suçant le sang. Nicolas, d’abord incrédule, doit se rendre à l’évidence : la malédiction n’est pas une superstition. La disparition soudaine du patriarche le confirme, tout comme la complicité naissante entre lui et la belle Sdenka, pétrie de douceur et de résignation.

Avec un soin esthétique subtilement baroque, Ferroni insuffle à cette fable occulte une étrangeté troublante, incarnée par des décors ruraux hantés, traversés d’animaux sauvages (sangliers, loups hurlants) qui deviennent presque des personnages secondaires. Pour affirmer sa singularité, il y ajoute des touches d’érotisme audacieuses pour l’époque, et de fulgurants éclats gores qui viennent percuter la tradition gothique. La dernière partie, haletante, fait monter la tension lorsque chaque membre de la famille Ciuevelak succombe tour à tour aux assauts des vourdalaks. Ferroni joue sur le doute : qui est encore humain ? Qui s’est déjà laissé contaminer, caché derrière les bosquets ?...

Visages blêmes, spectres noctambules en proie à la démence, sorcière profanatrice, cadavres perforés puis putréfiés, rires sardoniques d’enfants cruels… Autant d’images saillantes, troublantes, qui cristallisent la confrontation âpre entre Bien et Mal — jusqu’à un dénouement résolument amer, qui tourne le dos au happy-end avec une ironie presque sadique.

Baignant dans le clair-obscur d’une nature champêtre inquiétante, traversée d’une poésie charnelle, La Nuit des Diables illustre avec une mélancolie capiteuse le conte d’épouvante à travers la détresse de créatures solitaires, en quête d’un salut impossible. Plus sombre et oppressant à mesure que la nuit s’installe, le film culmine dans une traque désespérée, où résonne le hurlement d’une victime dévastée par sa psyché brisée.

Et le spectateur, fasciné, y croit jusqu’au bout, avec un délicieux masochisme, porté par l’élégie maladive de Giorgio Gaslini.
Magnifique, j’vous dis.

* Bruno
20.10.23. 3èx
05.09.18. 
14.12.11 (295 v)

mardi 4 septembre 2018

JURASSIC WORLD: FALLEN KINGDOM

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Juan Antonio Bayona. 2018. U.S.A. 2h08. Avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Rafe Spall, Justice Smith, Daniella Pineda, James Cromwell.

Sortie salles France: 6 Juin 2018. U.S: 22 Juin 2018

FILMOGRAPHIEJuan Antonio García Bayona (né le 9 mai 1975 à Barcelone, en Espagne) est un réalisateur et scénariste espagnol. 2007 : L'Orphelinat. 2012 : The Impossible. 2016 : Quelques minutes après minuit. 2018 : Jurassic World: Fallen Kingdom.


"Une routine est infernale uniquement pour ceux qui ne savent pas la rendre agréable."

"Tout le monde parle de progrès, et personne ne sort de la routine."

"Accepter la routine, c'est accepter de mourir à petit feu."

"La routine est un film à couper le bonheur."

"On roule confortablement sur l'autoroute du 7è art, protégé par la ceinture de sécurité de nos certitudes et l'air-bag conducteur de la routine."

lundi 3 septembre 2018

PUPPET MASTER 3

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Puppet Master III: Toulon's Revenge" de David De Coteau. 1991. U.S.A. 1h26. Avec Guy Rolfe, Sarah Douglas, Richard Lynch, Ian Abercrombie, Kristopher Logan, Aron Eisenberg, Walter Gotell.

Sortie U.S uniquement en video: 17 Octobre 1991

FILMOGRAPHIE SELECTIVEDavid DeCoteau, né le 5 janvier 1962 à Portland, est un réalisateur et producteur de cinéma américain. 1986 : Dreamaniac. 1987 : Nightmare Sisters. 1987 : Creepozoids. 1988 : Sorority Babes in the Slimeball Bowl-O-Rama. 1988 : Vengeance de femme. 1989 : Etreinte Mortelle. 1989 : American Rampage. 1989 : Dr. Alien. 1991 : Puppet Master III. 1993 : Naked Instinct. 1993 : The Girl I Want. 1993: Les Créatures de l'au-delà. 1998 : Shriek. 1998 : Le Retour du puppet master. 1999 : Witchouse. 1999 : The Killer Eye. 1999 : Totem. 1999 : Retro Puppet Master. 2000 : Voodoo Academy (vidéo). 2000 : Castle of the Dead. 2000 : Frankenstein et le loup garou. 2000 : La Légende de la momie 2. 2000 : The Brotherhood. 2001 : The Brotherhood II. 2001 : Final Scream. 2001 : The brotherhood: le pacte. 2002 : Frightening. 2002 : The Brotherhood III. 2003 : Leeches! 2004 : The Sisterhood. 2005 : Brotherhood IV: The Complex. 2005 : Les Sorcières des Caraïbes. 2010 : Puppet Master: Axis of Evil. 2011 : A Dream Whitin a Dream. 2011 : Wicked Stepbrother. 2011 : 1313 : Hauted Frat. 2011 : 1313 : Actor Slash Model. 2011 : 1313 : Boy Crazies. 2011 : Christmas Spirit. 2012 : 1313: Cougar Cult. 2012 : 1313 : Bermuda Triangle. 2014 : 3 Scream Queens.


Considéré comme le meilleur opus de la saga sous la houlette du prolifique David DeCoteau, Puppet Master 3 demeure une sympathique série B en dépit de son aspect téléfilmesque et de son budget limité (les décors de carton pâte sous l'occupation nazie épaulés d'images d'archive à proximité d'un train). Délocalisant l'action sous le régime nazi de 1941, Puppet Master 3 retrace avec une modeste efficacité la vengeance d'André Toulon auprès de la Gestapo responsable de la mort de son épouse. Le vétéran Richard Lynch endossant l'ignoble Major Kraus avec un cabotinage gentiment caustique de par sa cruelle impériosité. Et pour égayer l'intrigue somme toute classique, Toulon est entouré de deux naïfs résistants (un père et son jeune fils) communément réfugiés dans une maison en ruine afin d'échapper à l'autorité, quand bien même un médecin (transfuge) tente de négocier le secret de Toulon. Jalonné de séquences horrifiques amusantes (surtout l'ultime mise à mort auprès du méchant !) sous l'impulsion des marionnettes tueuses filmées en stop motion, le charme opère toujours en dépit de la réalisation bricolée de David DeCoteau plus inspiré à leur donner chair que de consolider une solide intrigue plutôt chiche en rebondissements. Quoiqu'il advienne, aussi démanchée soit l'entreprise et stéréotypés ces personnages, Puppet Master 3 divertit agréablement grâce à son rythme soutenu nanti de charme innocent.

Puppet Master: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/07/puppet-master.html
Puppet Master 2: http://brunomatei.blogspot.com/2018/08/puppet-master-

* Bruno

samedi 1 septembre 2018

A BEAUTIFUL DAY. Prix d'interprétation Joaquin Phoenix, Prix du Scénario, Cannes 2017.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"You Were Never Really Here" de Lynne Ramsay. 2017. Angleterre/France. 1h30. Avec Joaquin Phoenix, Ekaterina Samsonov, Alessandro Nivola, Alex Manette, John Doman.

Sortie salles France: 8 Novembre 2017 (Int - 12 ans avec avertissement). U.S: 23 Février 2018

FILMOGRAPHIE: Lynne Ramsay est une réalisatrice britannique, née le 5 décembre 1969 à Glasgow (Royaume-Uni). 1999: Ratcatcher. 2002: Le Voyage de Morvern Callar. 2011: We Need to Talk about Kevin. 2017: A Beautiful Day.


Remarquée avec l'excellent thriller We Need to Talk about KevinLynne Ramsay redouble d'ambition avec le difficilement apprivoisable A beautiful Day. De par sa mise en scène à la fois contemplative et expérimentale ainsi que le jeu viscéral du fantôme errant Joaquin Phoenix (il traîne sa lourde carcasse amplifiée de son visage bouffi), A beautiful Day bouscule les habitudes du spectateur si bien qu'une majorité d'entre eux risque d'y être dérouté. Car à travers un récit classique mais d'une grande intensité dramatique, la réalisatrice compte sur sa personnalité singulière pour détourner les codes du genre. Tant auprès de l'intelligence du non-dit, du silence entre les mots pour les remplir d'humanité déchue que d'un refus du racolage à travers son thème si sordide. Ainsi, en abordant la pédophilie de la manière la plus éthérée qui soit, A beautiful day nous retrace la descente aux enfers documentée d'un tueur à gage délibéré à retrouver la fille d'un sénateur kidnappée par un réseau pédophile.


Partageant son existence avec sa mère décatie, Joe ne compte que sur l'amour et la tendresse de cette dernière pour se donner encore une ultime raison existentielle. Mais sa nouvelle mission d'extirper Nina de la prostitution va l'entraîner dans une déchéance morale à la limite de la schizophrénie. Les fantômes du passé refaisant surface, notamment à travers un périple belliqueux (c'est un ancien marine), faute d'innocences sacrifiées. Traversé d'éclairs de violence barbares d'une rare brutalité, A beautiful day ne sombre aucunement dans la complaisance si bien que le hors-champs est souvent de rigueur ou que la résultante des meurtres permet au récit de rebondir malgré l'aspect routinier d'une telle décadence criminelle où chaque individu ne compte que sur son propre intérêt selon la volonté d'une autorité souveraine. Sombre, désespéré, chaotique en photographiant scrupuleusement une métropole urbaine tentaculaire comme hantée par le Mal le plus couard, Lynne ramsay dresse un tableau anxiogène sur la nature humaine partagée entre la haine, le pouvoir et la perversité. Joe arpentant machinalement à l'aide de son marteau les quartiers noctambules à l'instar d'un robot monolithique sans vergogne. Seule l'étincelle d'espoir à retrouver Nina en vie l'amènera peut-être à s'extraire du bout du tunnel en dépit de sa solitude aliénante où perce une désillusion suicidaire.


Fort d'une mise en scène très stylée (BO entraînante à l'appui !) adepte de l'anticonformisme et du jeu vénéneux de Joaquin Phoenix (Prix d'interprétation à Cannes) transperçant l'écran avec une alchimie morale quasi surnaturelle (notamment à travers la puissance de son regard rapace), A beautiful day est un voyage au bout de la nuit. Une quête existentielle de dernier ressort à renouer avec l'innocence et tenter de dénicher un semblant d'havre de paix au sein d'une société de stupre nécrosée par le pouvoir. 

* Bruno

Récompenses: Festival de Cannes 2017
Prix d'interprétation masculine pour Joaquin Phoenix
Prix du scénario pour Lynne Ramsay

vendredi 31 août 2018

Descente aux Enfers / Vice Squad

                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site four-tous.blogspot.com

de Gary Sherman. 1982. US.A. 1h37. Avec Gary Swanson, Wings Hauser, Season Hubley, Pepe Serna, Nina Blackwood, Beverly Todd, Lydia Lei, Joseph DiGiroloma.

Sortie salles France: 4 Août 1982. U.S: 22 Janvier 1982

FILMOGRAPHIE: Gary A. Sherman est un réalisateur, scénariste et producteur américain né en 1943 à Chicago dans l'Illinois. 1972: Le Métro de la mort, 1981: Réincarnations, 1982: Descente aux enfers, Mystérious Two (TV film), 1984: The Streets (TV film), 1987: Mort ou Vif, 1988: Poltergeist 3, 1990: Lisa, After the Shock, 1991: Murderous Vision (TV film).


Remarqué auprès de son premier long, le Métro de la mort, puis révélé avec le bijou d'humour macabre, Réincarnations, Gary Sherman exploite en 1982 le thriller à travers la série B teigneuse Descente aux Enfers. Le PitchAprès être parvenu à s'échapper une seconde fois au moment de son arrestation, un tueur misogyne s'efforce de retrouver une jeune prostituée, l'indic ayant permis à la police de l'appréhender. L'inspecteur Tom Walsh et ses adjoints (déguisés en civils) tentent de retrouver ses traces avant qu'il n'assassine la prostituée en guise de vengeance. Baignant dans un vénéneux climat nocturne afin de mettre en exergue une faune urbaine aliénée (tant auprès d'une clientèle lubrique machiste que des trafiquants en tous genres), Descente aux Enfers joue la carte du divertissement pour adultes, de par son environnement souvent glauque et son langage cru particulièrement rustre n'ayant pas froid aux yeux.


Ainsi, si l'intrigue sommaire ne se focalise que sur l'efficacité d'une chasse à l'homme rondement menée (actions, agressions, poursuites en règle), Descente aux Enfers maintient d'autant mieux l'intérêt grâce à l'implication des comédiens habités par une frénésie collective à s'efforcer de localiser et appréhender un tueur dégénéré littéralement increvable. On peut d'ailleurs s'amuser de 1 ou 2 rebondissements improbables lorsque celui-ci parvient une énième fois à échapper à ses rivaux avec une insolence racoleuse. Or ici, l'invraisemblable demeure tout à fait crédible de par les réalisme des situations remarquablement mises en scène par le dynamisme du montage et l'impulsion dégénérée des protagonistes à bout de souffle. On y croit donc en étant rivé à notre fauteuil par son intensité impromptue. Gary Sherman y injectant d'ailleurs une certaine dérision à travers quelques situations sciemment grotesques, de par la posture erratique d'olibrius en mal de notoriété (le vieux chinois adepte du kung-fu, le vieillard en berne et sa mise en scène nécrophile). Ainsi, fort d'une solide distribution (Gary Swanson en flic irascible bafouant ses règles déontologiques, la néophyte Season Hubley en catin au grand coeur à bout de souffle crève l'écran), Descente aux enfers gagne en rigueur sous l'impulsion ébaubie de Wings Hauser littéralement habité en maniaque stoïque au regard écarquillé ! A eux trois, ils forment un trio belliqueux aussi impressionnant que névrosé à arpenter une métropole urbaine en ébullition si bien que la marginalité est reine.


Hollywood Night vitriolé.
Sans révolutionner le genre mais tenant louablement la dragée haute à ses homologues (New-York 2h du matin, l'Ange de la Vengeance, Cruising), Descente aux Enfers est suffisamment nerveux, alerte, violent (tant les gestes que la parole), coloré (superbe photo éclairée de néons gélatineux), immersif, forcené pour scander un modèle de série B dressant en background un tableau assez inquiétant d'une Amérique interdite en proie à une misanthropie galopante. A revoir d'urgence si bien qu'il n'a pas pris une ride grâce en priorité à la nervosité de sa mise en scène souvent inventive et à son réalisme décomplexé. 

* Bruno
26.03.23. 3èx
31.08.18. 
03.03.11

jeudi 30 août 2018

La longue nuit de l'Exorcisme / Non si sevizia un paperino / Ne torturez pas le caneton

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site jambo-congo.net

de Lucio Fulci. 1972. Italie. 1h48. Avec Barbara Bouchet, Tomas Milian, Florinda Bolkan, Marc Porel, Ugo D'Alessio, Georges Wilson,  Irene Papa.

Sortie salles Italie: 29 septembre 1972. France: 22 mars 1978 (Int - 18 ans)

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988: Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence.

 
"L’innocence crucifiée sous le soleil de Sicile"
Un an après Le Venin de la Peur, Lucio Fulci emprunte à nouveau la voie du thriller. Non pas celle du giallo, comme aiment à le souligner certains spécialistes — car selon mon raisonnement personnel, il ne s'agit ici nullement du traditionnel tueur ganté décimant à l’arme blanche de charmantes demoiselles dénudées dans un stylisme charnel typiquement latin. D’ailleurs, précisons que son titre franchouillard, La Longue Nuit de l’Exorcisme, ne fut qu’un coup mercantile pour surfer sur le succès phénoménal de L’Exorciste de Friedkin. On lui préférera donc son titre original, bien plus subtil et insolite : Ne torturez pas le caneton. Bizarrement, le film ne sortira chez nous qu’en 1978, soit six ans après sa sortie officielle.

Dans un village sicilien écrasé de soleil, une série d’infanticides sans mobile apparent secoue la population. La police, dubitative, enquête en vain avant de désigner un simple d’esprit comme bouc émissaire. Très vite, l’agitation populaire enfle : la "sorcière" du village devient la nouvelle cible. 

Avertissement aux âmes prudes : La Longue Nuit de l’Exorcisme ose aborder l’infanticide dans un climat à la fois licencieux et redoutablement pervers. Et ce, sans jamais sombrer dans la complaisance — si l’on met de côté quelques séquences jugées discutables, tel le lynchage d’une puissance tragique ou la chute d’une victime dévalant une falaise. 

Le ton est donné d’emblée, avec la découverte incongrue d’une sauvageonne déterrant un petit squelette. On enchaîne avec une scène de sexe entre adultes consentants dans une grange, épiés par l’idiot du village à travers les volets. Puis survient l’inconfort : une séquence à la limite de la décence, où une femme nue aguiche un enfant d’à peine douze ans. Le malaise est là, profond, dérangeant, mais sans jamais céder au voyeurisme : tout repose sur le pouvoir de suggestion, les regards ambigus, les contradictions. Une scène qui, aujourd’hui, aurait sans doute été balayée par la censure. À l’époque, elle provoqua un tollé : l’actrice fut accusée de détournement de mineur, jusqu’à devoir prouver qu’un nain la doublait dans la scène de dos.

C’est donc à travers les paysages ruraux d’une Italie profonde que Fulci tisse son intrigue, d’une rare densité. Chacun devient un suspect potentiel. En pourfendeur, le cinéaste bouscule les tabous pour dresser le portrait noir d’une communauté intolérante, rétrograde, pétrie de superstition et de xénophobie. Il fustige une religion fanatique, abrutissante, prête à justifier le meurtre d’enfants au nom d’un ordre moral figé. La scène de lapidation — à coups de triques et de chaînes — d’une brutalité insoutenable, anticipe celle du peintre crucifié dans L’Au-delà. Fulci y mêle une mélodie élégiaque qui, loin d’atténuer l’horreur, en accentue la portée tragique. La victime agonise jusqu’à l’autoroute, sans qu’aucun automobiliste ne s’arrête. Abrupt. Nihiliste. Jusqu’au bout des ongles. Et pendant ce temps, le vrai coupable court toujours…

C’est alors qu’un journaliste, épaulé de la sulfureuse donzelle "pédophile", reprend l’enquête. Le dénouement, haletant, tendu, aussi trouble que musclé dans ses confrontations, ne déçoit en rien. L’identité du tueur, son mobile — aussi insensé que cérébralement dérangé — laissent une empreinte durable. Côté casting, Barbara Bouchet casse son image glamour pour incarner une allumeuse cynique, prisonnière de ses fantasmes et de son addiction à la drogue. Le spectateur, pris au piège, oscille entre fascination pour sa sensualité et dégoût pour son immoralité. Tomas Milian, l’homme aux mille visages, prend le relais dans la seconde moitié du film : charismatique, déterminé, il incarne un journaliste décidé à démêler ce nœud d’horreurs. Et que dire de Florinda Bolkan, figure à la beauté contrariée, dans le rôle bouleversant de la sorcière superstitieuse, ravagée par le deuil — puis lynchée dans une explosion de sauvagerie putassière ? Une scène extrême, d’une intensité dramatique inégalée, réservée aux amateurs d’horreur crapoteuse prêts à encaisser une bestialité sans filet.


"Les Enfants de la perversion". 
Dans son atmosphère méphitique, sa galerie de personnages ignares sombrant dans la corruption et le meurtre, La Longue Nuit de l’Exorcisme transcende le thriller rural. Fulci signe une œuvre pestilentielle, mais poignante — une diatribe viscérale contre l’obscurantisme, le fanatisme et la lâcheté des croyances aveugles. On sent que le sujet le touche profondément. Porté par le rythme mélancolique de l’inoubliable chanson d’Ornella Vanoni, ce chef-d'œuvre marginal, douloureux et lacrymal, pleure l’innocence salie par l’idéologie rétrograde. Fulci, en chantre maudit de la décadence, nous tend le miroir. Et ce que l’on y voit glace.

Note (wikipedia): À cause de son pitch critiquant l'Église catholique, le film fut inscrit sur liste noire et ne connu qu'une faible exploitation à travers l'Europe. Avant l'arrivée d'un DVD en 2000, il n'était jamais sorti aux États-Unis.

* Bruno
30/08/18. 4èx
18.01.11.  475 vues

mercredi 29 août 2018

Puppet Master 2

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de David William Allen. 1990. U.S.A. 1h24. Avec Steve Welles, Elizabeth Maclellan, Michael Todd, Julianne Mazziotti, Collin Bernsen, Gregory Webb.

Sortie Video U.S: 7 Février 1991.

FILMOGRAPHIE: David Allen est un réalisateur américain, né le 2 Octobre, 1944 à Los Angeles, Californie, décédé le 16 Août 1999. 1990: Puppet Master II. 1984: Ragewar (segment "Stone Canyon Giant").


Si l'habile artisan David Schmoeller a cédé sa place au néophyte David Allen, Puppet Master 2 ne déçoit pas vraiment, aussi malingre soit son intrigue prémâchée et stéréotypés ces protagonistes dénués de charisme. Pour autant attachants, ces dernières méconnus du public parviennent à instaurer un climat bonnard de par leur naïve innocence au niveau des romances conjugales ou des relations familiales, et leur gentille maladresse à se confronter à plus petit que soi. A savoir, des poupées diaboliques toujours aussi charismatiques dans leur morphologie inusité que David Allen filme avec une attention à la fois  circonspecte et artisanale (stop-motion probant). Tant auprès de leurs déplacements parfois (gentiment) furtifs que de leurs vilenies sournoises exécutées avec une certaine inventivité gorasse (même si on aurait pu s'attendre à plus d'effets-chocs spectaculaires). 


Hommage accort à l'épouvante de la Universal (André Toulon dans une défroque opaque héritée de L'Homme Invisible alors qu'il tente de ressusciter sa défunte épouse en référence à James Whale) et à Ray Harryhausen (les séquences en stop motion donc, le flash-back exotique en Egypte), Puppet Master 2 s'avère même un tantinet mieux rythmé que son modèle même si la gratuité de certaines scènes chocs pâlie son absence de suspense. Et si le cheminement vindicatif de Toulon, exhumé d'entre les morts grâce aux poupées, s'avère majoritairement routinier dans une posture (agréablement) emphatique, le final inopinément surprenant fait basculer l'intrigue dans une dimension fantastique intelligemment onirique. On peut d'ailleurs évoquer au gré de ses trouvailles surnaturelles rappelant un certain Tourist Trap une mise en images d'autant plus soignée et colorée pour l'expérimentation du couple hybride sur le point de s'éveiller ou encore à travers le ciel azur de son paysage côtier que les protagonistes arpentent à proximité de leur immense hôtel bâti en amont d'une falaise.


Conte horrifique mineur pour autant ludique et sensiblement fascinant sous l'impulsion de la mélodie infantile de Richard Band, Puppet Master 2 tire parti de son charme Bis grâce à l'insolence des poupées insidieuses que David Allen filme avec une scrupuleuse tendresse. De par leur étrange mutisme où plane l'occultisme et leurs exactions fielleuses à nuire à la tranquillité des locataires avec une ambition outre-mesure. Or, un peu dommage que le récit soit aussi mal structuré que peu intense auprès de l'évolution atone de personnages bonnards. Mais le charme et la sympathie d'une série B sans prétention opèrent encore avec une efficacité timorée pour autant agréable à suivre. 

*Bruno
15.03.23. 4èx

Ci-joint la chronique du 1er opus: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/07/puppet-master.html

mardi 28 août 2018

LES INSECTES DE FEU. Licorne d'Or, Paris 1975.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site seriebox.com

"Bug" de Jeannot Szwarc. 1975. U.S.A. 1h40. Avec Bradford Dillman, Joanna Miles, Richard Gilliand, Jamie Smith Jackson, Alan Fudge, Jesse Vint, Patricia McCormack, Brendan Dillon.

Sortie salles France: 28 Janvier 1976

FILMOGRAPHIE: Jeannot Szwarc est un réalisateur français, né le 21 Novembre 1939 à Paris.
1973: Columbo: adorable mais dangereuse, 1975: les Insectes de Feu, 1978: Les Dents de la mer 2, 1980: Quelque part dans le temps, 1983: Enigma, 1984: Supergirl, 1985: Santa Claus, 1994: La Vengeance d'une Blonde, 1996: Hercule et Sherlock, 1997: Les Soeurs Soleil.


Une pierre angulaire de l'horreur catastrophiste héritée du réalisme malsain des Seventies ! Glaçant !
A l'aube d'une riche carrière éclectique alternant le meilleur et le pire, le français Jeannot Szwarc  réalise en 1975 un de ses meilleurs films, une série B horrifique matinée de science-fiction et de catastrophe alors en vogue. Produit et co-scénarisé par William Castle, en collaboration avec la Paramount depuis le prodigieux succès de Rosemary's BabyLes Insectes de Feu est également tiré d'un roman de Thomas Page: The Hephaestus Plague, publié en 1973. Un séisme ravage une région bucolique des Etats-Unis libérant par l'occasion d'étranges insectes capables d'incendier la nature environnante au contact de leur abdomen. Peu à peu, d'étranges incidents surviennent auprès des citadins, les arthropodes agressant leurs victimes au contact du feu. Un professeur universitaire retranché chez lui décide de les étudier depuis la mort de son épouse causée par eux. Récompensé à Catalogne et au Rex à Paris si bien qu'il remporte la fameuse Licorne d'Or, Les Insectes de Feu  demeure un délicieux cauchemar si représentatif des Seventies avec son réalisme aussi âpre que terrifiant. Et pour cause, son sujet traité avec le plus grand sérieux exploite des séquences horrifiques proprement viscérales et remarquablement efficaces, de par leur impact aussi inédit que spectaculaire et la qualité consciencieuse des trucages (récompensés à Catalogne). En l'occurrence, les victimes insidieusement molestées par les blattes tentent désespérément de fuir la menace du feu si bien que ces dernières sont capables d'incendier leur victime au contact de leur abdomen. Les citadins se transformant en torches  humaines après que l'insecte eut parvenu à produire de la chaleur combustible au contact tactile ! Des visions d'effroi, malsaines, impitoyables et dérangeantes que Szwarc parvient à mettre en exergue avec un brio technique avisé !


Ces séquences s'avèrent d'autant plus réalistes lorsque les victimes accourent dans l'intensité de l'affolement, quand bien même Jeannot Swarc y injectait plus tôt un suspense parfois oppressant quant à l'expectative de leur prochaine agression. Ainsi, la fascination répulsive exercée sur ses diaboliques invertébrés, délibérés à dominer le monde faute d'un chercheur endeuillé, réussit à nous convaincre de leur dangerosité grâce à leur véracité corporelle. Repoussantes par leur aspect métallique si j'ose dire (leur carapace s'avère souple et rigide), ses dernières crèvent l'écran avec un réalisme inusité sachant que l'auteur se refuse à désamorcer l'horreur des situations par une dérision macabre. Qui plus est, celui-ci utilise habilement son savoir-faire technique par l'entremise d'une partition musicale quasi expérimentale, une photo solaire et crépusculaire et de nombreux zooms auscultant l'anatomie de ces blattes dévoreuses de cendre ! La seconde partie beaucoup plus sobre mais cauchemardesque et résolument inquiétante par son aspect documenté exploite le huis-clos étouffant à travers les agissements scientifiques du biologiste obsédé à l'idée d'exterminer les insectes depuis que sa femme en fut l'une des victimes. Sous le principe du reportage animalier, ce second acte réussit à captiver à travers une succession d'épreuves scientifiques qu'effectue ce dernier subitement animé par une forme de dépression mégalo à daigner accoupler ensuite ces arthropodes (hérités de la préhistoire !) avec une autre race d'insectes ! Terré dans l'insalubrité de sa demeure et perdant peu à peu tous repères  avec la réalité, James Parmiter joue aux apprentis sorciers au péril de sa vie et de son entourage.  Spoiler!!!  Ce qui nous amène à une conclusion cruelle d'autant plus terrifiante de nihilisme pour la prescience d'une éventuelle apocalypse éludée de lueur d'espoir Fin du Spoiler.


Efficacement mené et résolument fascinant de par l'aspect réaliste de cette menace animale plus vraie que nature, Les Insectes de Feu constitue une oeuvre charnière de l'épouvante des Seventies. Ainsi, à travers son passionnant thème écolo (la quête de pouvoir entre l'homme et l'insecte), on est d'autant plus alerter de témoigner de l'arrogance du chercheur autiste obsédé à l'idée de dompter une mutation carnivore pour une cause révolutionnaire (voire mégalo selon moi). Sa solide distribution  (Bradford Dillman très investi en savant borderline en perte de moralité), les séquences chocs très impressionnantes qui ponctuent (sans gratuité) l'intrigue et son score dissonant confirment que ce classique de l'horreur vérité n'a rien perdu de sa vigueur malsaine.   

* Bruno
28.08.18. 5èx
13.06.11

Récompenses:
Prix des meilleurs effets spéciaux pour Phil Cory, lors du Festival du film de Catalogne en 1976.
Prix du Public et Licorne d'Or au Rex à Paris en 1975.

lundi 27 août 2018

Mutant

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de John Bud Cardos. 1984. U.S.A. 1h39. Avec Wings Hauser, Bo Hopkins, Jody Medford, Lee Montgomery, Marc Clement, Cary Guffey.

Sortie salles France: Inédit. U.S: 24 Août 1984

FILMOGRAPHIE: John 'Bud' Cardos est un réalisateur, acteur et producteur américain, né le 20 Décembre 1929 à Saint Louis, Missouri. 1970: The red, white, and black. 1971: Drag Racer. 1971: The Female Bunch (non crédité). 1977: L'Horrible Invasion. 1979: The Dark. 1979: Le Jour de la fin des temps. 1984: Mutant. 1988: Act of Piracy. 1988: Skeleton Coast. 1988: Les Bannis de Gor.


Spécialiste de séries B horrifiques surfant parfois avec la série Z (alors qu'on lui doit toutefois l'incontournable  l'Horrible Invasion, meilleur film d'agression arachnide jamais réalisé), Mutant ne déroge pas à la règle du divertissement du samedi soir idoine. Plaisir innocent donc davantage attrayant (il faut le voir pour le croire !), l'intrigue relate la visite impromptue de 2 frères dans une petite bourgade ricaine à la suite d'un accident de voiture causé par des rednecks du coin. Le soir même, ils parviennent à trouver refuge dans un hôtel. Mais le lendemain, le frère cadet a subitement disparu. Josh s'efforce alors de le retrouver en se liant d'amitié avec une tenancière. Mais les cadavres s'accumulent si bien que l'invasion des zombies ne fait que s'amorcer ! Bourré de clichés à n'en plus finir, de situations éculées et de personnages génialement stéréotypés à travers leur surjeu accort (notamment un "méchant" persifleur aussi casse-couille que récalcitrant),  Mutant parvient miraculeusement à distraire auprès de son rythme en crescendo toujours plus généreux et oh combien ludique et jouissif. Les 3 premiers quart-d'heure jouant gentiment la carte de l'expectative auprès de notre héros en herbe alors qu'au fil de son investigation les évènements délétères s'y cumuleront à rythme davantage endiablé lorsque les citadins se transforment en zombies faute de déchets toxiques industriels. 


Baignant dans une chaude atmosphère rurale et résolument bonnard grâce à son casting de seconde zone et à son rythme incroyablement fertile, Mutant s'avère toujours plus efficace, quand bien même la réalisation maladroite de John Bud Cardos parvient à distiller un charme Bis de par sa sincérité à exploiter le filon du zombie à l'aide de maquillages cheap néanmoins soignés, fascinants, référentiels si bien que l'on songe autant à Zombie de Romero qu'au Carnaval des âmes. Outre la posture ballot des comédiens à la trogne parfois charismatique (le shérif local amicalement incarné par Bo Hopkins), on s'amuse surtout du cabotinage de l'acteur Wings Hauser (Descente aux enfers/Vice Squad de Gary Sherman) dans celui de l'aimable touriste au regard tantôt ébaubi, tantôt écarquillé, car croyant dur comme fer (et nous avec !) à l'horreur des situations surnaturelles. L'ultime demi-heure fertile en agressions horrifiques (notamment au sein d'un huis-clos exigu que le couple tente de barricader) l'incitant à jouer les héros avec une sobriété terriblement attachante. Quant aux zombies erratiques à la trogne grand-guignolesque (ils sont grimés d'une sorte de cirage blanc puis noir aux contours des yeux), ils parviennent autant à amuser qu'à fasciner lorsqu'il tentent fébrilement de provoquer l'effroi à l'aide d'une gestuelle génialement outrancière ! Si bien que l'on croit à ce que l'on voit, aussi improbable soit cette contamination morbide outre-mesurée ! A voir absolument donc pour tous les amoureux de Bis horrifique mâtiné de science-fiction des années 50 auquel le réalisateur fait notamment référence dans son contexte bucolique autrement contemporain. 

* Bruno
3èx. Vostfr. 

    vendredi 24 août 2018

    La Maison du Diable / The Haunting

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site horreur-web.forumactif.com

    "The Haunting" de Robert Wise. 1963. Angleterre. 1h51. Avec Julie Harris, Claire Bloom, Richard Johnson, Russ Tamblyn, Fay Compton, Rosalie Crutchley, Lois Maxwell, Valentine Dyall, Diane Clare, Ronald Adam.

    Sortie en salles en France le 4 Mars 1964. U.S: 18 Septembre 1963.

    FILMOGRAPHIERobert Wise est un réalisateur, scénariste, producteur, monteur né le 10 Septembre 1914, décédé le 14 Septembre 2005 à Winchester (Indiana). 1944: La Malédiction des Hommes Chats, 1945: Le Récupérateur de cadavres, 1948: Ciel Rouge. Né pour Tuer. 1949: Nous avons gagné ce soir. 1952: La Ville Captive. 1952: Le Jour où la terre s'arrêta. 1954: Les Rats du Désert. 1957: Marqué par la Haine. 1958: l'Odyssée du sous-marin Nerka. 1962: West Side Story. 1963: La Maison du Diable. 1966: La Mélodie du Bonheur. 1967: La Canonnière du Yang-Tsé. 1972: Le Mystère Andromède. 1975: L'Odyssée du Hindenburg. 1977: Audrey Rose. 1980: Star Trek. 1989: Les Toits. 2000: Une Tempête en été (télé-film)

     
    "Les Murmures de Hill House".
    Réalisateur prolifique, virtuose de la diversité des genres, Robert Wise s’inspire en 1963 d’un roman de Shirley Jackson pour tenter d’authentifier le cas d’une demeure hantée dans La Maison du Diable. Passionnante psychanalyse des angoisses les plus ravageuses, ce chef-d’œuvre inégalé laisse planer un doute constant sur l’intrusion du surnaturel, nous entraînant dans le vertige d’une interrogation irrésolue.

    Le pitch : un professeur en parapsychologie réunit trois auxiliaires autour d’un cas de maison hantée dans la célèbre Hill House. Eleanor, la plus fragile, semble à la fois attirée et terrifiée par la présence diffuse qui hante la demeure. Peu à peu, sa vie bascule dans la paranoïa et la névrose, submergée par le deuil récent de sa mère et par cette bâtisse aux charmes ténébreux qui exerce sur elle une emprise occulte.

    Modèle de suggestion d’une richesse vertigineuse, La Maison du Diable est une expérience ultime de la peur subtile, insidieuse, celle du désagrément. Robert Wise y trace avec une émotion feutrée le portrait introspectif d’une femme esseulée, accablée par une existence marquée du sceau de la déréliction. Incapable de supporter sa cohabitation avec une sœur autoritaire, Eleanor vit rongée par la culpabilité du décès de sa mère impotente. Un soir, alors que celle-ci l’implorait de lui apporter ses médicaments, Eleanor, épuisée ou distraite, omet de répondre à l’appel. 

    En conteur circonspect, Wise ausculte les tourments mentaux d’une célibataire aguerrie, hypersensible aux mesquineries d’une compagne de chambre qui la provoque, miroir cruel de sa paranoïa naissante. Dans cet environnement trop vaste, baroque et menaçant (l’immense escalier en colimaçon, le jardin de statues figées), Eleanor perçoit une aura maléfique qui la consume. Les premiers phénomènes inexpliqués — un tambourinement assourdissant derrière une porte, des voix enfantines ou caverneuses, des bruits de pas, une porte respirante — viennent aggraver la terreur. Est-ce la maison qui agit ? Ou l’esprit d’Eleanor qui implose ? La mise en scène nerveuse, les cadrages alambiqués, l’hystérie contenue des témoins : tout nous plonge dans une angoisse troublante, où la psychose devient soupçon, et l’architecture même du lieu une incarnation de la peur intérieure.

    La force du film émerge du psychisme vulnérable d’Eleanor, témoin d’évènements peut-être paranormaux, ou simple victime de son propre effondrement. La maison pourrait n’être que le catalyseur fantasmatique des angoisses réprimées par les esprits les plus introvertis, les plus brisés. Quand l’autonomie échoue, que l’ego se dissout, que le passé revient hanter — la peur du noir, de la mort, de l’inconnu — il ne reste qu’un gouffre béant. Celui d’une culpabilité inguérissable, née d’une mère mourante que l’on n’a pas su sauver.


    "Le Vertige du doute".
    Sommet d’angoisse latente, de tension diffuse et de mystère insondable, La Maison du Diable s’impose comme la clef de voûte du gothique psychologique. À travers la hantise d’un manoir sublimement éclairé de contrastes monochromes, Robert Wise transcende la psychanalyse d’une patiente déchue, emportée — malgré elle ou avec un consentement trouble — par une délivrance morbide pour échapper à une solitude invivable. Le doute plane, toujours : hallucination ou réalité ? La maison respire-t-elle ? Ou est-ce Eleanor qui se désintègre ? Le film joue avec brio sur cette ambiguïté, distille une suggestion vénéneuse, jusqu’à devenir une énigme impénétrable, hantée par une entité peut-être fictive, peut-être malveillante. Pour parachever l’expérience, la force expressive du quatuor d’interprètes (à graver dans le marbre) porte le récit à incandescence. Depuis, aucun cinéaste n’a su dépasser ce chef-d’œuvre incorruptible — et c’est un euphémisme.

    * Bruno
    24.08.18. 5èx
    27.09.11. 337 vues

    jeudi 23 août 2018

    LUNA

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

    de Elsa Diringer. 2017. France. 1h33. Avec Laëtitia Clément, Rod Paradot, Lyna Khoudri, Julien Bodet, Frédéric Pierrot, Juliette Arnaud.

    Sortie salles France: 11 Avril 2018

    FILMOGRAPHIEElsa Diringer est une réalisatrice et scénariste française née en 1982 à Strasbourg. 2017: Luna.


    "Le pardon ne change pas le passé; il élargit les horizons du futur." 
    Douloureux drame social dénonçant le viol d'après l'influence du harcèlement et des brimades collectives, Luna y développe une superbe histoire d'amour entre la victime et l'une des coupables secrètement hantée de honte et de remord. Première réalisation d'Elsa Diringer dirigeant son récit avec une sensibilité jamais ostentatoire (on écarte donc toute forme de pathos surtout dans le cadre de la romance expansive), Luna parvient à cultiver une sincère émotion sous l'impulsion du couple Laëtitia Clément (son tout 1er rôle à l'écran !) / Rod Paradot (révélé par la Tête Haute et récompensé pour l'occasion du César du Meilleur Espoir masculin). Car outre l'intelligence de la réalisatrice à transcender les clichés grâce à la fraîcheur des acteurs (la plupart) amateurs et à son réalisme naturaliste (notamment dans sa manière de photographier une campagne solaire à l'expressivité sereine), Luna captive infailliblement grâce à l'osmose progressive des deux acteurs d'une attachante complicité.


    L'intérêt du récit émanant du profil torturé d'une jeune fille instable en initiation mature. Car facilement influençable auprès d'un bad-boy sans vergogne et de sa bande délinquante, Luna va pour autant parvenir à s'extraire des mauvaises fréquentations grâce à la rencontre impromptue avec sa victime autrefois traumatisée par une agression aussi lâche que sordide (la séquence empruntant le hors-champs s'avère malgré tout assez crue et dérangeante). De prime abord lâche, couarde, menteuse et perfide, Luna va peu à peu s'écarter de ses malsaines influences, s'y remettre en question puis accuser le remord grâce à son idylle naissante avec Alex. Quant à ce dernier rongé par l'impuissance, l'injustice, la haine et la vengeance, Rod Paradot compte sur l'intégrité de son jeu naturel si dépouillé afin de nous provoquer une empathie jamais démonstrative. Sa manière humble de jouer l'acteur, entre fragilité, perspicacité et fébrilité, provoquant chez nous une émotion toujours plus intense au fil de son cheminement sinueux. Le couple formant à l'écran une complicité amoureuse bipolaire eu égard de la tournure houleuse des révélations lorsque la vérité est mise à nu pour tenter de se libérer du poids de la culpabilité.


    Baignant dans le doux climat solaire d'une Province estivale, Luna invoque au fil de son récit précaire une soif de liberté et de joie de vivre de la part de blessures humaines en quête de rédemption. Constamment captivant grâce à la maîtrise personnelle de sa réalisatrice néophyte, parfois même capiteux auprès de ses plages musicales envoûtantes, Luna doit pour autant beaucoup à l'alchimie du couple (sobrement) scintillant Clément / Paradot communément partagé entre le désagrément, le mal être et la rage d'aimer. Et ce jusqu'à nous bouleverser vers une ultime étreinte infiniment symbolique... 

    * Bruno

    mercredi 22 août 2018

    L'EMPRISE DES TENEBRES

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

    "The Serpent and the Rainbow" de Wes Craven. 1988. U.S.A. 1h38. Avec Bill Pullman, Cathy Tyson, Zakes Mokae, Paul Winfield, Brent Jennings, Conrad Roberts.

    Sortie salles France: 11 Mai 1988. U.S: 5 Février 1988

    FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio, décédé le 30 Août 2015. 1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.


    Dans les croyances vaudou, le serpent symbolise la terre et l'arc en ciel le paradis.  Les créatures qui vivent entres les deux vivent, puis meurent. L'homme, dôté d'une âme, peut-être piégé dans un univers impitoyable où la mort n'est qu'un début. L'histoire qui suit s'inspire de faits réels. 

    On a beau juger Wes Craven comme un réalisateur inégal capable du meilleur comme du pire, il nous aura tout de même légué une poignée de perles décoiffantes dont l'Emprise des Ténèbres s'y porte en digne étendard. Car il s'agit probablement selon mon jugement de valeur de son oeuvre la plus aboutie et maîtrisée, la plus trouble et terrifiante (avec peut-être les Griffes de la nuit auquel il entretient quelques points communs, telle la démarche oscillatoire de cauchemar et réalité). Tiré d'une histoire vraie, aussi improbable que puisse paraître son concept incongru, l'Emprise des Ténèbres gagne en force dramatique et climat terrifiant au fil d'une investigation endurante qu'un anthropologue obtus s'efforce d'achever afin d'obtenir une poudre ayant le pouvoir de ressusciter un mort. Car ce produit, la tétrodotoxine, pourrait être autrement fructueux entre de bonnes mains afin de sauver des vies lors d'opérations anesthésiques. Sachant qu'aux Etats-Unis 40 000 à 50 000 patients meurent chaque année sur la table d'opération. Non pas à cause de l'intervention mais faute du choc anesthésique ! Après des études poussées, cette poudre pourrait donc sauver 50 000 vies rien qu'aux Etats-Unis s'exclamera un négociant pharmaceutique ! Abordant le thème sulfureux de la magie noire du Vaudou avec un réalisme étonnamment documenté (notamment au niveau des composants de la poudre à Zombies, de la religion haïtienne et de son contexte politique dictatorial en compromis avec une police véreuse), Wes Craven s'avère sacrément inspiré pour nous entraîner dans une descente aux enfers tropicale (décors naturels tantôt édéniques, tantôt oniriques auprès d'une nécropole ornementale) d'une aura méphitique.


    Dans la mesure où je me réfère à la trajectoire morale de l'anthropologue ne parvenant plus à distinguer la réalité de ses hallucinations. Wes Craven utilisant judicieusement le surnaturel vaudou par le biais de visions horrifiques aussi bien dérangeantes que terrifiantes que la victime endure dans sa condition humaine puis zombie (notamment l'incroyable séquence de claustration au fin fond d'un cercueil !). Et ce même si on peut déplorer un ultime rebondissement horrifique aussi vain que grotesque à renchérir dans l'horreur festive. Mais c'est bien là le seul reproche que j'appliquerai à cette passionnante intrigue tant Wes Craven, en pleine possession de ses moyens, maîtrise à merveille appréhension et commotion (notamment durant l'agression d'un dîner dandy) avec un réalisme perturbant (les tortures inquisitrices, si viscérales, que perpétue la police lors d'interrogatoires forcés !). Quand au casting 3 étoiles, on y côtoie l'incroyable charisme patibulaire de Zakes Mokae en leader bicéphale sans vergogne, l'élégante Cathy Tyson en faire-valoir sentimentale ou encore l'excellent  Brent Jennings en margoulin sournois faussement avenant mais pour autant solidaire, voir même loyal. Mais c'est bel et bien Bill Pullman qui rafle la mise avec sa spontanéité burnée eu égard de ses prises de risques résolument suicidaires de par ses enjeux à la fois héroïques et cupides si j'ose dire (celui d'exporter la poule aux oeufs d'or d'une poudre miracle révolutionnaire).


    Tour à tour étrange, inquiétant, trouble et fascinant, l'Emprise des Ténèbres déstabilise en crescendo à distiller un malaise tangible au fil d'un onirisme macabre déconcertant car abordant lestement le surnaturel sous couvert de poison hallucinogène. D'un réalisme documenté saisissant (le film fourmille en prime de détails visuels saillants), tant auprès de son contexte politique en proie à la sédition que de ses situations d'effroi où l'irruption du cauchemar le plus licencieux s'accapare de la réalité, l'Emprise des Ténèbres est notamment scandé du score si percutant de Brad Fiedel. A redécouvrir fissa si vous daignez vous injecter une bonne dose de (vrais) frissons, notamment pour confirmer aujourd'hui (et donc à la 5è revoyure !) que Wes Craven a bel et bien accomplit ici son oeuvre la plus maîtrisée et cauchemardesque (à 2/3 couacs grand-guignolesques près). 

    * Bruno
    5èx

    "La poudre à zombies et son principe actif, la tétrodotoxine, font  l'objet de recherches scientifiques approfondies en Europe et aux Etats-Unis. A ce jour, son mode d'action reste un mystère."