samedi 15 septembre 2018

Maniac

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Franck Khalfoun. 2012. France/U.S.A. 1h30. Avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, Liane Balaban, America Olivo, Joshua De La Garza.

Sortie salles France: 2 Janvier 2013

FILMOGRAPHIEFranck Khalfoun est un réalisateur, scénariste, acteur et monteur américain
2007: 2è Sous-sol. 2009: Engrenage Mortel (Wrong Turn at Tahoe). 2012: Maniac


"Maniac : solitude en caméra close".
Discrédité avant même son entreprise, déjà étiqueté remake bancable d’un chef-d’œuvre traumatisant, Maniac nouvelle mouture prenait un risque double : reprendre un monument crasseux du cinéma d’horreur, et confier le rôle-titre à un acteur au minois infantile. Un choix particulièrement couillu, qui laissait craindre le pire, d’autant plus que son réalisateur, encore novice, venait de livrer deux productions aussi conventionnelles que tièdes. Pourtant, produit par William Lustig en personne, épaulé des Français Aja et Levasseur (également crédités au scénario), ce Maniac autrement sophistiqué fait le choix intelligent de ne pas singer son modèle cradingue. Filmé intégralement en caméra subjective, du point de vue du tueur, Maniac version 2012 est une nouvelle plongée dans les bas-fonds d’un Los Angeles corrompu, qu’un psychopathe entreprend de « nettoyer » en ciblant une gent féminine aguicheuse.
 
Dès le prologue, l’ambiance est posée : anxiogène, crépusculaire, poisseuse. Un New York fantasmé, insalubre, nous est exposé avec un réalisme cafardeux : badauds désoeuvrés, foule cosmopolite, trottoirs noyés sous les détritus, tentes de fortune plantées çà et là… À l’image prophétique du premier crime, prémédité, concis, radical. Une séquence choc, dérangeante, qui annonce la couleur : Maniac ne sera pas une virée ludique, mais un bain de noirceur brutale.


La cruauté du meurtre, et l’impuissance absolue de la victime, incapable même d’un cri : nous voilà saisis, sidérés. Et la bonne nouvelle, c’est que l’errance nocturne du maniac restera une dérive introspective, jalonnée de fulgurances aussi terrifiantes qu’éprouvantes. Car tout au long de cette traque sanglante, le spectateur, pris en otage par l’œil du tueur, est contraint à une identification instinctive. L’effet d’immersion est immédiat, mais surtout, il dérange — il incommode, il asphyxie. On partage ses pensées malades, ses visions hallucinées de mannequins sanguinolents lovés dans une chambre tamisée, ses crimes lâches et acérés. Autant dire que cette nouvelle version génère une submersion sensorielle bien plus intense que son modèle initial. À l’inverse, on est loin de l’angoisse trouble du film de Lustig et du jeu moite de Joe Spinell. Néanmoins, certaines séquences gores, percutantes, retournent les estomacs les moins sensibles, tant leur sauvagerie frôle parfois l’insupportable (le meurtre au poignard d’une prostituée réfugiée dans un parking est une épreuve à lui seul !).

Magnifiquement photographié dans un New York stylisé et documenté (avec notamment un décor baroque dans le métro), le film impressionne par la maîtrise de sa mise en scène : jeux de miroirs pour entrevoir le visage du tueur, plans stylisés d’un esthétisme limpide, presque poétique. Khalfoun exploite habilement le potentiel de terreur sourde qui émane de son maniac profondément esseulé. Le point d’orgue, extrême, s’incarne dans la traque de la dernière victime, en instance de survie — une séquence d’anthologie. L’épilogue atteint quant à lui un sommet de gore paroxystique, aussi bestial et grand-guignolesque que celui de son aîné.

Et pour parachever le tout, les scénaristes ont eu la bonne idée d’insister sur l’idylle fragile entre Frank et une photographe de mode. Ce lien rend son personnage presque touchant : l’empathie du spectateur finit par se laisser contaminer. Khalfoun prend soin d’illustrer la psyché ravagée de son tueur, en explorant les réminiscences d’une enfance marquée par les sévices sexuels d’une mère dépravée. Par ses victimes, c’est elle qu’il assassine encore et encore, sans jamais apaiser ses pulsions de haine ni parvenir à se réconforter dans un amour humain. En résulte une ambiance de nonchalance mélancolique, qui imprègne chaque plan — portée par une bande-son fragile, cristalline, comme en apesanteur. Une atmosphère idoine pour explorer, derrière la romance avortée, les stigmates d’un passé souillé, et la solitude incurable d’un misogyne qui fut avant tout un enfant brisé.


"L’œil du monstre".

Résolument terrifiant, glaçant, glauque, malsain dans sa forme immersive (même s’il reste à cent lieues du chef-d’œuvre initial), Maniac s’impose pourtant comme une œuvre sauvage, cruelle, et déprimante — traversée par une intensité mélancolique profondément dérangeante. Et si Elijah Wood laissait sceptique au départ, il impose ici une composition tout en retenue, dans la peau d’un psychopathe timoré, chétif, broyé par l’échec d’un amour impossible. La nouvelle génération peut applaudir : un nouveau sommet de l’horreur hardcore vient d’être légué, porté par la personnalité affirmée d’un auteur, Franck Khalfoun, résolu à nous bouleverser de la manière la plus sensorielle et viscérale qui soit. Au point qu’après le générique, un malaise sourd persiste. S’incruste. Et ne vous lâche plus.

* Bruno
15.09.18
05.01.13

vendredi 14 septembre 2018

Prince des Ténèbres / Prince of Darkness. Prix de la Critique, Avoriaz 88.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site patatedestenebres.over-blog.com

de John Carpenter. 1987. U.S.A. 1h42. Avec Donald Pleasance, Jameson Parker, Victor Wong, Lisa Blount, Dennis Dun, Susan Blanchard, Anne Marie Howard, Ann Yen, Ken Wright, Dirk Blocker.

Sortie salles France: 20 Avril 1988. U.S: 23 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


Passé le terrible échec commercial des Aventures de Jack Burton, John Carpenter revient à des budgets modestes pour entamer le second volet de sa trilogie de l'Apocalypse, amorcée avec The Thing et conclue par L’Antre de la Folie. Prince des Ténèbres réinvoque avec une puissance d’évocation fulgurante la thématique du Mal, cristallisée ici dans un ostensoir contenant un fluide aux origines troubles.

Le pitch : Dans une église abandonnée, à la demande d’un prêtre, un groupe de scientifiques et un professeur en philosophie sont recrutés pour étudier un mystérieux cylindre enfermant un étrange liquide. Cet artefact, gardé secret depuis des millénaires par une secte religieuse — les Frères du Sommeil — renfermerait… l’essence même du fils de Satan.

Éprouvé, dépité par le rejet de son film précédent, Carpenter joue la carte de l’épure : pas de démesure, mais un huis clos austère, gothique, dans l’enceinte d’un sanctuaire oublié. Avec un budget resserré et des têtes d’affiche de série B (ô combien convaincantes !), le briscard de l’horreur nous livre un concentré d’effroi satanique, contournant habilement les clichés. Dès son générique d’ouverture, étalé sur plus de dix minutes, Prince des Ténèbres séduit : montage millimétré, présentation fugace des protagonistes, musique cérémonielle entêtante composée par Carpenter et Howarth. Le ton est donné. Le spectacle qui s’en suit se construit comme un survival mystique, renversant les dogmes — Jésus y est présenté comme le descendant… d’un extraterrestre.

À travers cet objet cylindrique, réceptacle d’une force démoniaque aux ambitions cataclysmiques, le film déroule en moins de 24 heures une course contre la montre fiévreuse. Une lutte désespérée pour enrayer l’avènement de l’Antéchrist. Carpenter gère le suspense avec un art du rythme et du surgissement d’autant plus efficace qu’il s’affranchit de tout spectaculaire tapageur. Chaque rebondissement, chaque soubresaut d’horreur semble calculé pour nous clouer au fauteuil. Il joue de détails insidieux, de menaces diffuses : des insectes grouillants, un soleil dépressif, une armée de SDF livrés au Mal qui encerclent l’église, silencieux, menaçants, tels des zombies immobiles — parmi eux, l’inoubliable silhouette spectrale d’Alice Cooper.

À l’intérieur, l’angoisse s’intensifie : certains scientifiques, contaminés après avoir ingéré le fluide, deviennent les hôtes d’une possession froide. Un à un, ils se retournent contre leurs compagnons, recrachant sur leur visage cette essence maléfique, comme une souillure sacrée. Mais l’image la plus vertigineuse demeure celle du miroir, portail entre les mondes, où Satan attend une main secourable pour le tirer du néant : vision diaphane, main d’ombre d’un réalisme glaçant.
En parallèle, une voix de l’au-delà — entité sans visage — tente de joindre les protagonistes par-delà le sommeil, délivrant un message prémonitoire crypté, dans un flux d’images irradiées, comme un journal filmé du futur. Lentement, inexorablement, les agressions se multiplient, meurtrières, implacables, frappant des personnages dépassés, figés par la peur, aveuglés par le doute.
Et pourtant, parmi eux, certains résistent. S’érigent, vacillants mais vaillants. Jusqu’au sacrifice ultime.


Chef-d'oeuvre démonial. 
À travers une galerie de personnages bigarrés, peu à peu convaincus que le Mal s’apprête à régner sur Terre (saluons la présence intense de Donald Pleasence, prêtre miné par l’échec et le doute), Prince des Ténèbres distille un malaise grandissant autour d’un concept mystique qui dynamite les dogmes religieux. Carpenter signe ici une réflexion métaphysique sur l’abstraction du Mal et l’effritement de la réalité, qu’une poignée de scientifiques tente en vain de décrypter et d’endiguer. Le film tire sa puissance dramatique de sa mise en scène cauchemardesque, transfigurant une entité invisible en corps mutant, larvaire, tentaculaire.
Jusqu’à sa conclusion — stupéfiante, peut-être désespérée, génialement équivoque — où Carpenter tire le rideau au moment le plus alarmant d’une romance fracassée.


Récompense: Prix de la Critique au Festival d'Avoriaz en 1988.

* Bruno
14.09.18. 5èx
10.10.11 (220 vues)

jeudi 13 septembre 2018

BODY DOUBLE

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Brian De Palma. 1984. U.S.A. 1h54. Avec Craig Wasson, Melanie Griffith, Gregg Henry, Deborah Shelton, Guy Boyd, Dennis Franz.

Sortie salles France: 20 Février 1985. U.S: 26 Octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


Le pitch: Après avoir surpris sa compagne avec un amant, Jake Scully, acteur au rabais pour des séries Z horrifiques, se lie d'amitié avec le comédien de théâtre Sam. Celui-ci lui propose de l'héberger quelques jours dans la vaste demeure (une chemosphère) d'un de ses amis partis en villégiature. En prime, avec l'aide d'une longue vue, il l'incite à observer sa voisine d'en face pratiquant chaque soir un striptease. Or, un beau soir, Jake est témoin du meurtre de celle-ci par un mystérieux indien. 
Hommage aussi bien effronté que couillu à Vertigo et à Fenêtre sur Cour, Body Double fut un échec public et critique lors de sa sortie; faute d'une intrigue truffée de dérision et de vulgarité au sein du milieu underground de la pornographie. Et donc, probablement qu'à l'époque les journalistes et le public n'ont pas perçu le côté décalé, limite parodique des situations outrancières (la séquence du meurtre à la perceuse avec le cordon électrique trop court pour atteindre la victime, le clip Relax filmé dans les coulisses du X auprès d'une figuration SM, l'épilogue risible avec ce vampire punk massant langoureusement sa victime sous la douche), et ce par le truchement d'un hommage vitriolé à Hitchcock. Depuis largement réévalué au point de l'estampiller comme l'un de ses ultimes chefs-d'oeuvre, Body Double demeure un modèle de suspense et d'écriture à travers une enquête jubilatoire bâtie sur les tabous du voyeurisme et de la pornographie ainsi que du faux semblant et du désir sexuel. Sur ce dernier point, rien que la longue séquence de filature entre Jack et sa voisine au sein des galeries marchandes est un morceau d'anthologie à enseigner dans les écoles (à l'instar de celle de la galerie des beaux-arts transfigurée dans Pulsions).


De Palma illustrant consciencieusement une filature inlassable, non seulement autour des va et vient de la voisine mais également autour des agissements patibulaires de l'indien que Jack tente malgré tout de suivre à la trace avec une interrogation davantage dérangée. Génialement incarné par Craig Wasson en acteur de série Z à la fois empoté, naïf et terriblement complexé auprès de sa claustrophobie l'empêchant d'exercer son métier, Body Double redouble d'intensité et de suspense émoulu parmi son témoignage obsessionnel à épier dans un désir pervers et amoureux sa voisine en rut. Et ce avant son incursion décalée dans le milieu du X afin d'approcher une éventuelle complice de meurtre ! Sublimé par le score hyper sensuel de Pino Donnagio, De Palma émoustille nos sens à travers ses chorégraphies hyper sensuelles de striptease torride filmée avec une élégance teintée de vulgarité. Comme de coutume épaulé d'une intrigue irrésistiblement machiavélique fondée sur le simulacre et la mise en abyme, Body Double est un plaisir infini de cinéma ludique. Tant auprès de la forme esthétisante et stylisée que du fond à travers l'initiation d'un acteur timoré en voie d'affirmation et de surpassement de soi. Enfin, à travers une direction d'acteurs hors-pair, on peut notamment saluer le jeu si avenant (au 1er abord) de Gregg Henry Spoil en conspirateur meurtrier fin du Spoil ainsi que la présence très sexy de Melanie Griffith en actrice X à la fois paumée et fragile dans sa naïveté de s'être laissée corrompre par la finance du X.


Modèle de mise en scène formant une sorte de pied de nez au cinéma d'Hitchcock dans sa modernité explicite et sa dérision semi-parodique, Body Double joue la carte de la sensualité et de la pornographie auprès d'une intrigue machiavélique ne manquant pas de tendresse pour dépeindre en sous-texte la condition souvent précaire des acteurs de seconde zone (Jake et Holly sont comme deux enfants égarés dans un monde d'artifices qui ne leur ressemble pas). Jubilatoire et audacieux dans l'intensité de son érotisme sensoriel à travers un vertige amoureux aussi bien cruel que salvateur. 

Bruno
5èx

mercredi 12 septembre 2018

VENGEANCE A 4 MAINS

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Oliver Kienle. 2017. Allemagne. 1h34. Avec Frida-Lovisa Hamann, Friederike Becht, Christoph Letkowski

Sortie Vod France: 4 Septembre 2018. Allemagne: 30 Novembre 2017.

FILMOGRAPHIE: Oliver Kienle est un réalisateur, scénariste et acteur allemand né en 1982. 2017: Vengeance à Quatre Mains. 2013 Tatort (TV Series) (1 episode). Happy Birthday, Sarah! (2013).  2010 Bis aufs Blut - Brüder auf Bewährung.


Thriller captivant brillamment réalisé et incarné par 2 comédiennes se confondant en émoi paranoïde, Vengeance à 4 mains relate la schizophrénie de Sophie profondément traumatisée par la mort de ses parents 20 ans plus tôt par des cambrioleurs. Quand bien même suite à un accident ayant causé la mort de sa soeur Jessica renversée par une voiture lors d'une dispute, Sophie semble persécutée par l'esprit de la défunte. Sombre récit de vengeance mortuaire du point de vue d'un dédoublement de personnalité, Vengeance à 4 mains s'avère redoutablement réaliste afin de nous faire douter de la santé mentale de Sophie littéralement asservie par le fantôme teigneux de Jessica (Friederike Becht,  très impressionnante lors de ses règlements de compte tranchés). D'une violence rigoureuse auprès des exactions criminelles entrevues lors du perturbant prologue et auprès du comportement véloce de Jessica en justicière stoïque, Vengeance à 4 mains nous laisse dériver dans un vertigineux thriller eu égard du cheminement narratif truffé d'incidents inexpliqués (au 1er abord !) et de rebondissements équivoques (notamment au niveau de son éventuel twist final qui déconcertera sans doute une frange du public).


Outre la force psychologique de son récit sinueux habilement structuré par le biais d'ellipses (et donc peu à peu limpide au fil des flash-back et de la transformation identitaire de Sophie), Vengeance à 4 mains diffuse un suspense amer auprès de l'investigation intime de celle-ci en proie à une paranoïa toujours plus ingérable. Véritable dédale mentale d'une héroïne bicéphale hantée par la vengeance, le film traite inévitablement de la difficulté d'assumer la perte de l'être cher, de la culpabilité et de l'amour possessif sous l'impulsion du duo orageux Frida-Lovisa Hamann Friederike Becht habitée par leur dissension morale. Poignant et cruel, Vengeance à 4 mains gagne donc en intensité et crédibilité quant aux sorts précaires des deux héroïnes sévèrement traumatisées par un passé crapuleux. Superbement photographié à travers des nuances sombres pour rendre compte de l'état psychologique des héroïnes fébriles, Oliver Kienle maîtrise d'autant mieux sa réalisation par le biais de plans tarabiscotés incroyablement percutants. Et ce en émaillant son puzzle narratif de séquences-chocs brutales parfois difficilement supportables (principalement l'agression finale d'une tension claustro à couper le souffle !).


Production germanique auprès d'un réalisateur novice (il s'agit de son second métrage), Vengeance à 4 mains est un excellent thriller psychologique à double niveau de lecture si on privilégie le reflet de miroir de son intrigue potentiellement surnaturelle d'une poignante intensité dramatique. 

* Bruno

mardi 11 septembre 2018

Carnage / The Burning

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site digitalcine.fr

"The Burning" de Tony Maylam, 1981. U.S.A. 1h31. Avec Brian Matthews, Leah Ayres, Brian Backer, Larry Joshua, Lou David, Jason Alexander, Holly Hunter, Fisher Stevens, Ned Eisenberg, Shelley Bruce, Carolyn Houlihan.

Sortie salles France: 28 Avril 1982 (Int - 18 ans). U.S: 8 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Tony Maylam est un réalisateur britannique né à Londres en 1943.
1981: Carnage. 1988: Across the lake (télé-film). 1992: Killer Instinct


"On n'a pas retrouvé son corps mais on dit que son esprit vit toujours dans la forêt, cette forêt ! Un maniaque, un être qui n'a plus rien d'humain et on dit aussi qu'il arrive à vivre avec ce qu'il trouve ça et là, des racines, des herbes.
Oui il est toujours vivant ! Et tous les ans il réapparaît dans un camp d'été comme celui la et il cherche toujours à se venger des terribles choses que ses gosses lui ont faites.
Tous les ans il tue, même cette nuit il est là à nous épier ! A attendre !
Ne regardez pas, il vous verrait !!! Ne respirez pas, il vous entendrait !!!
Ne bougez pas, vous êtes morts !!!!!!!!!!!!!!!!"

 
"Carnage : la légende brûlée dans les bois".
En 1980 sort sur les écrans Vendredi 13, illustre ersatz dans la vague du psycho-killer initié par Black Christmas et Halloween. Sean Cunningham s’efforce alors de rendre efficace une trame toute tracée grâce à la multiplicité des meurtres concoctés par le maître des maquillages, Tom Savini. Le public juvénile, friand du « Ouh, fais-moi peur ! », se rue en masse, et la série B fauchée explose le box-office ! Un nouveau genre est né, et son icône célébrée : le psycho-killer des bois et son tueur à la machette, Jason Voorhees !

Un an plus tard, le Britannique Tony Maylam réexplore le filon, rappelle à l’ordre l’artisan Savini, et livre sa version du « camp maudit où de jeunes vacanciers sont pris pour cible par un tueur masqué ». Et là, le miracle opère. Car Carnage transcende son ancêtre, suivant un canevas canonique emprunté aux Dix Petits Nègres, avec une réalisation avisée, un réalisme cru, une dramaturgie radicale, un gore malsain et un climat forestier inhospitalier, oppressant.

Le pitch : un surveillant de camp est accidentellement brûlé vif suite à une mauvaise blague. Cinq ans plus tard, défiguré, il revient se venger, bien décidé à martyriser une nouvelle bande d’adolescents insouciants. À la lecture, le scénario semble éculé, presque interchangeable avec celui de Vendredi 13. Mais l’ambiance, ici, se fait plus tangible, le suspense plus insidieux, savamment distillé dans les batifolages adolescents — jusqu’à une dernière demi-heure haletante, terrifiante, véritable plongée en mode survival évitant toute redite stérile.

Après un prologue cruel, où l’ironie potache laisse place à l’horreur d’un grand brûlé alité, l’entrée en scène du tueur frappe fort. Le film lorgne vers le giallo, avec cette silhouette en manteau noir et chapeau, qui assassine une jeune prostituée à coups de longs ciseaux. Meurtre brutal, sale, sec, dont la perversion explicite est accentuée par l’arme pénétrant la chair en gros plan. Par la suite, si le récit suit une ligne classique et quelques situations rebattues, Maylam prend soin d’installer une atmosphère ombrageuse, appuyée par un souffle malsain et une bande-son palpitante.

Les étudiants, archétypes du genre — baignades, baise, alcool et fumettes —, n’en restent pas moins un peu plus convaincants. Leur peur, leur manière d’appréhender le danger, leur sens de la bravoure (notamment ce souffre-douleur devenu héros malgré lui), les rendent plus attachants. Moins caricaturaux, moins crétins, ils suscitent chez nous une empathie réelle, malgré les blagues d’ados boutonneux et les brimades infligées au bouc émissaire.
 

Mais Carnage, c’est surtout une présence indicible, tapie dans les frondaisons, un battement de cœur perpétuel, un tueur fantomatique que l’on aperçoit à peine — une ombre, une paire de cisailles. Le réalisateur joue avec nos peurs enfantines, celles des contes au coin du feu. La séquence du feu de camp, aussi brève soit-elle, instille un vrai frisson d’appréhension. Peur ludique, ogre forestier, surgissant sans prévenir pour fondre sur sa proie ! Certaines scènes, latentes, sont filmées avec une précision chirurgicale. Et lorsque le tueur frappe, les meurtres cinglants nous glacent, portés par l’efficacité du jump scare et une cruauté tolérée. Mention spéciale à la séquence du radeau : corps lacérés, cisaille en furie, dans une chorégraphie sanglante d’une rare inventivité.

La partition électro stridente de Rick Wakeman amplifie l'effroi, pousse la tension jusqu'à l'effondrement, accompagne la panique croissante d’ados traqués par la folie.


"Psycho-killer au Cœur Noir : l’Épure selon Maylam".
Ludique (notamment auprès de son humour potache bien dosé), oppressant, irrésistiblement anxiogène et mené tambour battant, Carnage demeure le joyau du pycho-killer des forêts. Un maître étalon du genre, n’ayant rien perdu de son impact. Sa peur est perméable, son aura malsaine, insidieuse. Et ses homicides, gravés dans nos mémoires, laissent l’empreinte d’un cauchemar que l’on ne peut effacer. Comment oublier Cropsy, boogeyman vengeur, silhouette décharnée armée de ses longues cisailles ? Jason n’a qu’à bien se tenir.

Anecdotes : Il s’agit de la première production d’Harvey Weinstein pour Miramax. Son frère Bob a participé au scénario, et Jack Sholder (futur réalisateur de The Hidden) officia au montage. Les Weinstein affirmeront d’ailleurs que leur script fut écrit avant celui de Vendredi 13...

* Bruno
11.09.18. 6èx
Ven 22/01/10. 2259 vues

lundi 10 septembre 2018

LES GUERRIERS DU BRONX 2

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Fuga dal Bronx" de Enzo G. Castellari. 1983. Italie. 1h32. Avec Mark Gregory, Henry Silva, Valeria D'Obici, Giancarlo Prete, Paolo Malco, Ennio Girolami, Antonio Sabato.

Sortie salles France: 1er Août 1984. Italie: 15 Août 1983.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Enzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie). 1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.


Un an après les exploits de Trash et sa bande du Bronx, on prend les mêmes et on recommence avec Les Guerriers du Bronx 2 toujours réalisé par Enzo G. castellari. Une séquelle explosive si bien que l'action est ici décuplée par 10 avec une redondance tout juste tolérable. De par son humour involontaire, son attachant climat de désolation urbaine et le surjeu irrésistible des acteurs s'en donnant à coeur joie dans les expressions bellicistes. Alors qu'un promoteur véreux s'empresse de nettoyer les quartiers du Bronx de la délinquance, Trash et une poignée d'irréductibles leur tiennent tête flingues à la main. Mais les victimes s'accumulent au point qu'une journaliste frondeuse y déclare un génocide face aux médias. Dès lors, pour Trash et ses survivants, ne reste plus comme stratégie de dernier ressort de kidnapper le président afin de faire front à la flambée de violence. 


Aussi bonnard que son prédécesseur, les Guerriers du Bronx 2 ne compte que sur la surenchère épique pour emporter notre adhésion avec plus ou moins de bonheur eu égard de l'ambiance apocalyptique d'un Bronx réduit à feu et à sang. Les mercenaires aguerris et l'armée fasciste accourant tous azimuts au sein d'un climat de folie urbaine rendue erratique. Castellari multipliant cascades et explosions en règle avec une certaine efficacité et ce même s'il abuse de ralentis et chorégraphies itératives à travers les corps éjectés en l'air. Toujours aussi inexpressif dans sa posture ignare et laconique, Mark Gregory continue de jouer les gros bras redresseurs de tort avec une foi inébranlable ! Et nous de s'amuser de ses exploits outre-mesure sous l'impulsion de dialogues impayables oscillant sobriété et vulgarité.


La grande java. 
Décomplexé auprès de sa violence parfois complaisante (les victimes lâchement brûlées vives avec un réalisme risible), un chouilla gore lors de quelques plans concis, dégénéré et con comme la lune de par son pitch minimaliste, Les Guerriers du Bronx 2 ravira les amateurs de Z rital grâce à son action belliqueuse hyperbolique et ses têtes familières de seconde zone (Henry Silva en tête). 

* Bruno
2èx
                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

"1990: I guerrieri del Bronx" de Enzo G. Castellari. 1982. Italie. 1h30. Avec Stefania Girolami, Marco Di Gregorio, Vic Morrow, Christopher Connelly, Fred Williamson, "Betty" Elisabetta Dessy

Sortie salles France: 17 Novembre 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVEEnzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie).
1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.


Sorti en pleine mouvance du Post-Nuke initié par Mad-max 1 et 2Les Guerriers de la Nuit et New-York 1997les Guerriers du Bronx constitue l'un des célèbres ersatz transalpins des années 80 que les vidéophiles se sont empressés de louer au video du coin. Série Z bricolée avec les moyens du bord dans ses carrières désaffectées d'un New-York dystopique, les Guerriers du Bronx s'inspire largement du chef-d'oeuvre de John Carpenter. Sauf qu'ici, et pour varier la donne, les rôles et situations sont inversés au profit d'un ennemi sanguinaire implanté dans le territoire interdit, le royaume des Riders ! Dans le sens où un exterminateur sans vergogne est chargé de retrouver en vie Anne, la jeune héritière d'une corporation d'armement réfugiée dans le quartier interdit depuis l'influence de magnats véreux. Seulement, ce dernier n'hésite pas à assassiner de sang froid les quidams marginaux empiétant son chemin. C'est dans cette zone réputée mortelle qu'Anne établit la rencontre de Trash et de son équipe motorisée. Des loubards livrés à eux mêmes bien que subordonnés à l'autorité de l'Ogre, un leader afro à l'enseigne du quartier du Bronx. Afin de sauver la vie de cette fugitive, Trash et ses compagnons décident d'invoquer l'aide de l'Ogre depuis les exactions criminelles de Hammer, l'exterminateur.


Ce scénario aussi inepte qu'improbable sorti d'une bande dessinée fauchée parvient modestement à nous divertir dans son lot de stratégies guerrières, trahison et confrontations physiques que nos anti-héros perpétuent vaillamment pour un enjeu humain. En pompant notamment sur l'autre modèle susdit (les Guerriers de la Nuit), pour la panoplie exubérante des clans barbares (principalement les "Zombies" affublés d'une combinaison de Hockey), les Guerriers du Bronx illustre de manière triviale les pérégrinations belliqueuses de ces anti-héros dont Trash s'avère le porte parole le plus loyal. C'est également au niveau des engins motorisés (le crane encastré au creux du guidon de chaque bécane) et des acteurs cabotins, aussi attachants qu'impayables dans leur posture inexpressive (la présence atone de Trash et de ses mercenaires ressemblent à s'y méprendre au groupe Village People !), que le film parvient à amuser, réparties machistes à l'appui ! Sa narration redondante culminant enfin avec générosité vers un affrontement épique entre forces de l'ordre et mercenaires lors d'une guérilla urbaine étonnamment pessimiste !


Série Z d'action futuriste soutenue par l'excentricité des personnages grotesques et par le surréalisme de situations ineptes, Les Guerriers du Bronx traduit avec une sobre efficacité une fantaisie débridée sous l'impulsion de pugilats infantiles hérités d'un épisode de San Ku Kai ! Grâce à la sincérité de son auteur et le jeu outrancier des acteurs de seconde zone, ce nanar d'exploitation laisse en mémoire un divertissement assez plaisant dans sa facture bisseuse typiquement transalpine.

* Bruno

vendredi 7 septembre 2018

Les Griffes de la Nuit / A nightmare on Elm Street

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinema.jeuxactu.com

de Wes Craven. 1984. 1h31. US.A. Avec John Saxon, Ronee Blakley, Heather Langenkamp, Amanda Wyss, Jsu Garcia, Johnny Depp, Charles Fleischer, Joseph Whipp, Robert Englund, Lin Shaye, Joe Unger...

Sortie salles France: 6 mars 1985. U.S: 16 Novembre 1984

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "WesCraven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio. 1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.


Une plongée vertigineuse dans l'univers du rêve en compagnie d'un grand brûlé revanchard !
Auréolé du Prix de la critique et du Prix d'interprétation féminine (Heather Langenkamp) à Avoriaz en 1985 puis plébiscité par le public et la critique internationale, les Griffes de la Nuit révolutionna le cinéma d'horreur moderne sous la houlette d'une nouvelle figure monstrueuse, Freddy Krueger

Synopsis: Dans une bourgade Californienne, Nancy Thompson, Tina et leurs compagnons Glen et Rod sont témoins d'un évènement aussi improbable qu'inexpliqué. Durant leur sommeil, ils sont persécutés par un croquemitaine avide de les tuer à travers leur propre rêve ! Affublé d'un chapeau, d'un pull rouge à rayures et d'un visage tuméfié à la suite d'un incendie, il possède en outre une arme infaillible pour parfaire ses crimes, des griffes de rasoir au bout des doigts de la main droite. Lorsque Tina est retrouvée morte durant son sommeil, la panique s'installe dans ce paisible quartier hanté d'un lourd passé. 

Fort d'un concept à la fois génialement retors et atypique (un tueur revanchard infiltré dans les rêves de ses victimes pour mieux les piéger !), Les Griffes de la Nuit tire parti de son efficacité dans sa faculté inventive à confondre rêve et réalité du point de vue torturé d'une ado pugnace déterminée à se rebeller contre son assaillant. Des idées folingues que Craven exploite avec une intensité dramatique qu'on ne retrouvera plus dans les autres opus. Pure série B ludique aussi haletante qu'oppressante, on reste fasciné par son ambiance trouble de cauchemar malsain sous l'impulsion d'un boogeyman étonnamment sobre si on compare ses futures facéties sarcastiques dans les suites lucratives.


Ainsi, grâce à son refus de la dérision et à la création d'une atmosphère délicieusement irréelle (voire parfois même teintée de poésie morbide), Les Griffes de la Nuit gagne en crédibilité à daigner authentifier une intrigue surnaturelle faisant intervenir un croquemitaine revanchard dans l'univers complexe du rêve. Dans la mesure notamment où la science ignore toujours son origine métaphysique sans doute afin de préserver l'arcane de la mort. Constamment captivant à suivre les vicissitudes d'une héroïne constamment malmenée par un monstre provocateur, alors que ses acolytes feront les frais de ses exactions sournoises, Wes Craven détourne intelligemment les clichés grâce à la présence mature de Nancy Thompson en initiation héroïque. A contre-emploi donc de l'ado décervelée, Heather Langenkamp porte le film sur ses épaules avec une force d'expression téméraire de par son désir de ne pas se laisser dériver par sa paranoïa face à une provocation meurtrière ayant la faculté d'altérer à sa guise la réalité quotidienne au sein du rêve. Bénéficiant d'effets-spéciaux novateurs pour l'époque, on reste encore aujourd'hui aussi impressionné par le réalisme des situations horrifiques d'une violence gore décomplexée et d'une inventivité en roue libre. A l'instar du sort "vertigineux" de Tina ou du destin de Glen littéralement happé par son lit ! En outre, afin d'accentuer la dimension onirique de son contexte cauchemardesque où rêve et réalité fusionnent grâce à la dextérité du montage, le score mélodique  Charles Bernstein retransmet à merveille ce doux sentiment d'insécurité et d'appréhension lorsque les ados se laissent happer durant leur sommeil par un tortionnaire passé maître dans l'art de manipuler une réalité illusoire.


Classique du genre nanti d'un vénéneux pouvoir de fascination de par son concept atypique (tiré d'un fait réel, voir entretien de Wes Craven dans les Bonus du Blu-ray) et à la présence stoïque de Heather Langenkamp, les Griffes de la Nuit aborde le thème du rêve avec cette volonté subsidiaire de nous questionner sur l'intensité de cette dimension parallèle apte à nous confondre dans une seconde réalité le temps d'un sommeil. Troublant et angoissant sur un rythme échevelé que Craven conduit sans gratuité, les Griffes de la Nuit est enfin transcendé de la présence démoniale de Freddy Krueger résolument dérangeant, lâche et fétide, notamment si on y gratte le vernis de son passé sulfureux. 

* Bruno
07.01.25. 7è x. 4K Vost
07.09.18.
16.10.10


Anecdotes: Le film fut interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie en salle au Québec.
C'est Claude Chabrol qui est à l'origine du titre français: Les Griffes de la Nuit ! Parallèlement à son poste de réalisateur, il travaillait à long terme pour trouver des titres français à des productions américaines. 

mercredi 5 septembre 2018

La Nuit des Diables / La Notte Dei Diavoli

     
                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.co.uk

de Giorgio Ferroni. 1972. Italie/Espagne. 1h31. Avec Gianni Garko, Agostina Belli, Cinzia De Carolis, Mark Roberts, Bill Vanders, Teresa Gimpera, Luis Suarez, De Carolis Cinzia, Umberto Raho.

Sortie en salles en Italie le 29 Avril 1972 

FILMOGRAPHIEGiorgio Ferroni est un réalisateur, acteur, monteur, producteur et scénariste italien né le 12 Avril 1908, décédé le 17 Août 1981. 1936: Pompei. 1939: Terre de feu. 1942: Macario au Far-west. 1946: Sans Famille. 1947: Tombolo, paradis noir. 1960: Le Moulin des Supplices. 1961: La Guerre de Troie. 1963: Hercule contre Moloch. 1964: Le Colosse de Rome. 1964: Hélène, Reine de Troie. 1966: Trois cavaliers pour Fort Yuma. 1966: Le Dollar Troué. 1971: La Grande Chevauchée de Robin des Bois. 1972: La Nuit des Diables. 1975: Le dur... le mou... et le pigeon.

D'après une nouvelle de Tolstoï, déjà portée à l’écran par Mario Bava dans l’un des fameux sketchs des 3 Visages de la peur, La Nuit des Diables renoue avec l’épouvante gothique sous la mainmise de l’éminent Giorgio Ferroni. Douze ans après nous avoir émus avec le splendide Moulin des Supplices, il renouvelle ici, de manière autrement horrifique, la romance morbide où perce la mélancolie d’un amour disparu, brisé par une solitude insurmontable.

Le pitch : blessé, Nicolas est retrouvé dans un état de choc, à la lisière d’une forêt. Soigné en institut psychiatrique, il se montre incapable de se souvenir de son passé. En proie à une panique croissante, il redoute l’arrivée de la nuit comme une menace. Sa terreur redouble lorsqu’une jeune femme, Sdenka, vient lui rendre visite — douce, presque irréelle. Peu à peu, des fulgurances morbides fissurent l’amnésie : les souvenirs refont surface.

Réalisateur prolifique, Giorgio Ferroni signe avec La Nuit des Diables une seconde incursion dans l’épouvante gothique, traversée d’un climat d’étrangeté prégnant, à la croisée du vampirisme, du folklore zombie et d’une dérive gore aussi inattendue que saisissante. Car si les scènes-chocs, magnifiquement filmées et parfois étonnamment complaisantes, font preuve d’une poésie morbide typiquement latine, elles doivent aussi leur impact aux trucages bluffants du génial Carlo Rambaldi. Le réalisme artisanal sidère encore aujourd’hui : visages putréfiés fondus dans le cadre, textures à peine décelables, illusions mouvantes… Tout respire la maestria et le malaise.

Soignant avec brio le cadre inquiétant d’une forêt sépia, clairsemée et silencieuse, La Nuit des Diables suit l’errance d’un médecin contraint de solliciter refuge auprès d’une famille recluse, après avoir failli renverser une inconnue sur une route déserte. Le portrait de ces métayers, en retrait du monde urbain, nous est restitué avec une attention quasi ethnographique : rituels scrupuleux, regards hagards, postures imprégnées d’un mysticisme fiévreux.

Pour cause : derniers héritiers d’un village abandonné, ils se barricadent dès la tombée du jour, fuyant une entité que l’on murmure sous le nom de vourdalak. Une sorcière vampirique, errante, qui rode chaque nuit pour contaminer les vivants en leur suçant le sang. Nicolas, d’abord incrédule, doit se rendre à l’évidence : la malédiction n’est pas une superstition. La disparition soudaine du patriarche le confirme, tout comme la complicité naissante entre lui et la belle Sdenka, pétrie de douceur et de résignation.

Avec un soin esthétique subtilement baroque, Ferroni insuffle à cette fable occulte une étrangeté troublante, incarnée par des décors ruraux hantés, traversés d’animaux sauvages (sangliers, loups hurlants) qui deviennent presque des personnages secondaires. Pour affirmer sa singularité, il y ajoute des touches d’érotisme audacieuses pour l’époque, et de fulgurants éclats gores qui viennent percuter la tradition gothique. La dernière partie, haletante, fait monter la tension lorsque chaque membre de la famille Ciuevelak succombe tour à tour aux assauts des vourdalaks. Ferroni joue sur le doute : qui est encore humain ? Qui s’est déjà laissé contaminer, caché derrière les bosquets ?...

Visages blêmes, spectres noctambules en proie à la démence, sorcière profanatrice, cadavres perforés puis putréfiés, rires sardoniques d’enfants cruels… Autant d’images saillantes, troublantes, qui cristallisent la confrontation âpre entre Bien et Mal — jusqu’à un dénouement résolument amer, qui tourne le dos au happy-end avec une ironie presque sadique.

Baignant dans le clair-obscur d’une nature champêtre inquiétante, traversée d’une poésie charnelle, La Nuit des Diables illustre avec une mélancolie capiteuse le conte d’épouvante à travers la détresse de créatures solitaires, en quête d’un salut impossible. Plus sombre et oppressant à mesure que la nuit s’installe, le film culmine dans une traque désespérée, où résonne le hurlement d’une victime dévastée par sa psyché brisée.

Et le spectateur, fasciné, y croit jusqu’au bout, avec un délicieux masochisme, porté par l’élégie maladive de Giorgio Gaslini.
Magnifique, j’vous dis.

* Bruno
20.10.23. 3èx
05.09.18. 
14.12.11 (295 v)

mardi 4 septembre 2018

JURASSIC WORLD: FALLEN KINGDOM

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Juan Antonio Bayona. 2018. U.S.A. 2h08. Avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Rafe Spall, Justice Smith, Daniella Pineda, James Cromwell.

Sortie salles France: 6 Juin 2018. U.S: 22 Juin 2018

FILMOGRAPHIEJuan Antonio García Bayona (né le 9 mai 1975 à Barcelone, en Espagne) est un réalisateur et scénariste espagnol. 2007 : L'Orphelinat. 2012 : The Impossible. 2016 : Quelques minutes après minuit. 2018 : Jurassic World: Fallen Kingdom.


"Une routine est infernale uniquement pour ceux qui ne savent pas la rendre agréable."

"Tout le monde parle de progrès, et personne ne sort de la routine."

"Accepter la routine, c'est accepter de mourir à petit feu."

"La routine est un film à couper le bonheur."

"On roule confortablement sur l'autoroute du 7è art, protégé par la ceinture de sécurité de nos certitudes et l'air-bag conducteur de la routine."

lundi 3 septembre 2018

PUPPET MASTER 3

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Puppet Master III: Toulon's Revenge" de David De Coteau. 1991. U.S.A. 1h26. Avec Guy Rolfe, Sarah Douglas, Richard Lynch, Ian Abercrombie, Kristopher Logan, Aron Eisenberg, Walter Gotell.

Sortie U.S uniquement en video: 17 Octobre 1991

FILMOGRAPHIE SELECTIVEDavid DeCoteau, né le 5 janvier 1962 à Portland, est un réalisateur et producteur de cinéma américain. 1986 : Dreamaniac. 1987 : Nightmare Sisters. 1987 : Creepozoids. 1988 : Sorority Babes in the Slimeball Bowl-O-Rama. 1988 : Vengeance de femme. 1989 : Etreinte Mortelle. 1989 : American Rampage. 1989 : Dr. Alien. 1991 : Puppet Master III. 1993 : Naked Instinct. 1993 : The Girl I Want. 1993: Les Créatures de l'au-delà. 1998 : Shriek. 1998 : Le Retour du puppet master. 1999 : Witchouse. 1999 : The Killer Eye. 1999 : Totem. 1999 : Retro Puppet Master. 2000 : Voodoo Academy (vidéo). 2000 : Castle of the Dead. 2000 : Frankenstein et le loup garou. 2000 : La Légende de la momie 2. 2000 : The Brotherhood. 2001 : The Brotherhood II. 2001 : Final Scream. 2001 : The brotherhood: le pacte. 2002 : Frightening. 2002 : The Brotherhood III. 2003 : Leeches! 2004 : The Sisterhood. 2005 : Brotherhood IV: The Complex. 2005 : Les Sorcières des Caraïbes. 2010 : Puppet Master: Axis of Evil. 2011 : A Dream Whitin a Dream. 2011 : Wicked Stepbrother. 2011 : 1313 : Hauted Frat. 2011 : 1313 : Actor Slash Model. 2011 : 1313 : Boy Crazies. 2011 : Christmas Spirit. 2012 : 1313: Cougar Cult. 2012 : 1313 : Bermuda Triangle. 2014 : 3 Scream Queens.


Considéré comme le meilleur opus de la saga sous la houlette du prolifique David DeCoteau, Puppet Master 3 demeure une sympathique série B en dépit de son aspect téléfilmesque et de son budget limité (les décors de carton pâte sous l'occupation nazie épaulés d'images d'archive à proximité d'un train). Délocalisant l'action sous le régime nazi de 1941, Puppet Master 3 retrace avec une modeste efficacité la vengeance d'André Toulon auprès de la Gestapo responsable de la mort de son épouse. Le vétéran Richard Lynch endossant l'ignoble Major Kraus avec un cabotinage gentiment caustique de par sa cruelle impériosité. Et pour égayer l'intrigue somme toute classique, Toulon est entouré de deux naïfs résistants (un père et son jeune fils) communément réfugiés dans une maison en ruine afin d'échapper à l'autorité, quand bien même un médecin (transfuge) tente de négocier le secret de Toulon. Jalonné de séquences horrifiques amusantes (surtout l'ultime mise à mort auprès du méchant !) sous l'impulsion des marionnettes tueuses filmées en stop motion, le charme opère toujours en dépit de la réalisation bricolée de David DeCoteau plus inspiré à leur donner chair que de consolider une solide intrigue plutôt chiche en rebondissements. Quoiqu'il advienne, aussi démanchée soit l'entreprise et stéréotypés ces personnages, Puppet Master 3 divertit agréablement grâce à son rythme soutenu nanti de charme innocent.

Puppet Master: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/07/puppet-master.html
Puppet Master 2: http://brunomatei.blogspot.com/2018/08/puppet-master-

* Bruno

samedi 1 septembre 2018

A BEAUTIFUL DAY. Prix d'interprétation Joaquin Phoenix, Prix du Scénario, Cannes 2017.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"You Were Never Really Here" de Lynne Ramsay. 2017. Angleterre/France. 1h30. Avec Joaquin Phoenix, Ekaterina Samsonov, Alessandro Nivola, Alex Manette, John Doman.

Sortie salles France: 8 Novembre 2017 (Int - 12 ans avec avertissement). U.S: 23 Février 2018

FILMOGRAPHIE: Lynne Ramsay est une réalisatrice britannique, née le 5 décembre 1969 à Glasgow (Royaume-Uni). 1999: Ratcatcher. 2002: Le Voyage de Morvern Callar. 2011: We Need to Talk about Kevin. 2017: A Beautiful Day.


Remarquée avec l'excellent thriller We Need to Talk about KevinLynne Ramsay redouble d'ambition avec le difficilement apprivoisable A beautiful Day. De par sa mise en scène à la fois contemplative et expérimentale ainsi que le jeu viscéral du fantôme errant Joaquin Phoenix (il traîne sa lourde carcasse amplifiée de son visage bouffi), A beautiful Day bouscule les habitudes du spectateur si bien qu'une majorité d'entre eux risque d'y être dérouté. Car à travers un récit classique mais d'une grande intensité dramatique, la réalisatrice compte sur sa personnalité singulière pour détourner les codes du genre. Tant auprès de l'intelligence du non-dit, du silence entre les mots pour les remplir d'humanité déchue que d'un refus du racolage à travers son thème si sordide. Ainsi, en abordant la pédophilie de la manière la plus éthérée qui soit, A beautiful day nous retrace la descente aux enfers documentée d'un tueur à gage délibéré à retrouver la fille d'un sénateur kidnappée par un réseau pédophile.


Partageant son existence avec sa mère décatie, Joe ne compte que sur l'amour et la tendresse de cette dernière pour se donner encore une ultime raison existentielle. Mais sa nouvelle mission d'extirper Nina de la prostitution va l'entraîner dans une déchéance morale à la limite de la schizophrénie. Les fantômes du passé refaisant surface, notamment à travers un périple belliqueux (c'est un ancien marine), faute d'innocences sacrifiées. Traversé d'éclairs de violence barbares d'une rare brutalité, A beautiful day ne sombre aucunement dans la complaisance si bien que le hors-champs est souvent de rigueur ou que la résultante des meurtres permet au récit de rebondir malgré l'aspect routinier d'une telle décadence criminelle où chaque individu ne compte que sur son propre intérêt selon la volonté d'une autorité souveraine. Sombre, désespéré, chaotique en photographiant scrupuleusement une métropole urbaine tentaculaire comme hantée par le Mal le plus couard, Lynne ramsay dresse un tableau anxiogène sur la nature humaine partagée entre la haine, le pouvoir et la perversité. Joe arpentant machinalement à l'aide de son marteau les quartiers noctambules à l'instar d'un robot monolithique sans vergogne. Seule l'étincelle d'espoir à retrouver Nina en vie l'amènera peut-être à s'extraire du bout du tunnel en dépit de sa solitude aliénante où perce une désillusion suicidaire.


Fort d'une mise en scène très stylée (BO entraînante à l'appui !) adepte de l'anticonformisme et du jeu vénéneux de Joaquin Phoenix (Prix d'interprétation à Cannes) transperçant l'écran avec une alchimie morale quasi surnaturelle (notamment à travers la puissance de son regard rapace), A beautiful day est un voyage au bout de la nuit. Une quête existentielle de dernier ressort à renouer avec l'innocence et tenter de dénicher un semblant d'havre de paix au sein d'une société de stupre nécrosée par le pouvoir. 

* Bruno

Récompenses: Festival de Cannes 2017
Prix d'interprétation masculine pour Joaquin Phoenix
Prix du scénario pour Lynne Ramsay