vendredi 21 septembre 2018

Abandonnée / Los Abandonados

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Nacho Cerda. 2006. Angleterre/Espagne. 1h39. Avec Anastasia Hille, Karel Roden, Valentin Ganev, Paraskeva Djukelova et Carlos Reig-Plaza.

Sortie en salles en France le 30 Mai 2007.

FILMOGRAPHIENacho Cerda est un réalisateur et scénariste espagnol né en 1969.
1990: The Awakening (court). 1994: Aftermath (court). 1998: Genesis (court). 2006: Abandonnée
                                     
 
« Nous nous hantons nous-mêmes. Ils sont notre mort, notre futur… »
Après s’être fait remarquer avec sa trilogie de la mort et son inoubliable poème nécrophile Aftermath, Nacho Cerdà était attendu au tournant pour son premier long métrage, tourné en Bulgarie. Hommage assumé à L’Au-delà de Lucio Fulci, Abandonnée convoque le bad trip quasi expérimental pour plonger le spectateur dans un état second, entre malaise et fascination morbide, via un voyage temporel jusqu’au bout des ténèbres.

Le pitch : Adoptée depuis sa naissance et n’ayant jamais connu l’identité de ses parents, Marie apprend la découverte du cadavre de sa mère biologique et hérite d’une ferme familiale en ruines. Accompagnée d’un étrange guide, elle se rend sur les lieux, en Russie. Sur place, elle rencontre Nikolaï, un homme énigmatique, réuni là pour des raisons similaires.

Dès son prélude oppressant situé en 1966, dans une contrée forestière brumeuse, Abandonnée s’inscrit dans une tonalité rugueuse : une femme mourante confie dans un dernier souffle deux nourrissons en larmes à des paysans hagards. Quarante ans plus tard, frère et sœur tentent de renouer avec leur passé enterré, pendant que leurs doubles fantomatiques rôdent, tapis dans les couloirs du souvenir. Porté par une photographie blafarde et des jeux de lumière d’une grande beauté spectrale, Cerdà transfigure son décor forestier pour mieux nous perdre dans un cauchemar perméable, à mi-chemin entre rêve, réminiscence et hallucination.                               

À l’instar des héros de Fulci, Marie et Nikolaï errent comme deux âmes hagardes dans une demeure hantée par leur propre reflet. Conscients de marcher vers leur destin, ils s’enfoncent dans un labyrinthe de paranoïa, cherchant à percer le secret de la mort de leurs parents — et notamment celui du père, figure maléfique adepte de forces occultes, répétant inlassablement : « Ne brisons pas le cercle. »

Dans cette atmosphère de réalisme cafardeux, l’angoisse s’infiltre partout. Chaque pièce disloquée exhale une décrépitude poisseuse : parquets moisis, cloisons suintantes, toiles d’araignée engluant les meubles dans leur odeur de renfermé. Le sous-sol, envahi par les eaux, charrie des râles d’agonie et des voix d’outre-tombe, où des silhouettes parcheminées invitent à la damnation. Ce voyage vénéneux, hors du temps, emprisonne le spectateur dans un cauchemar éveillé, où fiction et réalité s’entrelacent dans un ballet d’images de plus en plus violentes et déstabilisantes.

Porcs déchiquetant un cadavre en gros plan, nourrisson sacrifié dans une eau rougeâtre... Ces séquences, quasi insoutenables, marquent au fer rouge. Grâce à la force de ses visions horrifico-macabres et à sa mise en scène étouffante, Cerdà transforme sa maison en huis clos tentaculaire, où chaque cadrage devient une menace. Abandonnée s’impose alors comme un cauchemar métaphysique, d’une intensité diaphane et toxique.                                  


"Spectres d’une mémoire close".
Imprégné d’une étrangeté dense, Abandonnée déploie, par le biais d’une caméra nerveuse, un cauchemar éveillé habité par le doute, la peur, l’oubli, la mort — et la persistance spectrale de soi. Porté par des comédiens sobres, fébriles, transis d’émotion, ce poème lugubre interroge l’identité et l’existence, jusqu’à son point d’orgue nihiliste, suggérant peut-être une délivrance dans l’abandon. Du pur cinéma d’ambiance, écorché, sensoriel, personnel : pièce maîtresse d’un dédale horrifique à la fois putride et éthéré.

* Bruno
15.08.24. Vostfr. 4èx
21.09.18. 
27.05.11. (2283 vues)

jeudi 20 septembre 2018

Le Fantôme de Milburn / Ghost-Story

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site allpicspeople.skyrock.com

de John Irvin. 1981. U.S.A. 1h50. Avec Fred Astaire, Melvyn Douglas, Douglas Fairbanks Jr, John Houseman, Craig Wasson, Patricia Neal, Alice Krige.

Sortie salle France: 30 Juin 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVEJohn Irvin est un réalisateur et scénariste anglais, né le 7 Mai 1940 à Newcastle-upon-Tyne en Angleterre. 1980: Les Chiens de Guerre. 1981: Le Fantôme de Milburn. 1984: Champions. 1986: Le Contrat. 1987: Hamburger Hill. 1989: Un Flic à Chicago. 1990: La Guerre des Nerfs. 1991: Robin des Bois. 1994: Parfum de Scandale. 1997: City of Crime. 2001: Vengeance Secrète. 2008: The Garden of Eden.


Réalisateur éclectique, John Irvin s'entreprend avec son second long d'adapter une histoire de fantômes d'après une nouvelle de Peter Straub. Bien connu des amateurs de films de guerre et d'action, à l'instar des Chiens de GuerreHamburger Hill ou du ContratJohn Irvin empreinte ici la voie de l'épouvante vétuste parmi l'aimable intervention d'anciennes gloires des années 30 (Fred Astaire ici dans son dernier rôle, Melvyn DouglasDouglas Fairbanks Jr, puis dans une moindre mesure John Houseman !). Le PitchUn groupe de septuagénaires, anciens amis de longue date, sont communément confrontés à endurer le même cauchemar durant leurs nuits d'insomnies. Hantés par un terrible secret, ces derniers vont devoir affronter le fantôme d'une jeune dame revancharde ! Confectionné sous le moule d'une ghost story vintage en oscillant la reconstitution des années 30 avec celle contemporaine des années 80, Le Fantôme de Milburn a de quoi fantasmer les amateurs de bonnes vieilles histoires horrifiantes que l'on aime se narrer au coin du feu autour d'un verre de cognac ! C'est ce que nous suggère son prologue quelque peu envoûtant (à l'instar de l'intro anthologique de Fog de Carpenter narrée par le même acteur) lorsque 5 notables se réunissent pour écouter ensemble une histoire macabre en bonne et due forme.


Quand bien même le soin de la photo envoûtante, les impressionnants maquillages élaborés par le spécialiste Dick Smith au travers de visions macabres redoutablement réalistes et la prestance d'anciens vétérans d'Hollywood prédisposent une oeuvre solide traitée avec modeste conviction. Evacué de séquences spectaculaires ou effrayantes il est vrai, les quelques apparitions spectrales qui jalonnent le récit s'avèrent tout de même marquantes (bien que concises) auprès de l'aspect morbide des cadavres en putréfaction ! Mais surtout, la beauté glaçante de la vénéneuse actrice Alice Krige emporte tout sur son passage de par sa trouble charnalité illuminant l'écran à travers son regard redoutablement austère. Son jeu lestement ombrageux émanant des réminiscences de son ancienne tragédie alterne emprise érotique (les étreintes sexuelles torrides sont sensorielles par leur réalisme décomplexé) et sentiment trouble de malaise eu égard de ses postures versatiles que ces amants reluquent avec une inquiétude mêlée de peur et de fascination. John Irvin prenant soin, entre simplicité et efficacité, à nous broder autour de ce personnage interlope une superbe ghost-story où l'érotisme quasi omniprésent et l'anxiété du danger sous-jacent titillent les sens des protagonistes et du spectateur tourmentés par un vortex d'émotions contradictoires eu égard de l'enjeu du désir galvaudé. 


D'un onirisme tout à la fois macabre et sensuel formellement velouté, conté avec attention et formidablement interprété par de solides monstres sclérosés réunis pour le meilleur d'une ghost-story adulte, Le Fantôme de Milburn envoûte notre attention sous l'impulsion de la beauté blafarde Alice Krige résolument magnétique en spectre revancharde incapable d'acquérir le repos faute de ses prétendants infortunés. A revoir fissa, de préférence un soir d'hiver, en VO.  

* Bruno
20.10.22. vostfr. 5èx
20.09.18. 
29.05.13 (107 vues)

mercredi 19 septembre 2018

Beau-Père. Prix du Meilleur Film Etranger, Critics Awards 1982.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Bertrand Blier. 1981. France. 2h04. Avec Patrick Dewaere, Ariel Besse, Maurice Ronet, Geneviève Mnich, Maurice Risch, Nathalie Baye, Nicole Garcia, Macha Méril.

Sortie salles France: 16 Septembre 1981 (Int - 13 ans)

FILMOGRAPHIEBertrand Blier est un réalisateur, scénariste et écrivain français, né le 14 mars 1939 à Boulogne-Billancourt.1967 : Si j'étais un espion. 1974 : Les Valseuses. 1976 : Calmos. 1978 : Préparez vos mouchoirs. 1979 : Buffet froid. 1981 : Beau-père. 1983 : La Femme de mon pote. 1984 : Notre histoire. 1986 : Tenue de soirée. 1989 : Trop belle pour toi. 1991 : Merci la vie. 1993 : Un, deux, trois, soleil. 1996 : Mon homme. 2000 : Les Acteurs. 2003 : Les Côtelettes. 2005 : Combien tu m'aimes ? 2010 : Le Bruit des glaçons. 2019 : Convoi exceptionnel.


Relatant sans trivialité la relation scabreuse entre une ado de 14 ans et son beau-père trentenaire suite au décès précipité de son épouse, Beau-père bouleverse nos sens et notre morale sous l'impulsion d'un duo de comédiens transis d'émoi amoureux. Bertrand Blier, auteur sulfureux émérite abordant ici le thème de l'hébéphilie avec autant de pudeur que d'audace inouïe dans son désir jusqu'au-boutiste, frontal, de nous confronter à une improbable histoire d'amour entre un adulte et une ado consentante. Si bien qu'en l'occurrence, la prémices du désir émane de Marion littéralement enivrée par sa passion viscérale pour son beau-père alors que celui-ci s'efforcera (de prime abord) de repousser ses avances dans sa responsabilité adulte et paternelle. Sans jamais juger le comportement si amoral de ses personnages ou de nous faire la morale du bien-penseur, Bertrand Blier nous plonge dans leur vertige amoureux avec une intensité dramatique parfois éprouvante eu égard de l'immoralité de leur liaison interdite et de l'issue en demi-teinte de son cruel dénouement.


Et donc à travers la difficulté de gérer la perte de l'être aimé, l'auteur nous radiographie avec tact, dérision (les dialogues inventifs s'avèrent parfois grinçants au point de provoquer quelques rires nerveux !) et beaucoup de pudeur la plongée intimiste du duo familial dans l'emprise des sentiments, faute de leur fragilité esseulée et de leur désarroi existentiel (d'autant plus que Rémi est au chômage en dépit de son métier de pianiste à ses heures perdues). Au-delà de son climat aussi bien dérangeant que perturbant à travers un huis-clos clairsemé à la fois étouffant et rustique (l'appartement puis la maison de campagne en second acte), Beau-père est illuminé par la force d'expression de Patrick Dewaere (le plus grand acteur français selon mon jugement de valeur) en beau-père paumé et indécis, voir névrosé, pour autant rempli d'affection, d'amour et de bienveillance pour sa belle-fille. Quand à Ariel Besse, on reste ébahi par sa performance naturelle très audacieuse à exhiber son plus simple appareil en ado pubère en proie au désir corporel et sentimental. Douce, fragile, flegmatique et d'autant plus si innocente, Marion ne parvient pas à refréner ses pulsions sexuelles et sentimentales en dépit de sa sagesse, sa compréhension à laisser Rémi s'autoriser l'adultère (potentiellement rédemptrice). Bref, ce duo inoubliable plongé dans leur stricte solitude nous laisse finalement dans une drôle d'impression morale, une ambiguïté émotionnelle mêlée d'échec, d'amertume et de libération.


Folle romance paraphile proprement vertigineuse, voire même limite sensorielle dans la retranscription vériste des sentiments (et des corps) mis à nu face caméra, Beau-père fait office d'expérience émotionnelle sensiblement scabreuse dans sa manière radicale de nous bouleverser la raison (avec toutefois une subtile pudeur) auprès d'un amour condamnable. Magnifique dans la fragilité expressive des amants mais aussi perturbant dans leur tendresse irraisonnée, on en sort finalement transformé passée sa conclusion aussi bien amère qu'équivoque. Si bien que personne, spectateur compris, ne semble en sortir indemne...
Pour public averti.

* Bruno

Boston Society of Film Critics Awards 1982 : Prix du meilleur film étranger

Note (Wikipedia): Bertrand Blier précise que l'affiche n'est pas celle qui avait été choisie à l'origine. Le producteur aurait imposé la version (plus sulfureuse) que l'on connaît à son insu. Ce qui a nuit au film et à la jeune actrice si bien qu'il y a eu un "procès" à ce sujet.

Le point de vue de Mathias Chaput:
« Beau-père » traite d’un sujet douloureux et délicat, très peu exploité au cinéma, du moins de cette façon, la pédophilie, mais Blier est malin et sensible, ici aucune outrance ni vulgarité mais une succession de saynètes simples dans des décors épurés et un jeu d’acteur respectueux et pudique…
Dewaere est habité par son rôle comme dans la plupart de ses films et la jeune Ariel Besse étonnante de professionnalisme et d’intelligence, il faut un grand courage pour endosser son personnage loin des lolitas décérébrées que l’on avait l’habitude de voir, elle représente Marion, le personnage central du métrage, celle par qui tout arrive, c’est elle le vecteur de l’intrigue et de cette histoire d’amour quasi impossible mais rendue attachante par un Blier au firmament…
Les seconds rôles sont à la fois distants et proches de Rémi, notamment le contrebassiste et son épouse ou les deux femmes qui apparaissent au début et au final du film (Nicole Garcia et Nathalie Baye, la veuve qui ouvrira les yeux de Dewaere et par conséquent le sauvera de sa relation folle avec Marion)…
L’escapade à Courchevel permet de confirmer l’amour fou entre Rémi et Marion, tour à tour passionné et d’une tentation quasi irréelle, Blier pose sa caméra et laisse aller ses personnages dans une lente mais efficiente love story insolite qui pourra encore de nos jours paraître déplacée voire illégale mais « Beau-père » n’est jamais un film obscène ou pédophile dans le sens « pornographique » du terme, c’est plus un drame passionnel où gravitent des protagonistes paumés et sans repères…
Le repère, justement, aussi bien pour le spectateur que pour Rémi, c’est Marion ; Rémi a tout perdu, sa femme, son travail de pianiste, il vit dans un environnement délétère qui n’a que peu de sens pour lui, et dès qu’il intègre le fait que Marion est amoureuse de lui, sa vie change mais heureusement pour la bienséance, de façon partielle et éphémère…
Ce n’est que lorsque sa raison regagne sa place et la rencontre avec Nathalie Baye que sa conscience reprend ses droits et qu’il retombe sur ses pieds…
Finement joué et assumé totalement par Bertrand Blier, « Beau-père » est une œuvre dérangeante mais à l’histoire suffisamment bien ficelée qui évolue en flux tendu par son côté scabreux mais qui demeure le témoignage d’un très bon cinéma, osé et talentueux…
Il faut être ouvert cinématographiquement pour le visionner mais « Beau-père » est une grande performance dramatique, à contre-courant du cinéma traditionnel, Blier a une nouvelle fois entrepris un pari risqué qu’il a gagné haut la main…
C’est le genre de metteurs en scène qui rend honneur au cinéma hexagonal, nous nous devons de le souligner…

Note : 9/10

mardi 18 septembre 2018

LE DEMON DANS L'ILE. Prix du Suspense, Avoriaz 83.

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Francis Leroy. 1983. France. 1h39. Avec Jean-Claude Brialy, Anny Duperey, Gabriel Cattand, Pierre Santini, Cerise, Janine Magnan.

Sortie salles France: 30 Mars 1983

FILMOGRAPHIE PARTIELLE (le monsieur ayant tourné une quarantaine de films X): Francis Leroi est un cinéaste français, né le 5 septembre 1942 à Paris, décédé le 21 mars 2002 à l’île Maurice. 1968 : La Poupée rouge. 1969 : Ciné-Girl. 1972 : La Michetonneuse. 1982 : Le Démon dans l’île.


Quelle bien étrange curiosité que ce Démon dans l'île portant la signature de Francis Leroy,  (réalisateur entre autre de films X) et incarné par nos illustres acteurs Jean-Claude Brialy, Anny Duperey. Débarquée sur une île bretonne afin d'oublier la disparition tragique de son époux et de son fils, Gabrielle Martin est témoin d'incidents domestiques inexpliqués. Les citadins étant victimes de leurs appareils ménagers potentiellement défectueux. Son enquête l'amène à fréquenter l'étrange et solitaire docteur Paul Henry Marshall. Série B française correctement menée et réalisée, le Démon dans l'île possède l'indéniable efficacité de nous proposer des séquences chocs redoutablement impressionnantes par leur impact horrifique à la fois spectaculaire, inventif, gore et viscéral.


De par la diversité des ustensiles utilisés (couteau électrique, four, ours en peluche, téléviseur, rasoir), les scènes chocs se succèdent habilement sans jamais nous lasser, et ce en dépit de leur aspect itératif. Et donc sur ce point, le film s'avère une franche réussite, tant auprès des FX simples mais relativement soignés, que de l'instauration d'un suspense tendu quant à l'éventuelle sort de la victime manipulant insouciamment l'appareil domestique. Francis Leroy jouant notamment avec un suspense sardonique lorsque 2 ou 3 protagonistes réunis dans la même maison pourraient faire les frais de l'appareil diabolique qu'ils manipulent indépendamment dans une pièce distincte ! Quant aux tenants et aboutissants de l'intrigue assez nébuleuse, à mi chemin entre la parodie involontaire et la sobriété la plus louable, on reste autant surpris qu'interloqués à traiter du thème de la télékinésie avec une certaine ambiguïté. Pour autant, grâce au jeu très convaincant d'Anny Duperey en investigatrice pugnace et au dynamisme du rythme (rehaussée d'un climat insulaire sensiblement envoûtant), on suit son trajet avec autant d'appréhension que de soif de vérité à percer le mystère qui entoure l'île hantée d'un secret infantile éhonté. On n'en dira pas tant de la prestance un peu trop rigide de Jean-Claude Brialy en manipulateur ésotérique trop altier pour être convaincant.


Récompensé du Prix du Suspense à Avoriaz, du Prix d'interprétation féminine pour Anny Duperey et des Meilleurs Effets spéciaux à Fantasporto, Le Démon dans l'île dilue une aura d'étrangeté toute particulière à travers la personnalité intègre de Francis Leroy s'efforçant scrupuleusement de nous distraire dans un jeu de peur irrationnel aussi troublant et poétique qu'hermétique d'une certaine manière. L'intrigue elliptique cédant un peu à la facilité, aux chemins de traverse finalement à travers l'exploitation d'un cerveau surdimensionné. A découvrir en tous cas avec intérêt, notamment auprès de sa nationalité française plutôt frileuse avec le genre Fantastique. 

* Bruno
2èx

lundi 17 septembre 2018

FLAGELLATIONS

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Pete Walker. 1974. Angleterre. 1h42. Avec Barbara Markham, Penny Irving, Robert Tayman, Patrick Barr, Ray Brooks

Sortie salles France: 4 Janvier 1984. Angleterre: 19 Avril 1974

FILMOGRAPHIE: Pete Walker est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né en 1939 à Brighton. 1968: l'Ecole du sexe, For men only, 1970: Cool, c'est Carol, 1971: Man of violence, Die Screaming, Marianne, 1972: Quatre dimensions de Greta, le Théâtre de l'angoisse, 1973: Tiffany Jones, 1974: Flagellations, Frightmare, 1976: The Confessionnal, Schizo, 1978: Hallucinations, 1979: Home Before Midnight, 1983: House of the long shadows.


Si l'idée de départ était plutôt alléchante sur le papier (anciens dirigeants d'une prison, un groupe de retraités rigoristes kidnappent des jeunes filles dans leur maison de correction pour les expier de leurs pêchers), Flagellations ne dépasse pas le stade du sympathique divertissement de par son intrigue redondante éludée de surprises. Et ce même si sa cruelle dramaturgie peut parfois agréablement surprendre dans son refus de concession. Incarnés par des comédiens tout juste convaincants et réalisé avec  l'attachante maladresse qu'on lui connait, Pete Walker exploite passablement son sujet, notamment auprès de la caractérisation de ces personnages tantôt trop équivoques ou versatiles (le fils de la matriarche - incarné par Robert Tayman - ne sait pas vraiment sur quel pied danser dans sa position contradictoire de kidnappeur clément). Pour autant, et sans doute avec indulgence, la farce gentiment horrifique se gaussant du fondamentalisme et des chartes archaïques de la juridiction se laisse suivre sans ennui à défaut de lui tolérer un second visionnage. On a en tous cas connu Pete Walker plus fou, audacieux et inspiré avec Frightmare, Hallucinations et surtout Mortelles Confessions (son oeuvre la plus aboutie et convaincante).

* Bruno

samedi 15 septembre 2018

Maniac

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site marvelll.fr

de Franck Khalfoun. 2012. France/U.S.A. 1h30. Avec Elijah Wood, Nora Arnezeder, Liane Balaban, America Olivo, Joshua De La Garza.

Sortie salles France: 2 Janvier 2013

FILMOGRAPHIEFranck Khalfoun est un réalisateur, scénariste, acteur et monteur américain
2007: 2è Sous-sol. 2009: Engrenage Mortel (Wrong Turn at Tahoe). 2012: Maniac


"Maniac : solitude en caméra close".
Discrédité avant même son entreprise, déjà étiqueté remake bancable d’un chef-d’œuvre traumatisant, Maniac nouvelle mouture prenait un risque double : reprendre un monument crasseux du cinéma d’horreur, et confier le rôle-titre à un acteur au minois infantile. Un choix particulièrement couillu, qui laissait craindre le pire, d’autant plus que son réalisateur, encore novice, venait de livrer deux productions aussi conventionnelles que tièdes. Pourtant, produit par William Lustig en personne, épaulé des Français Aja et Levasseur (également crédités au scénario), ce Maniac autrement sophistiqué fait le choix intelligent de ne pas singer son modèle cradingue. Filmé intégralement en caméra subjective, du point de vue du tueur, Maniac version 2012 est une nouvelle plongée dans les bas-fonds d’un Los Angeles corrompu, qu’un psychopathe entreprend de « nettoyer » en ciblant une gent féminine aguicheuse.
 
Dès le prologue, l’ambiance est posée : anxiogène, crépusculaire, poisseuse. Un New York fantasmé, insalubre, nous est exposé avec un réalisme cafardeux : badauds désoeuvrés, foule cosmopolite, trottoirs noyés sous les détritus, tentes de fortune plantées çà et là… À l’image prophétique du premier crime, prémédité, concis, radical. Une séquence choc, dérangeante, qui annonce la couleur : Maniac ne sera pas une virée ludique, mais un bain de noirceur brutale.


La cruauté du meurtre, et l’impuissance absolue de la victime, incapable même d’un cri : nous voilà saisis, sidérés. Et la bonne nouvelle, c’est que l’errance nocturne du maniac restera une dérive introspective, jalonnée de fulgurances aussi terrifiantes qu’éprouvantes. Car tout au long de cette traque sanglante, le spectateur, pris en otage par l’œil du tueur, est contraint à une identification instinctive. L’effet d’immersion est immédiat, mais surtout, il dérange — il incommode, il asphyxie. On partage ses pensées malades, ses visions hallucinées de mannequins sanguinolents lovés dans une chambre tamisée, ses crimes lâches et acérés. Autant dire que cette nouvelle version génère une submersion sensorielle bien plus intense que son modèle initial. À l’inverse, on est loin de l’angoisse trouble du film de Lustig et du jeu moite de Joe Spinell. Néanmoins, certaines séquences gores, percutantes, retournent les estomacs les moins sensibles, tant leur sauvagerie frôle parfois l’insupportable (le meurtre au poignard d’une prostituée réfugiée dans un parking est une épreuve à lui seul !).

Magnifiquement photographié dans un New York stylisé et documenté (avec notamment un décor baroque dans le métro), le film impressionne par la maîtrise de sa mise en scène : jeux de miroirs pour entrevoir le visage du tueur, plans stylisés d’un esthétisme limpide, presque poétique. Khalfoun exploite habilement le potentiel de terreur sourde qui émane de son maniac profondément esseulé. Le point d’orgue, extrême, s’incarne dans la traque de la dernière victime, en instance de survie — une séquence d’anthologie. L’épilogue atteint quant à lui un sommet de gore paroxystique, aussi bestial et grand-guignolesque que celui de son aîné.

Et pour parachever le tout, les scénaristes ont eu la bonne idée d’insister sur l’idylle fragile entre Frank et une photographe de mode. Ce lien rend son personnage presque touchant : l’empathie du spectateur finit par se laisser contaminer. Khalfoun prend soin d’illustrer la psyché ravagée de son tueur, en explorant les réminiscences d’une enfance marquée par les sévices sexuels d’une mère dépravée. Par ses victimes, c’est elle qu’il assassine encore et encore, sans jamais apaiser ses pulsions de haine ni parvenir à se réconforter dans un amour humain. En résulte une ambiance de nonchalance mélancolique, qui imprègne chaque plan — portée par une bande-son fragile, cristalline, comme en apesanteur. Une atmosphère idoine pour explorer, derrière la romance avortée, les stigmates d’un passé souillé, et la solitude incurable d’un misogyne qui fut avant tout un enfant brisé.


"L’œil du monstre".

Résolument terrifiant, glaçant, glauque, malsain dans sa forme immersive (même s’il reste à cent lieues du chef-d’œuvre initial), Maniac s’impose pourtant comme une œuvre sauvage, cruelle, et déprimante — traversée par une intensité mélancolique profondément dérangeante. Et si Elijah Wood laissait sceptique au départ, il impose ici une composition tout en retenue, dans la peau d’un psychopathe timoré, chétif, broyé par l’échec d’un amour impossible. La nouvelle génération peut applaudir : un nouveau sommet de l’horreur hardcore vient d’être légué, porté par la personnalité affirmée d’un auteur, Franck Khalfoun, résolu à nous bouleverser de la manière la plus sensorielle et viscérale qui soit. Au point qu’après le générique, un malaise sourd persiste. S’incruste. Et ne vous lâche plus.

* Bruno
15.09.18
05.01.13

vendredi 14 septembre 2018

Prince des Ténèbres / Prince of Darkness. Prix de la Critique, Avoriaz 88.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site patatedestenebres.over-blog.com

de John Carpenter. 1987. U.S.A. 1h42. Avec Donald Pleasance, Jameson Parker, Victor Wong, Lisa Blount, Dennis Dun, Susan Blanchard, Anne Marie Howard, Ann Yen, Ken Wright, Dirk Blocker.

Sortie salles France: 20 Avril 1988. U.S: 23 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward


Passé le terrible échec commercial des Aventures de Jack Burton, John Carpenter revient à des budgets modestes pour entamer le second volet de sa trilogie de l'Apocalypse, amorcée avec The Thing et conclue par L’Antre de la Folie. Prince des Ténèbres réinvoque avec une puissance d’évocation fulgurante la thématique du Mal, cristallisée ici dans un ostensoir contenant un fluide aux origines troubles.

Le pitch : Dans une église abandonnée, à la demande d’un prêtre, un groupe de scientifiques et un professeur en philosophie sont recrutés pour étudier un mystérieux cylindre enfermant un étrange liquide. Cet artefact, gardé secret depuis des millénaires par une secte religieuse — les Frères du Sommeil — renfermerait… l’essence même du fils de Satan.

Éprouvé, dépité par le rejet de son film précédent, Carpenter joue la carte de l’épure : pas de démesure, mais un huis clos austère, gothique, dans l’enceinte d’un sanctuaire oublié. Avec un budget resserré et des têtes d’affiche de série B (ô combien convaincantes !), le briscard de l’horreur nous livre un concentré d’effroi satanique, contournant habilement les clichés. Dès son générique d’ouverture, étalé sur plus de dix minutes, Prince des Ténèbres séduit : montage millimétré, présentation fugace des protagonistes, musique cérémonielle entêtante composée par Carpenter et Howarth. Le ton est donné. Le spectacle qui s’en suit se construit comme un survival mystique, renversant les dogmes — Jésus y est présenté comme le descendant… d’un extraterrestre.

À travers cet objet cylindrique, réceptacle d’une force démoniaque aux ambitions cataclysmiques, le film déroule en moins de 24 heures une course contre la montre fiévreuse. Une lutte désespérée pour enrayer l’avènement de l’Antéchrist. Carpenter gère le suspense avec un art du rythme et du surgissement d’autant plus efficace qu’il s’affranchit de tout spectaculaire tapageur. Chaque rebondissement, chaque soubresaut d’horreur semble calculé pour nous clouer au fauteuil. Il joue de détails insidieux, de menaces diffuses : des insectes grouillants, un soleil dépressif, une armée de SDF livrés au Mal qui encerclent l’église, silencieux, menaçants, tels des zombies immobiles — parmi eux, l’inoubliable silhouette spectrale d’Alice Cooper.

À l’intérieur, l’angoisse s’intensifie : certains scientifiques, contaminés après avoir ingéré le fluide, deviennent les hôtes d’une possession froide. Un à un, ils se retournent contre leurs compagnons, recrachant sur leur visage cette essence maléfique, comme une souillure sacrée. Mais l’image la plus vertigineuse demeure celle du miroir, portail entre les mondes, où Satan attend une main secourable pour le tirer du néant : vision diaphane, main d’ombre d’un réalisme glaçant.
En parallèle, une voix de l’au-delà — entité sans visage — tente de joindre les protagonistes par-delà le sommeil, délivrant un message prémonitoire crypté, dans un flux d’images irradiées, comme un journal filmé du futur. Lentement, inexorablement, les agressions se multiplient, meurtrières, implacables, frappant des personnages dépassés, figés par la peur, aveuglés par le doute.
Et pourtant, parmi eux, certains résistent. S’érigent, vacillants mais vaillants. Jusqu’au sacrifice ultime.


Chef-d'oeuvre démonial. 
À travers une galerie de personnages bigarrés, peu à peu convaincus que le Mal s’apprête à régner sur Terre (saluons la présence intense de Donald Pleasence, prêtre miné par l’échec et le doute), Prince des Ténèbres distille un malaise grandissant autour d’un concept mystique qui dynamite les dogmes religieux. Carpenter signe ici une réflexion métaphysique sur l’abstraction du Mal et l’effritement de la réalité, qu’une poignée de scientifiques tente en vain de décrypter et d’endiguer. Le film tire sa puissance dramatique de sa mise en scène cauchemardesque, transfigurant une entité invisible en corps mutant, larvaire, tentaculaire.
Jusqu’à sa conclusion — stupéfiante, peut-être désespérée, génialement équivoque — où Carpenter tire le rideau au moment le plus alarmant d’une romance fracassée.


Récompense: Prix de la Critique au Festival d'Avoriaz en 1988.

* Bruno
14.09.18. 5èx
10.10.11 (220 vues)

jeudi 13 septembre 2018

BODY DOUBLE

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Brian De Palma. 1984. U.S.A. 1h54. Avec Craig Wasson, Melanie Griffith, Gregg Henry, Deborah Shelton, Guy Boyd, Dennis Franz.

Sortie salles France: 20 Février 1985. U.S: 26 Octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


Le pitch: Après avoir surpris sa compagne avec un amant, Jake Scully, acteur au rabais pour des séries Z horrifiques, se lie d'amitié avec le comédien de théâtre Sam. Celui-ci lui propose de l'héberger quelques jours dans la vaste demeure (une chemosphère) d'un de ses amis partis en villégiature. En prime, avec l'aide d'une longue vue, il l'incite à observer sa voisine d'en face pratiquant chaque soir un striptease. Or, un beau soir, Jake est témoin du meurtre de celle-ci par un mystérieux indien. 
Hommage aussi bien effronté que couillu à Vertigo et à Fenêtre sur Cour, Body Double fut un échec public et critique lors de sa sortie; faute d'une intrigue truffée de dérision et de vulgarité au sein du milieu underground de la pornographie. Et donc, probablement qu'à l'époque les journalistes et le public n'ont pas perçu le côté décalé, limite parodique des situations outrancières (la séquence du meurtre à la perceuse avec le cordon électrique trop court pour atteindre la victime, le clip Relax filmé dans les coulisses du X auprès d'une figuration SM, l'épilogue risible avec ce vampire punk massant langoureusement sa victime sous la douche), et ce par le truchement d'un hommage vitriolé à Hitchcock. Depuis largement réévalué au point de l'estampiller comme l'un de ses ultimes chefs-d'oeuvre, Body Double demeure un modèle de suspense et d'écriture à travers une enquête jubilatoire bâtie sur les tabous du voyeurisme et de la pornographie ainsi que du faux semblant et du désir sexuel. Sur ce dernier point, rien que la longue séquence de filature entre Jack et sa voisine au sein des galeries marchandes est un morceau d'anthologie à enseigner dans les écoles (à l'instar de celle de la galerie des beaux-arts transfigurée dans Pulsions).


De Palma illustrant consciencieusement une filature inlassable, non seulement autour des va et vient de la voisine mais également autour des agissements patibulaires de l'indien que Jack tente malgré tout de suivre à la trace avec une interrogation davantage dérangée. Génialement incarné par Craig Wasson en acteur de série Z à la fois empoté, naïf et terriblement complexé auprès de sa claustrophobie l'empêchant d'exercer son métier, Body Double redouble d'intensité et de suspense émoulu parmi son témoignage obsessionnel à épier dans un désir pervers et amoureux sa voisine en rut. Et ce avant son incursion décalée dans le milieu du X afin d'approcher une éventuelle complice de meurtre ! Sublimé par le score hyper sensuel de Pino Donnagio, De Palma émoustille nos sens à travers ses chorégraphies hyper sensuelles de striptease torride filmée avec une élégance teintée de vulgarité. Comme de coutume épaulé d'une intrigue irrésistiblement machiavélique fondée sur le simulacre et la mise en abyme, Body Double est un plaisir infini de cinéma ludique. Tant auprès de la forme esthétisante et stylisée que du fond à travers l'initiation d'un acteur timoré en voie d'affirmation et de surpassement de soi. Enfin, à travers une direction d'acteurs hors-pair, on peut notamment saluer le jeu si avenant (au 1er abord) de Gregg Henry Spoil en conspirateur meurtrier fin du Spoil ainsi que la présence très sexy de Melanie Griffith en actrice X à la fois paumée et fragile dans sa naïveté de s'être laissée corrompre par la finance du X.


Modèle de mise en scène formant une sorte de pied de nez au cinéma d'Hitchcock dans sa modernité explicite et sa dérision semi-parodique, Body Double joue la carte de la sensualité et de la pornographie auprès d'une intrigue machiavélique ne manquant pas de tendresse pour dépeindre en sous-texte la condition souvent précaire des acteurs de seconde zone (Jake et Holly sont comme deux enfants égarés dans un monde d'artifices qui ne leur ressemble pas). Jubilatoire et audacieux dans l'intensité de son érotisme sensoriel à travers un vertige amoureux aussi bien cruel que salvateur. 

Bruno
5èx

mercredi 12 septembre 2018

VENGEANCE A 4 MAINS

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Oliver Kienle. 2017. Allemagne. 1h34. Avec Frida-Lovisa Hamann, Friederike Becht, Christoph Letkowski

Sortie Vod France: 4 Septembre 2018. Allemagne: 30 Novembre 2017.

FILMOGRAPHIE: Oliver Kienle est un réalisateur, scénariste et acteur allemand né en 1982. 2017: Vengeance à Quatre Mains. 2013 Tatort (TV Series) (1 episode). Happy Birthday, Sarah! (2013).  2010 Bis aufs Blut - Brüder auf Bewährung.


Thriller captivant brillamment réalisé et incarné par 2 comédiennes se confondant en émoi paranoïde, Vengeance à 4 mains relate la schizophrénie de Sophie profondément traumatisée par la mort de ses parents 20 ans plus tôt par des cambrioleurs. Quand bien même suite à un accident ayant causé la mort de sa soeur Jessica renversée par une voiture lors d'une dispute, Sophie semble persécutée par l'esprit de la défunte. Sombre récit de vengeance mortuaire du point de vue d'un dédoublement de personnalité, Vengeance à 4 mains s'avère redoutablement réaliste afin de nous faire douter de la santé mentale de Sophie littéralement asservie par le fantôme teigneux de Jessica (Friederike Becht,  très impressionnante lors de ses règlements de compte tranchés). D'une violence rigoureuse auprès des exactions criminelles entrevues lors du perturbant prologue et auprès du comportement véloce de Jessica en justicière stoïque, Vengeance à 4 mains nous laisse dériver dans un vertigineux thriller eu égard du cheminement narratif truffé d'incidents inexpliqués (au 1er abord !) et de rebondissements équivoques (notamment au niveau de son éventuel twist final qui déconcertera sans doute une frange du public).


Outre la force psychologique de son récit sinueux habilement structuré par le biais d'ellipses (et donc peu à peu limpide au fil des flash-back et de la transformation identitaire de Sophie), Vengeance à 4 mains diffuse un suspense amer auprès de l'investigation intime de celle-ci en proie à une paranoïa toujours plus ingérable. Véritable dédale mentale d'une héroïne bicéphale hantée par la vengeance, le film traite inévitablement de la difficulté d'assumer la perte de l'être cher, de la culpabilité et de l'amour possessif sous l'impulsion du duo orageux Frida-Lovisa Hamann Friederike Becht habitée par leur dissension morale. Poignant et cruel, Vengeance à 4 mains gagne donc en intensité et crédibilité quant aux sorts précaires des deux héroïnes sévèrement traumatisées par un passé crapuleux. Superbement photographié à travers des nuances sombres pour rendre compte de l'état psychologique des héroïnes fébriles, Oliver Kienle maîtrise d'autant mieux sa réalisation par le biais de plans tarabiscotés incroyablement percutants. Et ce en émaillant son puzzle narratif de séquences-chocs brutales parfois difficilement supportables (principalement l'agression finale d'une tension claustro à couper le souffle !).


Production germanique auprès d'un réalisateur novice (il s'agit de son second métrage), Vengeance à 4 mains est un excellent thriller psychologique à double niveau de lecture si on privilégie le reflet de miroir de son intrigue potentiellement surnaturelle d'une poignante intensité dramatique. 

* Bruno

mardi 11 septembre 2018

Carnage / The Burning

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site digitalcine.fr

"The Burning" de Tony Maylam, 1981. U.S.A. 1h31. Avec Brian Matthews, Leah Ayres, Brian Backer, Larry Joshua, Lou David, Jason Alexander, Holly Hunter, Fisher Stevens, Ned Eisenberg, Shelley Bruce, Carolyn Houlihan.

Sortie salles France: 28 Avril 1982 (Int - 18 ans). U.S: 8 Mai 1981

FILMOGRAPHIE: Tony Maylam est un réalisateur britannique né à Londres en 1943.
1981: Carnage. 1988: Across the lake (télé-film). 1992: Killer Instinct


"On n'a pas retrouvé son corps mais on dit que son esprit vit toujours dans la forêt, cette forêt ! Un maniaque, un être qui n'a plus rien d'humain et on dit aussi qu'il arrive à vivre avec ce qu'il trouve ça et là, des racines, des herbes.
Oui il est toujours vivant ! Et tous les ans il réapparaît dans un camp d'été comme celui la et il cherche toujours à se venger des terribles choses que ses gosses lui ont faites.
Tous les ans il tue, même cette nuit il est là à nous épier ! A attendre !
Ne regardez pas, il vous verrait !!! Ne respirez pas, il vous entendrait !!!
Ne bougez pas, vous êtes morts !!!!!!!!!!!!!!!!"

 
"Carnage : la légende brûlée dans les bois".
En 1980 sort sur les écrans Vendredi 13, illustre ersatz dans la vague du psycho-killer initié par Black Christmas et Halloween. Sean Cunningham s’efforce alors de rendre efficace une trame toute tracée grâce à la multiplicité des meurtres concoctés par le maître des maquillages, Tom Savini. Le public juvénile, friand du « Ouh, fais-moi peur ! », se rue en masse, et la série B fauchée explose le box-office ! Un nouveau genre est né, et son icône célébrée : le psycho-killer des bois et son tueur à la machette, Jason Voorhees !

Un an plus tard, le Britannique Tony Maylam réexplore le filon, rappelle à l’ordre l’artisan Savini, et livre sa version du « camp maudit où de jeunes vacanciers sont pris pour cible par un tueur masqué ». Et là, le miracle opère. Car Carnage transcende son ancêtre, suivant un canevas canonique emprunté aux Dix Petits Nègres, avec une réalisation avisée, un réalisme cru, une dramaturgie radicale, un gore malsain et un climat forestier inhospitalier, oppressant.

Le pitch : un surveillant de camp est accidentellement brûlé vif suite à une mauvaise blague. Cinq ans plus tard, défiguré, il revient se venger, bien décidé à martyriser une nouvelle bande d’adolescents insouciants. À la lecture, le scénario semble éculé, presque interchangeable avec celui de Vendredi 13. Mais l’ambiance, ici, se fait plus tangible, le suspense plus insidieux, savamment distillé dans les batifolages adolescents — jusqu’à une dernière demi-heure haletante, terrifiante, véritable plongée en mode survival évitant toute redite stérile.

Après un prologue cruel, où l’ironie potache laisse place à l’horreur d’un grand brûlé alité, l’entrée en scène du tueur frappe fort. Le film lorgne vers le giallo, avec cette silhouette en manteau noir et chapeau, qui assassine une jeune prostituée à coups de longs ciseaux. Meurtre brutal, sale, sec, dont la perversion explicite est accentuée par l’arme pénétrant la chair en gros plan. Par la suite, si le récit suit une ligne classique et quelques situations rebattues, Maylam prend soin d’installer une atmosphère ombrageuse, appuyée par un souffle malsain et une bande-son palpitante.

Les étudiants, archétypes du genre — baignades, baise, alcool et fumettes —, n’en restent pas moins un peu plus convaincants. Leur peur, leur manière d’appréhender le danger, leur sens de la bravoure (notamment ce souffre-douleur devenu héros malgré lui), les rendent plus attachants. Moins caricaturaux, moins crétins, ils suscitent chez nous une empathie réelle, malgré les blagues d’ados boutonneux et les brimades infligées au bouc émissaire.
 

Mais Carnage, c’est surtout une présence indicible, tapie dans les frondaisons, un battement de cœur perpétuel, un tueur fantomatique que l’on aperçoit à peine — une ombre, une paire de cisailles. Le réalisateur joue avec nos peurs enfantines, celles des contes au coin du feu. La séquence du feu de camp, aussi brève soit-elle, instille un vrai frisson d’appréhension. Peur ludique, ogre forestier, surgissant sans prévenir pour fondre sur sa proie ! Certaines scènes, latentes, sont filmées avec une précision chirurgicale. Et lorsque le tueur frappe, les meurtres cinglants nous glacent, portés par l’efficacité du jump scare et une cruauté tolérée. Mention spéciale à la séquence du radeau : corps lacérés, cisaille en furie, dans une chorégraphie sanglante d’une rare inventivité.

La partition électro stridente de Rick Wakeman amplifie l'effroi, pousse la tension jusqu'à l'effondrement, accompagne la panique croissante d’ados traqués par la folie.


"Psycho-killer au Cœur Noir : l’Épure selon Maylam".
Ludique (notamment auprès de son humour potache bien dosé), oppressant, irrésistiblement anxiogène et mené tambour battant, Carnage demeure le joyau du pycho-killer des forêts. Un maître étalon du genre, n’ayant rien perdu de son impact. Sa peur est perméable, son aura malsaine, insidieuse. Et ses homicides, gravés dans nos mémoires, laissent l’empreinte d’un cauchemar que l’on ne peut effacer. Comment oublier Cropsy, boogeyman vengeur, silhouette décharnée armée de ses longues cisailles ? Jason n’a qu’à bien se tenir.

Anecdotes : Il s’agit de la première production d’Harvey Weinstein pour Miramax. Son frère Bob a participé au scénario, et Jack Sholder (futur réalisateur de The Hidden) officia au montage. Les Weinstein affirmeront d’ailleurs que leur script fut écrit avant celui de Vendredi 13...

* Bruno
11.09.18. 6èx
Ven 22/01/10. 2259 vues

lundi 10 septembre 2018

LES GUERRIERS DU BRONX 2

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Fuga dal Bronx" de Enzo G. Castellari. 1983. Italie. 1h32. Avec Mark Gregory, Henry Silva, Valeria D'Obici, Giancarlo Prete, Paolo Malco, Ennio Girolami, Antonio Sabato.

Sortie salles France: 1er Août 1984. Italie: 15 Août 1983.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Enzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie). 1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.


Un an après les exploits de Trash et sa bande du Bronx, on prend les mêmes et on recommence avec Les Guerriers du Bronx 2 toujours réalisé par Enzo G. castellari. Une séquelle explosive si bien que l'action est ici décuplée par 10 avec une redondance tout juste tolérable. De par son humour involontaire, son attachant climat de désolation urbaine et le surjeu irrésistible des acteurs s'en donnant à coeur joie dans les expressions bellicistes. Alors qu'un promoteur véreux s'empresse de nettoyer les quartiers du Bronx de la délinquance, Trash et une poignée d'irréductibles leur tiennent tête flingues à la main. Mais les victimes s'accumulent au point qu'une journaliste frondeuse y déclare un génocide face aux médias. Dès lors, pour Trash et ses survivants, ne reste plus comme stratégie de dernier ressort de kidnapper le président afin de faire front à la flambée de violence. 


Aussi bonnard que son prédécesseur, les Guerriers du Bronx 2 ne compte que sur la surenchère épique pour emporter notre adhésion avec plus ou moins de bonheur eu égard de l'ambiance apocalyptique d'un Bronx réduit à feu et à sang. Les mercenaires aguerris et l'armée fasciste accourant tous azimuts au sein d'un climat de folie urbaine rendue erratique. Castellari multipliant cascades et explosions en règle avec une certaine efficacité et ce même s'il abuse de ralentis et chorégraphies itératives à travers les corps éjectés en l'air. Toujours aussi inexpressif dans sa posture ignare et laconique, Mark Gregory continue de jouer les gros bras redresseurs de tort avec une foi inébranlable ! Et nous de s'amuser de ses exploits outre-mesure sous l'impulsion de dialogues impayables oscillant sobriété et vulgarité.


La grande java. 
Décomplexé auprès de sa violence parfois complaisante (les victimes lâchement brûlées vives avec un réalisme risible), un chouilla gore lors de quelques plans concis, dégénéré et con comme la lune de par son pitch minimaliste, Les Guerriers du Bronx 2 ravira les amateurs de Z rital grâce à son action belliqueuse hyperbolique et ses têtes familières de seconde zone (Henry Silva en tête). 

* Bruno
2èx
                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

"1990: I guerrieri del Bronx" de Enzo G. Castellari. 1982. Italie. 1h30. Avec Stefania Girolami, Marco Di Gregorio, Vic Morrow, Christopher Connelly, Fred Williamson, "Betty" Elisabetta Dessy

Sortie salles France: 17 Novembre 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVEEnzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie).
1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.


Sorti en pleine mouvance du Post-Nuke initié par Mad-max 1 et 2Les Guerriers de la Nuit et New-York 1997les Guerriers du Bronx constitue l'un des célèbres ersatz transalpins des années 80 que les vidéophiles se sont empressés de louer au video du coin. Série Z bricolée avec les moyens du bord dans ses carrières désaffectées d'un New-York dystopique, les Guerriers du Bronx s'inspire largement du chef-d'oeuvre de John Carpenter. Sauf qu'ici, et pour varier la donne, les rôles et situations sont inversés au profit d'un ennemi sanguinaire implanté dans le territoire interdit, le royaume des Riders ! Dans le sens où un exterminateur sans vergogne est chargé de retrouver en vie Anne, la jeune héritière d'une corporation d'armement réfugiée dans le quartier interdit depuis l'influence de magnats véreux. Seulement, ce dernier n'hésite pas à assassiner de sang froid les quidams marginaux empiétant son chemin. C'est dans cette zone réputée mortelle qu'Anne établit la rencontre de Trash et de son équipe motorisée. Des loubards livrés à eux mêmes bien que subordonnés à l'autorité de l'Ogre, un leader afro à l'enseigne du quartier du Bronx. Afin de sauver la vie de cette fugitive, Trash et ses compagnons décident d'invoquer l'aide de l'Ogre depuis les exactions criminelles de Hammer, l'exterminateur.


Ce scénario aussi inepte qu'improbable sorti d'une bande dessinée fauchée parvient modestement à nous divertir dans son lot de stratégies guerrières, trahison et confrontations physiques que nos anti-héros perpétuent vaillamment pour un enjeu humain. En pompant notamment sur l'autre modèle susdit (les Guerriers de la Nuit), pour la panoplie exubérante des clans barbares (principalement les "Zombies" affublés d'une combinaison de Hockey), les Guerriers du Bronx illustre de manière triviale les pérégrinations belliqueuses de ces anti-héros dont Trash s'avère le porte parole le plus loyal. C'est également au niveau des engins motorisés (le crane encastré au creux du guidon de chaque bécane) et des acteurs cabotins, aussi attachants qu'impayables dans leur posture inexpressive (la présence atone de Trash et de ses mercenaires ressemblent à s'y méprendre au groupe Village People !), que le film parvient à amuser, réparties machistes à l'appui ! Sa narration redondante culminant enfin avec générosité vers un affrontement épique entre forces de l'ordre et mercenaires lors d'une guérilla urbaine étonnamment pessimiste !


Série Z d'action futuriste soutenue par l'excentricité des personnages grotesques et par le surréalisme de situations ineptes, Les Guerriers du Bronx traduit avec une sobre efficacité une fantaisie débridée sous l'impulsion de pugilats infantiles hérités d'un épisode de San Ku Kai ! Grâce à la sincérité de son auteur et le jeu outrancier des acteurs de seconde zone, ce nanar d'exploitation laisse en mémoire un divertissement assez plaisant dans sa facture bisseuse typiquement transalpine.

* Bruno