Photo empruntée sur Google, appartenant au site aiguisemoica.blogspot.com
de Fede Alvarez. 2013. U.S.A. 1h36 (
uncut version). Avec Jane Levy, Shiloh Fernandez, Jessica Lucas, Lou Taylor Pucci, Elizabeth Blackmore.
Sortie salles France:
1er Mai 2013. U.S:
5 Avril 2013
FILMOGRAPHIE:
Fede Alvarez est un réalisateur uruguayen, né le 9 Février 1978 à Montevideo.
2009: Ataque de Panico (court-métrage). 2013:
Evil-Dead.
"Cabane rouge, âme noire".
Attendu comme le messie autant que redouté par les fans irréductibles de son modèle, Evil Dead, le remake, attisa notre curiosité dès ses trailers hargneux, violemment percutants. Mais n’y allons pas par quatre chemins : ce remake est un cadeau inespéré.
Dès l’abord, on peut saluer l’intégrité du réalisateur d’avoir conçu un film d’horreur premier degré, pétri d’une véritable ambiance à l’ancienne. Sans esbroufe gratuite, sans humour potache. Juste l’inquiétude rampante, l’appréhension sourde, ce sentiment d’insécurité qui ne fait que croître jusqu’à la folie furieuse. Et surtout, un respect humble et intelligent de l’essence du film originel.
Certains lui reprochent une certaine vacuité des personnages, alors que son ancêtre souffrait déjà d’une interprétation superficielle — même l’icône Bruce Campbell y était largement perfectible. Ici, au contraire, la prestance tranchante de Jane Levy suscite autant l’empathie que l’effroi, dans son rôle de toxicomane chétive, dévorée par la paranoïa et la démence. Une jeune fille en perte de repères, contrainte de se sevrer au fond d’une cabane, aidée de ses proches — alors que le Mal, déjà, rôde tout près, prêt à s’immiscer en elle.
L’idée est brillante : l’addiction sert de prétexte au repli, au huis clos, et la fraternité familiale, bien que discrètement esquissée, donne de l’étoffe aux rapports dysfonctionnels entre frère et sœur, à peine survivants. Les crises de délire de Mia ? Des symptômes de manque, se disent d’abord ses amis. Ils la forcent à rester enfermée dans la cabane. Mais ils ignorent que Mia, à l’instant même, vient d’être violée dans les bois par une entité démoniaque. Le Mal est déjà à l’intérieur.
Le sérieux avec lequel Fede Alvarez raconte son histoire nous implique immédiatement dans le désarroi de Mia. Et la tension, palpable dès le départ, grimpe inexorablement durant sa lente dégénérescence.
Contre toute attente (et toute crainte), le film ne verse pas dans le vulgaire copié-collé, refusant de repomper les séquences cultes du Raimi furibond. L’usage du grimoire en est la preuve : chaque événement meurtrier découle directement de ses consignes infernales, invoquées par un héros bien mal inspiré.
Evil Dead, version 2013, surprend, tétanise, impose une panique brute face à ses séquences chocs d’une efficacité viscérale, presque insoutenable dans leur réalisme hardcore. Jalonné de clins d’œil respectueux à l’œuvre-mère (les bruitages, la musique ombrageuse), le film regorge aussi d’idées retorses — ces mutilations que s’infligent les possédés sont autant de cris de chair qu’on ne peut oublier.
Fede Alvarez ose, cogne, déchaîne un orage gore où l’intensité monte en flèche, jusqu’à la saturation. Et nous, spectateurs, ballotés dans ce cauchemar qui se déploie comme une spirale, assistons impuissants à la boucherie de ces victimes auxquelles, malgré tout, on s’était attachés.
Ici, l’humour noir se fait plus rare, moins railleur. Mais la verve obscène des démons évoque parfois les infamies dégorgeantes de la petite Regan de L’Exorciste.
"Une aiguille dans l’enfer".
Mené sur un rythme effréné, formellement rugueux, inventif dans ses détails, viscéralement cruel et d’une violence sèche, Evil Dead nous cloue au siège comme une montagne russe en flammes. Hargneux, anxiogène, parfois terrifiant, le film rend hommage à son modèle avec une dignité et une maîtrise (presque) inattendues chez un jeune réalisateur.
Et si, en 2012, le paysage horrifique semblait décliner, Evil Dead en a redoré le blason. La nouvelle génération, à son tour, pourrait bien lui vouer un culte. Car il est rare, si rare, d’être confronté à un “vrai” film d’horreur à l’ancienne, obsédé par cette acuité du malaise qu’il cultive avec un sérieux presque sacré.