mardi 8 mars 2011

DEEP END

                                        

de Jerzy Skolimowski. 1970. Angleterre/Pologne/Allemagne. 1H31. Avec John Moulder Brown, Jane Asher, Karl Michael Vogler, Christopher Sandford, Louise Martini, Erica Beer, Anne Marie Kuster, Dieter Eppler, Diana Dors.

Dates de sortie: 18 Mars 1971 (Danemark), 10 Aout 1971 (Etats-Unis)

FILMOGRAPHIE: Jerzy Skolimowski est un cinéaste polonais né le 5 mai 1938 à Lodz en Pologne.
1961: Boks, documentaire, 1964: Signe particulier: néant, 1965: Walkower, 1966; La Barrière, 1967: le Départ, 1970: Les Aventures du brigadier Gérard, Deep end, 1972: Roi, Dame, Valet, 1978, Le Cri du Sorcier, 1981: Haut les mains, 1982: Travail au noir, 1984: Succès à tout prix, 1986: Le Bateau phare, 1989: les Eaux printanières, 1991: Ferdyduke, 2008: Quatre nuits avec Anna, 2010: Essential Killing.

                                deep end 1

Par le réalisateur polonais du Cri du sorcier (Grand Prix du Jury à Cannes 1978), Jerzy Skolimowski avait réalisé huit ans auparavant ce Deep End, aujourd'hui tombé dans l'oubli le plus éhonté.
Un ovni sensitif extrêmement rare, quasi introuvable et méconnu dépeignant avec une originalité singulière les affres de l'adolescence impliquant un jeune quidam âgé de 15 ans, éperdument amoureux d'une séduisante aguicheuse majeur mais égarée et nonchalante.
Si le film s'est vu écopé d'une interdiction au moins de 18 ans à l'époque de sa sortie, c'est en rapport à la relation ciselée, politiquement incorrecte, répréhensible entre un mineur et une adulte consentante qui aura tant brusqué et offensé la censure bien pensante originelle.

Mike est un jeune garçon timide et maladroit occupé à un nouveau poste manutentionnaire dans un bain public. Il y fait la connaissance d'une des employées, Susan, jeune fille instable qui accumule les conquêtes sans lendemain.
Rapidement, Mike va se lier d'amitié avec elle pour en tomber follement amoureux.

                               

Difficile d'équilibrer un avis fluide et concret à la sortie de cette projection tant cette oeuvre étonnamment moderne et hors norme ne ressemble à rien de connu, déroutant le spectateur de manière continuelle en bousculant nos habitudes et en réinventant l'outil cinématographique par une mise en scène ambitieuse, virtuose, en quête d'innovations perpétuelles.
Cette histoire d'amour étrangement pastel pour s'appesantir brutalement vers une nuance terne dans son point d'orgue capital se révèle d'une sensibilité et d'une fragilité sous-jacente dans sa structure réaliste à la limite du reportage pris sur le vif !
On peut aussi le définir comme un film expérimental, une introspection viscérale des rapports humains où nos protagonistes sont ici répertoriés comme des êtres fantasques délurés, irascibles, versatiles, instables et refoulés. D'ailleurs, le spectateur dérouté pourrait éprouver une certaine irritation dans les agissements véhéments, ardents de nos protagonistes constamment joueurs de mesquinerie dans leur relation amicale virant à la romance courtisée pour l'un d'eux, obsédé par la liaison amoureuse.
Deep end dépeint avec autant d'humanité que d'absurdité saugrenue les rapports équivoques entre un garçon introverti irresponsable et une jeune allumeuse paumée et dévergondée se réfugiant dans les relations sexuelles insignifiantes en guise d'affection et cela depuis l'absence fustigée d'une mère décédée.
S'ensuit entre nos deux amants insolents et désinvoltes un jeu indocile façon "fuis moi, je te suis, suis moi, je te fuis" dans des contextes grotesques et démesurées, de manière à mieux nous interloquer dans un insolite jeu de pouvoir sur les étroits rapports amoureux ambigus et incertains.

                               

Le couple incarné à l'écran par le jeune John Mulder Brown et la ravissante et sexy Jane Asher sont tous deux étonnants de justesse dans leur subtile prestance à la psychologie affirmée de manière extravertie. Ils dévoilent comme rarement leur âme et leurs émotions dans un florilège de sentiments exprimés avec une troublante vérité, mise en exergue dans une réalisation pragmatique entièrement dédiée au caractère brut de l'authenticité.

ATTENTION SPOILER !!! Le final inopiné nouant sa romance lyrique à peine dévoilée dans le drame impondérable émeut, déconcerte et désoriente nos sentiments sévèrement entachés dans une séquence funèbre d'une poésie bouleversée (forme de lointain écho à la Nuit du chasseur de Laughton dans son sens du macabre stylisé baignant dans les eaux translucides).
FIN DU SPOILER.

                               

Appuyé en intermittence par la musique pop de Cat Stevens, Deep End est une oeuvre clairsemée atypique, délicate, fragilement trouble et immersive. Un poème diaphane octroyé au vertige de l'amour quand un adolescent rebellé souhaite s'accaparer d'une idylle insolente et fuyante, rêve d'un amour insoluble qui trouvera son apogée fusionnelle dans les corps enlacés mais scindés.
A l'image de sa sublime affiche publicitaire, Deep End est un authentique film culte, rare et précieux !

NOTE: Prix du meilleur second rôle féminin (Jane Asher), lors des BAFTA Awards en 1972.

08.03.11
Bruno Matéï.

    


                                       
      

CENTURION

              

de Neil Marshall. 2009. Angleterre. 1H37. Avec Michael Fassbender, Dominic West, Olga Kurylenko, Noel Clarke, David Morrisey, JJ Feild, Riz Ahmed, Axelle Carolyn, Dave Legeno, Ulrich Thomsen, Hamish Moir...
          
BIO: Il s'agit du 4è long-métrage de Neil Marshall, réalisateur passionné par le cinéma d'horreur dès sa plus tendre enfance qui aura livré en 2005 une surprise de taille que personne n'attendait: offrir l'un des meilleurs survivals brut de décoffrage de ces dix dernières années !
                                
LE SUJET: Anno Domini 117. L'empire romain s'étend de l'Egypte à l'Espagne et jusqu'à la Mer Morte à l'Est. Mais au nord de l'Angleterre, l'armée romaine se heurte à la tribu barbare des Pictes. Marcus Dias, unique survivant romain d'une attaque des Pictes, rejoint la légendaire 9ème légion du Général Titus Virilus pour détruire ses anciens agresseurs. Mais au cours d'une embuscade, le Général est fait prisonnier et Marcus se lance alors dans une lutte acharnée pour délivrer Virilus et sauver son peloton en les menant juqu'aux frontières romaines.

                                

Après le "gloubi-boulga" à la sauce bisseuse qu'était "Domsday", forme d'hommage assumé aux séries Z italiennes des années 80, Neil Marshall se lance dans la voie du film d'action guerrier, épique et rebelle à la manière des grands succès que l'on connait tels que "Gladiator", "Braveheart", "300" et aussi le superbe et un peu trop oublié "Rob Roy".
D'un scénario de série B déjà maintes fois évoqué (la lutte de clans opposés où les gentils et les méchants divergent dans les 2 camps), Neil Marshall en tire un généreux film d'action barbare de cinéma de quartier, à feu et à sang où le fracas des armes et des lames s'entaillent dans les plaies de chair déchiquettée, sectionnée, empalée, tranchée, arrachée par ces lourds glaives de guerriers sans foi ni loi qui ne combattent que pour l'honneur et le devoir de leur patrie.

Durant la plus grosse partie de l'aventure endiablée nous allons suivre le destin d'une poignée de soldats romains, les huit derniers survivants d'un horrible massacre fustigé envers leur troupe tombée inopinément en embuscade par le clan adverse.
Ils vont alors tenter coûte que coûte à rester en vie face à ces ennemis intrépides lancés à leur trousse, totalement déterminés à se battre jusqu'au bout de leur capacité physique pour traquer sans relache leur proie quelqu'en sera le prix accordé.
Leur groupe est régi par une guerrière farouche sans aucun état d'âme qui ne vit que pour anihiler l'armée romaine sans établir aucune concession ou compassion pour l'ennemi pris en chasse !
A cause d'un passé traumatisé vilipendé par l'empire romain qui aura massacré toute sa famille sous ses propres yeux, la femme-loup, "Etais", ne jure que par vengeance à exterminer le moindre souffle romain occulté à l'horizon !
Nos huits soldats sont commandités par Marcus Dias, déjà survivant d'une attaque antérieure des Pictes. Pendant cette longue traque inlassable et impitoyable, ils vont alors tenter de retrouver ensemble leur côte romaine situé au Sud du pays, au prix de maintes efforts et trafalgards à perdre haleine.

                    

Michael Fassbender qui interprète le soldat Marcus Dias avec persuasion en impose en virilité, hargne et courage pour son rôle d'homme combatif. Habité par l'ambition de l'hardiesse et du devoir de mener à bon terme son groupe épuisé, rendu faible par les maintes péripéties contournées, Marcus sera épris malgré tout d'une rare volonté d'affronter finalement l'adversaire.
Olga Kurylenko dans le rôle physique de la femme loup, "Etais", se révèle LA révélation du film  dans son personnage de sauvageonne blessée et écorchée vive. Proprement divine, surprenante et charismatique dans son regard de louve avec son accoutrement de guerrière peinturlurée de traces bleux contournant son visage pour ne laisser percevoir aucune émotion rédemptrice face à son ennemi.
La scène du combat avec le général Virilus, dominé par un Dominic West tout en maturité dans ses expressions chevronnées montre bien l'immense douleur morale de cette femme meurtrie dans toute sa haine extériorisée, sa férocité animale et sa hargne de tuer avec une incroyable agileté. Il faut la voir trancher bestialement en quatre coups de glaive une tête littéralement arrachée de son buste ! Sans oublier son puissant cri de haine libérateur qui fait écho dans les plaines voisines.

Les séquences d'action ultra violentes, généreusement saignantes et jouissives qui parsèment la globalité du métrage dépotent un maximum dans leur aspect spectaculaire. Et cela même si la seconde partie survival lâche une baisse rythmique sans conséquence du fait des nombreux évènements que traversent sans relache nos huit héros. Des têtes sauvagement tranchées, éventrations, bras sectionnés, égorgements et membres déchiquetés dans des éclaboussures abondantes de sang giclant sur les murs et le sol souillé pour notre plus grand bonheur de cinéphile addicte à la crudité et au réalisme imposé.
Malgré l'aspect numérique de ce sang digitalisé dénaturant parfois quelque peu l'intensité et le côté viscéral de la brutalité de certaines scènes, "Centurion" offre un pur spectacle viril, un vrai film de guerrier qui suinte la sueur, la pisse, les larmes et le sang.

Dans une photographie désaturée aux teintes chromées, ce "Centurion" qui connait le sens du mot "émotion" est une nouvelle preuve d'amour que porte sur le coeur Neil Marshal en matière de cinéma de genre. Avec une générosité en diable, une soin non dissimulé pour le fait de raconter simplement l'histoire humaine d'une poignée d'hommes au courage exemplaire, prêts à se battre jusqu'à leur dernier souffle pour sortir victorieux, fiers de leur ténacité à enrayer l'ennemi redouté.
Cette aventure intense parfaitement interprétée par des acteurs investis et confirmés, traversée par un sens épique et un souffle guerrier retranscris dans de magnifiques paysages naturels, nous laisse sur un sentiment de bonheur affirmé.
Nous sommes soulagés d'avoir pû assister à un de ces métrages aussi ludiques qu'intelligents dans sa manière de traiter son spectateur à hauteur d'homme: avec respect, humilité et tradition du grand spectacle bien fait.

                    

NOTE: la preuve qu'une saute d'humeur, une fatigue passagère ou un stress pesant peuvent parfois induire en erreur notre point de vue subjectif.

19.08.10

lundi 7 mars 2011

ROSEMARY'S KILLER (The Prowler)

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site bannedinqueensland.blogspot.com

de Joseph Zito. 1981. U.S.A. 1h25. Avec Vicky Dawson, Christopher Goutman, Lawrence Tierney, Farley Granger, Cindy Weintraub, Lisa Dunsheath, David Sederholm, Bill Nunnery, Thom Bray, Diane Rode.
               
BIO: Joseph Zito répercute 9 films à son actif et les amateurs excités de nanars bourrins n'ont toujours pas oublié (ou digéré c'est selon !) les peloches énervées que sont "Portés Disparus 1" et "Invasion US.A." (avec Chuck "walker" Norris "Rangers"), "Le Scorpion rouge" (avec Lundgren) et Delta Force one réalisé en 1999. Trois ans après avoir tourné "Rosemary's Killer" et pour terminer en apothéose son rappel des faits, notre père Joseph est aussi responsable en 1984 d'un épisode transitoire de la fameuse série vacancière avec un tueur neuneu maltraité, pas gentil du tout : "Vendredi 13 IV, chapitre final" (comment ça, il est pas neuneu du tout ???).
Sa dernière offensive remonte à 2002 avec "Power Play" (?).


Voici l'exemple type du slasher prosaïque tel qu'il en fleurissait dans les années 80 ! Dans une petite bourgade, un mystérieux tueur revanchard revient 30 ans plus tard pour commettre une série de meurtres auprès de jeunes ados ! Durant son cheminement meurtrier, nous allons nous familiariser avec un adjoint du shériff et une donzelle, témoins oculaires d'évènements dramatiques le temps d'une sanglante nuit. Un incessant jeu de cache-cache, un chassé croisé académique va alors se nouer entre le tueur et ce duo improbable !


Réalisateur de Vendredi 13 Chapîte final, Joseph Zito reprend exactement le même schéma narratif en insistant notamment sur une ambiance ombrageuse soignée, une partition stridante et des meurtres graphiques du plus bel effet (merci Mr Savini !). Seul manque (paradoxalement) à l'appel: une dose de sexe folichon ! Et on peut dire que l'expert des maquillages n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Il s'en donne à coeur joie dans l'incongru, le démonstratif et un soupçon de crudité dans l'agonie de ses victimes ! Egorgement en gros plan, fourche plantée tendrement dans l'estomac, couteau encastré en pleine tête dont la lame s'extraie par la gorge, et tête explosée au ralenti ! (à la manière de Maniac de Lustig). Ces fabuleux trucages confectionnés à base de latex se révèlent impressionnants, bluffants et terriblement jouissifs ! C'est l'attraction alléchante et généreuse de Rosemary's Killer là ou la série refoulée des "Vendredi 13" n'osait pas se dévergonder dans le meurtre contemplatif. Le métrage se focalisant en prime sur une ambiance angoissante renforcée d'effet latent de suspense quand la réalisation se donne la peine de gérer une petite tension entre deux jumpscares. Enfin, la partition lancinante de Richard Einhorn inspirée de l'ambiance forestière d'Harry Manfredini ne manque pas non plus d'atout pour atmosphériser un slasher typiquement trivial. On pardonnera le final involontairement parodique et éculé (à savoir, une dernière survivante que le tueur va se contenter de courser durant 10 minutes) et son twist final à ressort sombrant dans la gaudriole à force de ridicule, sans compter la révélation identitaire du meurtrier emmitouflé d'un grotesque treillis militaire.


Malgré son final maladroit, Rosemary's killer reste un honnête slasher ludique efficacement mis en scène. Il n'est ni plus idiot, ni pire qu'un épisode de Vendredi 13 et sait diluer avec savoir-faire ambiance diffuse et meurtres gores particulièrement homériques. A réserver en priorité aux inconditionnels. 

Dédicace à Mathias Chaput

Note: La France aura dû attendre 3 ans après sa sortie US pour le découvrir le 4 Mai 1984.
21.08.10.
               
                             

GARDIENS DE L'ORDRE

                            

de Nicolas Boukhrief. 2010. France. 1H45. Avec Cécile de France, Fred Testot, Julien Boisselier, Nicolas Marié, Stephan Wojtowicz, Nanou Garcia, Stéphane Jobert, Jean-Michel Noirey, Gilles Gaston-Dreyfus...

BIO: Il s'agit du 5è long-métrage de Nicolas Boukhrief qui reprend les commandes du polar noir matiné de drame psychologique.
Un genre auquel il s'était déjà affectionné avec succès dans Cortex en 2008 mais aussi et surtout avec Le convoyeur  réalisé en 2004.

LE SUJET: Lors d'un contrôle de routine qui tourne mal, Simon et Julie, deux simples gardiens de la paix, blessent un jeune drogué qui, pris d'un coup de folie, a abattu en leur témoignage un flic de service. Accusés à tort de bavure et lâchés par leur patron parce que le jeune drogué était fils de député, nos coéquipiers vont tenter de rétablir la vérité en enquêtant sur cette nouvelle drogue et les dealers responsables de la mort du policier.

                   

UN POLAR FICHé A L'ANCIENNE ECOLE ! 
Nicolas Boukhrief renoue avec le polar sombre, âpre et ténébreux dans une enquête à haut risque entre ces trafiquants sans foi ni loi travaillant à leur propre compte pour la fabrication d'une nouvelle drogue. Un produit en teinte jaune fluorescent extrêmement dangereux pour appâter le client en manque de singularité.
Cette mafia bien structurée pourrait suspecter ou pire démasquer à tout moment notre duo de flics complices infiltrés dans leur groupe pour la revente du "sphinx", nouveau produit diabolisé hautement toxique.
D'une belle efficacité continuelle, la narration anxiogène mise en évidence sous une pression en crescendo va nous faire pénétrer dans un monde nocturne, obscur et blafard sous les hauts projecteurs de nights club privés à tendance techno, là où les dealers écoulent traditionnellement leur marchandise.
Epris d'ambition à rétablir la vérité au grand jour et à cause d'une rébellion envers leur profession bafouée et outragée, Simon et Julie vont entamer inopinément une liaison amoureuse pour mieux se retrouver, se forger et s'engager sur un terrain marécageux au péril de leur vie.
Pour prouver à cette organisation leur crédibilité, nos deux héros téméraires et drastiques vont en effet  s'aventurer dans une situation malsaine à haut risque. Une demi-teinte pour atteindre les cimes du Mal en étant (in)volontairement complices de meurtres gratuits, crapuleux et prises de drogue obligatoirement administrée contre leur gré.

                    

Le profil délivré, psychologiquement fragile et ambigu entre nos deux protagonistes de service est particulièrement bien retranscrit par une Cécile De France parfaite de charme naturel et sensibilité dans le rôle de Simone. Un personnage qui joue avec la demi-mesure au fur et à mesure de la conduite d'un récit davantage oppressant. Tour à tour fragile, humaine, déterminée, combattive et doté d'un vif tempérament de battante, Cecile De France prouve une fois de plus la pleine mesure de son talent. Non dénuée de séduction en femme fatale quand elle se doit d'attirer le loup perverti au moindre affût.
Fred Testo dont il s'agit ici de son premier rôle dramatique prend un sacré risque à tenter de nous convaincre dans un personnage de flic solitaire, discret et tourmenté. Et pourtant il y réussit haut la main à vouloir nous imposer une interprétation juste et nature dans son jeu sobre et décomplexé. Attachant et désabusé dans un état d'esprit violent et suicidaire envers ces actes insensés pour tenter d'annihiler l'agresseur. Un casse-cou renfermé sur lui même qui joue sur l'ambivalence, sur le fil du rasoir, constamment à deux doigts de se faire flinguer !

                    

Le final haletant, aussi tendu qu'un arc de compétiteur, au paroxysme de l'ultra violence et de la froide brutalité excelle dans la virtuosité d'une mise en scène stylisée, incroyablement maitrisée dans la gestion du cadre, des lieux labyrinthiques et des décors suffocants. Un grand moment de suspense étouffant et d'angoisse perméablement diffuse en harmonie totale avec l'image et le son !

Tout en égratignant au passage les rouages d'une subordination laxiste, complice d'une politique autoritaire et opportuniste, "Gardiens de l'ordre" est un excellent polar renouvelé qui doit beaucoup à son script et sa mise en scène personnalisée induite dans une ambiance pénétrante, lourde et hostile, amplifiée par une bande son hypnotique qui envoûte les sens.
Doté d'une belle intensité, bien construit et mené sans faille par un couple inattendu et filiforme, en prise direct avec leur conflit intérieur psychologique, le nouveau Boukrhief mérite une fois de plus que l'on s'y attarde pour ceux qui aiment les vrais polars durs, denses et consistants.

                          

22.08.10

L'ARNACOEUR

                              

de Pascal Chaumeil. 2010. France. 1H44. Avec Romain Duris, Vanessa Paradis, Julie Ferrier, François Damiens, Helena Noguerra, AndrewLincoln, Jacques Frantz, Amandine Dewasmes, Jean-Yves Lafesse...

BIO: Il s'agit du premier long-métrage de Pascal Chaumeil (également scénariste et dialoguiste) qui aura collaboré auparavant avec Luc Besson sur les films Léon (1er assistant réalisateur), Le 5è élément et Jeanne d'Arc (réalisateur de la seconde équipe).
Il a également travaillé pour la télévision sur une centaines de spots publicitaires.

LE SUJET: Alex est un briseur de couples expert dans l'art et la manière de s'accommoder des femmes malheureuses ou désespérées dans leur union amoureuse car son éthique est de ne jamais s'accaparer de celles épanouies ou comblées.
Jusqu'au jour où le père d'une future mariée lui propose un autre contrat juteux pour empêcher sa jeune fille héritière, Juliette, de se marier avec l'homme qu'elle aime. Il reste 10 jours à Alex pour empêcher coûte que coûte l'accès à la corde du pendu !

                    

ROMANCE PASTEL HILARE SUR UN AIR ENLACE DE DIRTY DANCING !
D'une trame judicieuse plutôt originale, Pascal Chaumeil va exploiter jusqu'au bout son idée de départ qui consiste à tout mettre en oeuvre pour empêcher avec des moyens conséquents et adéquates un mariage d'amants refoulés faussement amoureux, embourgeoisés dans la médiocrité et la facilité.
Avec la complicité de sa soeur et de son ami, Alex déguisé en garde du corps va imaginer toutes les situations les plus folles et rocambolesques pour mettre un terme à cet idylle naïve et convenue. Agression physique fictive en pleine rue pour soutirer le sac à main de Juliette dans sa propre voiture, appartement de celle-ci traficoté, micros cachés sous les tables, auto-radio combiné sur des tubes spécifiques ou encore ce faux plombier venu inonder une chambre pour qu'Alex puisse se retrouver en intimité avec Juliette devant une projection de Dirty Dancing ! Surtout quand celui-ci aura appris par coeur la chorégraphie de la fameuse danse bien connue des amateurs de romance musicale rose bonbon !
Mais toute cette mascarade ne serait rien sans le talent de cet arnacoeur professionnel, véritable acteur dans l'art de se vêtir sous n'importe quel personnage fictif, dans toutes les situations possibles et imaginaires. Et quand il se force à pleurer le temps de dévier la tête en un instant de quelques secondes, la jeune dame conquise ne pourra que s'y laisser attendrir !

                    

Cette comédie endiablée, menée à 100 à l'heure ne laisse pas un instant de répit au spectateur grâce à son inventivité constante, ses dialogues ciselés et son habile dosage de romance, bonne humeur et éclats de rire.
Les rebondissement et autres évènements inattendus s'enchevêtrent mutuellement en passant de l'humour farfelu au burlesque débridé, jusqu'aux hilarants instants comiques souvent menés par un acteur belge inconnu, François Damien, (LA révélation du film !!!) dans le rôle du complice d'Alex !
La scène où il assomme à plusieurs moments d'une journée l'amie fidèle de Juliette (Helena Loguerra, soeur de Lio à la ville) campée par une nymphomane lubrique est à mourir de rire ! Comme cette danse improvisée de Dirty Dancing avec Alex répétant tous deux les fameux pas de danse créés sur mesure par le regretté Patrick Swayze.
Il faut le voir aussi déguisé en plombier, la jambe boitteuse et vêtu d'une grotesque perruque sur la tête, tenter de manière volontairement malhabile de berner Juliette pour inonder sa chambre d'appartement.
Enfin, il ne faudra pas non plus rater en générique de fin une autre séquence irrésistible de drôlerie où notre belge devenu Don Juan malgré lui reprendra le rôle attribué à Alex, mis en retraite pour une raison que je n'évoquerai pas ici de peur de déflorer le dénouement !

                    

Le couple formé par Romain Duris et Vanessa Paradis est parfaitement complémentaire à la réussite de cette trépidante comédie française.
L'acteur campe avec légèreté et beaucoup de tempérament un personnage charmeur, malicieux, impertinent qui va se surprendre à lui même de rencontrer l'amour, exacte antinomie de son entreprise !
Vanessa Paradis dans le rôle d'une chieuse capricieuse, ennuyée de son quotidien esseulé est comme à son habitude divine de beauté épanouie, véritable princesse enchanteresse dans son regard de velours bleu, ensorcelant Alex d'un magnétisme docile et trouble.
Une jeune candidate en demi-teinte pour prendre conscience au final que les vraies valeurs ne se trouvent pas dans le porte monnaie de son amant, aseptisé de toute compassion ou de tendresse requise.

Le final romantique et mélancolique change un peu de registre pour parvenir à une émotion plus humaine, chaleureuse et sentimentale, affirmée dans un suspense éprouvé tant évoqué mais qui fonctionne encore à plein régime grâce au charme irrésistible du duo complice, quelqu'en sera l'issue réservée. La séquence remakée de la danse du célèbre tube idolatré par les filles de la planète entière (The Time of my life composé par Franke Previte / oscar de la meilleure chanson !) est un joli moment d'allégresse, de tendresse et sensualité !

                         

L'arnacoeur est une délicieuse comédie futée, chatoyante et généreuse dans un panel d'émotions habilement dosées pour contenter le spectateur attendri, embarqué dans une invitation au charme.
Le talent de nos célèbres interprètes se trouve bénéfiquement balloté par un nouvel inconnu totalement hilarant dans chacune de ses apparitions impromptues auquel François Damien délivre ici tout son énorme potentiel  !
Un premier film réussi , pétillant, affirmé et un nouvel acteur belge impayable !!!

23.08.10

SLICE (Cheun)

                             

de Khomsiri Kongkiat. 2010. Thailande. 1H38. Avec Plengpanich Chatchai, Amornsupastri Arak, Chitmanee Sontaya, Pasaphan Jessica.

BIO: Après Art of the devil 2 et 3, Chaiya et Boxers, il s'agit du 5è long-métrage du thailandais Khomsiri Kongkiat, également scénariste en intermittence.

LE SUJET: Un ancien tueur à gages purgeant une peine de prison se voit offrir l'opportunité d'effacer son casier judiciaire s'il trouve d'ici 15 jours le coupable, responsable d'une vague de crimes sordides commis dans une ville foisonnante de Thaïlande.

                         

LA MORT DU CHAPERON ROUGE.
Dans la mouvance d'un thriller horrifique estomaquant, taillé à la serpe, Khomsiri Kongkiat va triturer nos habitudes de spectateurs confortés dans la tradition de ces ingrédients habituels maintes fois dupliqués et/ou falsifiés (ref: seven).
Un genre contemporain rendu balisé et orthodoxe alors qu'ici le réalisateur investi dans une structure singulière va avant tout nous évoquer avec une maestria indiscutable une douloureuse évocation infantile. En même temps de nous livrer un bouleversant portrait de tueur en série comme on en n'a rarement vu au cinéma (qui a déjà versé une larme devant un thriller horrifique malsain, pervers et suffocant ?)

                      

L'histoire hybride qu'il nous narre à pour but de décrire un traumatisme indélébile lié à l'enfance battue, torturée, réduite à la déchéance dans l'âme souillée avec tout ce que cela comporte comme séquelles irrémédiables et irréversibles.
Un groupe d'enfants sauvages et rebelles vont porter atteinte à la dignité avec un nouveau venu de la partie. Un adolescent clairsemé, solitaire et réservé, fréquemment battu par son paternel alcoolique et pédophile !
Dans cette bande de petits caïds livrés à eux mêmes, l'un des leurs va se lier d'amitié avec le souffre douleur souvent impuissant par tant de sévices invoqués et d'humiliations quotidiennes répétées en leur faveur. Et le calvaire ne fera que s'amplifier quand le jeune garçon retrouvera son foyer pour affronter son père névrosé rongé par l'alcool. Un déchet putassier de l'inhumanité ayant perdu toute notion de moralité et d'humilité.                                
De cette liaison inopinée entre les deux jeunes enfants va se nouer une douloureuse histoire d'alliance, d'affection et de fraternité dans un monde sans pitié régi par la violence omniprésente des bas quartiers thailandais.
On devine alors très rapidement que le tueur incriminé n'est autre que cet enfant révolté, totalement dénaturé d'émotion ou d'une parcelle de tendresse au vu des corps décharnés pour les victimes retrouvées, décomposées ou taillées en morceaux.
C'est son ancien ami de longue date qui aura la lourde tâche de le retrouver dans une ville fuyante et hostile pour enrayer ces épouvantables crimes perpétrés.
Mais ce voyage au bout des ténèbres n'est pas au bout de nos peines et de nos surprises quand à connaitre la véritable révélation identitaire du fameux tueur encapuchonné d'une chape rouge ! Et cela même si on démasque au bout des 20 dernières minutes le vrai coupable présumé, un autre coup de théâtre beaucoup plus éloquent viendra rebondir, tout remettre en question et bouleverser cette improbable histoire d'amour et d'amitié !

                                

Dans une mise en scène destructurée des conventions habituelles au genre et des tics de poncifs tant rebattus, Khomsiri Kongkiat va nous entrainer dans une éprouvante descente aux enfers stylisée qui sait parfaitement où elle souhaite nous mener. Au règne du chaos !
Cette réalisation dénaturée fourmille d'idées incroyables, d'un adroit sens visuel, d'une grammaire conductrice iconoclaste, de poésie nonchalante avec la nature épanouie, d'hommages et de clins d'oeil à tout un pan du thriller transalpin (voir l'hallucinante scène baroque et psychédélique de la boite à partouze, l'accoutrement flamboyant du tueur ou bien cette balle visée dans la bouche d'un flic).
La forme esthétique est accentuée par une éclatante photographie saturée, véritable raffinement où chaque plan noyé de chaudes couleurs illumine nos yeux.
Cet électro-choc pesant et foudroyant malaxe avec une incroyable maitrise nos émotions partagées par une sèche crudité dans sa violence retransmise de manière frontale, sans anesthésie et notre bouleversement face à un portrait de tueur hétéroclite, consolidé dans la douleur autant physique que morale. Un constat alarmant de deux êtres brimés qui ont tout perdu de leur fatal destin, annihilé par le spectre de la violence sournoise et la torture tendancieuse au service du Mal.
Un réalisme parfois difficilement supportable bien que suggéré dans les séquences les plus poignantes parce que totalement au service de la psychologie meurtrie de ces personnages . Surtout quand on touche à l'innocence et l'insouciance de l'adolescence.

                    

Le final déchirant laisse place à la désuétude, à un appel désespéré pour la délivrance au nom de l'amour. Un témoignage librement avoué d'une magnifique histoire d'amants retrouvés, de coeurs laminés à jamais sur leur fin de tragédie.
Ce qui nous achèvera lourdement dans un tourbillon de révolte, une compassion dérangée d'avoir été le témoin d'un destin innomable.
Le reflet tristement universel de ce que l'être humain pathétique, rendu perverti contre son gré est capable de nous communiquer. Retransmettre par la barbarie sa haine extériorisée dans notre monde vilipendé. Bienvenu en enfer.
Un chef-d'oeuvre ambivalent, les yeux rougis par l'amertume de nos larmes sanguines, le teint blafard dont on sort d'un pas trainant sans évoquer une réaction définie !

DEDICACE A CHRISTOPHE DE LA GORGONE.

24.08.10

LES CHAROGNARDS (The Hunting Party)

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemotion.com

de Don Medford. 1971. U.S.A. 1h51. Avec Oliver Reed, Gene Hackman, Candice Bergen, Simon Oakland, Ronald Howard, L.Q. Jones, Mitch Ryan, William Watson, G.D. Spradlin, Rayford Barnes, Bernard Kay...

BIO: Il s'agit du second film de Don Medford (né en 1917) qui aura livré une courte carrière de 2 longs-métrages avant de s'atteler à la télévision avec une pléthore de séries T.V. issues des années 70 et 80 (les envahisseurs, l'homme qui tombe à pic, des agents très spéciaux, la 4è dimension, l'homme à la carabine, Alfred Hitchcock présente...)


Le pitch: Au Texas, un gangster et sa bande décident d'enlever la femme d'un notable pour pouvoir apprendre à lire et écrire, celle-ci exerçant la profession d'institutrice. Mais son mari, dangereux pervers névrosé décide avec ses fidèles acolytes de mener une chasse à l'homme impitoyable.

Deux années après la sortie du chef-d'oeuvre de Peckinpah qui aura changé à jamais le visage de l'Ouest américain par son réalisme d'une violence incongrue, Don Medford surenchère un nouveau western aride qui va franchir une nouvelle étape dans le sordide et le sadisme. Cette violence âpre nous plongeant dans une traque sanglante d'une sauvagerie rarement vue à l'écran en cette époque glorieuse des années 70 (on pourrait même d'ailleurs y voir une forme de résonance horrifique à Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper réalisé 3 ans plus tard, pour les derniers instants de décadence d'un corps convulsé qu'on mène à l'abattoir !). Car Les Charognards, titre français on ne peut plus explicite que son homologue américain (La Partie de Chasse) s'avère une lente descente aux enfers chez des anti-héros pourchassés par des ordures encore plus lâches et intraitables. D'entrée de jeu, le prologue nous met dans le vif de la crudité par son effet de surprise, cette estocade barbare où l'on assiste à l'égorgement d'un boeuf ainsi que son dépeçage. Une séquence extrême inédite dans un western traditionnel, filmée en alternance avec une relation sexuelle sauvage forcée entre deux amants !


Pas de demi-mesure, on sent que le film ne sera pas l'habituel western ludique où des cow-boys héroïques vont courser des indiens mais qu'il s'inspire plutôt de la brutalité d'un Peckinpah avec sa mythique Horde Sauvage ! Après avoir enlevé la femme de Ruger, Calder, bandit illettré va peu à peu se lier d'affection avec sa prisonnière du désert après l'avoir violé de la manière la moins brutale. Une scène suggérée pour autant pénible à regarder dans ce jeu malsain de regards complices. Ruger, notable sadique, orgueilleux et débauché décide donc de supprimer un à un les membres de la bande de Calder jusqu'à ce que les plaines du Texas ressemblent à une nécropole, hécatombe de chair agonisante sous un soleil écrasant jonché de scorpions. Les balles meurtrières fusant tous azimuts sans laisser une once de répit aux victimes ! Elles perforent la chair, laissant voler en éclat les giclées de sang dans un effet de ralenti pour mieux en saisir sa spectaculaire brutalité. Oliver Reed incarne le rôle de Calder, bandit tolérant le moins litigieux de cette galerie pathétique de salopards. Le plus ambitieux également quand on sait qu'à la base, l'enlèvement de cette jeune femme n'était qu'à but pédagogique pour son apprentissage analphabète. Un homme équivoque dans sa personnalité à double tranchant, s'humanisant au fur et à mesure de son chemin de croix. Ruger, riche notable d'apparence respectable est magnifiquement campé par Gene Hackman, antagoniste apitoyé sur la perversité. Si bien qu'il ne trouve son contentement que dans une complaisante torture, autant pour ces proies ingénues que de ses hors la loi sans vergogne. Melissa est endossée par la ravissante Candice Bergen. Un personnage noble d'une acuité humaine fragile, victime candide partagée entre ses désirs de fuite pour renouer avec un mari psychotique et son affection expansive envers Calder délibéré à défendre sa bande autant que celle qu'il aime.


Un dernier râle avant de mourir
Avant-coureur des Chiens de Paille, de Délivrance et surtout de La Chasse Sanglante (Open season) de Peter Collinson, réalisé 3 ans plus tard, Les Charognards demeure un chef-d'oeuvre du western poisseux imprégné d'amertume. Un chemin de croix implacable qui ne trouve sa raison d'être et d'exister que dans l'agonie du châtiment tant et si bien que les fuyards ne trouveront le repos méritoire qu'au sein d'une délivrance morbide. Le final lapidaire, à bout de souffle, se clôturant notamment lors d'une marche du désert fertile en désespoir. D'ailleurs, le terme "The End" se révèlera d'une certaine manière un soulagement pour le spectateur entaché d'un arrière goût de sang amer dans la bouche.

25.08.10
Bruno Matéï

LA TOUR DE LONDRES (Tower of London)

             

de Roger Corman. 1962. U.S.A. 1H19. Avec Vincent Price, Michael Pate, Joan Freeman, Robert Brown, Bruce Gordon.

BIO: La Tour de Londres a été tourné la même année que le prémice du cycle Poe avec l'Empire de la Terreur, le Corbeau et l'Entérré Vivant.
Il s'agit d'un remake d'une version folichonne de 1939 qui n'est jamais sorti en France au cinéma. Ce n'est qu'en Belgique qu'il aura droit à une exploitation en salles.
Le film est donc resté longtemps invisible auprès des cinéphiles français.

LE SUJET: Après la mort du roi, Richard De Gloucester, Duc d'Angleterre est tellement avide de pouvoir pour accéder à la couronne qu'il décide de supprimer chaque membre de sa famille qui pourrait l'empêcher d'y accéder.

                    

Roger Corman, à peine remis de ses trois adaptations de Poe s'attaque à l'entreprise d'un sujet historique avec l'aide de son frère, occupant la place de producteur.
Tourné en noir et blanc à cause d'un budget réduit, il réalise en compagnie de son acteur fétiche un remake d'un film de 1939 réalisé par Rowland V. Lee avec Basil Rathbone, Boris Karloff et justement Vincent Price dans un petit rôle secondaire.
Autant le film d'origine jouait la carte de la réalité historique avec sobriété, autant celui de Corman va baigner dans une atmosphère fantastique continuelle avec l'apparition des nombreux fantômes qui viendront torturer l'esprit de Richard.
Un être abjecte et orgueilleux, avide de pouvoir qui décide par la ruse, le mensonge, le mépris et la trahison de tuer son propre frère ainsi que son cousin, ses nièces puis sa femme pour enfin régner en maitre absolu dans la Tour de Londres.

                    

Le récit mené sur un rythme alerte se révèle beaucoup plus efficace, violent et percutant que la version de 1939. Mais c'est surtout l'interprétation shakespearienne du grand Vincent Price qui va rendre le film si plaisant à suivre.
Il faut le voir dans sa tenue chevaleresque handicapée par une colonne vertébrale difforme et un bras atrophié. Son lourd regard pénétrant injecté de noirceur, ancré dans le vice, se complaisant avec jubilation dans le crime gratuit le plus lâche et méprisant qui soit. Surtout qu'avec l'aide d'un complice il s'offrira la tâche d'étouffer avec un coussin de pauvres jeunes enfants endormis dans leur sommeil !
Il y a d'ailleurs à ce sujet deux autre scènes de torture assez terrifiantes dont l'une d'elles annoncera La Vierge de Nuremberg de Margheretti avec le fameux piège à rat où un pauvre homme se retouve les bras liés et la tête emprisonnée dans une mini cage parmi un rat affamé à l'intérieur ! effet répugnant garanti.
L'autre séquence encore plus douloureuse dans son effet de réalisme concerne une jeune fille qui ira doucement se faire écarteler les bras et les jambes dans des incessants hurlements de douleur suppliciés jusqu'à ce qu'elle en succombe !

                           

C'est cette narration centrée sur un puissant héritier dénuée de toute moralité que vient s'établir un profil psychologique: celui de la personnalité répugnante du duc Richard De Gloucester.
Un personnage condescendant, hautain et dédaigneux qui ira se perdre à son propre piège dans son subconscient angoissé, épris de remords et de rancune, qui ira jusqu'à s'imaginer l'apparition fantomatique de chaque victime qu'il a envoyé au fourneau !
Cet arriviste pathétique en prise avec sa folie démesurée ira se noyer dans un enchainement d'hallucinations jusqu'à vouloir étrangler par accident sa propre femme, le seul être auquel il éprouve un regain de compassion amoureuse.
Mais le final sardonique reprendra ses droits dans la bataille de Bosworth avec cette fatale pointe d'ironie pour le destin exutoire de Richard III, unique responsable de son propre échec.

Les décors minimalistes mais plutôt soignés s'accomodent bien avec l'ambiance gothique accentuée par l'usage du noir et blanc.
Les apparitions surnaturelles des fantomes offrent aussi un attrait supplémentaire à son climat macabre et lugubre entre deux séances de torture et en dehors des actes ignobles commis par notre bourreau shakespearien.

                         

La tour de Londres est une excellente découverte dont on parle peu dans la carrière de Corman du fait de sa rareté imposée.
D'autant plus regrettable que le film dominé par la superbe interprétation de Vincent Price se révèle très efficace et adroitement réalisé.

26.08.10

BLUE EYES OF THE BROKEN DOLL (Los Ojos azules de la muñeca rota)

                                               

de Carlos Aured, 1973. Espagne. 1H29. Avec Diana Lorys, Jacinto Molina, Eduardo Calvo, Eva León, Inés Morales, Antonio Pica , Luis Ciges, Pilar Bardem, Maria Perschy, Sandra Mozarowsky.

FILMOGRAPHIE: Carlos Aured Los Alcazares, Murcie, 22 Janvier 1937, Dénia, 3 février 2008), est un réalisateur et scénariste espagnol. 1972: El espanto surge de la tumba. 1973: La venganza de la momia. 1973: El retorno de Walpurgis. 1973: Los ojos azules de la muñeca rota. 1974: La noche de la furia. 1974: Los fríos senderos del crimen. 1977: Susana quiere perder... eso. 1981: El fontanero, su mujer y otras cosas de meter. 1981: Apocalipsis sexual . 1981: La frígida y la viciosa . 1982: De niña a mujer . 1982: Leviatán . 1983: El hombre del pito mágico . 1983: El enigma del yate . 1984: Atrapados en el miedo . 1997: Se fue . 1997: Alien predator

Giallo méconnu d'origine espagnole datant de 1973 et réalisé par un spécialiste de l'horreur hispanique, Blue Eyes of the Broken Doll serait le premier thriller de son pays natal inspiré des travaux d'Argento ou de Bava perpétrés durant les décennies 60 à 80. Un jeune gardien, Gilles, ex taulard d'un passé trouble et violenté trouve refuge dans une demeure pour un travail d'entretien d'où résident trois étranges soeurs aguicheuses dirigées par une paralytique. Bientôt des évènements meurtriers ne vont pas tarder à déranger la quiétude de nos témoins car un tueur rodant aux alentours se met à décimer de jeunes filles blondes pour les égorger sauvagement avant d'extirper leurs yeux bleux. Drôle de petit giallo ibérique que ce Blue Eye of the Broken Doll entièrement voué aux codes traditionnels du genre (sexe, meurtres stylisés et mystérieux tueur ganté de noir avant la résolution cathartique de l'énigme à tiroirs) pour une curieuse histoire de conflits adultères entre trois soeurs et un individu charmeur à la musculature saillante (l'imparable Paul Nashy, sosie à peine camouflé de notre Dick Rivers national !). Ce scénario à la trame volontairement tortueuse mais jamais confuse confronte des personnages perfides, équivoques ou versatiles pour mieux nous induire en erreur sur l'identité du présumé tueur emmitouflé de vêtement noir pour perpétrer ses odieux meurtres.

Et ce, même si on devine rapidement que notre Gilles campé par l'aimable Nashy n'a sûrement rien à voir avec cette vague de crimes et qu'il faudrait s'orienter vers le trio des soeurs dévergondées ! Durant les 2/3 du film, la narration sommaire établit à intervalle régulier sexe polisson avec lot de tenues sexy imposées par nos héroïnes aux poitrines opulentes complaisamment exhibées puis des séquences chocs sanguinolentes volontairement racoleuses afin de relever la sauce pimentée pour l'amateur voyeur. On assistera même à contre coeur à une immonde séquence snuff auprès d'un porc poignardé vivant par quatre forcenés (en vous épargnant les détails gores innommables). Une scène abjecte totalement gratuite qui révulse inutilement même si on a déjà vu pire ailleurs chez les shockumentaires ou films de cannibales ritals. Par ailleurs, il est dommageable que la réalisation assez impersonnelle amoindrisse la notion de suspense ou de tension futilement distillée et que l'interprétation des comédiens soit plutôt mal dirigée par un metteur en scène inexpérimenté. On peut également déplorer une musique jazzy envahissante digne d'une comédie polissonne en totale décalage avec le climat mortifère de l'intrigue ! Louablement, la dernière demi-heure un peu plus haletante, techniquement mieux inspirée (la scène de poursuite sauvagement exécutée dans les collines enneigées dégage une atmosphère hivernale palpable) va renforcer d'un échelon le caractère sympathique, voir attachant de l'entreprise. Surtout que la révélation du meurtrier s'avère inopinément surprenante et que l'ultime séquence illustre une poésie macabre alternant le blanc limpide et le noir exsangue auprès d'une saveur malsaine nécrophile.

Hormis tous ces défauts précités, Blue Eyes of the Broken Doll demeure une sympathique curiosité sans toutefois laisser de souvenir impérissable auprès des aficionados de Giallo mais dont l'aspect ludique des excès gores parfois stylisés, la beauté charnelle des actrices névrosées et sa dernière demi-heure vigoureusement troussée emportent finalement l'adhésion. 

Dédicace à Christophe de la Gorgone.
Bruno Matéï.

dimanche 6 mars 2011

DOG POUND

                                          
                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site allocine.fr

de Kim Shapiron. 2010. France. 1h31. Avec Adam Butcher, Shane Kippel, Mateo Morales, Lawrence Bayne, Alexander Conti, Tim Turnell, Dewshane Williams, Shawn Doucette, Slim Twig, Trent McMullen...

BIO: Kim Chapiron est un réalisateur français né en 1980 à Hô-Chi-Minh-Ville.
Dog Pound est son second long-métrage après la bombe Sheitan (on aime ou on déteste !) sorti en 2005 et qui fit sensation un peu partout dans le monde.

Les nerfs à vif
A travers la description ultra réaliste d'un univers carcéral américain pour jeunes délinquants, Kim Shapiron nous embarque dans un voyage au bout de l'enfer dont personne ne sortira indemne !
C'est le parcours carcéral de trois nouveaux détenus qui nous est décrit: Davis, 16 ans, trafiquant de drogue. Angel, 15 ans, voleur de voiture et surtout Butch, 17 ans, transféré pour avoir mutilé l'oeil d'un officier dans son ancienne enceinte de détention. Dans cet établissement pour mineurs où règne la loi du plus fort, nos détenus vont rencontrer la dure réalité d'une épreuve de force, où haine et agressivité seront les maîtres morts face à l'impromptu. Surtout lorsque le leader Banks et ses deux complices s'amusent à brimer chaque nouveau détenu pour accéder à la notoriété.

Dans un âpre souci d'authenticité, le réalisateur nous immerge à travers un climat d'insécurité omniprésent au sein de cet enfer blafard. Un climat poisseux régit par la barbarie auquel nos jeunes héros vont devoir traverser pour tenter d'y survivre. Face à tant d'humiliations et de violence quotidiennes, difficile de garder son sang froid et rester de marbre par ces multiples bravades de haine. Le choix est simple: soit on subit devant l'affront de la provocation, soit on se révolte dans la plus brutale des ripostes ! Et à ce jeu là, Butch, adolescent passionné par les jeux du cirque, est une bombe à retardement prêt à imploser à tout moment dans sa révolte intrinsèque. Un jeune garçon désoeuvré, discret et loyal mais laminé par l'injustice et la dictature. Sa nouvelle condamnation à Enola Vale en est le microcosme carcéral érigé sous le principe de l'autorité punitive et du totalitarisme. A travers une narration particulièrement éprouvante pour l'intensité des règlements de compte et la déliquescence morale de l'anti-héros, Kim Shapiron emploie la radicalité, la violence rugueuse sans espoir de rédemption et ce jusqu'à l'ultime point d'orgue au paroxysme du chaos. Il dénonce avec lucidité et un réalisme documentaire l'impuissance d'une hiérarchie incapable de réhabiliter des adolescents livrés à la loi du plus fort dans un milieu hostile particulièrement insidieux.

Niveau distribution novice, ils portent le film sur leurs épaules avec une affliction humaine glaçante !!! Ils ne jouent pas leur rôle, ils le vivent, à l'instar du jeune héros Alexei Kravtchenko de l'inoubliable Requiem pour un massacre de Elem Klimov (Un rôle si difficile et traumatisant qu'après le tournage, il sombra dans une grave dépression !). Ces ados véhiculant aux spectateurs avec souci de vérité leur détresse, leur désengagement face à une société intolérante où l'amour et l'empathie en sont totalement bannis ! Dans la peau de Butch, Adam Butcher est LA révélation ! Il insuffle un jeu instinctif d'émotion primitive ! Il livre avec une stoïcité viscérale ses pulsions vindicatives de haine face à la riposte de la violence lors d'un élan de survie. Son regard meurtri et impassible, bafoué par l'iniquité, hante la mémoire du spectateur par tant de réprimandes infondées. Sans connaître son lourd passé et les raisons punitives pour lesquelles il fut interné, nous sommes bien conscients que ce jeune rebelle avait sans doute été défavorisé par une démission parentale, voire peut-être également des actes de maltraitance laissées en cicatrice.

Demain les mômes
Dans une ambiance immersive de désuétude et d'hostilité, Dog Pound est un uppercut qui met KO après le générique ! Une descente aux enfers abrupte par l'émotion qu'elle nous distille avec la volonté de nous immerger dans la déchéance humaine de détenus indomptables. La mise en scène avisée, autopsiant ces conflits d'autorité avec lucidité et refus de pathos ou de complaisance. Dès lors, il est impossible de sortir indemne d'un tel fardeau retranscrit avec autant de colère et de rancoeur par des acteurs criants de dignité !

NOTE: 2010 : Meilleur Nouveau Réalisateur (Best New Narrative Filmaker) au Festival de Tribeca (fondé par Robert De Niro) pour Dog Pound.

Dédicace à Philippe Nahon
01.09.10

BLISS (Whip It !)

                            

de Drew Barrymore. 2009. U.S.A. 1H51. Avec Ellen Page, Zoe Bell, Drew Barrymore, Sarah Habel, Alia Shawkat, Marcia Gay Harden, Eulala Scheel, Nina Kircher, Daniel Stern, Mark Boyd, Doug Minckiewicz...

BIO: Drew Blythe Barrymore (filleule de Steven Spielberg) est une actrice, productrice et réalisatrice américaine, née le 22/02/75 à Culver City, en Californie. Il s'agit de sa première réalisation.

L'ARGUMENT: Bliss est une jeune fille introverti de 17 ans qui doit subir les exigeances d'une mère autoritaire obnubilée par les concours de beauté. Mais Bliss va rapidement se découvrir une passion qu'elle ignorait : le roller derby. Un sport violent qui se voit affronter 2 clans opposés de jeunes filles déterminées à remporter la mise.

                  

ROLLERBALL FEMINISTE SANS JEU DE VILAIN.
Pour une première réalisation, notre célèbre actrice Drew Barrymore s'en tire plutôt bien dans cette évocation d'une adolescente taciturne qui va découvrir sa réelle foi intérieure grâce au sport de combat.

Dans un mélange de comédie de moeurs et d'action ludique à travers une épreuve sportive musclée, Bliss est un joli portrait attachant d'une jeune fille déterminée à se forger une personnalité. C'est cette activité extrême uniquement destinée aux femmes qui va la résoudre à se prendre en main dans cette phase d'adolescence difficile à gérer et équilibrer.
En s'opposant à des individus plus âgés qu'elle, notre héroine va pouvoir s'affirmer et se prendre en main au fur et à mesure de l'évolution de ses compétences sportives.
Par l'envie de gagner et montrer aux autres qu'elle n'est pas la petite fille docile , Bliss va bouleverser toute ton équipe pour les mener au bord de la victoire vers un final fatidique déterminant.
C'est en s'opposant aux conflits familiaux de ses parents qu'elle prendra véritablement conscience par quelle voie elle devra s'orienter, quel chemin elle pourra tracer en se livrant au sens de l'existence, ses envies intérieures, son désir d'ambition.

                   

GIRL POWER !
L'interprétation de l'attachante Bliss campée par Ellen Page est épatante de naturel et de sobriété dans sa petite taille d'adolescente, son air discret, sa bouille innocente, sa modestie fébrilement hésitante et son tempérament de battante. Non dénué de charme et de profonde tendresse quand elle s'attachera à son idylle amoureuse envers un jeune garçon ambivalent.
Dans le rôle d'une sportive expérimentée appartenant au clan opposé, Juliette Lewis délivre sans surprise un personnage tout à fait convaincant dans son arrogance, son envie d'annihiler l'ennemi et son complexe de vieillir trop vite, d'avoir perdu tant de temps à trouver sa véritable identité, passé le cap de la trentaine.
Malgré son physique quelque peu bouffi sans doute mis en cause par une dépendance à l'alcool, on retrouve avec plaisir une comédienne atypique dans son physique musclé, sexy et son regard de louve marginale.
La rayonnante et pétillante drew Barrymore n'est pas non plus en reste dans le rôle d'une girl power casse cou, souvent casse gueule sans jamais jeter l'éponge face à l'adversaire intransigeant ! elle monopolise ses apparitions à l'écran avec un tempérament extraverti et explosif dans une bonne humeur communicative !

                               

Le final énergisant et musclé pour nous offrir une ultime partie définitive de Roller Derby est un joli moment d'émotion et de sagesse dans le refus de livrer naïvement un happy end idéal où les cartes étaient jouées d'avance. A ce niveau, Drew Barrymore a sû éviter la forme conventionnelle d'une narration qui est loin d'être exempt de défauts dans ces poncifs établis comme l'amourette traditionnelle semi tragique entre les deux amants à la fleur de l'âge, les parents autoritaires imbus de leur personne, le manager sympa et gentillet ou les disputes entre copines qui finiront toujours pas se retrouver.
Mais les séquences d'action nerveusement dirigées et surtout le talent de la jeune Ellen Page emporte l'adhésion dans cette attachante chronique pleine de charme et de bon sens.

JUSQU'AU BOUT DU REVE.
Malgré une réalisation pas très maitrisée et une futile maladresse dans le jeu de certains acteurs, en particulier vers les conflits parentaux manquant parfois de conviction (du moins pour certaines scènes orageuses), Bliss reste une comédie légère sans prétention, agréablement rythmée par une BO rock endiablée. Empreint de tendresse et plus intelligente que la moyenne des teens movies orthodoxes, on ne sera pas indifférent au message social que Drew Barrymore souhaite nous retranscrire. A savoir une leçon de vie pour nous soumettre qu'il faut savoir écouter son coeur, le laisser nous guider sans s'attarder sur les préjugés ou les idées préconçues.
Que le droit à la différence est un équilibre et une valeur essentielle pour tous citoyens capables de vivre en communauté.

                   

02.09.10.

VENGANZA (Sólo Quiero Caminar / je veux seulement marcher)

                           

de Agustín Díaz Yanes. 2008. Espagne. 1H50. Avec Diego Luna, Elena Anaya, Ariadna Gil, Carlos Bardem, Victoria Abril

BIO: Agustín Díaz Yanes est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1950 à Madrid (Espagne). Il avait fait forte impression en 1995 avec son premier film : Personne ne parlera de nous quand nous serons mortes.
Venganza est son 4è long-métrage.

L'ARGUMENT: A la suite d'un hold-up raté envers des truands, un groupe de quatre jeunes femmes vont retenter un coup faramineux avec une bande de mafiosos méxicains réunis en Espagne. L'une des 4 filles est une jeune prostituée qui a involontairement séduit le leader des gangsters.
Les 3 jeunes femmes habitées par la vengeance vont essayer de les berner en leur soutirant une énorme somme d'argent.

                    

LES ANGES DE LA VENGEANCE.
L'avantage de Agustín Díaz Yanes est de traiter à sa manière personnelle une sombre histoire de vengeance où les héros sont des femmes, bien décidées à faire payer une bande de machistes qui ont envoyés l'une des leurs à l'hopital dans un état comateux.
Mais attention à la structure narrative qui en déconcertera plus d'un à cause d'une trame bien confuse, désorganisée et complexe dans l'enchevetrement des rebondissements. Il vaudra donc mieux être bien concentré pour apprécier pleinement ce polar violent qui ne va jamais là où on l'attend.
C'est la grande qualité du film de traiter de manière singulière et insolite une histoire criminelle déjouée par des femmes fragiles mais habiles et déterminées à remporter la mise.
Les séquences de braquage à haut risque sont adroitement dirigées et ne sombrent pas dans l'académisme facile. Les situations de danger sont souvent imprévisibles et les comportements de chaque protagoniste est inhabituellement retranscrit avec un sens de vérité, accentuant le côté réaliste, crédible de chaque épisode inopiné.
On ne sait jamais de quelle manière telle situation va aboutir et comment les personnages vont réagir. Le danger n'en n'est que plus conséquent et il sera impossible de deviner la suite des évènements davantages consolidés dans une dramaturgie orientée par l'évolution de l'histoire.

                         

DROLES DE DAMES.
Nos drôles de dames charmantes aux teintes naturelles sont interprétées par de jeunes actrices convaincues, rationnelles et divinement belles dans leur physique anti bimbo.
Elles sont dôtées chacune d'une personnalité distincte dans leur blessure écornée par l'une des deux soeurs (Aurora) qui devra purger une peine de quatre années de prison à la suite du premier hold-up.
Tandis qu'une autre jeune prostituée, Anna, se retrouvera à l'hopital entre la vie et la mort après avoir été éjectée en roue libre d'une voiture par son mari, chef du gang des mexicains.
Un joli portrait de quatres femmes bien dessinées, dôté d'un vrai tempérament revanchard empruntant de véritables dangers et d'une belle humanité retransmise comme la superbe interprétation de Victoria April qui doit s'occuper de son fils entre deux braquages à haut risque. Une scène tragique est à cet égard remarquable d'émotion dans ces derniers retranchements. Dans sa manière d'interagir une situation dramatique empreint de maladresse à la limite du superflu.
La relation idyllique entre Aurora et "Baby face" interprété par Diego Luna qui s'achemine dans les derniers actes avant le levé de rideau offre également une innatendue compassion désanchantée, une affectation avouée au dernier instant avant de conclure sur le respect promis d'une réminiscence.

                    

UN FILM D'AUTEUR.
Malgré une narration alambiquée difficile à suivre dans sa première heure de métrage, VENGANZA est un excellent polar espagnol déroutant, pleinement personnalisé par une réalisation inventive, maitrisée et dôté d'une jolie photographie. Avec en sus une habile utilisation des décors urbains ainsi que le design contemporain, l'esthétisme moderne des demeures classieuses dans lequel évoluent nos personnages machistes. Violent, beau, personnel et innatendu.

03.09.10