jeudi 5 mars 2015

DANSE MACABRE (Danza macabra)

                Photo empruntée sur Google, appartenant au site onashoestringbudgetwithnoshoes.blogspot.com

de Antonio Margheriti et Sergio Corbucci. 1964. Italie. 1h30. Avec Barbara Steele, Georges Rivière, Margarete Robsahm, Henry Kruger, Montgomery Glenn, Sylvia Sorrent.

Sortie salles France: 14 Avril 1965. U.S: 29 Juillet 1964.

FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi.
1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


Un an après la Vierge de NurembergAntonio Margheriti se réapproprie de l'épouvante gothique avec Danse Macabre, considérée à juste titre comme sa pièce maîtresse. Cette fois-ci, et à l'instar de son homologue, La Sorcière Sanglante sorti la même année, il requiert l'emploi du noir et blanc pour transcender son conte macabre. Une histoire d'amour impossible (ou presque !) entre un noble cartésien et une revenante d'outre-tombe. A la suite d'un pari avec le propriétaire d'un château, un journaliste doit passer une nuit entière dans sa demeure parmi la potentielle présence de fantômes. A partir de cette trame linéaire digne d'une série Z, Antonio Margheriti exploite son potentiel anxiogène parmi l'originalité d'un script combinant les thématiques de la hantise et du vampirisme. Envoûtant et fascinant par son atmosphère éthérée d'un manoir régi par des amants diaboliques et pendant laquelle un journaliste est venu observer leur potentielle résurrection, Danse Macabre s'applique à nous convaincre de l'intrusion du surnaturel parmi son témoignage en prise avec d'étranges hallucinations. 


Au sein de ce décor gothique poussiéreux, unique refuge des morts, deux univers parallèles coexistent lorsque le visiteur se porte témoin impuissant de la présence des fantômes venus lui remémorer leur passé meurtrier. Incapables d'assumer leur fardeau criminel (ils se sont entretuer pour la rancune d'une adultère) et avides d'amour et de source de vie, il se refusent à emprunter le seuil de l'au-delà mais réussissent à subsister en se nourrissant du sang des vivants. Pour cela, ils n'ont qu'à patienter l'arrivée du nouvel hôte venu s'introduire dans leur propriété le temps d'une nuit en guise de challenge. Abordant les tabous de l'infidélité conjugale et du saphisme en cette époque puritaine, Danse Macabre cultive un certain goût pour l'audace, notamment lors de ses instants de poésie morbide sans doute influencé par Le Masque du Démon de Mario Bava. Je songe particulièrement à la séquence de la crypte auquel un cadavre émacié se met à respirer lentement du fond de son cercueil. Outre l'inquiétude feutrée s'exaltant des parois du manoir, Danse Macabre transfigure la thématique universelle de l'amour passionnel en la présence iconique de Barbara Steele. Cette dernière endossant avec son traditionnel magnétisme sensuel la femme de tous les désirs que notre journaliste s'alloue inévitablement de courtiser. Par le biais de ce couple en quête d'étreinte éternelle, le film fait preuve d'un romantisme éperdu dans leur condition maudite et leur soutien mutuel à se prémunir de la mort. C'est d'ailleurs par l'amour qu'Elisabeth se sent en vie avant de se contenter du sang des vivants. 


Le château des amants maudits
Fascinant et envoûtant dans le parcours chaotique d'un athée gagné par une paranoïa progressive car témoin malgré lui de l'existence après la mort, Danse Macabre encense le poème macabre, ou l'art de narrer la romance improbable entre deux amants divisés par leur condition existentielle. Celle des inconséquences de la vie et de la mort. 

Bruno Matéï
3èx

mercredi 4 mars 2015

THE VOICES. Prix du Public, Prix du Jury, Gerardmer 2015.

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site comingsoon.net

de Marjane Satrapi. 2014. U.S.A./Allemagne. 1h47. Avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick, Jacki Weaver, Ella Smith, Paul Chahidi, Stanley Townsend.

Sortie salles France: 11 Mars 2015. U.S: 6 Février 2015

Récompenses: Prix du Nouveau Genre, l'Etrange Festival, 2014
Prix du Public, l'Etrange Festival, 2014
Prix du Public, Gerardmer 2015
Prix du Jury, Gérardmer 2015

FILMOGRAPHIE: Marjane Satrapi est une réalisatrice française d'origine iranienne et auteur de bande dessinée, née le 22 Novembre 1969 à Rasht, Iran.
2007: Persepolis. 2011: Poulet aux prunes. 2013: La Bande des Jotas. 2014: The Voices.


"Le fait d'être seul dans ce monde est à la source de toutes nos souffrances"

Révélée par Persepolis, la réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi avait ensuite déçue une partie du public avec ses deux métrages suivants, Poulet aux Prunes et La Bande des Jotas. Aujourd'hui revigorée car terriblement inspirée pour illustrer le cas pathologique d'un serial-killer communiquant avec ses animaux familiers, The Voices fait office d'ovni au vitriol dans son alliage de comédie romantique (photo acidulée à l'appui !) et d'horreur malsaine (gore graphique inscrit parfois dans la crudité à l'instar du 1er meurtre). Récompensé à l'Etrange Festival et à Gérardmer, ce métrage esthétiquement stylisé n'a pas volé ses prix tant il redouble d'originalité et d'insolence à illustrer le profil désaxé d'un individu réduit à la solitude depuis son enfance galvaudée (quelques flash-back viendront d'ailleurs nous éclairer sur son passé de maltraitance et son obédience à passer à l'acte irréparable).


Dans un désir de provoquer le spectateur et d'y corrompre nos habitudes par le principe ludique de la comédie, Marjane Satrapi exploite ici d'autant mieux l'horreur glauque et la poésie macabre chez l'introspection d'un maniaque infantile, Jerry Hickfang, refusant d'assumer sa stature psychotique. Sa perte de contact avec la réalité l'incitant par son isolement à communiquer avec son chat et son chien, successivement les acteurs de sa conscience segmentée entre le Bien (le chien) et le Mal (le chat). Jerry ne cessant de remettre en question sa dualité perpétuelle de pouvoir refréner le mal afin de promouvoir le bien. Rehaussé de l'interprétation de Ryan Reynolds, l'acteur porte le film sur ses frêles épaules dans sa dimension humaniste de victime férue d'amour impossible et de rédemption, car littéralement torturé par ses voix contradictoires de la raison et de la démence. Observant sa quotidienneté intimiste parmi ses animaux familiers au sein de son foyer, le film ne cesse de jongler avec les genres contradictoires pour mieux distiller le malaise d'un climat étouffant auquel l'effluve des cadavres putréfiés commence sérieusement à s'y exalter. Jalonné de situations gentiment sardoniques afin de mettre en exergue le caractère pathétique de sa condition psychosée, à l'instar des conversations qu'il s'imagine avec les têtes de ses victimes, le film oscille entre les sentiments de tendresse et d'angoisse pour sa stature inconsciente de criminel malgré lui, et cela en dépit de la parole rassurante de son chien et du soutien de sa thérapeute. Avec son allure de charmant garçon timoré aussi fragile qu'hostile, l'empathie qu'on lui accorde continue de provoquer chez nous un malaise tangible souvent intense lorsque l'on redoute sa prochaine exaction à commettre l'irréparable.


Comédie horrifique littéralement étranglée par le caractère glauque d'une ambiance déjantée volontairement ubuesque, The Voices occasionne la gêne morale dans cette douce descente aux enfers vers la psychose. Il en émane un ovni atypique brillamment inventif et techniquement travaillé, dont la prestance poignante de Ryan Reynolds provoque autant l'amertume que l'agrément dans sa facture schizophrène. Incessamment dérangeant, difficile de sortir indemne d'une farce aussi épouvantablement corrosive ! 

Bruno Matéï

mardi 3 mars 2015

La Vierge de Nuremberg / La vergine di Norimberga

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de Antonio Margheriti. 1963. Italie. 1h27. Avec Rossana Podestà, Georges Rivière, Christopher Lee, Jim Dolen, Lucile Saint-Simon.

Sortie salles France: 3 Février 1965

FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi. 1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


Considéré comme l'un des fleurons de l'horreur transalpine au sein de la carrière inégale de Margheriti, La Vierge de Nuremberg emprunte le cinéma gothique parmi l'originalité d'un script débridé.  Chaudement photographié à travers sa lumière sépia transfigurant l'architecture gothique d'un manoir jalonné de pièces secrètes, chambre de tortures et galeries souterraines, La Vierge de Nuremberg épouse l'esthétisme pictural avant de nous embarquer dans une intrigue machiavélique au suspense charpenté. Le pitchA la suite d'un cauchemar, Mary se réveille pour entendre des cris en interne du château auquel elle vient d'emménager avec son époux. Ces supplices l'entraînent finalement vers la salle des tortures. Attirée par l'instrument de la Vierge de Nuremberg, elle décide d'ouvrir le sarcophage orné de pointes pour découvrir le corps sans vie d'une jeune femme énuclée. Après avoir perdu connaissance, elle se réveille dans sa chambre parmi le témoignage de son mari. Il lui explique alors qu'elle sort d'un mauvais cauchemar. Mais l'attitude interlope d'une des gouvernantes et du valet finissent par la convaincre que cette nuit de cauchemar n'était point le fruit de son imagination. Baignant dans le climat envoûtant d'un manoir vétuste hanté des exactions moyenâgeuses d'un ancêtre sadique, La Vierge de Nuremberg cultive un goût pour le macabre et le malsain parmi l'originalité d'un script usant de faux suspects et estocades meurtrières pour mieux laisser planer l'ambiguïté. 


Dominé par la présence charnelle de Rossana Podestà, le cheminement narratif est entièrement alloué à l'instinct investigateur de son personnage sévèrement malmené par l'entourage familial. Une épouse démunie déambulant seule dans les salles du château entre appréhension et fascination puisque témoin malgré elle du potentiel coupable après avoir subi les visions morbides de cadavres mutilés. A ce titre, on peut mettre en exergue le caractère atroce de la torture du rat lorsqu'une femme est retrouvée la tête encagée avec le rongeur venu lui dévorer la bouche ! Une séquence viscérale assez intense et audacieuse,  toujours aussi impressionnante aujourd'hui, notamment pour l'effet de répulsion causé en caméra subjective et usant (même si discrètement) de gore graphique. Outre la flamboyance gothique de ses décors raffinés, de l'interprétation aérienne de Rossana Podesta et des seconds-rôles taillés à la serpe (Christopher Lee et Anny Delli Uberti mènent diaboliquement la danse !), La Vierge de Nuremberg sait entretenir un suspense affûté lorsque notre héroïne tente avec prudence d'ôter la soutane de l'inquisiteur. Jouant avec l'icône du spectre maudit revenu d'entre les morts pour s'y venger, Antonio Margheriti dépoussière l'épouvante séculaire par le biais d'une intrigue délirante faisant intervenir Spoil ! l'horreur du nazisme et ses expérience médicales officieuses. Le dénouement haletant s'avérant d'ailleurs assez glauque et poignant lorsque le passé traumatique du meurtrier nous est détaillé parmi l'implication d'une vendetta, et ce avant de nous révéler l'apparence sentencieuse de son visage meurtri Fin du Spoiler


Irrésistiblement envoûtant auprès de son ambiance insolite aussi macabre que malsaine et cultivant l'art d'y conter une intrigue à suspense plutôt fétide, La Vierge de Nuremberg créé la surprise d'une horreur hybride Spoil ! en affiliant les horreurs chirurgicales du Nazisme fin du Spoil avec l'intégrisme médiéval. Chef-d'oeuvre gothique iconoclaste au demeurant comme seuls les italiens ont le secret ! 

*Bruno
28.12.22. 4èx

lundi 2 mars 2015

LA PARTY

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site galleryhip.com

de Blake Edwards. 1968. U.S.A. 1h39. Avec Peter Sellers, Claudine Longet, J. Edwards McKinley, Marge Champion, Sharron Kimberly, Denny Miller.

Sortie salles France: 13 Août 1969

FILMOGRAPHIE: Blake Edwards est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 26 Juillet 1922 à Tulsa (Oklahoma), décédé le 15 Décembre 2010 à Santa Monica (Californie).
1955: Bring your smile along. 1956: Rira bien. 1957: L'Extravagant Mr Cory. 1958: Le Démon de Midi. 1958: Vacances à Paris. 1959: Opération jupons. 1960: Une seconde jeunesse. 1961: Diamants sur canapé. 1962: Allô, brigade spéciale. 1962: Le Jour du vin et des roses. 1963: La Panthère Rose. 1964: Quand l'inspecteur s'emmêle. 1965: La Grande course autour du monde. 1966: Qu'as-tu fait à la guerre, papa ? 1967: Peter Gunn, détective spéciale. 1968: La Party. 1970: Darling Lili. 1971: Deux Hommes dans l'Ouest. 1972: Opération Clandestine. 1973: Top Secret. 1975: Le Retour de la Panthère Rose. 1976: Quand la panthère rose s'emmêle. 1978: La Malédiction de la Panthère rose. 1979: Elle. 1981: S.O.B. 1982: Victor, Victoria. 1982: A la recherche de la Panthère Rose. 1983: L'Hériter de la Panthère rose. 1984: L'homme à femmes. 1984: Micki et Maude. 1986: Un sacré bordel. 1986: That's Life. 1987: Boires et Déboires. 1988: Meurtre à Hollywood. 1988: L'Amour est une grande aventure. 1991: Dans la Peau d'une blonde. 1993: Le Fils de la Panthère rose.


Grand classique de la comédie américaine, La Party réunit à nouveau le tandem payant de la Panthère Rose, Black Edwards/Peter Sellers, pour un délire impayable digne des facéties de Chaplin et Laurel et Hardy. Le moteur des séquences comiques fonctionnant également sur la pantomime du personnage principal sujet à moult incidents mineurs mais qui vont rapidement en enchaîner d'autres dans un concours de circonstances désastreuses. La gestuelle et la physionomie décontractée de Peter Sellers déclenchant le rire nerveux dans sa nature inconsciente de gaffeur intarissable.



Incidemment invité lors d'une réception mondaine chez un riche producteur de cinéma, un acteur indien va accumuler des bévues toujours plus catastrophistes et entraîner avec lui les invités dans une hystérie collective ! Immense éclat de rire confiné autour d'une luxueuse villa, Black Edwards utilise l'unité de lieu avec inventivité, le décor amovible servant également de pivot électronique pour déclencher des situations catastrophiques aussi débridées qu'inopinées. Si la présence irrésistible de Peter Sellers doit beaucoup à l'énergie comique de sa discrétion fantasque, certains seconds-rôles (deux des majordomes opérant le service aux invités vont finir par s'affronter parce que l'un d'eux est atteint d'ébriété !) insufflent autant le rire incontrôlée dans leur conflit d'autorité. Par le biais de cette soirée mondaine de prime abord pacifique, Black Edwards se permet un joli pied de nez au snobisme d'Hollywood avec cet indien perturbateur venu désinhiber la vanité des invités. Ce qui culmine d'ailleurs à un final apocalyptique lorsque la réception dévergondée tourne à l'hystérie infantile lors d'un gigantesque bain de mousse causé par le nettoyage d'un bébé pachyderme ! Mais bien avant ce délire orgasmique où toutes les bévues sont déployées avec une frénésie communicative, Peter Sellers aura accompli le tour de force comique de nous amuser dans ses vicissitudes malchanceuses et avant de nous attendrir parmi la chaude complicité d'une comédienne en herbe.


Désopilant et pittoresque dans sa succession de gags jamais à court d'idées saugrenues, La Party n'oublie pas non plus de nous émouvoir par l'entremise d'une tendre romance où la candeur des sentiments effleure la féerie. Transcendé par le tempérament flegmatique du clown Peter Sellers, cette comédie cartoonesque distille un charme, une bonne humeur et une vigueur toujours aussi rafraîchissantes.   

Bruno Matéï
2èx

jeudi 26 février 2015

Le Voyeur / Peeping Tom

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

de Michael Powell. 1960. Angleterre. 1h41. Avec Karlheinz Böhm, Anna Massey, Maxine Audley, Moira Shearer, Esmond Knight, Michael Goodliffe, Jack Watson.

Sortie salles France: 21 Septembre 1960. Angleterre: 7 Avril 1960

FILMOGRAPHIE: Michael Powell est un réalisateur britannique, né le 30 septembre 1905 à Bekesbourne, décédé le 19 Février 1990 à Avening, Gloucestershire. 1937: A l'angle du monde. 1939: L'Espion noir. 1939: Le Lion a des ailes. 1940: Le Voleur de Bagdad. 1940: Espionne à bord. 1941: 49è parallèle. 1942: Un de nos avions n'est pas rentré. 1943: The Volunteer. 1943: Colonel Blimp. 1944: A Canterbury Tale. 1945: Je sais où je vais. 1946: Une Question de vie ou de mort. 1947: Le Narcisse Noir. 1948: Les Chaussons Rouges. 1948: The Small Back Room. 1950: La Renarde. 1950: The Elusive Pimpernel. 1951: Les Contes d'Hoffman. 1955: Oh! Rosalinda ! 1956: La Bataille du Rio de la Plata. 1956: Intelligence Service. 1959: Lune de Miel. 1960: Le Voyeur. 1961: The Queen's Guards. 1964: Le Château de Barbe-Bleue. 1966: They're a Weird Mob. 1969: Age of Consent.


"Selon l'analyse psychanalytique de Laura Mulvey, il existe deux sources principales de plaisir visuel au cinéma : la scopophilie et le narcissisme."

Traitant du thème de la scopophilie (ou scoptophilie), c'est à dire la pulsion sexuelle, le plaisir de regarder l'autre comme objet de plaisir qu'il soumet à son regard contrôlant, Le Voyeur relate la dérive obsessionnelle d'un serial-killer d'un genre particulier. Un cinéaste obsédé à l'idée de filmer l'agonie des femmes dans sa plus horrifiante expression. Car par le biais d'un procédé technique astucieux dont je me tairai de vous révéler, Mark Lewis tue ses victimes à l'aide de sa caméra meurtrière. Si bien que traumatisé dès son enfance par un paternel étudiant ses réactions de peur et de voyeurisme sexuel par l'entremise d'une caméra, Mark désire transcender ces travaux pour façonner un documentaire encore plus édifiant ! Supprimer la vie d'autrui et continuer d'inscrire sur pellicule l'expression de terreur la plus significative au moment suprême de la mort !


« La photo, c'est la chasse. C'est l'instinct de chasse sans l'envie de tuer. C'est la chasse des anges… On traque, on vise, on tire et clac ! Au lieu d'un mort, on fait un éternel. »

Discrédité par les critiques lors de sa sortie en raison de son climat malsain, ses traits d'humour noir et de son sujet déviant impopulaire auprès du public préférant se ruer sur le cas schizophrène de Norman Bates dans Psychose, Le Voyeur pratique la mise en abyme lorsqu'il dépeint l'improbable portrait d'un cinéaste (et photographe de charme à ses heures perdues !) prisonnier de ses obsessions morbides. Sans jamais céder à une quelconque outrance, Michael Powell compte sur le climat malsain d'un environnement cinégénique et sur l'interprétation magnétique de Karlheinz Böhm pour nous entraîner dans un voyage au bout de la peur du point de vue du 7è art. Notamment en nous interpellant sur notre curiosité masochiste face à l'image interdite mais aussi sur nos pulsions sexuelles tributaires de notre instinct voyeuriste. Le pouvoir de l'écran étant également mis en cause lorsque la victime ne peut s'empêcher d'observer la toile pour découvrir avec stupeur l'obscénité d'un snuf-movie ! Pis encore, par le biais de la mort en direct, Michael Powell révèle l'effet hypnotique de l'angoisse, cette terreur viscérale de succomber au trépas par le procédé d'un reflet de miroir ! Quoi de plus horrifiant que de contempler sa propre agonie ! Redoutablement pervers et troublant, le Voyeur traite également du fétichisme lorsque le tueur est incapable de se séparer de sa caméra car n'ayant comme seule attache sa passion artistique avec la volonté de surpasser l'illusion de la fiction. La quête du réalisme le plus intense, sa fascination pour la mort ("si la mort a un visage, elles l'ont toutes vues" exprimera-t'il à sa dernière victime !) le mèneront à une descente aux enfers irréversible où l'expiation sera son seul salut.


L'expression morbide au cinéma. 
Malsain et dérangeant mais redoutablement fascinant et inquiétant de par ses réflexions audacieuses sur la scoptophilie et notre rapport pervers face à l'image tapageuse, Le Voyeur redouble d'originalité pour inscrire sur pellicule le portrait d'une victime ébranlée par ses bas-instincts tout en suggérant la légende urbaine (?) du snuff-movie. Un chef-d'oeuvre iconoclaste redoutablement lucide car traduisant par les névroses du tueur notre propre image voyeuriste !

Bruno 
27.03.24. 4èx. vostfr 4K

mardi 24 février 2015

ANGEL

                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

de Robert Vincent O'Neill. 1984. U.S.A. 1h34. Avec Donna Wilkes, Cliff Gorman, Susan Tyrrell, Dick Shawnn Rory Calhoun.

FILMOGRAPHIE: Robert Vincent O'Neill est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain. 1969: Like mother like daughter. 1970: The Psycho Lover. 1970: Blood Mania. 1973: Wonder Women. 1976: Paco. 1984: Angel. 1985: Angel 2 (The Avenging angel).


Gros succès à sa sortie, tant en salles US que chez nous sous support VHS, Angel surfe sur l'exploitation des Vigilante Movies en vogue au début des eighties. Par le profil ombrageux du tueur et son ambiance nocturne d'une jungle urbaine hantée de détraqués et excentriques en tous genres, cette série B peut évoquer l'excellent Vice Squad de Sherman ou encore le non moins épatant New-York, 2 heures du matin de Ferrara. D'ailleurs, le film eut une telle renommée auprès du public que deux autres volets ont été mis en chantier en 85 et en 88. Ce dernier opus étant réalisé par Tom De Simone, un spécialiste du WIP à qui l'on doit Les Anges du Mal 2, Quartiers de Femmes, Chained ou encore Hell Night dans un domaine autrement horrifique. Le pitch se résume à la descente aux enfers d'une jeune collégienne, Angel, 16 ans, contrainte de se prostituer la nuit faute de démission parentale. En prime, un dangereux psychopathe commence à sévir dans le boulevard de Los-Angeles auquel elle pratique ses activités puisque l'une de ses amies est retrouvée sauvagement assassinée. Alors que la police enquête afin de le démasquer, le lieutenant Andrews s'intéresse d'un peu plus près aux activités illégales d'Angel logeant à l'enseigne d'un immeuble miteux et fréquentant des laissés pour compte.


B movie entièrement bâti sur le concept ludique d'un thriller horrifique mené tambour battant (poursuites et fusillades sanglantes à l'appui !), Angel réussit à susciter l'enthousiasme, notamment grâce à son habile dosage de cocasserie, de tendresse et de dramaturgie. Le récit assez efficace ne cessant de télescoper comportements loufoques de marginaux épris d'amitié pour Angel, tendresse poignante impartie à sa solitude existentielle, compassion d'un flic indulgent, et déambulation nocturne du serial-killer aux pulsions meurtrières erratiques. Si le film fait preuve d'un charme envoûtant dans sa photogénie insécurisante d'un Los Angeles illuminé de néons flashy, il doit également beaucoup de son attrait à la présence extravagante des seconds-rôles (un travelo gaillard, un retraité camouflé en Buffalo Bill, une garçonne braillarde), quand bien même Angel mène la danse avec fragilité et un sang froid toujours plus inflexible. Donna Wilkes se prêtant à merveille dans la peau d'une midinette à couettes bientôt submergée par sa rancoeur expéditive. A ce stade, il faut la voir manier de ses petites mains du gros flingue et courser sur un boulevard bondé de citadins un serial-killer déguisé en hindouiste pour mieux duper la police. Sur ce dernier point, et dans un jeu entièrement mutique, John Diehl compte sur la neutralité de son regard diaphane pour nous retransmettre l'expression dérangée d'un état d'âme sexuellement refoulé.


Thriller horrifique décomplexé par ses moult circonstances pittoresques, sa violence parfois cartoonesque (le carnage dans le commissariat, la poursuite urbaine au final homérique !) et ces instants de tendresse pour la caractérisation démunie d'une prostituée au grand coeur, Angel remplit aisément son contrat de produit d'exploitation dans une facture bisseuse irrésistiblement attractive. A l'instar de son score aux percussions stridentes et des trognes de secondes zone se prêtant au jeu avec une bonhomie communicative. Pour parachever, on ne manquera pas non plus de se réjouir de la stature pugnace d'une Bronson en jupe courte et de l'esthétisme rutilant d'un Los-Angeles noctambule livré aux meurtres et au racolage. 
A découvrir d'urgence pour tous les amoureux de Vigilante Movies, en attendant (avec une certaine crainte) les opus 2 et 3 !

Toute mon affection à CONTREBANDE VHS
Bruno Matéï

lundi 23 février 2015

FOXCATCHER. Prix de la Mise en scène, Cannes 2014.

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Bennett Mille. 2014. U.S.A. 2h15. Channing Tatum, Mark Ruffalo, Steve Carell, Sienna Miller, Anthony Michael Hall, Guy Boyd, Vanessa Redgrave.

Sortie salles France: 21 Janvier 2015. U.S: 14 Novembre 2014

FILMOGRAPHIE: Bennett Mille est un réalisateur américain, né le 30 Décembre 1966.
2005: Truman Capote. 2011: Le Stratège. 2014: Foxcatcher.


Tiré d'une histoire vraie relatant le destin peu commun de deux champions de luttes, deux frères au caractère bien distinct mais à l'esprit sportif incorrigible, Foxcatcher aborde les thématiques de la jalousie, de la rancune, de l'échec personnel et du complexe d'infériorité autour des profils introvertis d'un milliardaire et d'un jeune lutteur en soif de reconnaissance. A la suite du compromis du richissime John du Pont, le jeune lutteur Mark Schultz reçoit l'opportunité de résider dans sa luxueuse demeure afin de pouvoir s'entraîner pour concourir aux jeux olympiques de Seoul de 1988. Si de prime abord, leur relation amicale est au beau fixe, l'attitude capricieuse de John du Pont, son penchant pour la cocaïne et son complexe d'autorité finissent par nuire à l'équilibre sportif de Mark Schultz. En prime, depuis l'arrivée du frère aîné de ce dernier, mentor de lutte affirmé, la relation houleuse du trio va adopter une tournure autrement plus complexe dans leurs rapports de force. 


Film dramatique d'une intensité poignante pour le portrait imparti à trois individus unifiés par la passion mais au style de vie contradictoire, Foxcatcher transfigure leur psychologie torturée parmi la sobriété de comédiens époustouflants de charisme renfrogné. Steve Carrel, méconnaissable, endossant dans une stature aussi rigide qu'impassible l'ambivalence d'un milliardaire rongé par la frustration. Celui de n'avoir jamais pu s'imposer aux yeux des autres comme un mentor reconnu et d'avoir été discrédité par une mère intolérante de sa passion sportive ! Secondé par Channing Tatum, l'acteur lui prête la vedette avec la modestie d'un caractère introverti. Un jeune lutteur aussi fragile que susceptible mais délibérément épris de gagne malgré l'humiliation d'un milliardaire faussement paternel. Enfin, Mark Ruffalo emprunte la carrure virile d'un père de famille aimant et celui d'un coach expérimenté toujours plus soucieux à veiller sur l'équilibre de son cadet en crise identitaire. Devant la caméra virtuose de Bennett Mille, ce trio maudit se dispute le pouvoir avec l'émotion de la réserve, faute de se plier à l'orgueil d'un rupin versatile et avant que les éclairs de violence ne prennent le pas sur la révolte.


Drame humain régit autour de l'échec personnel et de la solitude, réflexion sur l'affirmation de soi et le poids de la jalousie, Foxcatcher aborde ici le problème de la reconnaissance parmi la maîtrise d'une mise en scène épurée et le numéro de comédiens criants d'humanisme contrarié ! Une oeuvre subtile dans sa manière d'ausculter les fêlures intrinsèques de nos témoins, une confrontation d'autant plus intense et douloureuse que la tournure de son final dramatique s'affranchie de manière aussi soudaine qu'inopinée ! Du grand cinéma, humble et remarquablement conté. 

Remerciement à Pascal Frezzato.
Bruno Matéï

RécompensesFestival de Cannes 2014 : Prix de la mise en scène pour Bennett Miller
Festival du film de Hollywood 2014 : Hollywood Ensemble Cast Award
American Film Institute Awards 2014 : top 10 des meilleurs films de l'année
Gotham Awards 2014 : Special Jury Award pour Steve Carell, Mark Ruffalo et Channing Tatum
Film Independent's Spirit Awards 2015 : Special Distinction Award pour Bennett Miller
National Society of Film Critics Awards 2015 : meilleur acteur dans un second rôle pour Mark Ruffalo (2e place)

    vendredi 20 février 2015

    The Town that dreaded Sundown

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site traileraddict.com

    d'Alfonso Gomez-Rejon. 2014. U.S.A. 1h26. Avec Addison Timlin, Gary Cole, Edward Herrmann, Veronia Cartwright, Ed Lauter, Gracie Whitton, Joshua Leonard.

    Sortie salles U.S: 16 Octobre 2014

    FILMOGRAPHIE: Alfonso Gomez-Rejon est un réalisateur et producteur américain, né à Laredo, Texas.
    2014: The Town that dreaded sundown. 2015: Me and earl and the Dying Girl.


    Séquelle d'un slasher de 1976 inspiré de fait réels (d'autres évoqueront l'enseigne du Remake !), The Town that dreaded sundown relate les nouvelle exactions d'un copycat surnommé "le Fantôme" après que la population de l'Arkansas eut été témoin d'une vague de crimes inexpliqués 65 ans au préalable. Alors que son petit ami vient de se faire assassiner sous ses yeux à proximité d'un bois, Jami réussit in extremis à échapper à son tortionnaire. Avec l'aide de la police et d'un acolyte, elle décide de mener sa propre enquête qui l'orientera vers les origines du Fantôme. Dans la mouvance des slashers de commande, The Town that dreaded sundown tire assez bien son épingle du jeu grâce à l'efficacité d'une réalisation épurée et la flamboyance d'une photo à tomber à la renverse. C'est bien là les qualités premières que l'on peut lui prôner tant le film regorge de trouvailles visuelles dans ses cadrages tarabiscotés quand bien même le cinéaste nous façonne des séquences surréalistes souvent imprégnées d'onirisme crépusculaire (la poursuite nocturne dans les champs culminant avec l'apparition sardonique d'un épouvantail sous un clair de lune, l'agression dans la décharge ou celle en externe de l'hôtel !). 


    Si le scénario sans surprise se contente de structurer une investigation de longue haleine régentée par l'héroïne, l'énigme centrée sur l'ambiguïté d'une filiation s'avère assez convaincante même si son final à rebondissement pèche un peu par outrance quant à l'identification du tueur (on peut aussi l'accepter comme un clin d'oeil amusé aux slashers des années 80 !). Pratiquant également la mise en abîme afin de rendre hommage à son modèle, on sent que Alfonso Gomez-Rejon est motivé à respecter la première mouture de 76 lorsque le film est par exemple diffusé à plusieurs reprises dans un drive-in ou dans l'intimité d'un foyer, et lorsque Jami et son compagnon partent à la rencontre du fils du cinéaste où affiches et goodies sont éparpillés sur les murs. Le fantôme du film de Charles B. Pierce semble alors déteindre sur la pellicule d'Alfonso Gomez-Rejon ! Outre la dextérité d'un montage nerveux et d'un esthétisme stylisé littéralement prégnant, l'impact sanglant des meurtres réguliers se pare d'une brutalité taillée dans le réalisme, voire notamment d'une originalité pour l'audace de certaines mises à mort. Enfin, l'héroïne juvénile endossée par Addison Timlin élude intelligemment la caricature de la potiche décervelée dans sa fonction de victime traquée puis d'investigatrice, ou dans son héroïsme de dernier ressort, à l'instar du prologue meurtrier hétérodoxe et d'une poursuite finale assez homérique ! 


    Loin de révolutionner le genre, The Town that dreaded sundown compte sur la forme pour impressionner (et séduire !) le spectateur dans le cadre d'un psycho-killer efficacement géré malgré sa défaillance narrative. Mais le charisme inquiétant du fantôme masqué, la fulgurance de sa photo stylisée, l'onirisme macabre qui émane de certaines séquences horrifiques et sa bande-son incisive le configurent au dessus de la moyenne du genre. 

    Remerciements à Cid Orlandou, Isabelle Rocton et Otto Rivers
    Bruno Matéï

    jeudi 19 février 2015

    AMERICAN SNIPER

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site indiatoday.intoday.in

    de Clint Eastwood. 2014. U.S.A. 2h12. Avec Bradley Cooper, Sienna Miller, Jake McDorman, Luke Grimes, Kyle Gallner, Keir O'Donnell, Eric Close.

    Sortie salles France: 18 Février 2015. U.S: 16 Janvier 2015

    FILMOGRAPHIE: Clint Eastwood est un acteur, réalisateur, compositeur et producteur américain, né le 31 Mai 1930 à San Francisco, dans l'Etat de Californie.
    1971: Un Frisson dans la Nuit. 1973: L'Homme des Hautes Plaines. 1973: Breezy. 1975: La Sanction. 1976: Josey Wales, Hors la Loi. 1977: L'Epreuve de Force. 1980: Bronco Billy. 1982: Firefox, l'arme absolue. 1982: Honkytonk Man. 1983: Sudden Impact. 1985: Pale Rider. 1986: Le Maître de Guerre. 1988: Bird. 1990: Chasseur Blanc, Coeur Noir. 1990: Le Relève. 1992: Impitoyable. 1993: Un Monde Parfait. 1995: Sur la route de Madison. 1997: Les Pleins Pouvoirs. 1997: Minuit dans le jardin du bien et du mal. 1999: Jugé Coupable. 2000: Space Cowboys. 2002: Créance de sang. 2003: Mystic River. 2004: Million Dollar Baby. 2006: Mémoires de nos pères. 2006: Lettres d'Iwo Jima. 2008: L'Echange. 2008: Gran Torino. 2009: Invictus. 2010: Au-delà. 2011: J. Edgar. 2014: Jersey Boys. 2015: American Sniper.


    Pris dans la tourmente d'une guerre irakienne impitoyable et chargé de relever plusieurs missions afin d'annihiler un dangereux terroriste, Chris Kyle finit par accéder à une réputation légendaire, à point tel que le camp ennemi s'est juré de mettre sa tête à prix. Outre le fait pour les Navy de mettre hors d'état de nuire un franc-tireur d'Al-Qaïda, l'absurdité des conflits est notamment compromise par la rivalité d'un redoutable sniper irakien aussi méticuleux dans son sens acéré de l'assassinat. Impression trouble et persistante d'avoir vécu quelque chose d'ambigu à la sortie de la projo du nouvel EastwoodAmerican Sniper distillant une aura de souffre pour l'empathie ambivalente allouée au héros américain. Un soldat destitué de son identité depuis la fin de ses missions car hanté par sa morale et brimé par l'insatisfaction de la victoire. Cet endoctrinement de la violence et de la perversion, comme celui d'hésiter à assassiner un enfant martyr, est établi du point de vue d'un tireur d'élite contraint d'éradiquer homme, femme ou bambin s'ils représentaient une menace létale pour les Navy Seals. Dans sa position de sniper à l'affût du moindre danger, Chris Kyle va au fil des mois essuyer honneur et bravoures tout en se portant témoin des horreurs de la guerre et comptabiliser les victimes des ses confrères sacrifiés au champ d'honneur.


    La manière subtile dont Eastwood aborde aujourd'hui le trauma de la guerre préconise le non-dit lorsqu'il s'agit d'ausculter le comportement névrosé du tueur d'élite prenant goût à la violence pour une cause d'assistance envers les démunis (une doctrine inculquée dès son plus jeune âge par son père !) et de patriotisme (aimer et servir la dignité de son pays). Observant le visage impassible de Bradley Cooper ciblant sa nouvelle proie avec une précision chirurgicale, juste avant d'exercer la détente, l'acteur réussit à imposer un jeu viscéral bâti sur le self-control mais aussi la prise de conscience redoutée de sacrifier l'innocence. Son parcours immoral, sa descente insinueuse aux enfers sont notamment désamorcées par la fatalité d'une ironie acerbe, celle d'un revirement aussi paradoxal qu'inopiné. Outre la virtuosité de sa mise en scène épurée ne sombrant jamais dans la complaisance de l'actionner bourrin, Clint Eastwood filme cette sale guerre avec la grande efficacité d'un montage rigoureux alternant guérillas cinglantes, accalmies de repos et intimité des rapports de couple. Sur ce dernier point, l'incertitude est aussi à l'appel lorsque le cinéaste s'attarde sur le retour au bercail de Chris littéralement hanté par ses démons et son accoutumance à l'exécution sommaire, quand bien même sa femme observe ses névroses avec une inquiétude prémonitoire. Ses épisodes intimistes inscrits dans l'aigreur, l'anxiété mais aussi le réconfort convergent à une conclusion lourde de sens dans sa réflexion admise sur la notion d'héroïsme ainsi que la répercussion de nos actions. 


    Baignant dans une atmosphère malsaine redoutablement insidieuse, on quitte American Sniper avec le poids de l'amertume d'avoir suivi le trajet introspectif d'un héros américain hanté par le regret de ses actes barbares et avant de succomber dans une destinée aussi absurde que sa posture glorifiante d'icone américain. Réfutant la carte de l'outrance dans sa représentation animale de la guerre, le dernier Eastwood risque de faire grincer certaines dents mais il s'agit à mon sens d'un réquisitoire, d'un grand film noble sur la défaite de la guerre et le sens moral de nos principes héroïques. 

    Ci-dessous, la critique de mon ami Gilles Rolland:
    http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-american-sniper

    Bruno Matéï

    RécompensesAmerican Film Institute Awards 2014 : top 10 des meilleurs films de l'année
    Boston Society of Film Critics Awards 2014 :
    Meilleur réalisateur pour Clint Eastwood
    Meilleur montage pour Joel Cox et Gary Roach
    National Board of Review Awards 2014 :
    Top 2014 des meilleurs films
    Meilleur réalisateur pour Clint Eastwood
    Critics' Choice Movie Awards 2015 : meilleur acteur dans un film d'action pour Bradley Cooper

    mercredi 18 février 2015

    TERREUR DANS LA NUIT (Night Watch)

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site ninjadixon.blogspot.com

    de Brian G. Hutton. 1973. U.S.A. 1h43. Avec Elisabeth Taylor, Laurence Harvey, Billie Whitelaw, Robert Lang, Tony Britton, Bill Dean, Michael Danvers-Walker, Rosario Serrano, Pauline Jameson, Linda Hayden.

    Sortie salles U.S: 10 Août 1973

    FILMOGRAPHIE: Brian G. Hutton est un réalisateur et acteur américain, né le 1er Janvier 1935 à New-York, décédé le 19 Août 2014 à Los Angeles.
    1965: Graine sauvage. 1966: The Pad and How to use it. 1968: Les Corrupteurs. 1968: Quand les Aigles attaquent. 1970: De l'or pour les braves. 1972: Une belle tigresse. 1973: Terreur dans la Nuit. 1980: De plein Fouet. 1983: Les Aventuriers du bout du monde.


    Invisible en France depuis plus de 30 ans, plus précisément depuis sa diffusion sur Antenne 2 un mardi de seconde partie de soirée (fin 70/début 80), Terreur dans la Nuit est ce que l'on peut baptiser une relique oubliée que même les fantasticophiles ont tendance à méconnaître du fait de son extrême rareté. Ayant été terrorisé du haut de mes 12 ans lorsque je le découvris pour la première fois chez ma grand-mère, quelle fut ma stupeur de pouvoir retenter l'expérience 30 ans après ma réminiscence grâce à une aubaine inespérée ! Car aussi (faussement) prévisible que la narration le laisse transparaître, Terreur dans la Nuit puise sa densité dans une intrigue délétère redoutablement sournoise, par l'interprétation désaxée de l'illustre Elisabeth Taylor et par son ambiance tantôt angoissante, tantôt oppressante d'une bâtisse gothique renfermant un horrible secret ! Ellen Wheller, veuve aujourd'hui remariée avec un financier, est en proie à la vision nocturne d'un cadavre ensanglanté situé à la fenêtre d'en face d'une maison abandonnée. Dépêché sur les lieux, la police ne constate aucune effraction ni dépouille. Quelques jours plus tard, elle aperçoit à nouveau une étrange silhouette derrière le volet de la demeure. Est-elle sujette à une grave paranoïa du fait de la disparition accidentelle de son mari infidèle ou simplement le jouet d'une odieuse machination ? Et si l'époux était encore en vie ?


    Responsable de deux classiques du film de guerre, Quand les aigles attaquent et De l'or pour les BravesBrian G. Hutton s'essaie ici au genre horrifique dans le contexte du thriller à suspense. Si la trame qui se dessine laisse présager situations éculées par le biais d'une potentielle adultère et de faux coupables, la tournure des évènements adopte une ampleur autrement vénéneuse lorsque Ellen est sur le point de chavirer tout en s'efforçant de faire tomber les masques des éventuels imposteurs ! Sans déflorer plus de détails quant à l'ossature du récit, je peux me permettre de prôner l'intensité de son climat angoissant régie autour de la bâtisse délabrée. Le cinéaste cultivant un goût pour le macabre (notamment ses flashs-back décrivant la vision de cadavres blafards au sein d'une morgue !) et le mystère feutré par l'architecture gothique de couloirs, escaliers et chambres décharnées. Sur ce point, le film s'avère une franche réussite et devrait combler les amateurs d'ambiance opaque tant la scénographie des pièces obscures laisse diluer une atmosphère magnétique sous le témoignage impuissant d'une femme fébrile gagnée par la paranoïa. Quand bien même en externe de cet endroit de hantise, un volet fouetté par le vent n'aura de cesse de la brimer et compromettre la véracité de ses hallucinations. Epaulé d'une partition monocorde discrètement perçante, le film instaure l'efficacité d'un suspense latent rehaussé de la sobriété de comédiens jouant avec l'ambivalence de leur posture interlope. Quand au point d'orgue sardonique, le cinéaste transfigure la tension des rapports de force par l'explosion de violence d'un dénouement aussi terrifiant que sanglant ! Et pour l'époque, on reste encore surpris de la verdeur des crimes sauvagement perpétrés au couteau de cuisine !


    Correctement réalisé et mené avec le savoir-faire d'un cinéaste épris d'autorité Hitchcockienne, Terreur dans la Nuit privilégie la photogénie d'une ambiance nocturne tangiblement anxiogène juste avant de nous ébranler lors d'un final paroxystique ! Une petite pépite du thriller horrifique honteusement ignorée en dépit de la prestance névralgique d'Elisabeth Taylor

    Toute mon affection au blog Les Pépites du cinéma Bis, B et Z
    Bruno Matéï
    2èx

    mardi 17 février 2015

    I ORIGINS

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site en.wikipedia.org

    de Mike Cahill. 2014. U.S.A. 1h51. Avec Michael Pitt, Brit Marling, Astrid Bergès-Frisbey, Steven Yeun, Archie Panjabi, Cara Seymour.

    Sortie salles France: 24 Septembre 2014. U.S: 18 Juillet 2014

    Récompenses: Meilleur Film au Festival du film de Catalogne, 2014.
    Prix Alfred P. Sloan du Meilleur Film au Festival de Sundance, 2014.

    FILMOGRAPHIE: Mike Cahill est un réalisateur, scénariste, producteur et monteur américain, né le 5 Juillet 1979 à New-Haven (Connecticut).
    2011: Another Erath.
    2014: I Origins


    "Chaque personne sur cette planète a des yeux uniques. Chaque oeil abrite son propre univers. Je suis le Dr Ian Grey. Je suis un père, un mari, et un scientifique. Tout jeune, j'ai compris que les appareils photo fonctionnent tout comme l'être humain : ils absorbent la lumière par une lentille et créent des images avec elle. Je me suis mis à photographier le plus d'yeux possible. J'aimerai vous raconter l'histoire des yeux qui ont changé ma vie. Souvenez-vous de ces yeux, souvenez-vous de chaque détail !"

    Déjà remarqué avec le récompensé Another Earth (Prix Spécial du jury à Sundance !); Mike Cahill a de nouveau fait parler de lui chez les festivaliers avec son second long, I Origins, ayant récolté deux prix à Catalogne et à Sundance. En dépit d'une sortie timorée dans nos salles, ce film indépendant d'un cinéaste féru d'astronomie et d'anticipation oppose science et religion à travers le projet improbable d'un jeune savant. Ian Grey est sur le point de parfaire une théorie qui pourrait contredire l'existence de Dieu. Au hasard d'une rencontre, il tombe littéralement amoureux d'une inconnue très portée sur la spiritualité. Par un étrange concours de circonstances, leurs destins vont basculer et remettre en doute les convictions de Ian engagé malgré lui dans un périple initiatique.


    A travers le profil de ce scientifique éperdument athée et ne comptant que sur les mathématiques pour démystifier les fois religieuses, il est étonnant de constater la dérision de ses contradictions sachant qu'en exerçant des mutations sur des lombrics aveugles, il incarne la stature d'un divin délibéré à blasphémer les codes de la nature ! Drame intimiste, romance et science-fiction se télescopent avec autant d'originalité que d'onirisme prude, Mike Cahill empruntant ici l'alibi de la vision oculaire pour mettre en appui une réflexion sur la réincarnation après la résultante d'une stupéfiante découverte permettant de retracer la postérité de nos défunts ! Loin de prendre parti, le cinéaste évite le prosélytisme en privilégiant la force des sentiments d'une romance lyrique où l'identité de l'oeil (fenêtres de notre âme, c'est bien connu !) va bouleverser le scepticisme du héros. Epaulé de jeunes comédiens tout à fait convaincants dans leur fonction investigatrice et leur posture fragilisée, le film fait preuve d'un pouvoir de fascination malgré le caractère prévisible de sa seconde partie. Contemplatifs d'une enquête de longue haleine à travers le pays de l'Inde, nous suivons la quête de vérité de Ian avec l'appui de sa cause scientifique qui pourrait justement remettre en cause nos doutes et nos espoirs sur l'existence spirituelle. Sans verser dans le sentimentalisme, Mike Cahill ne manque pas de nous émouvoir lors d'un passage dramatique inopiné (éviter de regarder le Trailer avant d'avoir vu le film ! ) et lors de plages d'onirisme en accord avec la nature, juste avant de nous bouleverser dans un épilogue salvateur d'une riche acuité humaine.


    Reflets dans un oeil d'or
    Avec originalité, pudeur émotive et une volonté de nous faire voyager à travers la lentille oculaire, I Origins interpelle sur la métaphysique et les diverses croyances sans inciter le spectateur à prendre parti pour telle ou telle cause. Par le biais du progrès scientifique, il cherche également à dénoncer les méthodes sans scrupule de savants utopistes contredisant la foi en Dieu ou bafouant les mystères insondables de l'absolu. Une oeuvre indépendante pleine de sensibilité et d'optimisme car incitant à nous questionner sur le sens de notre identité à travers la théorie de la migration de l'âme ! 

    P.S: Ne ratez pas une révélation à la toute fin du générique !

    Remerciements à Pascal frezzato et Isabelle Rocton
    Bruno Matéï


    lundi 16 février 2015

    A la recherche de Mr Goodbar / Looking for Mr. Goodbar

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site listal.com

    de Richard Brooks. 1977. U.S.A. 2h15. Avec Diane Keaton, Tuesday Weld, William Atherton, Richard Kiley, Richard Gere, Alan Feinstein, Tom Berenger.

    Sortie salles France: 29 Mars 1978. U.S: 19 Octobre 1977

    FILMOGRAPHIE: Richard Brooks est un réalisateur, scénariste, producteur et romancier américain, né le 18 Mai 1912 à Philadelphie, décédé le 11 Mars 1992 à Beverly Hills. 1950: Cas de conscience. 1952: Miracle à Tunis. 1952: Bas les masques. 1953: Le Cirque Infernal. 1953: Sergent la Terreur. 1954: Flame and the Flesh. 1954: La Dernière fois que j'ai vu Paris. 1955: Graine de Violence. 1956: La Dernière Chasse. 1956: Le Repas de Noces. 1957: Le Carnaval des Dieux. 1958: Les Frères Karamazov. 1958: La Chatte sur un toit brûlant. 1960: Elmer Gantry le charlatan. 1962: Doux oiseau de jeunesse. 1965: Lord Jim. 1966: Les Professionnels. 1967: De sang-froid. 1969: The Happy Ending. 1971: Dollars. 1975: La Chevauchée Sauvage. 1977: A la recherche de Mr Goodbar. 1982: Meurtres en Direct. 1985: La Fièvre du Jeu.


    Drame social illustrant un portrait sans concession de l'émancipation sexuelle de la femme au coeur des années 70, A la recherche de Mr Goodbar témoigne de la dérive d'une enseignante scolaire, Theresa, célibataire inflexible au goût prononcé pour les aventures nocturnes sans lendemain. Issue d'un milieu catholique enseigné par un père castrateur, elle décide aujourd'hui de s'enfuir du cocon familial pour vivre son indépendance. Au fil de ses rencontres sexuelles avec des rupins infidèles, phallocrates et marginaux, elle se laisse mener par un mode de vie toujours plus instable, à l'instar d'une clientèle toujours frustrée à l'idée de la soumettre, et de l'émergence de la cocaïne au sein des clubs branchés. Comédie douce-amère toujours plus variable au fil du cheminement existentiel de l'héroïne et des désaxés qui l'entourent, A la recherche de Mr Goodbar progresse sa trajectoire vers le sillage du drame sociétal à travers les tabous en vogue de l'avortement, de l'homosexualité, du porno sur pellicule et de la révolution sexuelle. 


    Avec humour et gravité, Richard Brooks maîtrise le sujet sans apporter de jugement sur la moralité de l'héroïne et met en relief le malaise d'une société fluctuante où les individus les plus névrosés exploitent sans modération leur nouveau vent de liberté. Outre le dynamisme de sa mise en scène au montage inventif faisant parfois preuve de dérision débridée (mettre en image les délires inconscients de l'héroïne lors de ses fantasmes les plus exubérants) et d'une BO entraînante alternant Soul et Disco, le jeu d'acteurs accentue le rythme narratif par leur stature farouche. Ils doivent beaucoup de l'intensité qui émane de leur mainmise à vouloir régir la vie d'Helena. Je pense à la présence galvanisante de Richard Gere dans celui du marginal impudent toujours plus impérieux lors de ses éclairs de violence. Détestable d'orgueil, il invoque la figure du parfait phallocrate englué dans sa paresse et sa médiocrité. Pleine de fraîcheur et d'une élégance longiligne, Dianne Keaton lui partage la vedette en posture d'épicurienne. Une enseignante aussi attachante et studieuse pour la cause d'enfants sourds le jour, que dissolue et toujours plus effarouchée lors de ses nuits lubriques. Une attitude paradoxale d'autant plus édifiante lorsque l'on apprend de sa confidence qu'elle se refuse à enfanter depuis le traumatisme infantile d'une scoliose héréditaire.


    Témoignage caustique de la liberté sexuelle des années 70 où les plus marginaux se laissent vaincre par leur insouciance alors que d'autres continuent de se morfondre dans le déni d'identité (l'homosexualité refoulée de Gary), A la recherche de Mr Goodbar intensifie l'empathie dans le portrait douloureux alloué à une enseignante sur la corde raide. Captivant, insolent et toujours plus ombrageux au fil de son cheminement erratique, l'épilogue effroyable (âme sensibles s'abstenir !) enfonce le clou dans son constat sordide d'une émancipation sacrifiée. Une oeuvre puissante inoubliable. 

    Bruno
    2èx